Aphorismes 228

 

J’écris pour me pencher sur moi, je me penche, et je tombe comme saisi par la main d’un diable boiteux qui s’est avéré par le mot.

Vie : sous produit de la matière, que le temps par convention use, jusqu’à ne plus avoir une haute idée de lui-même.

Une douleur à notre mesure est une douleur inaperçue.

Je cherche un sommeil approprié, afin de ne pas m’imposer dans ces siestes là qui commandent aux tourments et aux petites mièvreries des maux sans avenir.

La douleur est un fait personnel, pourtant nous nous y démenons comme s’il était un fait commun à tous, et que tous ont rendu contagieux par le simple acte d’en parler.

Restons incurables ;c’est le seul moyen de n’être pas pris dans la faillite d’un mourir innommé.

Je ne peux rien faire de ce que je n’ai su faire, c’est cela aussi mon inconfort.

Être demande du fermenté.

Dans l’éventualité d’un marasme sentimental, je me suis jeté dans la lassitude de mon propre corps, et mesure combien je n’aurais plus à m’époumoner dans les chiffons sales du désir.

S’ajoutent à mes silences tous mes vertueux mensonges, entre mes arrêts et mes absences, entre mes échappatoires et mes soupirs, et là encore la divine morve me fait verser dans la voix suave d’un nocher qui ronfle.

Nous atteignons tous à la dignité quand notre ignorance nous désarticule devant un autel ou un ostensoir.

Rien ne pourra m’être enseigné qui n’ait été éclairci par la connaissance d’un qui vit retiré de toutes les sphères ajourées.

De toutes les visions que me donne le monde, celle qui me restera atteindra à la blancheur idéale d’une vierge qui marche dans la neige.

Dans cette lassitude où même les objets sont en mal d’éternité, je ne distingue plus l’existence que comme un manque d’esprit.

La solitude est affaire d’arithmétique, j’y dénombre les ultimes moments où j’ai approché des déserts de proximité, et ne suis parvenu qu’à rendre provisoires toutes leurs fermentations.

Las de m’entortiller dans des accomplissements, je cherche à ne rien faire sans que ma vie n’en soit emplie, puis repliée.

Dans la soudaineté des exercices de la raison, parfois une odeur d’éternité me rend à la fièvre du faire, je ramène une nouvelle fois tout à moi.

Puisque tout savoir, vaut ne rien savoir, je vais chercher une voie à l’élimination des parallèles.

Ma vocation est de m’époumoner contre la fatuité, toutes les fatuités, fatuité suprême.

Lorsque je dirige mes pas de bouges en bordels, en plein essor dans cette foutrerie sans rémission, il me semble que tout le ramassis de mon être cherche un royaume pour y nicher ses scléroses.

Le jour et la nuit touchent à la débandade, et je ris de tous ces poissards qui vont vers les passions et les crimes.

Dans ces jours où toutes les expressions de mon cynisme ont des relents de pouffiasseries établies dans les crépuscules, je vais tel un prince défroqué crever dans les latrines.

Vivre demande quelque force bien employée, et quelques faiblesses mieux appliquées encore.

Heureux, qu’aurais je pu promouvoir, que me serait-il venu en esprit, qui n’aurait été dépositaire ni de la mort ni du néant, et que j’aurais du montrer comme venu à moi en une seule face ?

Rien d’intense n’aura jamais été à ma portée.

Ma haine du genre humain est édifiante, et plus je la confronte à la foi plus elle m’envenime jusqu’aux ricanements.

Combien après les plaisirs m’est nauséeuse toute cette chair entretenue, prescription de sang et de mensonge, et qui toujours me conduit aux anémies.

Toutes mes attitudes sont des attitudes de retrait, j’ai beau faire l’obligé, je reste toujours comme un enfant retenu après l’étude et qui n’apprend rien.

 J’ai tant manqué de repos, que je ne sais plus si la proximité d’un lieu idéal pourrait redorer ma fatigue d’une exaspération dans ces mêmes éternités.

 
Tous les jours, atteint par le dégoût ocre d’exister, je vais dans l’idée d’un devenir désastreux, pressé d’y installer mes ostentations, d’y dégueuler toutes mes hémorragies.

L’idée d’une pureté originelle m’apparaît comme l’accoutumance à un Eden, où l’on ne serait tenté que par le métier de mentir proprement.


La désolation ne désole plus personne, regardez notre siècle, il songe déjà au suivant pour y déployer toute la lumière de nos errements.


J’entrevois la nature de l’homme comme un éternel étiage, et s’il ne l’est point, c’est qu’il est resté un singe approprié.


Et Dieu vit que je vivais , depuis je ne l’ai pas revu.


À un moment ou un autre il faut tout dénier de l’existence, c’est un exercice précurseur qui prélude de ce futur cadavre que nous serons et qui ne subira plus le charme des dernières prières tant  il a commis de chienneries.


Le seul qui puisse pardonner mes excès de fureur, c’est moi, pourquoi, parce que j’ai appris que j’’y étais bien portant.


Il faut ruser avec le temps, le temps est usure simplement parce que nous sommes des forcenés de l’existence, si nous nous l’étions pas,  nous insisterions davantage sur la réflexion  qui nous y mène.


Je brasse de l’ennui  comme d’autres embrassent une femme, je suis prédestiné au lit, mais ni avec l’un, ni avec l’autre.


Toutes mes conduites m’ont amené à de l’irréparable, l’irréparable c’est ce qui se fait de mieux lorsqu’on a choisi de se mettre un colt en bouche.


Ciel d’automne, crâne automnal, et les idées que je cultive dans l’impassibilité le sont tout autant, je ne veux rien en  atteindre dans ce qu’elles m’ont tordu, ceci est de propre nature.


Je vais de déséquilibre en déséquilibre, je ferme les yeux pour me laisser submerger par le corps d’une femme qui sait écrire le verbe "Martyriser" autant que "Sarah Bernhardt" sans faute d’orthographe.


Batterie de sens, batellerie dans une felouque sur de troubles eaux, c’est cela ma vie, et je ne suis pas mis sur mon trente et un…


La logique a cela d’insupportable, elle vient toujours dans la bouche de  ceux qui rajoutent de  la signification à leur abondance de paroles.


Je lis et je relis une lettre que m'adresse D, des mots, dont tout une couturée d'ancienneté subie, manque juste la légère musique de ce qui nous étranglera.


J’ai pris un arrangement avec la vie, je laisse le temps de côté-là où il occupera tout le terrain, une fois occupé, j’y accèderai avec dans mes mains un filet et une machette pour sarcler mes ennemis.


Le zéro absolu est-il  inaccessible aux clandestins de la raison ?


Je me rassure en me disant que j’ai réussi à  éviter bien des catastrophes dont celles d’exister, dans toutes les réductions qui m’obligeaient autant à disparaître qu’à grandir.


Vivre est un crime obligé.