Aphorismes 215

Pour toucher à la vérité, il faut être en crise, et rien d’autre.

Tout ce que nous faisons et dont nous avons rêvé nous donne suffisamment de raison de ne rien concevoir d’autre que du rêve.

Entrer dans le sommeil en infidèle, en sortir en condamné.

Toute une vie dans l’aberration de cette vie, dommage qu’il n’y ait rien d’autre de plus intolérable encore.

On dirait que pour qu’il soit un Néant, il faut qu’il y ait des sous couches au Rien.

Est dans ma curiosité tout ce qui a triomphé de la matière organisée et s’est opposé à de la vitalité.

Ma souffrance n’est pas une défaillance, en dehors des maux que suscitent les deux, il me reste assez d’écœurement pour ne pas l’épuiser en une seule fois.

J’ai des sensations à tiroir, dont l’intensité varie selon que je sois disposé à l’ennui ou à la dégringolade.

A supposer que tout ce qui a été conçu le fut pour être endommagé, de quel côté rangerions nous Dieu ?

Peu perspicace, je me suis intéressé à l’existence par étapes et cela engloutit plus que ça ne relève.

Je n’ai pu me réaliser, c'est-à-dire que je n’ai su souffrir mieux et davantage.

Jour après jour, s’irrégulariser.

Selon que je m’isole ou multiplie mes rapports avec le genre humain, je vais de l’aveu au désaccord,sans vouloir passer par l’indécision.

Mots :sécrétions entre souffre, souffrance et sanie.

Est supportable ce qui ne supporte aucune trace de cadavre.

Rien de ce que nous lisons n’affleure à nos destinées, voilà pourquoi nous nous glorifions par nos propres mots.

Etre tient du prodige et de la redondance.

Prier, vomir, oui, mais en état d’ébriété !

Au plus fort de mon ennui apparaît le scrupule, avec ses hésitations et ses indemnités, c’est là que je m’endors.

Mes plus hauts faits resteront dans le respect et dans l’inclination.

J’ai perdu tout ce que j’ai adoré au contact de l’amour et de la philosophie.

Tout ce que j’ai attendu est venu avec les effusions de la parole, voilà pourquoi j’opère dans l‘ébriété et le retrait.

Quel dommage que mes misères ne me préservent d’aucune intégrité, pas même de celle du dormir.

Toute forme d’ébriété doit à la parole ses propres ébriétés.

Au regard du Temps, la vie restera trace.

La plupart des réponses viennent toujours à propos, mais combien hélas se sont muées en opinions avant que d’être autopsiées.

Il y a des lieux où tout ce qui est transitoire, est chargé de nos vies communes, et s’oriente vers le label.

En dehors de l’imagination, que possédons nous, pour nous dérober à nos énormités de survivant, et qui pense à tort ?

Dieu que l’Autre est nécessaire pour vomir !.

S’interrompre dans toutes ses courses, ses prolongements et prolongations, voire ses scandales, et ne plus pouvoir se passer de la défection.

Un corps mal élevé, dans les formes honteuses du mentir et du dormir .

En vérité je n’aurais recherché que des modes d’expression, qui se sont inclinés vers la paresse ou l’oisiveté.

Ma chance aura été que mon amateurisme fut sans rapport avec mes convictions.

J’aurais mieux fait de périr pour une raison, une bonne, que de traînailler cette petite misère qui sied tant aux biens portants.

Être exige qu’on le dérange.

Si je m’étais épargné l’idée du suicide, me serais je retourné sur cette supériorité que confère l’absence d’illusions ?

Diminué, vers quelle solitude, où vaincre tient de l’ineptie, vais-je, sans passer par la Question !

Toutes les conversations m’emmerdent, à l’évidence je ne cherche qu’à fréquenter des reclus ou des revanchards qui usent du mot comme d’une obsession, voire avec désespérance.

Après tous ces examens sans nuance, j’ai le sentiment que je suis un mélange de mitrailleuse et de vinasse.

Dès qu’on s’insurge contre soi-même, entre la crispation et l’indolence, on est pris d’un malaise aussi théâtral qu’une conviction.

Qui n’a pas rêvé d’un essentiel progrès où chacun concourrait à clore ses yeux et à s’oublier.

Plus je franchis de degrés dans la raison, plus la douleur de n’être pas resté inconsistant me rend incommode.

