10 - Aphorismes


Plus je cherche une forme d’harmonie à cette autodestruction que je m’inflige, plus j’y trouve le contentement d’un corps qui se déchire de cette même connaissance.

Le groupuscule des vieux.

Mon désir d’amour va avec la vigueur de mon corps, que dire de ce moi lépreux d’où n’ont pu se dégager que des fantômes sans vitalité !

Dans ces à pics, folie féconde, d’où l’essentiel pompier se détend comme une flèche,y a- t -il la terreur du vide qui puisse se muer en faconde ou en mélancolie ?

Quelques conditions pour la circulation de mon sang:Entrer de plain-pieds dans un idéal, cesser mes vaseuses introspections, m’adresse à ces entrailles qui mendient quelque vitalité.

A l’heure où il faudra jouer au mort, j’aimerais m’entretenir avec ma concierge et lui demander par où et jusqu’à où j’ai été licencieux.

Toutes mes entreprises ont été voués au couac, au couac que le ver accompagne de ses rêveries.

Se tenir à l’écart de cette réalité et de cette suspicion qui nous altèrent parce qu’on y a mis le pied.

La vie est une pratique que l’on peut certainement dépasser sans passer par l’échafaud.

Je ne connais rien qui vaille la peine qu’on me réveille, si ce n’est pour douter sur cette nouvelle somnolence.

Il est hors de question que je pardonne à ceux qui me méprisent de me convertir à des sommeils inventés, à des siestes commerciales.

Que ma foi ait été si soudaine puis rapidement à son terme ne m’étonne pas, je conviens par contre que j’ai délibérément été ivre en l’adoptant, tout comme en y renonçant

Tous mes plaisirs étaient de nature à aussitôt m’en dégoûter, et plus j’usais de ce dégoût, plus je m’y plaisais, je cherche à présent dans le sommeil un remède à la verticalité, et à ce qui fait qu’elle me trouble.

Mon père malade taisait sa maladie, j’essaye de l’imiter dans ce fanatisme du pire mais n’offre que le visage d’un réprimandé..


Je rêve que je me prononce sur le n’importe quoi et n’importe comment, au réveil j’ai l’impression qu’il faut que j’aille me retrouver du côté des débiles entrés en scène comme on entre au paradis.

C’est par notre propre jugement qu’on devient un monstre ou un dieu.

Dans toutes ces évidences qui m’ont vu déconfit et sot, j’ai pu me dire au moins que j’avais un avis contraire aux évidences.

Plus je me suis tu, plus je me suis tué, me restent toutes les imbécillités dont je procède en m’interrogeant.

Comme je n’ai d’intérêt pour rien, je fais dans l’omission de tout, c'est-à-dire de l’homme.

C’est en spécimen que j’ai rôdé autour de l’homme, c’est en crétin qui voit que je m’en suis écarté.

A l’origine de mon origine, la guerre des glandes, une beuverie, et si peu, si peu d’enchantement.

Tout ce que j’ai pu nommer est arrivé trop tard.

La musique c’est du temps qu’on exagère par le sentiment.


La comédie et la tragédie ne se départissent pas du caduc de nos existences, c’est en cela que nous sommes des évidences mortes nées.

Plus mes ennuis prennent de l’ampleur, plus ils me paraissent nécessaires et plus leur évidence me semble être un refuge et un tremplin.

Parvenir, c’est dépérir.

Impossible de me détacher de mon désenchantement, il faudrait un miracle, un miracle ou la mort.

Parfois englouti, touchant le fond, puis revenant en surface avec un flot d’injures.

Toute forme d’élévation est une borne qui me vaut plus d’écœurement que de bienfait.

Tout ce vrai déformé qui fait figurer la réalité comme une veuve qui s’épanche !

M’organisant sans cesse des suicides que je déplace aussitôt, j’ai par la suite la sensation qu’ils me fanatisent dans mes retraits.
 

Ma jeunesse et mon adolescence bousillées par une misanthropie dont j’ignorais le sens, je ne suis plus aujourd’hui capable de m’en défendre si ce n’est en la déplaçant vers le mensonge ou l’abstraction.

Plus révolté que saboteur, plus d’humeurs que d’incendies.

Comme nous enfreignons parfois quelques codes, quelques lois ,nos destinées alors s’allouent le nom de forfait.

Dans mes impasses et impassibilités, j’ai fait figure de bâtard qui ne s’est pas compris, qui a mal médité sur sa naissance.

