Aphorismes 190

Entre la pitié et le dégoût s’est insinué l’homme, et je ne m’évanouis plus que dans l’euphémisme ou la litote, de peur d’être son obligé.

J’ai mal fondé mon univers qui s’écroule dans l’incommodité de mes gestes et de ma parole.

Mon immaturité religieuse m’a fait renoncer à Dieu, et si je me suis converti à la calomnie, ce n’est que pour mieux entrer dans ses avantages en étant le dernier des hommes.

J’ai étagé mes souffrances afin d’avoir le recours du site dans ces circonstances où je voudrais voir.

C’est dans le meilleur des impossibles qu’est mon inconfort, je préfère considérer que je suis affecté par l’inacquisition, afin d’avoir à quêter ma vie durant.

Tout m’est persécution, je préfère l’iniquité de mon silence à cette glose de chacun ,qui m’affecte autant que les plus hauts malaises.

La réalité me rase, et je ne peux m’empêcher d’y voir cet homme qu’on écorche sous mes yeux de peur qu’il ne souffre davantage ailleurs.

Toutes les idées qui visent à bouleverser l’homme sont des idées de vertige et de profondeur.

Né furieux, avec une âme de rossignol et un regard de cocu.

Prédisposés à la logique, nous aurions voulu liquider tout degré de cette vitalité qui nous pousse vers les fluctuations et le conditionnel.

Irrité par le mot, sans cesse dans l’obsession d’un silence qui renfermerait le monde et la musique, je fais et défais cette expérience qui est de me taire et de ne parler que dans la terreur et le drame.

L’ennui ne s’éprouve pas, l’ennui est un tourment supérieur, sans substance et sans motif, l’ennui est la forme la plus parfaite de la vie qui se noue.

Vieillir c’est verticaliser un cadavre pour mieux le coucher.

Je répugne à me montrer autant qu’à me taire, j’oscille entre la paraphrase et le farniente, entre l’institution et le dilettantisme ;ma lucidité me tire vers les abstinences en me montrant comment se sont aggravées mes méridionalités.

Entre l’apologie et la dénonciation s’est glissé l’effarement...

Par distraction, c'est-à-dire dans cette désolation de la pensée, je me suis retrouvé seul,et si je ne rayonne pas dans cette quarantaine, c’est parce que j’ai oublié d’y voir mes désastres.

Effondré, las, écœuré, dans ce pessimisme que n’atténuent ni l’image, ni le mot, ni l’amour, je cherche à ne plus parader, mais à me recueillir et m’en flatter.

Dans ce royaume d’ombres que j’assiste, je vérifie que toute forme de rayonnement passe par le silence et non plus la prière.

La parole va à la canaille, le silence aux malhonnêtes.

Anxieux et précipité, et si je ne possède pas des réflexes de la pensée, je dispose de ceux de l’amour, qui passent par l’intérieur et non la bouche.

Plus j’assiste le temps, plus j’échoue dans mes entreprises, me voilà l’obligé d’un irresponsable.

Sans regard sur nous-mêmes, sans ces commentaires, ces reportages, notre vie ne serait qu’un cinoche qui n’ouvrirait plus sur des images, mais sur la détestable face de nos corps d’élus.

Seule l’urgence me fait évoluer.

J’ironise sur les maladies que j’ai eues, et qui m’ont poussé dans mes soubassements, que dis-je, des enfers à mon goût !

Plus je me dresse, moins j’ai d’adresse ;alité je comprends pourquoi l’obsession du ver m’a campé à ma turne, et pourquoi je ne veux ni être assujetti à la marche, ni aux hommes dont la tentation est d’aller, d’errer.

Je les ai tant implorés de se taire qu’ils ont en fait une promulgation.

En dehors du prestige de la parole, seule l’amnésie liée à ce qu’on a dit peut nous dévier du cynisme ou des enfantillages inhérents à toute forme de locution.

Être, c’est n’avoir pas d’arguments et s’en venger.

Se cacher, se terrer en soi, pour se renouveler dans la prière ou le regret.

J’ai gaspillé mes journées comme un évangéliste dans un pays d’athées ;je cherche aujourd’hui à me débiner de cette misère en œuvrant, c'est-à-dire en m’éloignant des hommes.

Le bien déplace toujours le pire et s’en repend.

Quel dommage que la solitude ne féconde que des aberrations sur cette même solitude.

Prenez un fait, examinez le, il devient potin.

Spéculer sur ses mentalités, sur son salut, et se protéger par le n’importe quoi dans l’à –peu- près.

Que faire de sa santé si ce n’est lui sacrifier cette vulgarité des anémiques qui passe par le jeûne et la charité ?

Photographies de mon ennui :une porte et un encensoir.

Ce cadavre auquel il faut ajouter toute la moribonderie de nos existences, le voilà qui nous traduit déjà en formulant un au-delà.

Point de salut dans les attachements, déliez vous de tous et de tout, pour rester ce salaud attendrissant tant il n’a pas été tenté par de l’humain.

