3 - Aphorismes


 

Impossible d’oublier que je fus cet enfant agenouillé sous une croix, et qui priait pour démonétiser Dieu.

Je rêve parfois que je me découvre, je me cramponne à cette idée, je ne m’en divertis que pour aller jusqu’au charlatanisme d’y penser davantage.

En disgrâce depuis ma naissance, c’est cette propriété qui a été mon salut, et me mène dans des insomnies où tout attendrissement passe par une bête qu’on courrouce.

S’inféoder jusqu’à l’échec, tous les échecs, s’en délecter, s’y vautrer comme un soûlard désinvolte.

Les histoires sans superficie me conviennent, elles seules suffisent à me saborder, je pense aux pouvoirs de leurs bassesses, de leurs insanes profondeurs, aux capacités de leurs latrines, me voilà dans du suffisant.

Pessimiste sans talent, je doute avoir été doté de la parole pour accabler ou plaire ;dans la perspective de ne m’en servir que pour aller au sarcasme, au soupir, je m’acharne à la systématiser, à l’avilir.

La poésie fait dans l’anxiété, le jeûne ,la piété, voire dans la désinvolture ;une poésie qui naît du tolérable n’a pas mes lucidités.

Après l’extase du faire, le désastre de ne plus rien pouvoir fonder sans y réfléchir.

J’ai gardé de mes lointains ancêtres voués à la gitanerie, cet art de flotter entre la faillite et la décadence.

Plus je suis désespéré, plus j’abuse de ma peur d’en finir, et me démène dans l’existence comme un inadapté de celle-ci, qu’elle roule et double par souci d’équité.
 

Libérons les heures de leur carcan ,allongeons nous, voyons combien leur mécontentement est dérisoire à côté du nôtre.

Dix millions d’idéologies ne suffiraient pas à me corrompre, à m’ancrer dans une foi, j’ai le désir de ne m’en remettre qu’à moi, et de ne m’allonger qu’à la fin, tout à la fin.

Généreux, sage ;raté, oui !j’ai voulu y parvenir me voilà engourdi et plus complexe encore, comme si je m’étais endormi dans l’indolence d’un animal qui hiberne.

Le réel est insupportable, le virtuel tout autant, simplifions nous l’existence dans une hystérie à notre mesure.

Singe rêveur que la dégénérescence des hommes pousse au rire, j’ai parfois quelque stupeur à la pensée de me planquer dans ce type qui réfléchit et n’en tire aucune force, aucune farce.

L’absurde sensation d’être nous dévie du dessein de victime.

J’écris par devoir et déception, je suis cet imposteur disloqué entre le plagiat et l’authenticité, tous deux transfiguration d’un état d’ébriété ou parfois de larve munie d’une plume.

Tout ce qui ne dure pas en nous, nous tient éveillés ,tout ce qui y est en suspension étend sa morve et sa sanie.

Cette obsession de la louperie, de l’échec ;comme si en exagérant leur objet, j’avais la possibilité extrême de m’allier à Dieu sans le contrarier.

Double tristesse, celle d’être et de ne le pouvoir que sans profondeur.

C’est un fait que toute conversation me fixe dans une épreuve que je n’ai pas regardée d’assez près.

A mes yeux toute vérité diminue dans l’empathie, la seule qui mérite quelque attention est celle que génère mes détracteurs.

Le dire ne me console pas de ce silence auquel je tiens, comme à une vénérable maladie.

Si je devais ajouter un exemple à tous les exemples qui m’ont été donnés, je ferais dans l’insalubrité, et rien d’autre !.

Si je manquais de manques, combien je serais malaisé, voire triste, avec des motifs pour l’être.
 
Dieu absent, malade, les bénitiers font dans l’énurésie.

Toutes les confessions me ramènent à moi, vers ce conspirateur qui chuchote et s’étrangle.

Que de fautes qui nous donnent du prestige !

Scélérat lié au néant, j’ai des écarts consacrés, que la machinerie du subir pousse vers des dégringolades.

Insatisfait, las, aucun évènement, ne peut, ne pourra mieux m’arranger que ma dernière exposition.

Il m’est impossible de dialoguer avec moi, la saveur de le savoir me donne quelques prérogatives sur mon corps.

Prendre une pause, s’arrêter entre la litote et le masque, dans le linéaire de leur hantise.

Tout récit traduit la forme obscure du dire, qui se définit parfois par une psychologie qui ne nous est d’aucune contribution.
Les ascensions suggèrent l’œuvre.

L’écriture et la peinture, j’y ajoute l’amour, trois des formes que j’ai choisies pour m’épuiser.

L’action nous place au centre de tous les manques.

Si je pouvais de quelque manière que ce soit contribuer à la vie, je contribuerais à la rendre impossible.

Je crains de ne pouvoir être qu’ incertain.

Inanité de mon émancipation, j’oublie toujours que je me suis fixé dans les anomalies du verbe, dans ses manques, et qu’il m’est impossible de traduire toutes ses érosions.