Aphorismes 210

Toute une vie pour réussir à périr honorablement.

Au flingue je préfère le poignard pour chouriner et voir jusqu’où la chair nous soutient.

J’aspire à des paix que j’exècre aussitôt de peur d’y mourir éthéré.

J’assiste à des exécutions où j’ai été juge et bourreau, sans supposer que je puisse en être affecté.

Tant de théories coïncident avec ce que nous espérons, que nous pouvons nous tromper mille fois et toujours retomber sous le coup d’un bon sens quelconque.

Je suis aux antipodes du rire, mais pour une grogne aussi vénéneuse que vénérienne.

J’ai hérité d’une gloriole que la diane a aussitôt camouflé tant elle s’approchait de l’homélie.

Je n’ai rien à donner si ce n’est de l’hypothétique pour des massacres qui le sont moins.

Ayant répugné aux manifestations charnelles, mon corps s’est tourné vers l’affligeante prostration des horizontalités.

Egal à moi même et à mon âge, c'est-à-dire pataugeant dans des vides à ma mesure.

Tout ce que j’écris et ai écrit m’a été dicté par de la sentence et de la lâcheté.

Je ne me suis surpassé en rien et mourrai en dégradé.

Vivre ne cessera pas de s’abstenir.

Parfois sans rapport avec celui que je crois être, j’augure d’une perte qui sera ma seule exception.

Ma jeunesse trop infectée et infestée par les songes m’a vu renoncer à la phtisie des mots, au cloaque où ils font loi.

Rien que je n’ai réellement constaté et qui m’ait aussitôt abattu...

Vivre prête à la capitulation autant qu’à la verticalité.

Ma misanthropie, faute d’égard, m’a vu ruminer sur ce bien que j’aurais pu dispenser si je ne me ruinais en déceptions.

Je suis un courageux trop tôt achevé, tant il a produit d’énergie pour s’en imprégner.

L’œuvre atteste de l’idée et de sa conversion.

Le savoir sert au dégoût de s’apercevoir que sans lui la vie n’est que bassesse et servilité.

Tant l’art exige d’effort qu’il doit bien servir un dieu qui s’est voûté pour le contempler.

A tant trahir, l’homme finira bien par en faire de la spontanéité.

J’ai gâché ma vie en flâneries et errements, mais n’ai rien gagné en repos ou en prières.

La lumière nous désole parfois de nous faire pressentir la même chose que l’ombre.

Bilan d’une journée, d’un mois, d’une année ;vide et désolation.

Venir au monde pour y être insensé et finir dans une cellule.

Rien qui ne m’ait illuminé, je cherche dans un avènement un peu de lumière, une part de salut.Je ris de tout par besoin, j’en souris par dépit.

Combien j’aimerais écrire sur la douleur mais sans en être affecté!

De toutes les espèces ,l’homme est la seule qui connaisse l’humiliation.

La misère de ne rien créer répond à mon besoin de déception, à mes infirmités.

La colère et la maladie à bien des égards ont des similitudes, toutes deux s’irisent au noir dessein de nous faire rire ou pleurer après coup.

Pris en flagrant désir, mais tout autant de délit de fouinerie, tel un faune qui échangerait sa proie pour un regret à venir.

On ne peut rien me demander qui ne tendrait à me ruiner ou à me déshumaniser.

Ce qu’il y a de plus intime et de profond chez l’homme tient du personnage.

Toutes ces obsessions trop flasques pour que j’y accorde de l’importance, combien elles ont contribué à mes constats sur l’inutile et l’inutilisé.

Fabriquer de la reculade et du renoncement.

Trace de scandale dans mon inaction, mais trace combien précieuse tant elle préside à quelques sérénités.

La vie est intolérable lorsqu’elle n’est pas énergique, quand elle le devient, elle est inacceptable.

Dans mes dialogues avec la bête il y a de la compréhension et du superlatif.

Je m’exerce à de l’essentiel mais sans aucun argument.

Rien de plus exaspérant que cette anxiété qui n’a rien de spirituel et rien pour me corrompre.

Elle a des odeurs de cidre prise dans ses nauséeuses gestations.

Sourd à cet animal, qui faute d’un corps à sa mesure s’est chargé du mien, j’ai opté pour la solitude comme on entre dans une bibliothèque pour n’y rencontrer que des mêmes pris dans l’extase d’une identique position .

