Aphorismes 171

La parlotte fait l’inventaire des monologues que notre fainéantise a tourné en dérèglements.

Rien de profond qui ne me persuade de l’être moins.

Plutôt fossile que vivant !

Arrive un moment où tout mot pue le désarroi, la matière même de nos plus petites figures inventées paraît pitoyable, il est temps alors de se considérer comme un objet vacant.

Actes, subterfuges du temps, pour nous donner à penser que la vie est sensations.

Il ne faut pas que quelque chose me survive, j’aspire à ne rien signifier .

Se réduire à la vie, l’homme n’a rien trouvé de mieux à faire que de singer tous les Dieux qu’il a offensés.

Je rêve d’un cirque idéal où tout mot serait une débâcle, où tout rire serait une tergiversation.

Je ne peux plus penser qu’en bégayant.

La vie est vacuité, mais vacuité suprême, et c’est cette suprématie qui génère tous les poisons.

Est neutre tout ce qui ne génère que de muettes apparences.

L’illusion est une forme d’hymne du vide érigé en supercherie de voir.

L’assurance d’une disqualification m’amène à célébrer ma misère comme si je pouvais la répéter à l’infini sans qu’elle me rende admirable.

Comment tout ce qui nous fut impropre a pu nous guider vers l’intuition et l’invention ?

M’étant préparé à me comprendre, je fus étonné de n’y rien voir de personnel et j’en suis resté là

La seule cause qui aura ma considération est celle qui ne réveillera personne.

Obscurci, amer presque malgré moi, comment aborder qui que ce soit sans y voir un moribond ou un ange détestable ?

J’entre en déception pour la plus petite des anomalies qui n’indisposerait personne, mais me rend aussi malade que si j’avais regardé l’homme des heures durant.

Je récuse ces guérisons que la ténèbre n’a pas chapé.

Mes froides tyrannies ont été les seuls mouvements contrôlés auxquels j’ai donné du sens.

C’est dans un âge gâché et plein de gâchis que je me conclurai.

Rien de beau qui ne me fut permis ou autorisé, je suis donc passé par l’insulte ou le silence avec l’illusion de croire qu’on pourrait me consulter pour mon souverain désarroi.

Idéal :hydre acéphale

Il y a tant de lourdeur chez l’homme qui avance que j’ai opté pour la pause et la pose, toutes deux me comblant par leur décevante invariabilité.

Tous les airs sont désolants.

Appliqué à ne rien créer qui vaille la peine qu’on le regarde ou le cite, ma vie se sera située entre le canapé et le strapontin.

Comment Dieu peut-il rester indemne avec tout ce que je lui fais subir ?

Ma conduite ne doit rien à mes virtualités, mais bien à cette faillite anticipée que mon corps traduit par du retrait.

Ma patrie est dans l’ébriété et le trouble, que ne suis-je celui qui a perdu la tête et s’accomplit dans la grâce des heurts et des hésitations ?

Mon langage est une contrefaçon essentielle, j’ai beau chercher une passe, une marque inimitables, je reste toujours en suspens dans la supercherie du dire et de son inanité.

L’âme est-elle un contenant ou un contenu ?La stupeur parfois ma saisit lorsque j’essaie d’y répondre et de légitimer.

Je voudrais que tout se dissolve autant à l’intérieur qu’à l’extérieur de moi, et m’abandonner à des inerties où je pourrais côtoyer un Dieu et ou un Diable.

L’effort que je fais pour parler je le ressens comme un travail inapproprié et j’en vomis.

Je vous ai prévenu, je m’emmerde, et mes emmerdements sont aussi justifiés que les vôtres.

Coupé du monde et phénoménalement.

Ayant veillé sur l’objet de mes convictions, j’ai longtemps cru que toute forme de sommeil procédait d’une perte ou d’un désistement.

Je suis inutile et pourtant vertical, et lorsque je retombe, je retombe avec mollesse.

Tout ce que j’ai subi, je l’ai subi avec violence, autant dire que se poursuit la torture et que je ne m’en défends pas.

Performant par et dans l’excessif.

Du dédain pour tous, monstre vertébré et invertébré qui s’est obstiné au rejet, que puis-je attendre de l’homme qui ne me dégoûterait de moi ?

