Aphorismes 140


Je m’ennuie tant et tant que le temps me semble un divertissement pernicieux.

J’ignore encore si ma pauvreté me conduira dans ces déserts que la conscience subit comme une prière ou un traité.

Fanatique du pire, mais congénitalement.

Je me suis intime, c'est-à-dire que je peux ajouter à ma nudité cette autre nudité qui n’est qu’une abstinence.

Je me flatte de ne pas avoir eu d’initiative qui m’ait attaché à l’imitation.

Que suis-je devenu, si ce n’est cet humilié qui cherche le dialogue avec la chose?

Tous mes centimètres carrés sont imprégnés de cette sanie qui fait de mon écriture une purulence, un abcès, quelque grosseur qui ne peut rien désaltérer.

Toutes les erreurs que j’ai commises en premier lieu, ont eu droit à cette lie qui fait les méditations, les imitations et en appellent au vide ou à la saoulographie.

Je n’ai qu’un sens à donner à la vie, c’est le sens qui me voue à n’en pas parler.

Je réagis comme un sombre nigaud,abruti par ses inepties face aux évènements douloureux, et ne sais pas si on cherche à m’éprouver ou à m’approuver.

Je me suis écarté du doute pour des attitudes de dépeceur qui n’a que la conscience de la chair et de ses putréfactions.Exister est une barbarie consentie par tous.

Mots, dilatation d’un moi que j’ai essayé de quitter pour m’acoquiner à des soupirs et des pauses.

Ma réalité est une récente construction, qu’il m’est et me sera encore possible de la considérer autrement que telle qu’elle apparaît sur le plastron des forfaitures.

Chacun engendre de cette tricherie qui est dans et de l’existence, qui est l’existence même.

Ma quarantaine sera inconcevable, j’augure d’un mal qui ne m’y verra qu’en adulte infréquentable.

J’ai passé plus de la moitié de ma vie à douter de ma constance, de ma consistance, et je dois à tous mes excès de m’avoir donné le goût de la traque et de la tromperie.

Au nom de quoi ou de qui se pose t-on en être ?

La vie nous a voulu en elle pour se prolonger par nos néants.

Sans le tragique de mes cécités et vanités je serai un être sans surface, et mes fonds ne seraient que lies et tourbes.

Je ne prétends pas m’être usé, avili, sali au contact des hommes, je prétends simplement avoir été floué.

Jamais dans les accidents de ma parole je n’ai prononcé le verbe « Etre » en sachant que je ne serai pas.

Je me ruine en désappétit de la vie et le rumine aussitôt.

Nos misères les plus éloignées sont des ultimatums.

L’homme m’effraie, rien que d’y songer je répugne à trouver de l’allant dans ses mouvements.

M’étant dès ma naissance posé en moribond, j’ai plus de connaissances sur les ossuaires que sur la tourbe d’où l’homme a surgi.

J’ai des certitudes si intimes qu’elles me dilatent jusqu’à la calomnie.

Je n’ai de réponses que définitives, une fois que j’ai parlé, rien qui ne puisse me faire corriger le dit,c’est en cela que je suis mort,c’est en cela que je n’ai plus d’attaches.

Mon empire est un empire de sensations ordurières qui équilibrent tous mes superflus.

J’ai toujours attendu la mort en dehors des espaces occupés par les hommes, là où des anges aliénés de souffrance altèrent mes jugements.

Tout est stérile, et je n’éprouve aucun sentiment contraire aux pires de ceux des hommes, c’est-à-dire vains.

Le temps me pèse et me lèse, comment échapper à ses organisations, si ce n’est en dormant ou en n’étant plus.

Toutes mes interrogations sont passées par l’insignifiance, sitôt que je me suis comporté en fugitif ou en renégat de la parole, en souffreteux du verbe.

Etre c’est vouloir se dévoyer dans le pire des anonymats.

Se mettre en vigueur dans cette erre qui constitue nos péripéties et nos aveuglements.

Entre l’obligeance et la servilité, les petits pas abjects du compromis, la sale multitude des consensus.

Le toujours est transformé par le néanmoins et le néanmoins en pire.

Souffrir pour ne pas en rajouter.

O combien de mots pour rien, combien de captives vaines.

L’amour aussi loin qu’il nous porte ne peut dépasser le commentaire qui nous lie à la lie des asservissements du corps.

Je rêve d’une si grande restriction qu’elle me rendrait intraitable.

Mon ambition serait d’être ambitieux, je doute pouvoir mieux expliquer pourquoi je suis inévolutif et pourquoi je pratique tant l’opposition et son systématisme.

Point d’auréole pour celui qui darde et aiguillonne ses employés pour en faire de hideux canges qui ricanent et se dévoient les uns les autres dans de sales voussoiements.

Le tout serait entendu, écouté parle rien, qu’il ne parlerait que de ses défaillances.

Je veille sur des suicides décidés, c’est un exercice qui vaut autant qu’une conquête, autant qu’une attribution, autant qu’une contribution à l’existence.

Vivre ne se résumerait qu’à des stagnations que j’aurais la stagnation néolithique
Ma fidélité m’oblige à surenchérir sur le tragique de la stagnation, sur celui des tribulations qu’on ne fait qu’en dormant.La vie, quel camouflet pour le néant !

A force d’être surpris dans mes déveines, j’ai l’air d’un prédestiné dans une civilisation inaboutie.

Mon orgueil est un orgueil de blasé qui ricane.

Tant tout me parait exécrable, que là où je vomis les vasques sont de stuc et de tourbe.

Au détour de mes rancunes, une autre rancune et ma misère est expliquée.

Vivre nécessite tant de balisages et de banalités.

C’est dans l’à peu près du comment et de son commentaire que j’ai commerce, le commerce avec des marchands sur l’étal d’un Golgotha putride et contaminé.

Vivre serait une punition collective qu’un dieu infondé déplace à sa guise, selon qu’il soit dans l’abstinence ou le témoignage de ses roueries, que je n’en témoignerais pas en pleurant.

Mon énergie réside dans la crainte de parler, et de plus tard le doper par des appellations.

Je déteste tout ce qui est profond et se mesure en intensité.

Toutes les théories sont des possibles, ou de l’a peu près édifiés sur des persuasions.

Le comique, excepté celui du laisser dire et faire, met en scène la plus belle des idées sur la pire des faces.

Mon désir est un désir de préposé aux postes.

Du semblant, des faux, des emmerdements en lois maximalistes, et puis de la naphtaline pour de sales embaumements.

Dans le commerce du pire, avec des godillots et un manteau piqué.

Le ver se fout de la fonction et du goût du fruit.

Toutes les théories sont à mi chemin entre le pochoir et la décalcomanie.

Au plus fort de mes dysfonctionnements, du temps en anomalie, du temps avec sa morve et son embonpoint, du temps debout.

Me serais je inventé toutes ces dégénérescences que je ne saurais y être mieux présent et mieux représenté.

La vie est une sclérose rudimentaire exagérée par l’optique.

Mon inélégance réside dans le fait que je cherche à expliquer mes perplexités, sans l’exercice de la désinfection , celui de la réflexion.

Ma soif de défaillance altère ma soif de jugement.