Aphorismes 207

Dans cet univers d'apathiques, j'abats tant de travail pour exister qu'il me semble que je suis un portefaix débile qui étouffe dans l'homme et hors de lui.

Ne vous avisez pas d'être dans le coup, vous éprouverez ces tensions exaspérantes qui vous mettront dans la position d'un christ ensanglanté.

Je m'endors avec la copie de mes défaites antérieures que j'ai pointées avec le stylet des déceptions.

Le mot m'apparaît comme un excrément en puissance que nous avons détourné du dégoût de hurler   de peur de marcher sur les traces de la bête.

Certains paradent dans l'emprunt qu'ils font de l'effort des autres, tragédiens obsédés par les troubles qu'ils réfléchissent, ils passent leur vie à vouloir triompher des tourments qu'ils se sont infligés.

Nous sommes prédisposés à la névrose, sans celle-ci nous errerions dans le monde pour nos épuiser dans le snobisme de ne pas en avoir.

Les idées qui nous viennent sans motif sont prédisposées au sommeil, les autres nous propulsent dans les actes.

On ne devient pas, on est, d'où notre obsession du masque et du manque.

Je suis un haineux instantané, après j'entre dans la sublime idiotie du compliment.

J'accomplis des forfaits, des sabotages, je mets du zèle à tout embrouiller, je pipe les dés, organise du chaos à ma mesure, je me persuade d'entretenir une haine à mon égard.

Cette espèce de reptile, de volatile qui a rogné ses ailes, de singe qui s'exercent à la pensée, le voilà, l'homme, contagieux à force de s'imposer comme modèle.

Je n'ai aucune vitalité, ma chair et mes os s'épuisent, je reste pourtant discret, voilà une nouvelle stérilité.

La fatigue m'a affadi, je tombe en dedans de moi, rien d'intact à l'intérieur qui vaut la peine qu'on l'extirpe, qu'on l'exhibe comme un crime originel.

Rien ne peut peser sur ma mélancolie si ce n'est ce soupçon de bile et d'anxiété qui se mélangent à mon sang.

Combien j'aimerais ne générer que de la substance haïssable.

Tout ce qui m'attend est fichu d'avance, je ris encore et pourtant, flatté d'être vain avec perspicacité.

Spermatozoïde, mot profond et vain pour dire foutre.

Rien qui ne m'éprouvent d'avantage que tous ses ratés qui ont pris l'initiative d'être.

Dans la disgrâce, enflammé pourtant, que de crimes à commettre afin que toutes les tragédies se fondent dans la mienne.

La réalité ne me fait pas sincère, encore moins bavard, je passe par l'astuce pour aller jusqu'au bout...

L'ennui nous conduit vers le sang, vers cette angoisse d'où jaillissent nos anémies ou nos extases, en fait vers des meurtres tombés à l'intérieur.

Dans un monde sans trottoirs, où marcheraient les putes ? (Voir Cioran)

Ne jamais demander de l'aide dussé-je sombrer dans l'agonie.

Je suis un pantin haineux qui roule pour une langue oubliée.

Evoluer, pour se convertir aux suspicions et suspensions.

La lucidité restera ma seule véritable initiative, celle qui ne jamais me conduisit aux catastrophes de l'esprit.

Tout est vicié d'avance, d'où notre appétit du vice.

Combien j'aurais aimé pratiqué le silence qui ne mène qu'à soi.

J'ai la volonté de ne rien commettre, d'où ma suprématie sur le silence, voire sur le mot.

Toutes les supercheries sont savoureuses, la vie elle-même est chère aux thèmes dont elle s'abreuve et qui sont passés par cette même supercherie.

Si les mots nous rendaient malades, il faudrait installer des pharmacies à tous les carrefours.

Je vieillis, j'ai troqué mes injures pour des monosyllabes et quelques litotes trop légères pour qu'elles soient prises au sérieux.

L'époque est à la répulsion, à la philosophie comme une affaire à traiter, l'égard se convertit en provocation déjà je ne veux plus parler, déjà je ne sais plus être.

Je fais dans l'artisanat de l'angoisse comme d'autres font dans celui de l'ambition.

Soyez sot, soyez le sans motif, c'est une façon néolithique de rester vivant efficacement.

Ma fatuité, mes insolences, si elles sont jugées en profondeur ne sont que cette peur de finir en troglodyte.

Faute d'avoir quelques humeurs qui nous tiennent éveillés, constamment en péril ou hagards nous nous étourdissons avec le mot, retraite anticipée de notre fonction de furieux virtuel.