Que je me sois gâché avec de l’humain, n’explique pas que je me sois gâché avec moi.

Ma santé m’a appesanti, et si aujourd’hui toute douleur m’apparaît comme un salut, je le dois à ses variations autant qu’à la salubrité qu’elle m’impose.

Aucun raffinement dans cette douleur qui m’a abusé autant que si je pouvais réellement en agonir.

Etre sans être né…

J’ai observé que dans tous les esprits dérangés il y avait assez de place pour d’autres détraquements.

Je n’ai plus rien à dire qui soit en rapport avec la parole et je le dénonce.

J’ai toujours eu le souci de la droiture, et lorsque j’ai vacillé, j’ai vacillé sur de l’équilibre.

Plutôt que de faire, j’ai choisi l’illusion d’une inactivité où j’ai pourtant côtoyé des activistes.

Comment en suis-je arrivé à ne plus vouloir commettre, et comment j’en suis devenu le jouet ?

Etre demande du cours .

En quête d’une de mes extrémités, je me suis perdu dans cette insatisfaction qui résulte de l’impossibilité à évoluer vers ses propres recoins.

Plutôt que d’advenir, je suis resté en suspens dans la peau d’un querelleur passif, que l’impunité a rendu plus statique encore.

Faute de m’adresser aux hommes, dans cette restriction du sens et de la parole j’ai concocté du misérabilisme et plus rien ne l’a remplacé.

L’âge ne m’est venu avec le temps, mes tempes n’ont pas encore grisonné, mais Dieu que je me suis abêti.

Je n’ai aucun doute sur mon avenir, il ne sera pas.

Un pochetron et un poltron définitifs, oui mais n’exagérons rien.

Les mots je les entends comme un soliloque et leur pauvreté je la ressens comme une condamnation.

Une fois disparue mon envie de disparaître, que me reste t’il pour me confiner dans la désolation?

Clairvoyant sur mes saloperies aveuglées par celles des autres.

Quand chacun montre sur une estrade je ne peux plus m’entretenir.

Ma vigilance m'a tenu à l'égard des hommes, j'en cherche aujourd'hui la trace par les inventaires et les palindromes.

Toute parole est novatrice dès lors qu’elle met le langage en danger dans ses surimpressions et son charabia technocratique.

Tout mot m’a paru invraisemblable tant qu’il ne s’était pas aguerri au contact de l’acte.

Pas plus qu’hier mon étonnement ne m’aura servi à me dégager de la vie, et à y ajouter la subtilité des insolutions.

Dans nos extérieurs, là où la parole tient du répertoire et de la lexicologie, parfois une forme infantile et inventive, et l’homme est expliqué.

Vivre nécessite bien quelque platitude obligée.

Ecrire n’est pas d’un emploi  heureux ,depuis un quart de siècle je cherche à causer d’autre chose que de moi, mais toujours retombe dans la vanité d’exagérer mon caractère et de ne pas m’en priver.

L’image défectueuse annonce le totalitarisme de la lettre et ne s’en accommode pas.

Je me suis prémuni contre toutes les formes d’objectivité qui ont tenu de l’aveuglement et de la misanthropie.

J’ai conscience que la parole ne m’aura servi ni par son humilité ni pour des humiliations, pas plus que par ses expansions.

En fait, il ne s’agit que d’être, le reste n’est que constructions en chaîne et à la traîne.

Le langage se construit entre quelque chose comme le corde et l’échafaud.

Que sont les lois du genre quand le genre est malsain?

Atypique par ce langage dont j’ai été le jouet, je ne veux plus me plier à ses absolutismes sans en avoir éprouvé la logique et le bien fondé.

De sorte que n’ayant plus de sujets à aborder, je me noie dans le contenu de cet abandon.

Je ne prétends à rien d’autre que de vivre en le sachant.

Nous sommes tous des incidents techniques dans le grand exercice de l’univers.

Tout ce qui est mis en œuvre m’écœure, et son fondement même m’apparaît comme la trace suspecte que veut laisser l’homme comme après avoir reçu une correction.

La fondation même de l’être se confond avec la suffisance d’un dieu qui a traité la matière avec l’inattention d’un infatué.

Toutes les transitions avec leurs couches délitées m’apparaissent comme une limite à mes dérangements.