Être ébloui par du final !

Tel fait dans la compassion qu’il signe là un de ses forfaits.

Je garde le souvenir de toutes mes irrégularités, c'est-à-dire de mes émergences dans l’homme.

Sceptique au point de tout vouloir régir par de l’irrésolution, me voilà en résidence dans de l’indéfendable.

Rajout à ma vocation de tout louper, un malaise persistant entre les vacillations et la condescendance.

Ce qu’il faut de concessions pour n’être pas un mélange de sicaire et de délateur.

C’est parce que j’ai le sentiment de connaître l’homme depuis longtemps, que depuis longtemps je suis malade de cette connaissance.

Tous les jours trop loin de moi, je m’égare, et suis amené à me comporter comme un ermite dans la foule, et qui avance d’un seul et identique pas.

Vivre, c’est se déshumaniser.

Tant d’heures, tant d’erreurs, tant d’horreurs, tant de misères et d’insanes constats, qui me séparent de l’homme, et dans lesquels je ne suis qu’un sous multiple énoncé comme tel.

Combien dans mes soûlographies, j’ai été dans l’immédiateté de ces hommes, dans l’hiver de leur nature, sans enfance ,et sans espace de jeux.

Toute forme de souffrance est de se rattraper de DIEU.

Si seul un trait devait me figurer, ce serait l’oblique.

Du sur place, de l’espace en plan, et rester dans la posture d’un déséquilibré qui tournoie, qui tournoie.

Combien j’aurais aimé avoir une mission, et user de la réplique comme on se sert d’un revolver, ou d’un verbe unique.

Jusqu’où peut- on développer une idée, sans qu’elle ne se rapporte à quelque idée du monde, et nous échappe aussitôt ?

Je déchire une lettre que j’adressais à une femme, aussitôt retombe ma fièvre, encore une idée de pire, encore une idée qui meurt avec des mots que je ronge.

Bien que je ne sois ni réellement entré en moi, ni réellement sorti je me sens plus à l’abri au dedans, qu’en dehors.

Pour un ministère où l’on gérerait toutes les rancœurs.

Dieu que j’ai opéré dans les déséquilibres, pour rester dans l’imminence d’un coup du sort.

Ai-je jamais su me dévier d’autre chose que de la vie ?

Pas question d’être seul verticalement, il est temps que mes retraites me mettent jusqu’à l’abri de n’en plus pouvoir parler.

Du désert où la parole m’a révulsé, je reviens avec la vitalité d’un fossoyeur.

Mériter tous les pires pour mieux s’affranchir du meilleur !.

Toute pensée qui me ramène à l’autre pue, combien j’ai cru que cette assertion avait quelque légitimité qui me donnerait envie de durer.

On rentre dans la vie comme on rentre dans un bordel, pour y voir les désastres ignorés de toutes les familles.

Rien en dehors de l’insulte, de la colère ou de l’ennui ne m’ont donné suffisamment de mots pour mieux les assister.

Apprendre à devenir ce que nous étions avant de naître.

La vie est un avant projet de la matière.

Asialique :combien j’aurais aimé m’épuiser dans le crachin ou le venin.

J’assiste à mon existence comme si je ne pouvais plus la voir que du haut des gradins, et j’en pleure, et j’en vomis.

Tous les moyens sont bons pour tourner le dos à l’existence.

Jour après jour des restrictions, à cela près qu’elles conviennent à certains, et éprouvent les autres, quant à moi, je fais dans l’entre deux.

Si j’en juge par ce que j’écris, j’ai toujours été un vieillard avec des façons de midinette.

Je songe parfois à la vie que j’aurais eu si j’avais été jusqu’au fond des choses, et j’en ris tant je soupèse toutes mes tares.

Seul je ne me satisfais qu’à moitié, parmi les autres également, il faudra bien que je ne sois plus le jouet de toutes les demi mesures que je me suis imposées.

Rien de ce que j’ai prédit ne s’est avéré, j’ai trop simplifié l’avenir pour qu’il figure autre chose que le grand foutoir de l’ennui.

Ma curiosité m’a trop poussé jusqu’à l’insanité du voir.

Nous nous exténuons à créer quelque œuvre qui devrait subsister, quand le Mystère y réussit d’emblée.

Être c’est s’acharner et se décharner de révélations.

