Aphorismes 216

L’ennui nous fournit autant de fadaises que l’éternité, l’ennui, c’est l’état larvaire du temps où on ne compte plus.

Promontoire de mes idées, de mes idéologies, la chaise reste pour moi une forme d’indisposition qui m’envoie sur les trottoirs.

Une douleur aboutie nous rend aussi fécond, aussi orgueilleux que si nous avions gravi un Ararat.

Effroyable siècle, on peut y crever en spécialiste ou en larve, nous y serons toujours considérés comme des défecteurs de métier, qui se sont pointés entre le zéro et la marge.

Superficiels, nous nous serions peut être désespérés de ne rien comprendre, pas même notre propre simulacre de vivre.

L’amour glorieux bave sur les effectifs de ses victoires à domicile.

Je débouche sur l’insomnie toutes les fois où j’ai acquis un avantage, sur quoi, sur qui, c’est bien là le sujet de ces veilles ?

Vivre est une étourderie qui n’exclue pas la lâcheté de s’y cramponner, comme le dernier arrivé ,et qui pose son assise sur un strapontin.

Amour :tempête, sauvagerie des muqueuses..

Ne s’attendre à rien, et pourtant toujours guetter dans la perspective d’une horreur ou d’une renaissance, signes géologiques du tremblement, qui éveillent en nous la vague idée d’un amour qui se déroberait sitôt atteint de cécité.

Il faudrait être ivre ou débile sa vie durant, pour ne résister à rien et tout porter jusqu’à la goinfrerie.

Délicieuse inertie que celle de se perdre dans ses tares, ses vides, puis déficient et las, sortir de son élément pour entrer dans une église.

Quand l’homme se blesse ou se décompose, Dieu parfois lui pose des bandelettes.

L’ennui reste mon slogan le plus appuyé, si je ne m’y étais tant converti, j’aurais certainement œuvré, pour quoi, pour qui, je l’ignore, je m’endors ainsi sans fermer les paupières.

Certains élans nous font rayonner, l’antidote à ce bonheur est dans la mesure, la mesure et sa ribambelle de superlatifs.

Exaspéré par tout ce qui est normal, qui se lit ouvertement, qui est sans énigme, en surface et sans envergure, et où je glisse, je glisse…

Dans cette apathie où Dieu meurt collectivement, qui pourra nous vouer au mystère et à ses artisanats ?

Tant de certitudes qui me font accéder à la fiction d’un déséquilibre habitable.

Seul au milieu de tous mes personnages,et qui m'exaspèrent jusqu'au désenchantement

Civilisation d’oeuvrants que la verve à réduit à la misère d’étalée.

Vivre, c’est mal se fréquenter.

L’homme, une variation entre une faillite et l’excuse.

Triompher de quoi que ce soit me paraît suspect, je préfèrerais entrer dans l’histoire par l’imposture de ne rien avoir réussi.

Sceptique, mais dans le pire et non l’à peu près.

Point de doute qui ne m’ait mené à en rire, de cette conception sont nées mes soifs de désastres, mes excuses et ce discernement qui ne me faisaient ni paisible, ni pénible.

Le plus petit de mes éclats me met dans la position de ce malade qui vomit et qui geint et s’en veut d’avoir fréquenter l’homme.

Peut-être indigne de pratiquer Dieu, j’ai choisi l’excuse de m’en être éloigné sans que cela devienne un évènement.

Toute action à cela de malhonnête qu’on la veut comme une hypothèse de construction, alors qu’elle n’est qu’une élévation des membres.

Que les mots restent mes hontes et mes poisons, afin que je me corrige de cette misère à ne pas parler sans motif.

Révolver ou verbe, mais sans toutes les précautions de la gâchette ou du subjonctif.

La compréhension de tout ce que j’écris m’échappe parfois, mais je l’écris, et c’est cette écriture qui m’amène à respirer et à  transparaître.

Je ne suis bien qu’avec moi, avec moi je suis seul, et seul je m’ennuie, puis l’ennui m’amène aux événements, voire au ridicule d’être seul et le jauger.

Vigoureux et viciés, voici les hommes déjà debout en route pour l’enfer.

Revenir de l’ennui en mécontent, y être entré en pamphlétaire.

La fonction de l’irréparable et de nous abattre, de nous faire présumer de nos forces, seul moyen de veiller à ne pas trop nous écarter de nos misères.

Ma retraite sera dans cette nuit, où entre la note et le poignard, s’élèvera un univers en épilepsie.

