Aphorismes 144



On peut pardonner à un idiot ses maladresses, et ses maladresses à un imbécile, mais pas une nation.


Si la vie n'était qu'une tâche qui nous est dévolue, être ne serait que fureur.


Jamais je ne me réconcilierai avec ces microbes que sont les hommes et qui m'ont affecté jusqu'à la purulence.


Être demande du souffle, mais qui ne soit pas brûlant.


Nos rêves nous les mettons en carène, ce sont des bateaux qu'il faut nettoyer de la cale au pont.


J'ai trop cédé au silence pour le considérer autrement qu'il n'est, du poison.


J'ai pour principe de déchirer tous les courriers, toutes les lettres, surtout ceux où l'on a parlé d'amour et de beauté.


Les penseurs se suffisent à eux-mêmes, ce sont des  pulvérisateurs qui crachent des mots croupissants et sales.


Le cœur des hommes est plein de cette ironie qui leur donne une pâleur naturelle comme celle d'un moribond.


Être c'est  se suffire.


Prodiguer des conseils à tous moments, c’est tendre un rasoir à l'autre.


Nous apprécions tous chez l'autre cette écharpe qu'il a autour du cou et que nous aimerions serrer.


La vie n'a pas de garde du corps.


Les esprits sains, plus ils cherchent à disposer de leur approche de l'homme, plus ils leur témoignent de l'insalubrité.


La logique est de l'ordre de cette missive dont on se sert pour se familiariser aux lois.


Je n'écris pas pour la remarque, j'écris pour me passer en revue.


On dit rarement oubliez moi, et trop souvent regardez moi.

Dans ces heures si mal conçues que sont le manque de sommeil, j'ai le sentiment que tout devient sensible, et que si je le touchais, il s’émietterait.


La vie n'est qu'une froide ivresse.


Il y a trop d'âmes qui ne s'élèvent plus, voilà pourquoi le ciel est si souvent gris.


Il est des opinions qui schlinguent, méfiez-vous de ceux qui retiennent leur respiration.


L'homme n'est pas libre, l'homme est assujetti à tout ce qui lui arrive, bref à l'existence.


L'histoire se répète pour nous empêcher d'être curieux.


Parfois dans le remue-ménage du ciel, tout ce qui est obscur nous rappelle nos noirceurs.


Vivre nécessite qu'on s'y emploie, être en est une manière, le suicide aussi.


Tant m'est difficile de prononcer le mot homme, qu’il m'arrive de bafouiller, puis de cracher quand ce n'est pas de vomir.


Qu'est-ce que l'espoir, sinon quelque chose de fragile écrit sur un mur à la craie ou à la chaux ?

Je crains n'avoir eu que des rêves mal dégrossis, et qu’au matin je considérais comme une somme d'impossibilités que j'ai converti en dogmes et en inepties.


Sitôt qu'on a le dos tourné, quelque chose d'insupportable se met en place, la vie quoi !


Cette âme qui danse autour de nous et qui multiplie toutes nos façons d’homme, est ce de l'amour ou l’envie d’en finir avec tout?


Dans les cimetières, toutes les allées sont clairsemées de petits cailloux blancs, que de petits poucets sont passés par là !


Le temps est une des voies de l'existence que nous légitimons, parce que celle que nous empruntons ne peut être rebroussée.


Je me mets en demeure de rester en dehors de moi, vanité des vanités.


Ce n'est pas assez d'être petit ou grand, il faut l’être innombrablement.


Tel a le cœur rempli de poison, que ses veines mêmes s’y ressourcent pour puruler.


Est virtuose de la pensée celui qui se les arrache une à une et n’en montre ni la quantité ni la qualité.


Ma bonne étoile n'a pas résisté à la glu des hommes, la voilà dans une gangue purulente et qui saigne.


L'humilité est une mauvaise fille qui va à l'aventure avec des bas résilles et une ceinture dorée.


La religion est une campagne de la mendicité, une fois qu'on a tendu les mains, elles sont sales.


On peut parcourir le monde en restant dans un canapé, il suffit d'être en bonne compagnie ou avec un psychanalyste.


