Aphorismes 166

Si ma lassitude me tenait réellement lieu de volupté, irais je m’abrutir dans ces églises où la parole même est un exemple de lassitude ?

Changer d’opinion en éveillé, les appliquer en endormi !

A quoi sert- on, si ce n’est qu’à entreprendre, jusqu’à s’en désoler !

J’ai une destinée de tortionnaire qui ne s’en prend qu’à lui-même, et s’assombrit dans la position d’un Persée qui n’a aucune tête à trancher.

Mon arrogance m’a souvent préservé de l’homme et des fouilleries qu’il voulait effectuer dans mon crâne pour en tirer des considérations sur son propre parcours.

Je vous suggère de continuer dans le sanglot, et de rester aux antipodes de ce rire qui va aux fous ,aux assassins et aux martyrs.

J’ai la certitude que tout ce que j’ai raté pour n’avoir pas su m’exploiter, restera de l’ordre du magistral.

M a vie s’est déroulée dans un définitif qui tenait du point d’exclamation abâtardi par la grâce d’une interrogation forfaitaire.

Dans d’idéales conditions, j’aimerais que les mots soient sans issue.

Dieu grogne, les chiens ne peuvent plus tricher !

Il triche avec de l’humain, il n’a plus même l’idée de ses organes !.

J’ai subi la lucidité comme une forme d’exigence qui me console de n’être pas né avec les yeux crevés.

Vivre est de l’ordre de la contagion.

La misère d’être un homme m’atteint lorsque je considère que tout est normal !

J’entretiens en moi une douce pagaille, un tout petit chaos, qui me donnent un accent de désespéré, une incohérence de solitaire..

Extérieur et intérieur nuit, le reste reste dans ce qui reste..

J’ai effacé de l’avenir le mot « Avenir »pour le remplacer par « Demain »,cela est bien suffisant.

L’ennui est la maladie de ce dynamisme qui consiste à se terroriser pour faire et quoi qu’il advienne.

Le faux seul est enviable !

Quelle inquiétude de ne plus en avoir, de veiller sans combattre, de s’endormir sans rachat à atteindre.

Etre dans la stupéfaction de ceux qui accrochés aux mots ne peuvent y renoncer qu’en mourant.

Je traque de l’absurde jusque dans les laboratoires et les pharmacies.

Nous resterons des énigmes exaspérantes, tant elles se confinaient dans de la normalité.

Mon désespoir est si banal que je ne pourrais en tirer un seul fait divers.

D’un extrême à l’autre, sans passer par du central.

Je travaille au jugement, d’où mon horreur pour la conviction, ma peur du cirque du compromis.

La vie n’est pas mon élément, mais j’ai poussé la curiosité d’y voir et de la regarder de près, jusqu’à la louer pour qu’elle prenne en compte mon sang et mes racines.

Entre la matière et l’éther, la science et les viscères.

 West side scories.

M’étant mis au service de tant de roulures assujetties au mot, pourquoi ne puis aujourd’hui user de la métaphore pour des alibis qui ne tiennent pas dans la pause ?

Posologie de mon devoir, vivre et me réduire à ces petites déveines d’un qui va dans la quarantaine.

Si vivre est une institution, combien j’ai pêché par l’oubli de ses statuts, par l’abnégation que j’ai mis à les déformer.

Chacun porte sa douleur si loin, qu’il ne sait si elle existe encore à l’endroit d’où il vient.

Tant mon besoin de vague est grand, que l’éternité m’apparaît comme le seul endroit qui fasse la preuve de ses superficies.

Je suis un plumitif égaré dans un siècle sans âme, qui atteste de ses erreurs, de ses inaccomplissements, de sa perte, en poussant le théâtre de ses ambiguïtés jusque dans les oratoires.

A un moment ou à un autre, on sacrifie à sa soif de révoltes, l’effort fait pour en triompher, et nous voilà sous surveillance.

Le propre de l’homme réside dans le plus dégueulasses de ses soubassements.

Je suis le témoin de mon existence, c'est-à-dire que je la visite dans la folie de vouloir m’en guérir, ou la digérer mais sans ingéniosité.

Le lot de chacun est de consentir à être.

Neutre dans mes paroles, neutre dans mes cris, neutre dans mes écrits, neutre par mon objectivité, neutre jusqu’à m’en désoler, et tant faire sur le mode de l’équilibre outrancier.

Étonné jusqu’à l’épouvante, épouvanté jusqu’à l’étonnement.

Aussi sot et insane qu’un moribond qui philosophe sur l’existence et ses archaïques caractères.

Ma vie évoque autant les défaillances de la matière perfectible, que cette lâcheté jalousée par ceux là même qui récusent jusqu’à leurs propres défaillances.

Tant Dieu me semble loin ,que je ne peux m’empêcher de hurler dans un porte voix.

Heureux celui qui interrompt sa poursuite, et pose son pas dans le pas de cet ange qui a guidé sa course.

Je suis pour le facultatif contre les obligations.

