Aphorismes 227

 

 

Et si l'Eternité s'était emballée dans notre sang.

Qu'ai-je accompli d'inavouable qui m'ait conduit dans la soif de mourir, si ce n'est d'avoir voulu regarder chaque être comme cette part de moi-même qui suinte ou qui luit ?

Sous quelques latitudes que je sois, ma mélancolie (centre que je déplace) s'insinue en chaque objet et y déporte triomphalement mes anémies.

C'est assez de vivre tout contre le suicide, sans lui demander de cadrer avec notre face.

Perpendiculaire et parallèle à mes pensées, ma quantité de conscience se dirige aussitôt vers la mort ou le pire des entretiens.

Plus rien n'est respirable, j'use de l'artifice du survivre, pour organiser ce qu'il me reste de jours à errer et à composer avec toutes les retenues.

Comment éprouver ma lâcheté,si ce n'est en invariant,tout au long ce ce parcours,que mes sensations de traîtrise ont jalonné comme en un bourbier?

La vie n'est remarquée et remarquable que dans la fraude,et ces règles qu'on enfreint,pour entrer de plain-pieds dans une rigidité à haut risque.

Un exclusif de la façade,un pataugeur du dedans,et de l'intégrité,de l'intégrité pour des remous ou de la nausée.

Pressenti pour ne pas durer,tous mes suicides reportés n'ont été que de sombres humeurs,de sombres rumeurs aussi,la nostalgie de ceux ci parfois me happe encore,pour me marquer de ruptures et de vacillements.

Sans appui,sans assistance,inapte à m'étayer,ma quarantaine m'amène à des réflexions sur le secours,le recours que je n'ai su dispensés à personne et qui me pèsent comme de hautes révoltes.

Tant me sert d'être seul que je ne sais plus de quel côté me tourner,pour agrémenter ma vie,pour prier ou vomir.

Rien que je n'ai privilégié,et qui ne m'ait conduit dans le supplice ou la supplique.

Conçu pour un jour dévier,j'ai pris le goût de n'avoir ni maître,ni tuteur,et de ne ployer que sous la charge de mes propres discernements.

Mon impertinence est un sauf-conduit,ma nature est toute entière dans ce discrédit,ce Waterloo,je ne m'en accommode que pour rester à jour,à l'heure,l'heure d'être moi et sans équivoque.

Perdre son temps et ruminer sur cette perte.

La mort c'est du rattachement,le nouveau lien d'avec la matière.

J'ai pris le parti de la folie douce,pour décrier le miracle de me savoir sain,mais illusoirement.

Je hais l'Homme,,et plus je m'interroge sur cette haine,plus je lui pardonne,plus j'ai hâte de m'en éloigner .

Un désert perpétuel,mais où il fait bon douter,mais honorablement

Je hais l'homme ,et plus je m'interroge sur cette haine,plus je me hais moi même,voire davantage.

Mot après mot,passage après passage,gré après gré,de la rage,ou quelque chose de pire.

Point de doute qui ne m’ait mené à en rire, de cette conception sont nées mes soifs de désastres, mes excuses et ce discernement qui ne me faisaient ni paisible, ni pénible.


Le plus petit de mes éclats me met dans la position de ce malade qui vomit et qui geint et s’en veut d’avoir fréquenter l’homme.


Peut-être indigne de pratiquer Dieu, j’ai choisi l’excuse de m’en être éloigné sans que cela devienne un évènement.


Toute action à cela de malhonnête qu’on la veut comme une hypothèse de construction, alors qu’elle n’est qu’une élévation des membres.


Que les mots restent mes hontes et mes poisons, afin que je me corrige de cette misère à ne pas parler sans motif.


Revolver ou verbe, mais sans toutes les précautions de la gâchette ou du subjonctif.


La compréhension de tout ce que j’écris m’échappe parfois, mais je l’écris, et c’est cette écriture qui m’amène à respirer et à  transparaître.


Je ne suis bien qu’avec moi, avec moi je suis seul, et seul je m’ennuie, puis l’ennui m’amène aux événements, voire au ridicule d’être seul et le jauger.