Entre l’orgasme et l’effondrement, secondes et éternité, s’est glissée la vie pour porter le deuil des deux.

Si toutes mes déceptions ne m’étaient pas destinées, comment aurais je pu augurer de ce luxe de la nocivité, et qui va si bien à tous ceux qui se vautrent.

La connaissance se rétablit dans la fidélité.

Nous avons été conçus pour pourrir, pour témoigner de ce fumier originel, voilà pourquoi notre vie durant, nous salopons tous les lieux qui nous ramènent ,nous rappellent ce postulat.

Tout à la fin, devient t-on réellement objet, ou pouvons nous encore susciter quelque forme d’élévation, qui ne tienne ni de la prière ,ni du savoir.

Il y a des jours où l’on se pose tant de questions, que toutes nos sensations en deviennent des calamités ou de l’indiscernement.

Tout m’aura gâté, mais chacun de mes actes aura nourri d’autres santés.

Tandis que je suis encore de ce monde, je perds de mes dégueulasseries, pour n’avoir rien d’autre de méprisable à vomir ailleurs.

Le monde est ainsi fait qu’il met l’espèce sur le chemin de l’idée et du pire, pour qu’il se joue de l’espace et du temps.

Le comble de l’ignorance serait de les mépriser toutes, aux dépens de la nôtre.

Mon régime m’inspire du dégoût, je fais dans l’anti- totalitarisme, autant dire dans la perpétuité de cette histoire qui ne recycle plus que du mépris.

Désabusé !mais cela est –il vérifiable ?

Tous les malheurs du monde restent à l’extérieur de cette sphère où j’appréhende la vie, où je la perds sans avoir voulu m’y livrer.

 Inambitieux au point de me discréditer aux yeux de tous, je vais de plain- pieds dans une réalité qui ne reflète que mon non sens, et je médite.

Vivre serait un apprentissage que je serais un mauvais apprenti, vivre serait une carrière que je ne monterais sur aucune estrade.

Toutes les créations sont du marasme inventé pour des êtres affaissés dans leur méditation.

Croire nécessite quelque effacement.

Je respecte ma conscience dès lors qu’elle m’oppresse.

Ma retraite sera un de mes mouvements les plus sains, les autres auront servi à me mettre en exercice.

Comme je n’ai pas su faire dans la nuance, je me suis épuisé dans du semblable, et parmi les miens.

Je doute que nous ayons quelque chose à voir, qui n’ait été sali avant.

Rien d’honorable que je n’ai pu écrire et qui ait été commis dans la grâce d’une déveine ou d’une soûlerie.

Peut-on reprocher aux hommes d’avoir été aussi distants ?

Les réclusions suscitent parfois des commentaires sur la souffrance ou l’œuvre.

Dérangé, et si vivement, que du plus ancien où je me vautre je ne peux échapper ni à l’injonction, ni au latin.

En une seule journée, perdu tant de fois, et tournant autour de la connaissance, sans pouvoir y ajouter du terme ou de l’infini.Aujourd’hui, j’ai si peu d’audace, que même armé, je ne saurais éviter le folklore de la paresse.

Dans cette obscurité où de diurnes dieux font dans l’insolence et le forfait, je ramène à ma vue des mineurs ensommeillés, pleins de fièvres et de fureurs.

Cette déception si ancestrale et que je traîne, doit-elle m’épuiser ou me mener vers la prière, ou puis je y accéder sans les déséquilibres qu’elle détend ?

Je conçois la vie comme un éloignement, et ne sais substituer à cette idée de distance, qu’une autre idée d’espace et d’intervalles, aussi détestables que les mathématiques que j’ai mal pratiquées.

Trente ans après avoir lu Lautréamont, après avoir voulu ressembler à ce prince halluciné qui pose son front sur le marbre froid, je me demande si je n’aurais pas du aboutir dans la peau d’un instituteur en vacances.

En définitive, j’aurais mieux fait de ne rien vouloir contenir, ainsi mon cerveau n’aurait été qu’une anomalie, une de plus et rien d’autre.Dans cette quarantaine où je ne me démène plus, je joue un malheur possible contre un malheur providentiel.

Ne plus accrocher à ses soupirs le redoutable moment de respirer.

Mon corps est à l’image de ma vie, altéré et sans secours, je cherche une idéale inertie, comme une offense de plus, comme une incitation à en finir.