Le leurre nous déchoit jusqu’aux troublantes inimitiés.

L’intérêt que j’ai pour tous les inconforts prévaut sur cette même indignation, qui va vers les mieux, qui sied à tous les pires.

Plus rien à inventer, mais il nous reste suffisamment de curiosité pour nous pousser vers ce qui survit.

J’ai beau insister sur ma survivance, elle n’est en fait qu’un scrupule qui de toute évidence me range dans la vie malgré moi.

L’essentiel se laisse difficilement approcher, à la réflexion, il faut le recréer ou le mériter ;c’est qu’il reste, se terre par delà nos exagérations, par delà nos dires et nos délires, il réside dans cette prime jeunesse qui tait la prolixité et s’auréole du premier mensonge.

Les moribonds disent que tout ennui est mortel, c’est l’outrance des biens portants que de s’épancher sur l’effacement ou le suicide .

Parallèlement à cette inertie qui me rive au lit des journées entières, mon cerveau mange mes souvenirs, s’en délecte, ;tant d’images, de répliques ingurgitées et qui ne me font ni repu, ni affamé, je cherche dans la verticalité à n’en pas paraître affecté.

Depuis que je survis, je me sépare de l’homme, j’entre dans cette décomposition amorcée dès ma naissance, je bave, j’éructe, je dévoile des secrets ;après je me désole comme un renégat déçu par les mirages qu’il a engendrés.

Toute lucidité est outrance, restons confinés dans nos répulsions à voir clair, afin de ne pas nous dégrader en calomniateur ou en pamphlétaire.

L’artifice a tant eu mes avantages, que j’ai l’air d’un promeneur qui plus il lève les yeux, moins il paraît surmené, moins il évoque la marche et ses ascendances.

La vie offre des éteignoirs autant aux sens qu’aux bougies.

Je resterai ce paresseux discrédité et disqualifié, parce qu’il n’ a pas voulu s’entretenir.

Combien j’aime l’idée du suicide et les personnages qui s’impliquent dans mes préférences.

Cette part dégénérée de moi, envers que je supporte, voltige qui va du lit au divan, en passant par le pathétisme de l’amour.

Dieu sait ce qu’elle doit à mes frémissements de lui, et à ceux de cet au-delà où l’on meurt sans atrophie.

Qu’est ce qui a pu me rendre intelligible sinon l’alcool, cette variété d’extinction, ces élans dans la terrifiante sensation d’être en un seul jet, une seule et subtile douleur, une seule conscience, mais maudite.

L’expérience du crépuscule m’apparaît comme le désir de m’épuiser ailleurs qu’en moi même, là où tout devient funèbre sitôt qu’on y réfléchit.

Qu’y a t-il après les larmes que je n’ai pas découvert, et qui me rend aussi pitoyable que si je n’avais pas eu de guide ?

Toute une vie dans l’aberration de cette vie, dommage qu’il n’y ait rien d’autre de plus intolérable encore.

On dirait que pour qu’il soit un Néant, il faut qu’il y ait des sous couches au Rien.

 Est dans ma curiosité tout ce qui a triomphé de la matière organisée et s’est opposé à de la vitalité.

Ma souffrance n’est pas une défaillance, en dehors des maux que suscitent les deux, il me reste assez d’écœurement pour ne pas l’épuiser en une seule fois.

J’ai des sensations à tiroir, dont l’intensité varie selon que je sois disposé à l’ennui ou à la dégringolade.

A supposer que tout ce qui a été conçu le fut pour être endommagé, de quel côté rangerions nous Dieu ?

Peu perspicace, je me suis intéressé à l’existence par étapes et cela engloutit plus que ça ne relève.

Je n’ai pu me réaliser, c'est-à-dire que je n’ai su souffrir mieux et davantage.

Jour après jour, s’irrégulariser.

S'exercer à l'existence, s’y vautrer comme un reptile dans la boue.

Je m'interroge sur mon instinct de conservation, je n'y vois qu'une rumination sur ce même instinct.

Tant Dieu est déficient que nous avons attrapé ses maladies.

Le temps est aux hymnes, nous sommes dans la propension à vouloir démontrer ses trompeuses grandeurs.J'ai soif de m’anneler et de m'annule

Vivre a toujours été une recommandation de la matière.

