Aphorismes 149


Pas question d’être seul verticalement, il est temps que mes retraites me mettent jusqu’à l’abri de n’en plus pouvoir parler.


Du désert où la parole m’a révulsé, je reviens avec la vitalité d’un fossoyeur.


Mériter tous les pires pour mieux s’affranchir du meilleur !.


Toute pensée qui me ramène à l’autre pue, combien j’ai cru que cette assertion avait quelque légitimité qui me donnerait envie de durer.


On rentre dans la vie comme on rentre dans un bordel, pour y voir les désastres ignorés de toutes les familles.


Rien en dehors de l’insulte, de la colère ou de l’ennui ne m’ont donné suffisamment de mots pour mieux les assister.


Apprendre à devenir ce que nous étions avant de naître.


La vie est un avant projet de la matière.


Asialique :combien j’aurais aimé m’épuiser dans le crachin ou le venin.


J’assiste à mon existence comme si je ne pouvais plus la voir que du haut des gradins, et j’en pleure, et j’en vomis.


Tous les moyens sont bons pour tourner le dos à l’existence.


Jour après jour des restrictions, à cela près qu’elles conviennent à certains, et éprouvent les autres, quant à moi, je fais dans l’entre deux.


Si j’en juge par ce que j’écris, j’ai toujours été un vieillard avec des façons de midinette.


Je songe parfois à la vie que j’aurais eu si j’avais été jusqu’au fond des choses, et j’en ris tant je soupèse toutes mes tares.


Seul je ne me satisfais qu’à moitié, parmi les autres également, il faudra bien que je ne sois plus le jouet de toutes les demi mesures que je me suis imposées.


Rien de ce que j’ai prédit ne s’est avéré, j’ai trop simplifié l’avenir pour qu’il figure autre chose que le grand foutoir de l’ennui.


Ma curiosité m’a trop poussé jusqu’à l’insanité du voir.


Nous nous exténuons à créer quelque œuvre qui devrait subsister, quand le Mystère y réussit d’emblée.


Être c’est s’acharner et se décharner de révélations.


Entre l’orgasme et l’effondrement, secondes et éternité, s’est glissée la vie pour porter le deuil des deux.


Si toutes mes déceptions ne m’étaient pas destinées, comment aurais je pu augurer de ce luxe de la nocivité, et qui va si bien à tous ceux qui se vautrent.


La connaissance se rétablit dans la fidélité.


Nous avons été conçus pour pourrir, pour témoigner de ce fumier originel, voilà pourquoi notre vie durant, nous salopons tous les lieux qui nous ramènent ,nous rappellent ce postulat.

Tout à la fin, devient t-on réellement objet, ou pouvons nous encore susciter quelque forme d’élévation, qui ne tienne ni de la prière ,ni du savoir.


Il y a des jours où l’on se pose tant de questions, que toutes nos sensations en deviennent des calamités ou de l’indiscernement.


Tout m’aura gâté, mais chacun de mes actes aura nourri d’autres santés.


Tandis que je suis encore de ce monde, je perds de mes dégueulasseries, pour n’avoir rien d’autre de méprisable à vomir ailleurs.


Le monde est ainsi fait qu’il met l’espèce sur le chemin de l’idée et du pire, pour qu’il se joue de l’espace et du temps.


Le comble de l’ignorance serait de les mépriser toutes, aux dépens de la nôtre.


Mon régime m’inspire du dégoût, je fais dans l’anti- totalitarisme, autant dire dans la perpétuité de cette histoire qui ne recycle plus que du mépris.


Désabusé !mais cela est –il vérifiable ?


Tous les malheurs du monde restent à l’extérieur de cette sphère où j’appréhende la vie, où je la perds sans avoir voulu m’y livrer.


Inambitieux au point de me discréditer aux yeux de tous, je vais de plain- pieds dans une réalité qui ne reflète que mon non sens, et je médite.


Vivre serait un apprentissage que je serais un mauvais apprenti, vivre serait une carrière que je ne monterais sur aucune estrade.


Toutes les créations sont du marasme inventé pour des êtres affaissés dans leur méditation.


Croire nécessite quelque effacement.


Je respecte ma conscience dès lors qu’elle m’oppresse.


Ma retraite sera un de mes mouvements les plus sains, les autres auront servi à me mettre en exercice.


Comme je n’ai pas su faire dans la nuance, je me suis épuisé dans du semblable, et parmi les miens.


Je doute que nous ayons quelque chose à voir, qui n’ait été sali avant.


Rien d’honorable que je n’ai pu écrire et qui ait été commis dans la grâce d’une déveine ou d’une soûlerie.Peut-on reprocher aux hommes d’avoir été aussi distants ?


