Aphorismes 163

Comme je n’ai rien voulu entendre, je me suis étendu sur moi, autant dire sur un non sujet.

De temps en temps mon cerveau m’accompagne, et me voilà encouragé..

Chaque fois que j’ai un argument qui vaut, je le rumine jusqu’à ce qu’il ne vaille plus la peine d’être exploité.

Si tu veux passer ta vie dans l’intranquillité , crève de rage en tout.

Tout va de paire avec l’embrouille ou la connaissance.

Ce que l’alcool réussit à effacer en moi lors de mes libations, le voilà le jour d’après comme une sous réalité sur laquelle je ne veux pas être entendu.

Le secret parade dans l’obsession de l’exclusion.

Tous mes déséquilibres sont dans l’exposition.

Quelque décision que je prenne, elle m’apparaît aussitôt comme de la bouffonnerie érigée en grandiloquence..

Tous les jours je risque ma vie, je suis, et cela n’est pas une mince affaire.

Judas reflète la joie du spectateur.

Être forcé au « je »,être forcé à la maladie d’être.

Et dire que je me suis attardé sur tant de détails, pour n’en retenir que ce qu’ils avaient de moins saisissant.

Est libre celui qui n’a aucun lieu en lui pour s’y planquer.

Toutes les formes de souffrance que j’ai connues ont été des tabernacles, où j’ai caché tant de cette ténèbre pour n’avoir pas à m’exalter dans de l’obscurantisme.

Dire, parler, émettre, tous tiennent de l’autopsie et du corbillard.

Chez moi tout est finissant, tout a été finissant, et tant finissant que j’ai fait figure de vieillard, mais de vieillard qui s’éternise..

La curiosité m’a poussé vers l’argot, la roture et les alphabets..

Voilà qu’on assassine ma langue et mon pays, voilà qu’on m’exile une nouvelle fois, voilà qu’on me veut à nouveau dans la colère et le mépris.

Mon corps se resserre dans l’homogénéité de toutes les sécrétions vénéneuses dont j’ai abusé quand j’étais vain.

Occupé par de l’ennui qui s’écoule dans les déséquilibres de la conscience et de sa gravité.

Peut-être que ma vie n’aura été qu’une manœuvre vers une perte suggérée ?

Plus je reste attaché à ce monde, moins j’ai en charge de le contenter.

Pour un manuel du savoir crever.

Je n’ai rien produit qui vaille la peine qu’on le regarde de près, sinon ma vacuité.

Tant d’instants dans la primauté du dégoût, que le dégoût lui-même ne s’y dissoudrait.

Si la folie était rédemptrice, aurais je besoin de cet esprit qui la combat dans la liturgie des pornographies verbales ?

Combien j’ai été amer, et combien dans cette vitalité, j’ai vu que le sommeil n’avait de profondeur qu’avec de la science.

Tout n’est que fiction, dans un monde où l’esprit descend plus bas qu’il ne s’élève, je ne veux prétendre à rien ;le reste n’est que commentaire.

Rien que je n’ai voulu prolonger, j’en retiens pourtant les tentations, mais j’ai gardé les charmes du retrait, jusqu’à combler cette insupportable réalité.

Mon ennui est une mascarade auréolée d’éternité et de mélancolie.

Tout se déroule, comme si à l’intérieur de ces décompositions où je me désarticule, mes sentiments prenaient la proportion d’avantages, oui mais sur quoi !

En quelque lieu que je sois, mon exaspération va en alternance avec ma sérénité ;si j’agissais selon l’une ou l’autre de ces dispositions, je m’éloignerais des hommes ou je les honnirais davantage.

Mon esprit participe mal à mon mal, mon mal est-il assez sérieux pour que je l’étende à mon corps, ou dois je attendre qu’il se révèle jusqu’à mon sang ?

La moindre des étapes de ma vie a été une permission.

Que ne me suis-je révélé moins douloureux, moins abasourdi par les logiques du malheur, par mes prétentions à y voir les encouragements d’une nature qui cherche à progresser à travers moi jusqu’aux difformités originelles.

Mes sensations sont ces agitations que la proximité des hommes a rendues possibles parce que je les ai eus en égard.

Il se peut qu’avec tous mes somnifères je n’ai cherché qu’à endormir ma conscience de l’humain.

Le plus douloureux des mondes ne peut être que celui là.

La vie ne peut être qu’une expérience étendue en toutes choses ,en tous lieux et de tous les instants, une expérience ruineuse et mal accomplie, mais une expérience.

Dans ces nuits où la substance même de vivre vire à l’hallucination, mes sentiments rejoignent des espaces plus funèbres que toutes mes solitudes, celles où je me suis apparenté à de la forme.

Dans cette chambre sans décor, plus aucune nuance dans l’obscurité, tout est si noir qu’on dirait que la plus ignoble des vérités s’est arrêtée là.

Pourrais je comme compensation à ce naufrage, échouer sur une île moins immense que mon chagrin ?

Tant elle était prestigieuse ma solitude, tant elle est devenue la seule excuse pour devenir fou ou faux.

Toutes mes idées coïncident avec de la barbarie, celle de l’entretien autant que celle de l’absence, et si je ne doutais d’être ordinaire, elles me conduiraient jusqu’au tombeau.

J’ai été digne jusque dans mes excès, par réflexe et par nécessité ,je regrette aujourd’hui d’avoir commis tant de méfaits sans aucune trace de dégoût.

Je fais peu cas de l’homme, et encore moins de moi, c’est de là que me vient ma propre considération.

Tous ces instants où j’ai été pitoyable, combien j’aimerais les revivre pour être plus pitoyable encore.

Penché sur des bassesses où mon mutisme traduit mon amertume, je regarde le monde comme un souteneur plus résolu à décliner qu’à s’élever.

Je voudrais n’être pas désespéré en mourant, c’est assez d’avoir vécu ainsi.

Que j’ai tant cherché à me désengager de la souffrance n’atteste pas que j’avais du poison en bouche, voire quelque insignifiance, pas plus que j’y ai pris goût pour m’individualiser.

Parfois tout se semble si clair,et la distinction, cette autre décadence de l’imperfection, ne passe plus par mon immobilisme, ni par mes apartés.

Plus je considère que la création ne s’est pas faite dans la douleur, moins je réussis à voir dans les élans de ma vie un acte qui pourrait encore être devant moi.

Les joies ,toutes les joies m’irritent, sitôt que retourné à ma misère, j’y sens les frissons de tous les êtres qui mourront sans y avoir déplacer d’abjectes générosités.

Toutes mes anémies m’ont encouragé aux mornes certitudes, aux mornes horizons.

Toutes les nuits où mon sommeil ne fut qu’un repentir de solitude, je n’ai rêvé que de ce cadavre philosophique qui traîne son ennui comme la plus pathétique de ses maîtresses.

Comme tout me devient étranger, je n’existe plus qu’au travers de ce néant que je déplace vers les dépotoirs.

Terreur dans ces affections qui ont pour objet tous mes dédoublements.

C’est souffrir qui m’a donné toutes ces impulsions, ma punition est d’avoir trop bougé, ou de m’être borné dans d’ultimes réductions, je fais à présent dans l’approximation des verbes déchoir et décevoir.

J’ai eu si peu d’accords avec les hommes, que dans chacun d’entre eux il y avait de la morve et du crachat.

Ca n’en finira donc jamais d’exister !.