Dans cette société d’apathiques où la somme des tranquillisants suffirait à réduire le règne animal et végétal, je me demande pourquoi il est nécessaire de concevoir, si ce n’est pour aussitôt s’en repentir.

Intoxiqués par la note et le mot, nous restera t-il assez de dispositions pour une ascèse qui passe par la dépravation de ces mêmes notes, de ces mêmes mots ?

En dehors de l’assujettissement lié à la parole, quelle autre forme de forfait pouvons nous commettre sans en être aussitôt écœuré ?

Méfiez vous ce ceux que la vie a doués, ils vivent dans une extase immodérée voire indécente qui les met dans la position des suffisants de métier.

Espérer c’est donner corps à des souffrances anticipées.

J’ai renoncé à tout ce qui m’était proche pour m’avancer dans l’ennui, l’ennui avec ses foisons de concurrences et de rabâchages.

La fiction alimente nos inefficacités.

Convaincu que ce siècle n’a élevé que des forcenés, je m’enthousiasme pour du forfait autant que pour toutes ces corruptions qui me font contemporain.

C’est d’être mis en accusation qui me fait devancer mon primitivisme, et l’utiliser pour une attaque ou une retraite.

Je suis un plumitif qu’apaise l’idéal épithète.

Le parti pris d’Eros.

Nul besoin de tomber plus bas, toutes les punitions que je me suis infligées attestent du cauchemar que je vis, et donnent à mon corps des allures de singe usurpateur.

Debout, mais tant tout me pèse, que ce restant de vie que j’utilise me semble aussi lourd que dix mille mètres cubes de sable où s’enfoncent les pyramides.

Dans cet enfer à mon goût, quelque chose de moi suit son cours, le reste s’accroche à la barque du nocher.

J’aimerais être cet incendiaire qui déambule dans l’incendie qu’il attise.

Tout me fut prétexte à m’isoler et à en plaisanter, jusqu’à ne plus oser aborder ni le sommeil ni l’homme, sans y voir un endroit infréquentable.

Indistinct, je cherche dans le sort une façon d’aboutir à l’image ou au vampirisme.

Faire naufrage, sans trouver aucun secours à ce naufrage, et sombrer tel un Antée qui s’enfonce dans la tourbe, que les dieux avaient pourtant réservé à quelqu’un de plus haut.

Je déclare que la vie ne s’inclinera pas devant le vulgaire des natures énigmatiques, pas même devant l’ultimatum.

Version de la sensation du temps :ennui.

Chacun est un malade superficiel ou en profondeur.

Rien qui ne m’ait rendu plus libre que mon peu d’ingéniosité, mon peu d’ingénuité.

Chaque idée avant d’être émise, se devrait d’avoir été initiée à l’anxiété ou à l’hyperbole.

Tant de choses ont fourni de thèmes à ma misanthropie, que mon refus de parfois m’y plier reste telle une réplique sans écho.

Je n’entends rien à la correction et n’en bénéficie pas, voilà pourquoi j’ai si souvent l’air d’être un abruti en suspension.

Lorsqu’on joue avec les mots et avec leur essence, nul doute que nous tenons de cet imposteur accablé par son banditisme.

En mon crâne aujourd’hui tout se confond, et je ne sais si je tiens de l’écorché ou du peintre qui le dégrade sur sa toile.

Je redoute d’avoir à affronter cet homme qui défaille et m’en tiens rigueur jusqu’à vouloir m’évangéliser.

Être, c’est être programmé.

Après le grand tout, le petit rien qui mène au désastre.

Je ne répugne pas au mensonge s’il camoufle jusqu’à mon pire, tous mes pires.

Je resterai ce rancunier qu’aucune thérapie ne rangera parmi ceux qui restent au contact de la science et de ses merveilles putrides.

J’avance dans l’existence avec une corde et un vilebrequin.

Je ne  me déroberais pas de l’avenir si je savais qu’en ses nouveaux lieux, là où la matière n’a plu la bougeotte, il y avait autant de choses à haïr qu’ici.

J’erre dans un univers chaotique où les spécialistes de la couillonnade sont des légions qui suintent de vulgarité et d’idiotie.

C’est me discrétion qui m’a fait si éprouvé, éprouvé mais avec du marasme.

La fatalité s’exerce dès lors qu’on a plus rien à espérer ou à simplifier.

Combien j’ai pu m’anéantir de douleur qui ne venait pas de l’esprit.

L’ennui préside aux abandons.

De ma tristesse j’ai tiré des thèmes pour bricoler dans l’humain et l’asphyxie.

Rien n’a pu me raccrocher à la lucidité et mon cauchemar tient autant à cet intellect confondu à de la supercherie, que de mes recréations.

J’aurais recours à la parole quand la parole sera un recours ,et non une obligation.

Mes bouffonneries sont les défections d’un penseur assujetti à une connaissance venue trop tard.

Me reviennent en mémoire les intérêts que je portais à la vie, et que je pouvais capitaliser tant ils étaient impermanents.

Ma désinvolture ajoute à ma douleur d’être les regards railleurs de ceux qui attendent que je les gifle ou questionne par mes exagérations.