Aphorismes 212

L’amour est une tromperie des sens qui se répète jusque dans le souvenir qu’on en garde, quand on a été assujetti à ses assèchements et à ses glaviots.

Mes agitations commencent par un regret et finissent dans la vulgaire moribonderie d’un assisté que le pathétisme pousse dans le mécanisme du vivre, encombré par toutes les innocences, par toutes les formes obsolètes de ses propres vulgarités.

Que fais je sur cette terre ,si ce n’est d’y entendre des hymnes, funeste consolation d’un pour qui la musique ne fut qu’un réel étouffement ?

Le monde n’a de valeurs qu’ajustées et ajoutées, et nous les mesurons dans l’insane volupté de l’amour et de la nostalgie.

L’art est un instant exténuant où nous puisons du cliché et de la nostalgie pour de l’effet et de l’apparat insupportables.

Mourir introduit en une femme comme en une tombe anticipée…

Dans la mélancolie tout est insupportable, et ce qui ne l’est pas le devient.

Je souffre d’une absence de souvenirs comme un damné de son châtiment, et dans mes marges, mon cerveau élève des musiques effroyables par leur cérémonial.

Il y a tant de solitude dans mon sang et jusqu’à mes os,que je ne sais plus où la placer sans qu’elle me donne le sentiment de l’ensevelir.

Tout se réduit à l’homme et le traverse.

Dans cette thérapie de la rédemption qui ne me fait entendre l’homme que comme un tumulte, je tente de me perdre en appels, de me pétrifier dans mes honteux soupçons.

J’aime que les voyages me rendent tristes, et que le ciel évoque un Staël suicidé, indifférent à mes secrets et à mes peurs.

Les points de suspension sont des yeux morts qui fixent les parallèles de nos désenchantements.

Plus remonte le ciel, plus l’existence me pèse comme un objet retiré d’une noyade ou d’une confession.

Maladie, accoutumance des désastres virtuels.

La musique restera un de mes ressentiments, combien j’aurais aimé que brûlent toutes les partitions, pour qu’un feu éternel s’accorde à mon malheur de n’avoir su la comprendre, à la retenir.

L’aise nous limite dans le champ des prodigalités.

Mineurs sont tous mes mensonges, mais j’en possède tant, que je peux vivre sans m’acharner à des vérités muettes et aux assagissements qu’elle commande.

L’éternité me donne suffisamment de motifs pour ne pas entrer dans ses actualités.

Terroriste de la connaissance, mes désenchantements touchent à sa charge, à la grâce épuisante de toutes ses sonorités.

Vivre est une audace, un abord dans l’ardeur, de celle qui gonfle nos veines et qu’on met au compte de l’amour ou de la fatigue bariolée des faussetés de notre ego.

Dans les après midis de ma pensée, les quarts sont parcourus par des anges aux aguets dans ma barbarie de les décomposer.

Je me réduis de toutes mes sensations dans cette quarantaine sans croyance, où tous mes abîmes sont regardés par les yeux insanes des frontaliers du pleur.

Trois ou quatre degrés au-dessus de ma désolation, une désolation plus vulgaire, tendue comme des haubans, comme des traînées de peur.

Je resterai un bénévole nuancé que l’expérience de la misanthropie a fait échouer dans du culte.

La souffrance obéit à la vie, et dussions nous nous conduire sans en être affectés, elle sera toujours une forme de vitalité qui cherche à s’accorder à notre état de perpétuel moribond.

De pratiquement partout, je suis pétrifié par du remords.

Dépositaire d’une ténèbre, le peu de chose que je sais de l’existence me vient du sang et du berceau.

Pourquoi sous les ciels gris, les existences semblent des natures affectées par la neurasthénie, ou la pâle lumière d’un cœur qui se languit?

Je suis encore vivant ,et c’est cet encore si excessif soit-il ,qui contient toutes mes lucidités.