Vivre est un automatisme qui ne passe pas par notre conscience.

Tout ce que nous méritons n'est pas ce que nous avons souhaité, d’où l’insalubrité de nos actes et de nos pensées.

La fonction de la vie est d'être remplie, la mort en est le trop-plein.

La somme de mes rêves fait la somme de mes forfaits.

Misérable diariste dans le secret de ses épanchements à domicile.

Écrire c'est s'empêtrer les uns dans les autres.

Hasard et nécessité de ce hasard, étendue d'une satisfaction extrême.

Notre âme est à plaindre si elle ne soutient qu'un corps douloureux.

J'aime à pouvoir rendre ce que j'ai acquis, ma parole seule me contraint au silence.

Je veux bien croire en mon intérieur, ce qui sort de moi hélas ne fait  que des démonstrations.

La vérité se charge de la raison pour des arithmétiques intellectuelles et qui schlinguent.

De qui se moque-t-on lorsqu'on se moque de soi-même ?

J'opterais pour les justes causes lorsqu'elles seront périssables, ou alors sitôt que nous les aurons édictées.

Crevons avant d'en arriver aux mains avec tous ses verticaux qui obéissent.

Mers qui s'irisent

On ne dit jamais assez de mal de soi-même.

L’existence m’a fixé dans un choix définitif,être, si je renonçais à cette formule, tout se ferait en dehors de moi, tout, c'est-à-dire et la fatigue et le prestige d’en abuser. 

Insomniaque, j’en ai appelé aux somnifères, aux herbes et aux potions, mal m’en prit, me voilà contaminé par un temps rentré.

A bout de souffle, mais voilà je respire quand même, et c’est ce quand même qui m’indispose.

La science se glorifie puis se repend de ses crises ascensionnelles.

Ce qui est sérieux ne varie pas, combien j’aime ce qui procède de ce dilettantisme où tout existe et nous contente par degrés.

Etre ce Prométhée fidèle à son rendez-vous et que les dieux éblouis par la science de l’exactitude oublient de sonder.

La lassitude renouvèle quelques-unes unes de mes croyances, que mes opinions de non-désespéré tourne en fadaises de l’esprit.

Je rêve d’une attente démesurée pour comprendre jusqu’où l’entreprise de ceux qui se sont éloignés dans le désert les a menée.

Heureux qui se poursuit sa vie durant, il saura jusqu’où celle-ci l’abrutit à ses dépens.

A quoi cela sert-il de s’acharner dans l’existence, n’est- elle pas le plagiat de la matière qui nous assèche jusqu’aux impropriétés ?

Toute une vie en discrédit, mais être resté en elle dans la peau d’un passe partout.

La fatigue est ma religiosité, c'est toujours dans cette espèce de lassitude que je fréquente le mieux Dieu, et qu'entre nous se passe  quelque chose que j'exagère aussitôt dans mes soûlographies.

Aux angoisses plurielles qui me viennent quand je dois parler, j'adjoins ces autres qui me mettent dans le silence et que je juge comme des incipit sans lecteur.

Le talent vient toujours trop tard, c'est-à-dire dans nos moribonderies.

Pour se maintenir dans l'existence il faut tout saper, quand je dis tout j'entends l'amour, l'amitié ,les correspondances, il convient pour cela que nous nous attachions à de petites sutures qui cèdent au moindre écart, au moindre précepte cité plus haut.

Toute oeuvre devrait échapper au charlatanisme de la marchandise, et rester sous nos yeux comme un aboutissement de nous même exécuté pour intensifier notre désarroi.

Aucune écriture n' est confortable, écrire cet être dévasté par l'humeur, toutes les humeurs.

Nos parents nous les retrouvons toujours après leur mort, et ils ont nos visages.

Immobile entre  cri et cri, j'attends cette parole bien mouvante qui me sauverait de la salve  de tous les sales langages.


Je vois d’un mauvais œil tous ces crépuscules à demi entamés, où les hommes sombrent , inondés du désir de voir une aurore sale se lever à nouveau.


J’appartiens à un temps de pauvreté et de vulgarité, de tristesse aussi, où toutes les douleurs devraient correspondre à des envies de se supprimer.


Le temps perd de sa substance sitôt que j’y réfléchis, et comme j’y réfléchis souvent, le temps n’existe plus.