Obsédé par le moi, et pourtant ne rien vouloir faire ou commettre.

Je suis en  paresse de dieux, je me contente du peu d'esprit que j'ai sous la main, dans l'intention d'un autre devenir.

Nos maux tour à tour nous lassent et nous élèvent, je cherche un promontoire d'où contempler le peu de profondeur de nos croyances en ces mêmes maux.

Dans ce grand foutoir que la littérature corrige ou assassine, la déveine d'être m'apparaît comme le seul cauchemar à thème.


Mets de l'application dans ton horreur, ça n'aura plus l'air que d'un forfait.

Virtuellement curieux, je pousse jusqu'à l'obscénité ce regard qui témoigne d'une vie encore plus méprisable.Tout ce qui est essentiel est caduc, voyez la vie, qui devient objet sitôt qu'on y réfléchit.

Etre lucide en permanence, c'est s'acharner à démolir son corps et son esprit sans l'idée du martyre.

A l'écart du paroxysme d'un monde qui se plie et se déplie à souhait, je m'insinue dans ces horizontalité qui sont le marque des gisants.

L'éclat des apparitions nous met dans la position de ces ataraxiques là, qui ont l'air d'avoir réussi des cours d'extase.

Tout pouvoir est une fraude qui nous fourvoie dans cette action de la parole et du geste que nous aurions éviter sans elle.

L'insomnie en bonne élève, répète les leçons du sommeil et les projette dans cet avenir là où nous n'aurons plus ces faveurs.

J'écris par restriction de la parole, j'ai l'esprit occupé à des commandements autres que ceux de la langue et du palais.

Je me glisse dans ces journées comme un singe maladroit et en crise, qui se réserve des détachements pour faire figure d'humain.

J'économise sur Dieu, c'est le seul moyen que j'ai de ne pas le perdre jusqu'à la quarantaine.

Le tout se gargarise du quelquefois.

Et pour ne pas nommer ce qui nous vient de l'usure, nous assistons nos corps comme de funestes étrangers qui se détachent d'un pays où ils ne furent pas conquérants.

Il faut surplomber la vie, et la regarder comme si nous comprenions qu'elle n'ira, ni n'aura de sens que dans le tragique.

Probe jusqu'à l'absurdité, je me serais tant défait pour m'anéantir d'un médiocre silence où se réduisait tout mon esprit, et qui ne tenait ni de la philosophie, ni d'aucun but..,


Toutes les idées sont des ombres portées sur ce qui a été et se refuse à nos nouveaux commentaires, qui refuse sa part de jeûne et de nuit.

Cette tremblante nature qui est la nôtre , sitôt qu'on s'approche d'une femme, on la retrouve dans la forme même de nos regrets, c'est un dissolvant qui voudrait qu'on oublie tout de soi, et non de l'autre.

Je crains qu'il arrive quelque chose de grave à mes idées, comme de la pleurésie ou du sable, et que je ne puisse comprendre l'utilité de souffler, de respirer.

Il y a des liens subtils entre le sang et la voix, les deux tournent autour de ce corps qui doit ses vérités à une limite qu'il s'impose pour n'être infecté ni par l'un, ni par l'une.

Au nom de la beauté, et puis quoi encore, pourquoi pas au nom du père!

Et l'envie m'est venue de m'étendre et de m'éteindre avec tout ce que je n'ai pas connu, ni commis.

Depuis cent mille ans, sous le charme des combinaisons, des formules, des symboles, nous construisons un monde  que nous comptons exploiter dans l'ignoble séduction des formes qui ne vont pas à la connaissance.

Est vital tout ce qui vise à rendre le monde intelligible sans que nous ayons à réfléchir avec nos glandes...


Etre haineux avec méthode, être présent avec la brutalité d'un tacticien, être là tout simplement avec ses artifices et ses détachements..,

Nous ne savons pas ce que nous deviendrons, c'est bien suffisant pour nous rendre à l’impunité d'une expérience malveillante de l'avenir qui passe par le rêve néolithique...

Mes souvenirs à la lumière de ce que je m'autorise à penser, ne sont que des images dilatées de peur et de stupeur..,

Que pouvons nous encore commettre de bon sans nous soumettre à l'autorité des glandes, au balkanisme de ce corps centré sur de l'à-peu-près?


Mon inquiétude je la tire à moi comme une couverture d’azur, pour en faire la courbe d’un corps qui se veut visible et chaud.


Aime t-on l’existence, et si oui, pourquoi ce goût tant prononcé pour les apparences ?

Lorsqu’on est resté trop longtemps seul, on a l'air d'un aïeul fiévreux qui voudrait aller à d’autres faces..