Il est de l’odeur violette du gisant comme d’une évanescence abjecte, et qui s’épuise dans les formes muettes de la mélancolie.

Je me vois parfois comme un Adam voûté et qui s’engourdirait dans ses premières virginités.

Mes circonstances auront été que dans tous mes désastres, je n’ai jamais voulu avoir accès à des crimes orchestrés comme des soupirs longs et violents.

Seule la souffrance peut nous faire comprendre qu’en toute chose, une ineffable pureté cherche à concilier notre être avec ses dénégations.

J’ai souvenir que dans mes confusions sentimentales, le corps d’une femme me rendait incurable de mes appréhensions.

Je ne cesse d’avoir peur de ne pouvoir recouvrer tous mes esprits que dans un cimetière.

Aux accents violents d’une gorge qui se noue, j’ai préféré le silence avec ses frémissements, ses tremblements, pour m’absorber de mes profondeurs.

Je me dois de rester dans cette grâce hygiénique commandée par le diktat de l’amour, pour qu’aucun dégoût ne me donne l’avantage d’un individu qui laisse des traces.

Toute lucidité est déterminée par la logique du vu et du su, chacun correspondant à la fièvre introduite dans la séduction.

Le temps me semble parfois être une palpitation de sens filtrés par la fadaise du sentiment.

Quand le corps est conscient qu’il procède tout entier d’une insuffisance temporelle, il ne nous reste plus que nous appliquer à mourir.

Dans mes couchers tardifs, après les libations, plein des anciennes proximités, il me semble que mon cerveau tout entier est sous la responsabilité d’un être malade de ses profondeurs.

Jetés dans l’existence, les hommes n’ont pas suffisamment de poids pour y ancrer autre chose que leurs erreurs crépusculaires.

La solitude est une anticipation de ce néant dilaté qui transforme le vivre en terreur ou en drame.

Dans mes nocturnes expiations ,il me semble entendre une femme qui marche sur le gravier d’un cimetière, et qui perd l'équilibre sur la face d'un être disparu dans une noyade.

Dans la nausée, rien de religieux ne vaut d’être servi si ce n’est le sommeil.

Tant mon besoin d’indispositions est grand, que ma fébrilité s’étend du matin au soir comme l’ombre d’un esprit ulcéré par ses exils.

Pas plus l’alcool qu’une femme idéale ne peut me faire entrevoir cette âme déliquescente oubliée dans l’enfance et qui s’est substituée à ma profonde nature.

La création s’est faite dans un hiver, dans les septentrions du cœur ,les Arctiques d’un esprit obnubilé par la blancheur.

Je n’ai d’idées qu’au lit, et combien elles sont extrêmes, combien elles sont appliquées à toutes mes reculades.

J’ai à mon égard des réactions gâtées, et dans cette griserie de la débandade, je n’use que de verbes hypertrophiés et intolérables.

Rien d’ancien qui ne me parvienne sans que je lui intime de m’écœurer.

La douleur m’est venue comme une faveur pour douter efficacement de tout et de tous.

Tout meurt de n’avoir pas ou mal abouti.

Dans mon folklore de mon intarissable besoin de douter, j ’ai encore l’audace d’afficher la face d’un spectre qui s’éclaire par ses propres infatuations.

Mes fatigues sont des ordinaires portés jusqu’à la manifestation.

Dans la lourde perplexité de me définir, je mets le mot « Foutre »et le mot « Abstention »,tous deux rares velléités auxquelles je puisse encore prétendre.

Voilà que je trouve encore des formules pour m’éclairer, et voir combien je reste en contact avec mes vacuités et mes inopérences.

J’ai cherché à saper toutes ces parts de moi où du dégoût s’immisçait, pour qu’aucun de mes actes ne soit un premier lieu, une virtualité évidente.

Ce qui est rend obsédant des justifications qu’il commande ou demande.

Je n’ai connu de bien être que dans le mal être de toutes mes méprises, de toutes mes opérations externes.