Etre un démiurge qui a péché par accident.

Avaler, bouffer sa langue pour ne donner aucune explication.

Dans le ridicule des perfections, parfois j’aperçois que célébrer peut faire perdre le souffle, et n‘y tiens pas.

Tant dedans me semble admirable, tant dehors prête à des mitraillages.

Je ne crois pas aux avantages que confère la santé, ni à ceux que procure la maladie, avec ses accès sur le monde devancé par du  neuroleptique.

Tout ce que j’ai désiré, j’en ai aussitôt fait l’autopsie, et me suis dérobé de cette possession pour me perdre dans la misère d’être vu.


Ce n’est pas parce que je me suis tant déchu que j’ai cru incorporé Dieu, c’est parce que j’en ai fait l’examen, et qu’il m’a mené vers d’essentiels mensonges.

La vie n’a de virginité que dans son vaste mépris pour les matières exécrables.

Comme j’ai changé de langue, j’ai changé de hideur, pour n’être le bénéficiaire d’aucun mot mal ajusté.

Après des jours de beuverie, je m’impose quelque diète, quelque jeûne, qui me rendent considérablement secret, jusqu’à en oublier les alcools, mais non les injures faites à mon encontre.

Les trop vivants répugnent à saigner philosophiquement.

Trop dans l’élévation, ou trop dans le secret.

Comme je n’ai rien simplifié, la vie m’est survenue, mais j’ai perdu la vue.

Faire n’est pas dans ma nature, foutre oui.

Je n’assiste aucune vérité qui ne s’est pas avérée dans l’étant de peur de perdre mon côté saillant.


Ne représenter que ce corps, mais jambes et pieds liés, puis leur donner la forme de la perfection qu’il souhaite entre sommeil et ballade.

Toute ma vie se sera tenue entre le poignard et la litote.

Noctambule par thérapie, j’ai longtemps pris place en des lieux où la philosophie tenait lieu de turpitude, entre la rigole et les chiottes, entres les spasmes et les dégueulis.

N’avoir rien à bouger, rien à déplacer, aucun devoir à remplir, si ce n’est celui de ne pas se diviser.

Je me garde bien du devenir, et quel qu’il soit, j’aime mieux dormir dans un corps à ma mesure, qui est le seul genre d’effet qu’il m’est possible de déplacer sans avoir à m’activer efficacement.

A la vérité, tout se meut et se passe sans s’arrêter aux stations de la générosité.

J’irai jusqu’au bout, jusqu’au bout de quoi je l’ignore, mais ce que je sais c’est que je l’aurais craint autant parce que j’ai cherché à le dépiauter, qu’à le signaler par ses interruptions.

Tout est dit, a été dit, mais il reste du reste qui reste à être dit.

Combien de poids, de malédiction, d’opprobre sur les mots, et dire que de toute cette misère je tire encore quelque puissance pour inventer des épitaphes.

Tant j’ai regardé devant moi, que je ne sais plus me retourner pour de la nostalgie.

J’aime l’idée que tout est faux, si un dieu n’y est intervenu fut- ce pour n’y laisser que l’empreinte d’un doigt.

Ma parole est élémentaire comme une terre, un flot, un cliché et se charge de ses propres inconséquences pour un poison qui me tue.

Il n’y a qu’une forme de mal qui génère tous les maux, c’est le mal de vivre qui est pourtant nécessaire pour prendre goût à quelque chose ou quelqu’un, le reste sert à des évidences, à l’écriture, la peinture, la musique, ou aux emmerdements.

Y aura t-il assez d’ennui pour moi, afin que je m’intéresse à la façon de le zigouiller ?

Il faut souffrir au bon moment, c'est-à-dire toujours.

Ma tristesse est de l’ordre d’un toc.

M’étant adonné à des ascèses qui tenaient plus de l’emblématique que du jeûne, je doute avoir été loin dans la cohérence que mérite toute forme de suicide.

M’étant par trop exercé à la pitié, je ne peux plus regarder un vieillard, un boiteux, un mendiant sans aussitôt converser avec lui des heures durant jusqu’à mes propres dérélictions.


Faire le tour de ma vie ne prendra qu’une heure, et encore, une heure de trop.

Au réveil, toujours le même sentiment que je suis en trop, trop où, trop en quoi je l’ignore, mais en trop, et je pars avec ce trop me plonger dans la caféine ou les bavardages selon que je suis de trop plus, de trop moins.