Vigoureux et viciés, voici les hommes déjà debout en route pour l’enfer.


Revenir de l’ennui en mécontent, y être entré en pamphlétaire.


La fonction de l’irréparable et de nous abattre, de nous faire présumer de nos forces, seul moyen de veiller à ne pas trop nous écarter de nos misères.


Ma retraite sera dans cette nuit, où entre la note et le poignard, s’élèvera un univers en épilepsie.


Devrais-je ma fortune aux mots, mon salut au gribouillage, que je ne changerais d’avis sur leurs propensions à semer de la merde un peu partout.


Rire et une interjection au milieu d’un cercle de litotes.


L’ivresse m’a fait défaillant, et de cette défaillance sont nées mes terreurs et mes modesties.


Inélégant mais pas morveux ni verbeux, je tiens de ce personnage qui cherche dans l’excuse à s’appliquer et à s’expliquer.


Pour un vocabulaire névralgique, qui sitôt qu’on en userait nous déchirerait la langue, nous brûlerait le palais.


Est ridicule tous ce qui est surhumanisé et prête à l’indéfendable.

L’écriture est la version atomique de la parole qui passe par cet aveu de détourner notre équilibre, pour se faire appeler simulacre.


Dans la débâcle d’exister pour soi seul, et en dehors de toutes les définitions, l’homme s’avère être le plus fumeux de ses inconvénients.


L’univers tout entier se déséquilibre en s’inscrivant dans l’homme.


Le sérieux est encombrant, il nous donne un air de victime qui entretient des insomnies.


Se glisser dans ces vulgaires existences, pour approcher l’existence même !


Subir l’idée avant que nous ne l’abaissions, avant qu’elle ne nous subisse !


J’ai passé des nuits entières à me discréditer, à me déséquilibrer, pour parer au grand jeu des démonstrations outrancières, pour ne pas entrer dans les facéties de mauvais aloi.


Etre en proie à cette noblesse ouatée qui nous oblige aux molles existences, et nous conduire.


J’ai mal à mon âge, je suis un retardataire de la paralysie d’exister, un myotonique de nature, un impuni du vivre, je suis en villégiature dans un corps et un siècle qui ne me sont pas bénéficiaires.


Aucune forme de pouvoir ne me sied, je cherche à m’en guérir, à m’en débiner par du silence, mais qu’est le silence, sinon cette charge qui me rend lourd et intolérable, un autre pouvoir ou je suis incapable de couver le plus petit des secrets.


J’ai le goût de la lucidité, peu s’en satisfait, le flou est à mes yeux de cette vacance qu’on ne peut combler qu’avec tout ce qui peut advenir et qui n’advient pas.


Je ne peux supporter la parole plus d’un quart d’heure, après je perds toutes mes civilités.


Toutes les variétés de l’amour sont inscrites dans nos trahisons.


J’ai trop peu d’intériorité, je me suis indexé à cette inféodation de rester en surface, et sans respirer.


Mélange d'humeur et de vice, voici le ciment qui tend l'homme, précipité de toutes ses maladies.


Toutes les œuvres sont ces gestes pillés dans les rejets du mot et de l'image.

La vie, ces dispositions du temps et de l'histoire que le hasard rend nécessaire pour ses impropriétés.


Etre au contact du virtuel et s'enfoncer dans la mollesse du dormir.


Laissons le débraillé des cellules et des neurones nous désespérer de ces ordres voués aux articulations du corps en proie aux hystéries.


Dans la boulimie des contresens de ce siècle, les obsédés du verbe trouvent une parade à leur légèreté en l'utilisant comme une anomalie.


Se déchoir dans l'appétit des remords et des masques.


Investi de toutes parts par les molles condoléances du vivre, j'entre en religion pour me désagréger de mes intentions d'homme.


Oublier jusqu'à la chimie ordurière des origines.


Il faut toujours se délier, se déliter pour se rencontrer ailleurs que dans ses propres formes.


Toute cette sacralité salie par la glose trop vaste de ceux qui ne jurent que les poings fermés.