Il faut penser à ce que nous aurions été si nous n’avions pas été, pour comprendre ce que nous sommes.

Je ne me pardonne pas de tant me déployer pour des grâces suspectes, que les filles entretenues mettent sur le compte de leurs gesticulations.

Toutes les glorioles que j’ai pu tirer de mes philanthropies m’ont donné l’abject sens des turpitudes de l’esprit et du cœur.

Je voudrais que n’ayant plus d’effort à faire, mon corps entier se convertisse en contorsions musicales, en prismes à prières.

Dans cette tradition de vivre, quelque réaction que j’ai, elle va toujours à la tristesse, à la croix, en passant par l’imposture des stations où je me suis encanaillé.

A l’odeur de l’homme on connaît ses dépravations, et cette façon qu’il a de se tourner vers le temps pour optimiser ses satiétés.

Combien j’aimerais que mon corps tout entier sente l’encens ou la naphtaline.

J’ai borné tout ce qui me poussait à l’assise, à la halte ;j’attends aux pieds d’un calvaire qu’on m’emploie pour la férocité de mes soupirs, pour acheminer du bordel dans la rigueur des salons.

Est élu celui qui dans une époque sans excuse la pratique, pour évoquer autant l’ébriété que la larme, autant la prière que la musique.

J’ai été trop pressé d’entrer dans la vie pour m’y dépêcher aux raisons et aux concepts.

M’étant adonné aux règles et immodérément, je n’ai connu  de fainéantise que dans les neuroleptiques.

Affligé dès ma naissance du virus de l’ordre, j’ai beau eu être tenté par de l’égarement, je n’ai jamais rien pu concevoir d’autre que de l’apathie, du réfléchi ou de la pause.

Sachant que tout se perd, je n’ai gardé qu’un semblant de lucidité pour cet allant qui va de la tentative à la fatalité, pour des moments institués comme des régences.

Devenir gentiment rudimentaire, par l’abstinence et la dérogation.

J’ai chiqué toutes mes résolutions pour m’échouer parmi les hommes, sans déborder et sans emploi.

J’aime et je le camoufle, cette parité m’est tenue pour une astuce dont j’use, ne voulant pas être compté au nombre des menteurs assermentés.

Je resquille dans l’impudeur de toutes ces réalités, et le paye des années plus tard dans les funérailles de l’affect…

 Où serais-je à mon avantage sans être finissant ?

Ce besoin de tout perdre, de n’être pas éclairé, de vaciller, il faudra bien qu’immanquablement il concerne le monde.

Impulsif, je serais resté indemne si une seule de mes idées ne m’avait mis hors de moi.

Attentif, appliqué à moi, rien qu’à moi, et dire que je me dessers tant sans y prendre garde.

De sorte que jamais je ne sois un exemple, je me dois de résider ailleurs que dans un lieu commun.

Toutes ces années où agonir a eu mes rendements, et où je n’ai prié que par déception.

Survivre à toutes les faillites, à toutes les déceptions, et ne plus se compromettre avec les pharmaciens.

Accès de fièvre et de fureur ;ne pas guérir, ne pas prier, et toujours ignorer que la douleur tient du savoir et du repentir.

L’ennui me confère cet air de religieux déçu, qui plus il regarde vers Dieu, moins il veut s’en approcher.

Dépossédé, mais pas monstrueux.

Engage gagne.

Ce sport trop sec.

Constitué par tous les échanges entre embonpoint et félicitations, comment pourrons nous goûter à la débâcle si un tout petit emmerdement nous fait reclus ?

A l’évidence tout ce qui m’est intolérable nourrit certains, mes déficiences sont alors entre amnésie et anémie.

Vivre dans l’insulte, survivre dans son surmenage.

Toute lucidité sépare en nous le dormeur du raisonneur, pour donner au premier la saveur de calomnier.

J’ai renoncé à être ignoble, je survis dans du mécontentement.

