Aphorismes 189

Se ranger du monde et finir dans le prestige des renoncements.

Théâtre organique que la vie, et dire que si nous y prenons tant garde, ce n’est que pour finir entre les planches.

La pensée s’émancipe dans le simulacre du dire.

Être aussi péremptoire qu’un dieu conventionné.

Quoique je fasse, je le fais pour sombrer avec, je ne m’étonne pas qu’on ne m’ait rien laissé entreprendre.

Sitôt qu’on se désole de Dieu, une des vanités à notre manière est de montrer notre intérêt pour les voûtes et les ogives.

Être aussi péremptoire qu’un dieu conventionné.

Je secrète du regret comme d’autre de l’illusion, j’ai conscience d’un désordre qui n’appartient qu’à moi.

Le bavardage qui défaille, à mes yeux ,trouve une raison d’être ,le bavardage qui se gargarise de reconnaissance n’a pas mes faveurs.

C’est de vertiges que je souffre à la rencontre de tous ces gens, dont la performance est de vivre en le sachant.

Tous s’accommodent les uns des autres, je porte toujours plus haut ce dégoût là, de borner mon impuissance à ces mêmes besoins.

Rien qui ne vaille la peine d’être commis avec moi, mon seul fanatisme repose sur les caprices de l’idée que je considère comme un réel évènement.

Je conçois parfois la vie comme une prodigieuse réussite de la matière, qui n’a pas commis le forfait de se régler à nos dépens.

Avoir et être, veiller et vieillir, puis la mort liée à tous les spécimens et façons de vivre.

Sans pharmacies pas de médecins, sans médecins plus de malades, rien que des verbeux, des incomblés du style, qui ne se contenteraient plus de mourir, mais de parler, de parler...

Conjuguez le verbe merder à tous les temps, exploitez le jusqu’au trognon, voyez comme il s’accommode du passé et du présent, merder est un verbe de conclusion.

Seules la brutalité des mots jetés à la face du monde resteront mes lucidités, quant à la phrase, elle tourne au cynisme ou à la vanité sitôt qu’elle en appelle à être lue.

Aucune de mes certitudes n’est sérieuse, je reste dans le confort de l’à-peu-près, et n’en ressort que pour épouser de semblables indélicatesses.

La poésie en quête de purification, s’est tournée vers la déception, pour en retirer des exaspérations comme autant de quêtes bâclées dans des iambes alambiqués.

Seul le langage le plus rudimentaire n’est pas dans l’apparat, dans le verbiage et blablabla des jargonneurs se planque tout un univers de débraillé et de banditisme.

Dans  chaque optimiste se cache un imposteur cliniquement lié au poignard, voire au mot.

Sceptique que l’absurde a fait renoncer à tous les systèmes, le bonheur d’être inutile a pour moi aujourd’hui les atours des sarcasmes du glossateur.

Nous parviendrons certainement à des postérités, des perpétuités que l’élégance des dieux ferra nommer vice.

Dans l’immense foutoir que constituent nos vies, seules les littératures qui rappellent nos escroqueries les plus subtiles nous enrichiront aux dépens de douleurs moins salutaires.

Mammifères spirituels que la désolation des ventricules poussent dans les églises ou les hôpitaux, rien ne jaillit mieux de nous que le sang bleu des alliances condamnables.

L’ennui reste ce farceur irréfutable qui pousse nos fiertés, nos vanités jusqu’à l’idée de science en solitaire.

L’intuition est normale tant qu’elle reste du domaine de l’animus, au-delà c’est une supercherie  de sens, la chimie organique de tous nos composants sociaux.

Troglodyte que la profondeur des ennuis ou du malheur à fait plus perplexe encore, j’évolue parfois dans le monde comme un naïf obsédé par ses virtualités de martyr ou de portefaix.

Vivre, c’est  faire exploser du temps.

Esprits désemparés que le mot pousse jusqu’aux divagations sur ses propres propriétés, nous ne trouvons de recours que dans ces paresses là qui nous ont conduit à douter.

L’homme s’agrée dans les triomphes, que sa conception de la vie transforme en orgasme ou en extase imbécile.

Nos heurts et malheurs sont souvent infondés, je me définis pourtant comme cet ambitieux qui cherche à ne pas s’en défaire afin d’aspirer à des soulagements beaucoup plus grands.