Quoique je désigne par le mot qui lui convient, j’ai la sensation de ne pas éclairer la matière qui s’est précipitée dans l’objet.

Parler me rend aride, me taire tout autant, faudra t-il que j’use d’un autre langage pour ne plus souffrir et m’en souvenir ?

Toute forme d’honnêteté tient de l’infection et de l’inféodation.

Misanthrope dans un monde infecté, je doute pouvoir pousser plus haut encore mes infirmités, c’est ainsi que me sont venues des nuits blanches.

Quel dommage que toutes nos saloperies enchantées s’accompagnent de quelques remords avoués des années plus tard.

J’ai régné en souverain dans cette solitude où je n’ai cultivé que du regret pour mieux les consulter à mes dépens.

Lorsque je prend un train, je me figure toujours qu’à l’entrée d’un tunnel, il plonge dans un enfer qui me consterne, et je souris.

La forme la plus parfaite de la vie n’a pas été pensée et conçue.

Je soutiens que je n’ai voulu nuire à personne, sûr de ce postulat, je suis resté stérile ,c’est ainsi que je suis resté veuf sans rien n’avoir épousé.

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Exister est une contagion vénéneuse.

Tous mes désastres se sont établis parce que j’ai laissé la fantaisie n’être que passagère, dans ce corps et cet esprit, que l’image à condamner à voir, rien qu’à voir..

Attentif aux hommes, j’en ai oublié de m’observer ;je dors depuis des années dans un corps que je ne pourrais plus sauver tant il se prête aux ouvrages d’un ronchonnement perpétuel.

Tout ce que j’écris et ai écrit est vain, cette inanité me conduit dans la suprême vacuité de mes débuts, quand il me restait tant à commettre.

J’écris pour réfléchir sur ma violence et n’en pas garder le caractère inné.

Je resterai cet ahuri qui prétend que toute œuvre doit nous amener à douter, mais à douter impersonnellement.

L’exigence du sommeil nous pousse après le dormir dans la frénésie du commettre, mais commettre du n’importe quoi.

L’évidence a été ma dauphine, ce n’est que dans ses antériorités que j’ai su que je pouvais me passer de tout commentaire sur cette même évidence.

J’agis pour n’être pas, mais voilà j’agis, et déjà je suis.

Vivre, spécimen du temps compté..

Tôt ou tard, tout est trop tôt, tout est trop tard.

Les répétitions m’ont mené aux évidences, je ne peux plus me démarquer sans être aussitôt saisi par l’enivrement du tout premier lieu.

Je me figure toujours la vie comme la plus parfaite des maladies, à en juger par ce que je suis devenu, je me sens incapable de l’affronter.

Aucun forfait que je n’ai commis sans le regretter aussitôt, je suis de cette race qui n’a pas su se préserver par le crime.

Le vivre est une punition de la matière, que le temps corrompt, pour pousser plus loin encore l’affront de paraître.

On ne peut parler sans rompre aussitôt quelque organe essentiel qui fait office de réservoir.

En vérité, la vérité me contrarie, je cherche à jouir de toutes ces affabulations où la bête ne jargonnait pas encore.

Rien, il n’y a rien qui ne me fasse exagérer l’existence, je cherche dans l’immédiateté du verbe, une réelle déveine qui soit aussi un statut alimenté par mes divagations.

Si j’étais persuadé de quoi que ce soit, serais je allé vers l’essentiel, ou aurais je développé un peu de l’existence pour la prolonger, je l’ignore, cette ignorance m’a par trop fixé dans le temps.

Malade j’aurais été un individu dévoué à la science, me voilà privé d’un statut auquel j’aurais aimé m’accrocher avec l’âge.

Je resterai un infortuné sans logique qui a fait naufrage entre une conserverie et un hospice.

Je me réjouis d’avoir été détruit dès le premier jour, ma quête a consisté à tout relever, ma manie a été à la construction, je suis ainsi entré dans l’imposture de la flatterie pour mieux redescendre jusqu’à Dieu, voire plus bas encore.

Toute œuvre sera dans le grotesque de l’après, de l’après qui, de l’après quoi, je l’ignore ;ce que je n’ignore pas, c’est que je devrais cesser d’écrire de telles inconséquences.

Mes humeurs n’ont pas été redoutables, je n’ai su charger, ni insulter personne, je me suis défait de moi, de peur d’être poursuivi dans les autres.

Stérile, je me serais affaissé, je me serais endormi, j’aurais œuvré à d’autres postures, mais voilà, je sommeille, et j’ai encore tant d’instants à perdre.

On a beau dire, on croit toujours être guéri de ce même dire, mais il nous aliène jusque dans nos plus petits propos.

J’ai cherché dans les mots un remède à l’existence, encore mieux, un remède contre l’existence, je me suis étendu sur la lettre et la syllabe ,j’y ai trouvé plus de nausées que dans le silence, reste le caractère funèbre des deux pour me laisser à la maladie.

L’homme est extensible, c’est un de ses plus grands excès.