Devrais-je ma fortune aux mots, mon salut au gribouillage, que je ne changerais d’avis sur leurs propensions à semer de la merde un peu partout.

Rire et une interjection au milieu d’un cercle de litotes.

L’ivresse m’a fait défaillant, et de cette défaillance sont nées mes terreurs et mes modesties.

Inélégant mais pas morveux ni verbeux, je tiens de ce personnage qui cherche dans l’excuse à s’appliquer et à s’expliquer.

Pour un vocabulaire névralgique, qui sitôt qu’on en userait nous déchirerait la langue, nous brûlerait le palais.

Est ridicule tous ce qui est surhumanisé et prête à l’indéfendable.

Toute chance m’apparaît comme de l’ordre d’une imposture.

Pour n’avoir pas su rester dans la ruine, j’aurais été secondaire dans un monde qui ne m’aura pas séduit.

Solitude introspective d’où je tire ma vanité pour refléter tous mes ennuis pris à la racine, toutes mes mélancolies prises à leur source.

Modéré, mais avec du crachat et de la lèpre pour chacun.

On ne peut être mieux desservi que par soi-même.

Méfiez vous des discrets, ils sacrifient à leurs paroles leur soif de se taire pour nous égarer dans leur perplexité.

Employez-vous à rester ce sceptique que la vie corrompt pour ne pas le mener au vandalisme de la parole.

La certitude n’est pas de l’ordre de la perfection, la perfection et dans la quête, toutes les quêtes qui prêtent  à l’insoluble.

C’est mon incompétence qui m’a fait déceptif ; sans anomalies je me serais égaré dans la peau de ce personnage que rien n’exaspère, si ce n’est Dieu.

Les apparences s’arrangent avec du possible pour nous mettre sur la piste du glossateur.

Se débarrasser du réel, et plonger dans le doute et ses engourdissements.

Qu’ai-je acquis qui me donne envie d’acquérir, rien, et ce rien m’engage dans la négation ?

S’affréter pour de l’ennui et ne lâcher du lest que ne pour être abattu, abattu mais en fonction.

Faut-il avoir raison de la raison, pour par la suite crouler sous les emprises des folies nécessaires ?

C’est par amour pour le naturel que j’ai si longtemps utilisé les douleurs et les couleurs comme telles.

Les gens sérieux se distinguent des autres par leur disposition à voir de la médiocrité en tous lieux.

Je vais vers le mieux quand le moins bon à exagéré son emprise sur le réel.

Une civilisation de roulures jamais n’en finira de perpétuer sa race.

On voudrait croire que l’esprit est sociable, l’esprit est aussi effrayant que la santé ou le poison.

Toute poésie consiste à vouloir rester vierge, et à n’être déflorée que par ceux qui sont se lassés de la contempler comme telle.

Tous ce qui est considérable est pervers.

Toute métamorphose est l’œuvre d’un démiurge généreux qui s’enorgueillit de ses facéties en allant dormir dans l’homme.

Chacun n’existe pas.

Les nuits que l’on aliène se souviennent de nous en nous donnant plus tard des lits dans les hospices.

Les victimes sont terrifiantes.

J’exagère tout ce qui se cache, comme si l’art de tromper passait par un entretien avec ses démons intérieurs.

Arrive que l’amour soit propre, ainsi la sale besogne est encore pour soi.

Le bonheur a été inventé pour nous gâter ces jours où notre conscience cherche un malheur à sa mesure.

La sagesse si profonde soit elle, ne peut léser que ceux qui penchent pour les heureuses superficies.

Je n’ai qu’un mot à vous dire : crevez.

Je ne suis pas généreux, j’ai la générosité du côté de la crapule.

L’intérêt que j’ai pour l’inutile me vient de ce que je regarde le monde comme tel.

L’imagination est ce qui nous dérobe au monde, la réalité est assez perfectionnée pour que j’y trouve ce qui aurait du s’offrir à moi ailleurs que dans celle-ci.

Un type, c’est un personnage sans nom.

Vieillir c’est passer du temps à le chiquer.

L’avenir aura les veines chaudes, n’embarquez pas sur des coutres de papier.

Le mot triomphe dès lors qu’il se veut scandaleux.

Écrire, est toujours envoûtant, c’est justifier de la vie avec les mots de tous.

Un homme silencieux est toujours près de la vérité.

L’ennui est injuste, il n’y a que chez les faiseurs qu’il est profond.

La sympathie, c’est du fanatisme au premier degré, c’est prendre sans méfiance les chemins d’un bourbier.

On n’est jamais ouvert que par ses propres clefs.

Le tragique à un rival : le secret.