Les réclusions suscitent parfois des commentaires sur la souffrance ou l’œuvre.


Dérangé, et si vivement, que du plus ancien où je me vautre je ne peux échapper ni à l’injonction, ni au latin.


En une seule journée, perdu tant de fois, et tournant autour de la connaissance, sans pouvoir y ajouter du terme ou de l’infini.


Aujourd’hui, j’ai si peu d’audace, que même armé, je ne saurais éviter le folklore de la paresse.


Dans cette obscurité où de diurnes dieux font dans l’insolence et le forfait, je ramène à ma vue des mineurs ensommeillés, pleins de fièvres et de fureurs.


Cette déception si ancestrale et que je traîne, doit-elle m’épuiser ou me mener vers la prière, ou puis je y accéder sans les déséquilibres qu’elle détend ?

Je conçois la vie comme un éloignement, et ne sais substituer à cette idée de distance, qu’une autre idée d’espace et d’intervalles, aussi détestables que les mathématiques que j’ai mal pratiquées.


Trente ans après avoir lu Lautréamont, après avoir voulu ressembler à ce prince halluciné qui pose son front sur le marbre froid, je me demande si je n’aurais pas du aboutir dans la peau d’un instituteur en vacances.


En définitive, j’aurais mieux fait de ne rien vouloir contenir, ainsi mon cerveau n’aurait été qu’une anomalie, une de plus et rien d’autre.Dans cette quarantaine où je ne me démène plus, je joue un malheur possible contre un malheur providentiel.


Ne plus accrocher à ses soupirs le redoutable moment de respirer.


Mon corps est à l’image de ma vie, altéré et sans secours, je cherche une idéale inertie, comme une offense de plus, comme une incitation à en finir.


Nos jardins secrets sont des dépotoirs où Dieu est à l’agonie.


C’est en oubliant que je me guéris, que n’ai-je à la place du cerveau un gouffre, pour y précipiter mes humeurs et mes drames, mes regrets et mes insomnies !.


C’est la nuit, et seul, que le savoir m’apparaît comme l’ébriété la plus saine ;dans mes diurnes contrées, il n’est qu’un échange, un mauvais partage, quelque chose entre le don et la gravité, entre la décharge et la bouffonnerie.


Mon tort aura été dans ce silence que je me suis imposé, non que j’ai cru à la stérilité comme un remède contre la parole et ses défaillances, mais parce que l’énergie que j’ai mis à me signaler par mes écarts m’a donné accès à ma propre nocivité, à mes propres désabusements.


Vivre consiste à s’employer.


C’est dans l’exercice du retrait que j’ai mis toute mon énergie, et je le ressens à présent comme une tyrannie à mon encontre. Ma fatigue répond à ma faculté d’être.


De jour en jour, alors que je repousse mon goût pour la vie, j’ai la conscience de progresser vers un péril plus important que je ne le souhaitais.


Mon énergie, toute mon énergie aura été de ne vouloir parvenir à rien et d’y réussir.


Tout ce qui m’a concerné s’est à un moment avéré sans suite, l’important est d’y avoir vu la hideuse face de l’opportun.


On ne peut être homme sans avoir touché un jour à la putréfaction.


L’absence de rêves m’aura servi à des désolations qui sont devenues une méthode autant qu’un excès.


Tel se meut dans l’existence comme une cellule, tel autre comme dans une cathédrale.


A vrai dire rien ne m’a paru honorable qui n’ait été sali par du malaise ou du mal-être.


Je ne suis qu’une pose entre du folklore et de la théâtralité.


Ne te regardes pas comme un homme en difficulté, regardes toi comme si tu séjournais comme un vaste ossuaire et que tu ne pouvais plus en sortir.


M’étant cramponné à la vie dès la naissance, mes mains ont gardé de cet effort la double crispation du retenir et du rejeté.


Au dessus de nous, dans les vastes sphères où l’eau établit un domaine, il y a le plaidoyer des anges qui dégobillent.


J’ai gardé de mes journées d’assoiffé, la pâleur du marbre des bistrots et la déréliction d’une Munichoise qui passait.


Je me serais usé à ne revenir de rien, que j’aurais toujours un mot pour en parler.


Ayant élargi le champ de mes connaissances et de mes amitiés, le monde m’est apparu comme une réflexion toute faite, comme un état préétabli, et plus rien n’a valu, ne vaut la peine que je m’y attache.


Au comble de l’inutile apparaît parfois l’hostilité, une présence qui existe que parce que l’on ne veut plus créer, et c’est cette présence là, qui par le dégoût qu’elle a d’elle-même, nous intime de l’imiter.


Que serait le monde si la connaissance ne passait pas par la question ?