La parole n’est qu’excrémentielle, elle nous console pourtant de toutes nos conditions d’homme qui pourraient se faire en dehors d’elle.

L’idée de toute souffrance nous donne l’usage d’un mot plus haut, que nous avons ingurgité à ses dépens.

Je mourrai dans un total dénuement, loin des perplexités dévolues à toute forme de richesse.

Nos saluts sont dans l’extase ou dans l’orgasme, tous deux proscrits parce qu’ils donnent droit au débraillé en toutes circonstances.

L’apparence du vide nous met dans l’effroi, l’indécence de toute vacuité nous dérange, les silencieux sont ceux que l’on craint le plus, se sont des vénéneux à leur manière.

Toute réalité me fait  incurieux de la vie, je préfère m’évaporer aux dépens des images qu’il est malaisé d’acquérir.

Nous nous déployons en actes secondaires qui nous donnent la mesure de nos existences de singes vertueux.

L’idiot pense proprement, c’est lorsqu’il commente sa pensée qu’il nous met en appétit d’une lèpre qui le compromettra.

Il y a une  sorte d’ironie qui consiste à ne rien réaliser, mais à témoigner du contraire en parlant, cette ironie s’appelle la fatuité.

Nous voilà nés, déjà à la dérive pour rejoindre ces autres sur qui nous cracherons.

Prémisse des fainéants, la parole leur apparaît à la fin de leur carrière comme la certitude et la récompense d’avoir été des braves de métiers.

Dans cet univers d’apathiques, j’abats tant de travail pour exister qu’il me semble que je suis un portefaix débile qui étouffe dans l’homme et hors de lui.

Ne vous avisez pas d’être dans le coup, vous éprouverez ces tensions exaspérantes qui vous mettront dans la position d’un christ ensanglanté.

Je m’endors avec la copie de mes défaites antérieures que j’ai pointées avec le stylet des déceptions.

Le mot m’apparaît comme un excrément en puissance que nous avons détourné du dégoût de hurler   de peur de marcher sur les traces de la bête.

Certains paradent dans l’emprunt qu’ils font de l’effort des autres, tragédiens obsédés par les troubles qu’ils réfléchissent, ils passent leur vie à vouloir triompher des tourments qu’ils se sont infligés.

Nous sommes prédisposés à la névrose, sans celle-ci nous errerions dans le monde pour nos épuiser dans le snobisme de ne pas en avoir.

Les idées qui nous viennent sans motif sont prédisposées au sommeil, les autres nous propulsent dans les actes.

On ne devient pas, on est, d’où notre obsession du masque et du manque.

Je suis un haineux instantané, après j’entre dans la sublime idiotie du compliment.

J’accomplis des forfaits, des sabotages, je mets du zèle à tout embrouiller, je pipe les dés, organise du chaos à ma mesure, je me persuade d’entretenir une haine à mon égard.

Cette espèce de reptile, de volatile qui a rogné ses ailes, de singe qui s’exercent à la pensée, le voilà, l’homme, contagieux à force de s’imposer comme modèle.

Je n’ai aucune vitalité, ma chair et mes os s’épuisent, je reste pourtant discret, voilà une nouvelle stérilité.

Je n’ai plus aucun doute sur mes répulsions, l’homme en est la plus parfaite.

Temps d’abjections et de déjections, élevé en hymnes et en farandoles.

En lutte avec mon sang et cette momie prise dans ses positions larvaires.

L’alcool et la fatigue m’ont souvent amené à vouloir quitter ce corps enraciné dans le réel et le présent.

Aux habitudes, j’ai préféré le dérèglement ;je mène une vie d’agité qui ne se satisfait que dans l’artisanat de la parole et de ses degrés.

Toujours en actes dans cette terreur de la fatigue ou de l’effondrement, je cherche à m’évaporer dans Dieu, dans Dieu et ses propos sur la création.

Abattu, mais dans cette rage de dynamisme qu’est le silence avec ses prostitutions.

Tôt ou tard quelque chose nous réussit, nous voilà sujet dans cette efficacité que redoutent les pêcheurs et les suicidaires.

De tout ce qui m’échoit je retiens le silence et la calomnie ;hélas je suis lié à la prière et je ne vois de lendemain que si je n’ai pas répandu du méfait.

Peur au paroxysme, et si mourir n’était qu’une fatigue de l’être.