Les livres ne sont que des interventions fielleuses, une fois qu'on les a refermés, on est dans une impropre solitude.


Etre est toujours une image de la fin.


Quant au siècle des lumières, oubliez le, nous nous éclairons toujours à la bougie.


Est-il utile de se dégager de l'amour, pour se purger du bonheur d'être à deux dans l'opacité ?


Dans ces jours où chaque proche visage d’un félon sur le chemin du Golgotha, je me figure le Christ comme un enfant qui va embrasser une fille pour la première fois.


Une bouche cousue de velours, croyez-vous qu’elle ne soit pas  autant dans la jacasserie que cette autre sèche et froide.

La plupart des hommes croient que le pardon d'une femme vient du cœur, il vient de son entrejambe.


Par le silence vient cette malveillance qu'on montrera sitôt que quelqu'un nous déliera de notre confort.


Jour après jour je me charge de cette vie pleine de représailles, d'insultes et d'opprobres, et de  dangereux silences.


Dans aucun de nos trous nous ne pouvons balancer un pavé, point de barricades possibles, nous voilà comme des reposoirs.


Les hommes sont des soporifiques avec de grandes oreilles.


Un cœur phosphorescent, qu'il continue de brûler et d'éclairer, il s'éteindra de lui-même avant que quiconque ne lui ai soufflé dessus.


Être que ce n'est que de se diviser.


Le plus bel éloge que l'on puisse faire de la vie, c'est de dire qu'on a été aveugle, ou dans la vision abstraite de tout ce qui aurait pu nous engloutir.


Pour les Dalilas contre tous lesSamsons !


Créer demande de l'énergie, mon physique ne s'y prête pas, je n'ai en idée que des édifices qui s'écrouleront à la première adversité.


Mentir est délicieux, c’est fossoyer dans l’être avec un tison d'or.


Méfiez-vous de celui qui porte un bandeau à un œil, l'autre voie double.


J'ai toujours en bouche un goût d’éther et de naphtaline, l’éther me ramène à ma nature de malade qu’on aurait dû hospitaliser, la naphtaline à celui d'un vieux qu’on sort d'un cagibi.


Je me serai  confessé tant de fois, sans y prendre goût, c'est le mensonge seul qui m'a servi.


J'ai péché et je pêche par égarement, Dieu m'en est témoin, je me suis tenté par la prière que lorsque je n'ai rien grandi.


L'avantage qu'on a à s'épancher, à se déverser chez le psychanalyste, réside dans le fait qu'il n'en a cure, et qu'il ne retiendra rien.


Quant on cesse d'aimer, on cherche des excuses, quand on commence, on cherche des compromis.


Je ne suis loyal qu'avec ceux qui ne me donnent pas d'échéance.


Calme, paix, sécurité, sérénité, que d'inflammations pour un corps qui exige qu'on l'expose.


N'être indispensable qu'à soi-même, voilà un beau sort.


Je n'entame rien que je ne pourrais finir, exemple mon existence.


Ne dites pas d'un ami qu'il est sincère, il vous fera entrer dans sa maison, vous fera boire, et vous fera avaler des couleuvres.


Une plume acérée, est-elle toujours trempée dans du venin, pour aller jusqu'à l’aphorisme ?


Est inutile non tout ce qui m’encombre, mais ce qui m'empêche l'hospitalité.


La mélancolie est un vieux courtier qui ne propose plus aucune assurance fiable.


Dilettante au cœur ulcéré, j'attends que ma mélancolie soit d’un ciel plus bas encore, et pesant comme une morale.


M’étant vidé la tête devant le miroir, je m'aperçus qu'il s'était encroûté de sel noir, et qu'il fallait la mettre dans un pot d’éther.


Mes pensées sont toujours alimentées par ce que ma chair ressent, d'où l'avantage de ne rien vouloir gravir.


Dieu ne m'intéresse que lorsqu'on me veut propre à tous les égards, et qu'on me gourmande sans cesse.


Le ciel ne peut pas toujours se joindre à la terre.


On brûle de passion comme on saigne de méconnaissance, les deux d'ailleurs se confondent dans  la complétude de tous les sentiments.


J'écris pour me soigner, soigné, j’écris encore.