Aphorismes 173

Tous les enfers que j’ai traversés m’ont forcé à un langage sans analogie avec ceux-ci…

Quand éveillé en pleine nuit je cherche à reconquérir le sommeil, toutes mes idées sur le monde sont celles d’un veilleur assermenté incapable de se panser dans sa quarantaine…

La musique touche à des sentiments intimement noués à nos profondeurs, et que nous considérons comme des divinités muettes incapables de nous enchanter…

Mes crises de religiosité sont d’indécents évènements, tant j’y injurie des saints tombés en désuétude et dont je ne connais que les initiales erreurs…

Nous devrions vivre le doigt sur la gâchette et intelligemment nous flinguer sitôt que nous voulons abandonner notre carrière d’humain…

Tant je me suis senti faible que j’ai subi l’existence comme quelqu’un qui fut toujours bafoué, puisqu’il n’a su que suggéré que son trop peu d’être…

Quand le chagrin nous saisit pour nous amarrer à ses irrévocables abstractions, un psychiatre est moins utile qu’un Moser…

Incapable de décence, cette retraite déroulée sur un tapis rouge, ma nature s’est révélée dans les plus basses des théologies…

Défiant à l’égard de tout et de tous, je me suis fait complice de ces cyniques qui prennent la position du tireur couché et qui ne visent personne…

Tout ce qui est mal rempli laisse suffisamment de place à des incorrections auxquelles nous participons tant et si bien ,qu’on en finit par un trop plein de mauvaise foi…

D’une façon générale je n’éprouve que de petites choses, touchant à de petites vulgarités, je finirai par ne me soucier que de mes petits regrets, que de mon petit vocabulaire d'oublieux…

D’ordinaire tout commence avec le jour et ses influences dont je connais les sautes et les soubresauts, et que je tiédis pour avancer, oui mais vers quoi ?

La parole est responsable de nos maladies, celle-ci est si ancienne qu’il paraîtrait incongru de ne pas la nommer par le vocable de décomposition…

Plus je crois me connaître plus je découvre un être insane, sans possibilité, et qui dérive parmi les siens, plus pitoyable que s’il avait traversé un enfer les bras en croix…

J’ignore jusqu’où je me décomposerai, ce que je sais c’est que j’ai commencé à entrer dans l’ère de la putréfaction à domicile, et ce domicile c’est mon corps qu’il faut nourrir jusqu’à ce qu’il se décharge dans les chiottes…

J’aurais aimé que toute mon énergie participe au malheur de l’humanité, que mes poisons, de la parole à mes actes l’attire vers les inéluctables conspirations…

J’en appelle à la grandeur des choses et de l’humanité, c’est folie que de vouloir faire de l’amnésie un sentiment ordinaire…

C’est trop que d’être, il faudrait n’être point pour laisser l’existence s’exaspérer dans toutes les formes molles de la matière, hors celle de l’humain…

Au dessus du bonheur, une forme d’expérience, d’adhésion à l’ataraxie nous rendrait l’idée de la lucidité de ces anciens qui voyaient en levant les yeux tout ce que nous déconsidérons à présent, et rendu encore plus superficiel à nous-mêmes…

Je ferai l’expérience des contagions, toutes les contagions, maladies du corps et de l’idée, c’est ainsi que je serai au plus près de la forme de l’humain que j’aurais dû être…

Du dialogue de l’homme avec la nature il reste des religions comme des catalogues et des programmes sans voyelle et sans consonne..

Je doute que tout ce qui nous est nécessaire s’inscrive sur le registre des choses dues et commises…

C’est toujours de l’ordre du testamonial que mes mots prennent l’ampleur d’une pensée misérable, parafée par un vagabond dont les idées sont plus pâteuses que ses migrations…

Sans intérêt, puis je me conduire jusqu’au sentiment sans passer par la singularité de toutes les déceptions ?

Lorsqu’on a conscience que tous nos organes sont des ressorts qu’on a accentués, il faut s’en inquiéter, il y a dès lors en nous une maladie pendulaire qui sourd dans nos entrailles et prépare ses immanences dans l’immédiateté, la ponctualité de ceux qui fonctionnent…

Je considère que le monde n’offre pas ce que pour quoi nous sommes précisément en vie, c'est-à-dire la vie même…

Les mots ont été ma principale préoccupation, j’ai pris très tôt la résolution de les traiter avec le sérieux qu’on prête aux ancêtres, tant ils donnent le sentiment d’entretenir un rapport passionné avec le verbe et ses déclinaisons…

En quête d’un dédommagement, de celui que confère l’isolement, je me suis retrouvé dans la peau d’un faux sentimental, et j’y suis resté…

Je justifie le chaos dès lors qu’il réhabilite ma propre ruine…

Toutes les formes de bavardage, du balbutiement au chuchotement ont eu mes déconsidérations, que je n’ai pas voulu me compromettre dans le mot atteste que je mourrai coi en le regardant fixement…

Sitôt que je me projette hors de moi, je me bats avec tous les taiseux qui m’ont poussé dans l’euphémisme et la litote…

Dans toutes mes inquiétantes nuits, je me suis senti tel un renégat doté de promesses qu’il n’a pas tenues, un funeste imbécile qui n’avait de statut que leur antique homonymie…

Tenté par l’idée, mais uniquement en tête à tête…

Il n’y a pas d’art sans religiosité, je doute que l’on puisse réfuter l’orgueil d’avoir mis un dieu en chaque chose pour qu’il nous fasse comprendre qu’il n’avait de place ailleurs..

J’ai préféré me ranger de tous les avis, pour n’avoir pas à mépriser les hommes plus que j’aurais pu le faire…

Etre bas par la curiosité et haut par le mécontentement qu’elle dévoile aussitôt…

En dehors de toutes les formes de désespoir qui mettent mes réflexions juste sous mes vérités, il y a assez de place pour la musique qui ne me sépare ni de l’une ni de l’autre…

La lucidité est une incarnation de la mort, combien j’aurais aimé naître idiot, et étonné par cette outrance rester vivant…

J’ai trop pris goût à l’insulte, ma langue trouve sa faiblesse dans cet accomplissement…

Si nous croyons tant côtoyer la mort dans l’orgasme, c’est par ce qu’il est le seul élan qui ne conduise pas à l’imposture du dommage…

Les évidences ne paraissent pas, mais se multiplient…

A défaut d’être, et mon Dieu quelle prétention contentons nous de vouloir être, c’est bien assez comme suffisance…

Combien j’exècre la méthode, et cette cabotinerie vaut bien ma sotte condescendance pour ceux qui en usent…

C’est croire qui est la forme la plus accusée de nos détournements…