Lentement l'immonde monde qui est le nôtre s’irise au noir dessein de vouloir se satisfaire de ses propres néants.

La vie est un ventre plat, s’il était arrondi ,notre sang  s’écoulerait piteusement.

Les passions ne devraient être tournées que vers l’art, la passion pour le genre humain optimise toutes nos déceptions, et Dieu sait qu’une déception est plus exaltante quand elle n’est tournée que vers la littérature ou la peinture…

J’aurais adhéré à tout, y compris à ces épilepsies d’après boire, si la santé ne me fut donnée que pour me plaindre des gymnastiques de mon esprit, je la rejette puisqu’elle ne prend pas en compte mes inclinations à la détruire…

Tous les matins je me prête à ma générale, je compromets d’emblée mes incitations à entrer dans les discussions de mon histoire avec les hommes, cette générale est de l’ordre d’un film muet où toutes les mécaniques, tous les rouages ne tolèrent aucun mot, aucun souffle, pas même un regard sur mes propres constructions…

Plumitif qui exagère ses captivantes activités ,rien de ce que j’ai écrit ne fut plus sincère que mes insultes, que mes souvenirs altérés par une façon de moribond que je traîne ,pour douter éperdument…

L’omniprésence des pronoms personnels dans l’écriture témoigne de l’insane vigueur que mettent les auteurs à se signaler par leurs évidents totalitarismes sur le lecteur…

Dans mes intimités, je déborde d’une humeur qui n’a d’incidence que sur mes euphémismes, ces suicides différés…

Il est aisé de s’aventurer dans le désastre, il suffit de se montrer incapable, clairement incapable…

Tous mes interlocuteurs ont cela d’inconvenant, qu’ils savent où je veux en venir sitôt que je les salue, sitôt que ma parole rencontre la leur, sans que je prenne aucune position…

Un aphorisme n’est pas un exercice de lapidaire, c’est un coup de semonce, un uppercut de cette littérature qui considère que trop de profondeur s’étire en celle-ci pour n’en rien laisser voir…

Je considère que trop réfléchir à la vérité ne nous ouvre que sur des expériences surannées…

Ce qui est du registre de mon intérieur est catastrophique…

Celui qui sort indemne de l'existence, je le considère comme incomplet.

Àvoir vingt ans c’est avoir vingt ans de trop.

Je suis de ceux que les tous petits malheurs ont tenus à distance des grands, je rêve parfois d’une crucifixion qui me délivrerait du dessein de demeurer ce malade qu’on soigne outrancièrement.

Etre ce transfuge, pétrifié par l’illusion d’une patrie où l’on ne vit plus appuyé sur personne.

Dormir nous rachète de penser par obligation.

Substance même de nous qui croyons à la docte connaissance, l'intelligence est de l'ordre du sang qu'on répand parmi les vivants pour qu'ils changent leur sereine nature.

L’âme s'agrémente toujours lorsque nous prions, de façon à ce qu'un dieu raisonnable nous rende en  nombre ce que nous avons commis de mesurable à l'aune des sottises que nous avons confessées.

Vivons debout, tenons parole, écroulons nous  avant d'aller voir les hommes de la médecine qui nous prescrivons des poisons que nous ne prendrons pas, car la raison nous pousse à tenir à la vie.

Nous sommes tous déterminés par notre propre vide, ces espaces où nait le besoin de mensonges et de vérités.

Être c'est  vouloir tout achever, bref s'achever soi-même.

Après vient toujours trop juste et trop tard.

Il ne faut jamais dans l'immédiateté de ses propos croire qu'on a émis quelque chose de précis, ce serait s'appliquer à dire que la parole est juste, quand elle n'est que ce qui précède sa propre justification.

Je sais que je suis né d'une femme, qui elle-même était née d'une femme, d'où l'invariabilité de leur consternation sur nos venues au monde.

Déserter ce quotidien, oui mais pourquoi, pour l'usage de liberté consternante qui a un couteau sur la gorge.

Si j'ai compté tant de jours où j'ai pensé au suicide, c'est parce qu'il est à l'endroit où il faut, dans l'intonicité de mon sexe.Avouez le, vous êtes équitables lorsque vous avez échoué.

Si chacun de nos savoirs était réuni en un seul nous aurions produit moins de dieux.

Dans l'affolement de mes idées secondaires, parfois une réflexion dévie son axe, je vais faire une action d'éclat, m'attacher ou me suicider.

Être c'est chercher à être.

Je n'ai plus personne avec qui dialoguer, d'où la présence de mes résignations.