Dans ces arrêts répétés, strates ignorées, quel sang plus bas que le mien pourra me donner la grâce de renoncer à la vie, sans m’en apitoyer ?

A portée des amitiés complémentaires, comme autant de regards sur ses propres latrines ;est-il dès lors nécessaire de chercher une autre pestilence ?

La curiosité m’a poussé aux méprises ;je me contente désormais de lieux communs pour plonger mes yeux dans leurs insalubrités.

Évitez les temps morts, ces repos pour vous livrer au cauchemar de crier vos propres défaites.

Entre les autres et moi, un enfer de subordination, un complément de trop.

La littérature insolente, perverse pousse jusqu’à l’obscurité le lecteur honteux de n’y trouver plus d’ignominie.

Inspirer, expirer, inhalation, exhalaison ;au risque de subir le souffle comme un substitut au verbe, je préfère renoncer au premier plus qu’au second.

Certains culminent dans cette propreté d’être, et voudraient que je me compromette dans le commerce de leurs pommades.

Le hasard tient de l’imposture et du superlatif.

La tristesse m’a assuré du service de la raison, et par là même d’être et de me réduire.

Plus je fréquente l’homme, plus je cherche dans la désinvolture à mêler rêveries et réalités.

Tous en expansion, quand il ne faudrait qu’une régression de  et homme qui récidive.

Replié sur mes gouffres, sur mon idéal, je garde malgré tout l’aisance d’un qui a tenu ses promesses.

J’aurais recours à la parole quand la parole sera un recours ,et non une obligation.

Rien de bénéfique qui me fasse aimer la vie, jusqu’au fond de toutes choses, la matière se gargarise de ne pas être solvable, ce fait me fatigue.

Il m’est impossible de penser à quelque performance que ce soit sans soupeser cette vulgarité d’organes,  qui nous élève sur les estrades et les podiums.

Toutes mes réflexions me mènent à l’idée du suicide, c’est pour y remédier que je cherche un creux idéal, une œuvre de vie et de démesure.

Vie, simulacre de la matière, tribulations de la chimie, et dire que pour pousser l’écœurement jusqu’à l’homme, il a fallu qu’un dieu s’interposât.

Voir, c’est veiller sur les autres.

J’ai déjà atteint au sublime de la perte, et en suis revenu plus humble que si j’avais été libéré d’un forfait que j’aurais voulu commettre.

La nuit, effrayé par l’idée de ne pouvoir m’endormir, je construis des souvenirs que personne ne peut vérifier, faute d’être entré dans mes faveurs.

J’ai soulevé des idées lourdes d’autres voix, lourdes de leur propre ruine, et m’y suis enfoncé comme en un abîme de tourbe et de dégueulis.

L’odeur de ma tristesse tient de la déveine et de la biologie.

Quiconque n’a pas pénétré dans ses hivers, ergastule de mauvais sentiments ,du désenchantement, ne peut comprendre que l’existence cherche un autre territoire pour s’y verser en expansions.

La musique me rapproche toujours de ces éternités débarrassées d’autrui.

Je cherche un immense déversoir pour y couler mes jours de fièvres et de pénuries ,et n’en ressortir qu’en adulte assermenté.

Plus je conçois l’existence comme un horizon luisant de miasmes putrides, plus les jours me semblent véreux de ces invertébrés qui s’étendent jusqu’à ma couche.

J’ai éparpillé tant de mots ,mais restent à paraître ceux qui voûteront davantage mon existence, ceux qui seront le portefaix de mes exagérations.

Fasse que chacun creuse sa propre tombe, s’y ensevelisse sans passer par les tremblements des vains triomphes, des vaines vanités. 

Résonnent encore en moi ces nuits où l’éternité n’avait pas trouvé de venin pour m’en endormir.

Je me suis dispersé en foutreries d’âme et de corps, l’idée même d’y dénouer mes passions ne m’a pas atteinte dans ces déjections, je veux échapper à cette inclination en restant en dehors, mais en dehors de quoi ?