Ce qui se fait sans qu'on y réfléchisse mérite qu'on y pense assidûment.

Mon ennui est profond, c'est un sentiment que je n'ai pas à  porter à l'excès, tant il mérite de ne pas être exagéré.

Plus on a intérêt à la démonstration, moins on se doit d'être irrévocable.

L'objectivité est intolérable quand elle ne tourne pas autour de la mort.

Parler est poignant lorsque le mot est charnel, autrement c'est un plaisir qui meurt de ses impuretés.

Comprend celui qui n'est pas dans la hâte de comprendre, les autres réfléchissent.

L'impudeur de nos désirs, on s'en repend quand on ne parvient pas à ses fins.

Se guérir d'être né par l'imitation.

Nul ne sait combien il faut se méfier de soi-même lorsqu'on pense par soustraction.

Aberration de l'existence, croire et entreprendre.

L'avenir ne sera pas dans la reconversion de toutes nos méprises.

J’écris pour perdre du terrain sur la solitude, après j’aspire à le réduire.

Le langage est toujours dans l'impasse lorsqu'on n'a pas su renaître en lui.

Dans mes apaisements je suis toujours un commis destiné à marquer du respect pour la vie.

Connaître, c'est être clairvoyant de ses contaminations.

Vocation d'être, douter, ne se vouer à rien, l'histoire fera le reste.

À peine dans la vie nous cherchons le fer et le fleuret, des duels nous attendent.

L'esprit entre en affliction sitôt qu'il se veut d'une vitalité qui ne va pas qu'au corps.

On ne peut être normal, vivre est une anomalie.

La surface de notre corps rejoint la superficialité de nos esprits, c'est l'apanage de la vie de tout vouloir équilibrer.

Il n'est pas aisé d'être soi-même, c'est une entreprise d'envergure, tant les autres nous contraignent à des ressemblances.

Toute expérience est amère quand elle a pris le corps de nos chagrins, ceux que nous ne savons expliquer.

La ménopause d'écriture est toujours dans les règles.

La coquetterie de vouloir mourir dans la sénilité.

L'amour nous engage toujours dans un symptôme idéal qui se révèle par le virus d'exister.

Être cynique c'est faire l'expérience de la vie et rien d'autre.

Mes convictions s'articulent autour d'un noud et d'une épine.

Ce qui nous fait durer est pourtant dans la peur de dater.

L'avenir sera un bavardage sur le passé.

Gardons-nous de sourire dans les rêveries où nous avons survécu aux rictus de ces autres qui nous ont voulu victime, c'est un sourire qui ne datera pas.

Nul ne sait ce qu'il connaît de sa connaissance, nous sommes tous mal assurés, d'où notre charlatanisme, nos errements.

La mort je la vois comme une buvette.

Mon être tout entier est dans une apparence qu'il a prise à son compte, pour des travers que nul ne pourra rectifier.

Le monde est le produit d'un déséquilibre originel, tout le reste n'est que sensation.

Échec après échec, mais nulle sagesse ne vient.

Si nous étions nés sages, aurions-nous été dans cet affolement qu'est la quête de Dieu.

Écrire, c’est toujours s’éloigner, c'est mourir sans comprendre l'exactitude de ce dérèglement.

Si la vérité était esthétique, quel visage nous montrerait-t-elle ?

On meurt toujours trop tôt ou trop tard, autant n'être pas né.

Je ne répugne pas à l'existence, c'est l'existence qui répugne à me soutenir.

Est seul celui qui n'est pas insignifiant.

La mort est une façon de penser à la vie comme forme.

Est cruelle cette imagination qui vient empêcher qu'on se voit massacrer tous ceux qui nous ont salué adroitement.

Ma vision du monde répugne à ces accomplissements où je suis l’obligé d'êtres qui n'ont pas les mêmes sensations que moi.

Le paradis est toujours invoqué dans les prières, les nôtres, l'enfer quant à lui exige moins d'efforts, il est déjà là.

Tous ces jours où nous nous épuisons à ferrailler avec la vérité.

Ma colère n'a rien d'extérieur, elle est à ces endroits là où l'on pense impersonnellement.

Je m'étonne chaque jour de perdre un peu plus de mon vocabulaire, bientôt je ferai dans le borborygme.

Je ne distingue rien qui vaille la peine que je l'explique, je n'ai  de place pour tous ces mots qui sont des dissolvants.

Écrire c'est toujours en revenir aux exercices de tromperie et de falsification.

La raison n'admet pas la mauvaise réputation.

Et bis reptile d’état