Aphorismes 136


Il est si difficile de l'emporter sur l'existence que la mort fut inventée pour nous éviter l'éternité.


L’intranquillité, c’est être frappé par chaque pensée qui veut évoluer vers l'idée du suicide.


Mes dispositions au non être ont fait de moi un primitif excédé par tous ce qui se signalent.


La pulsation du temps, ce déchet des heures où nous nous accomplissons dans l'épargne en spectateur qui applaudit d'attendre.


Je rêve de me confondre, et confondu je rêve de subir


Que les enragés de l'existence restent ce qu'ils sont, des chiens subordonnés à des maitres en mouvement, et par les duperies de l'animal qu’ils tiennent en laisse.


Que veut dire revenir de tout, lorsqu’on est parti de rien ?


Tabac, alcools, somnifères, et puis des profondeurs, des gouffres, et parfois des espoirs.


Les jeunes bavardent, les vieux soliloquent, où donc les extrêmes se rejoignent ils ?


Tout ce qui se dégrade, je le regarde de près.


Il arrive un jour que tout nous paraisse grotesque, vain, insignifiant, il est temps de rester dans la vie pour en apprécier ses insignifiances.


Il y a toujours quelqu'un qui nous pousse à respirer, qui nous veut en expansion, avec ce variable sentiment de se prêter à l'écouter, pire à le comprendre.


Qu’est-ce qui pourrait m'empêcher d'être le suivant ?


Entrer dans l'espoir, puis faire présence de mort qui ne pèse pas.


Et si l'on commettait avant de penser, y aurait-il une excellence dans l'acte ?


Combien de nuits passées à vouloir conquérir le monde, combien de jours passés à vouloir qu’il se dissolve dans la poussière des étoiles mortes.


Ce qu’il il y a de curieux dans tant d'autres, c’est qu’ils sont toujours à leur maximum.


Des mots qui ne me reviennent plus, je me dis qu’ils ne me serviraient qu'à nommer l'innommable.

Il nous vient toujours l'envie de nous enrichir, c'est une forme d'autopunition.


Nous nous penchons sur notre passé non pour nous souvenir, mais pour nous tromper.


Il faut toujours choisir entre ce qui est clair et ce qui ne l'est pas, ceci est déjà une sanction.


L'art se mesure aujourd'hui comme un certain trouble où les déchets sont des déjections.


Toute œuvre naît d'un cerveau où les concrétions sont un sujet pour aborder le luxe des coïncidences.


Je suis avare de tout qui ne me suffit pas, c'est-à-dire de moi-même.


Lorsqu'on a perdu tout de soi, de sa foi, il reste une dernière image à exploiter, c'est une bière sur laquelle nul ne se penchera.


Nos idées vermoulues  rouillent dans notre cerveau, et nous nous délitons dans un insupportable corset qui nous a enserré une existence durant.


Nous protestons toujours contre nous-mêmes sitôt que nos idées  nous sont apparues comme des exagérations d'un affect que personne n'a su ordonner ou corriger.


On n’est jamais tout à fait soi-même, et si on l’est, on est un autre.


Laissez-moi à mes pitiés et piétés, c'est cette normalité là qui me rend vain et fatigué.


La foi soulève des montagnes dont nul ne sait franchir les cols.


On est vertueux de père en fils, et on n'en guérit pas, c'est ça une malfaçon.


Tout désir exagère en nous celui qui veut prendre part, prendre part à quoi je l'ignore, voilà pourquoi j'en sais si peu.
Dieu entre dans chacune de nos actions à reculons.


Être envié n'est rien si l'on n'a pas été choisi.

On ne trouve pas Dieu où qu'il soit par devoir, on le trouve parce qu'on l'a désiré et choisi.


Les hommes sont malheureux parce qu'ils veulent se perpétuer.


Une fois qu'on a parlé, on a tout dit ou pas assez, après viennent des réflexions qui nous diminuent.


On devient un ange ou un démon dans l'amour, l'érection est à l'image de celui qui nous ressemble le plus.


On peut s'attacher à tout, sauf à soi-même.


La vérité est utile lorsqu'elle s'est insinuée entre la folie la déraison dont elle est issue.


Heureux celui qui possède ce qui ne le dissoudra pas.


On appuie toujours là où ça fait le mal, le bas du ventre.


Sitôt que l'on ne s'indigne plus, il faut se résigner à ne plus croire que les sots.


L'amour referme toujours la porte sur les infécondes possessions.


La mélancolie est recommandable parce qu'elle est sincère et insupportable.


Et victorieux celui qui se nourrit de ses propres ennuis, de ses propres dépotoirs, les autres se diminuent dans l'ignorance de ces monstrueux courages.


Qui m'aime me poursuive, et qui me poursuit, qu’il me hait.


La musique est un logement salubre, un bail signé pour y vivre une éternité.


Prendre une décision, autant se loger au plus profond d'un cagibi.


Le frein à la liberté c'est tout ce qu'il y a de relationnel et d'affectif, coupez vous des deux, vous serez en représentation.


Nul ne peut s'ordonner soi-même, voilà pourquoi il est des commissions.


Est urgent tout ce qui nous pèse jusqu'à  la fatigue et la pitié.


On ne meurt jamais en silence, c'est bien là la plus profonde de nos tares.


L'homme peut vivre sans s’impliquer dans quoi que ce soit, même dans sa propre existence.


Rien n'est moins vivant qu'un homme qui est tombé dans le silence, et y a adjoint les prières que nous ne ferons pas.


Nos croyances ne sont pas les fruits de notre connaissance, nos croyances sont ces nerfs inutiles qui nous font baisser ou relever la tête.


Je suis intéressé aux hommes comme s'intéresse à un animal blessé et à qui on doit faire la peau.


Au fur et à mesure que je vais dans la vie, je ne m'intéresse plus qu'à une chose sur deux, et celle-ci ne vaut pas la peine que je l'examine. 

Le malheur vient toujours lorsqu'on veut faire le ménage dans sa raison, et que celle ci ne souffre pas de nos démangeaisons.


L'audace c'est de rester seul avec ses maladies sans se distraire du monde, qui cherche à s'expliquer par nos écarts.


La défaite de la pensée se traduit par une brûlure qui s'étend au corps entier.


Ce qu’on devine chez l'autre, c’est sa sale condition d'humain.


Je suis un sous multiple de moi-même et guère singulier.


Réussir dans le mutisme comme on réussit dans la parole, et puis ne pas y penser.


Je soutiens que l'essentiel de l'existence est à éviter, le reste est encore à inventer.


La mort, je la vois comme l'obligation de ne plus être responsable.


La politique est une manière d'interroger le peuple de façon à ce qu'il décide d'être dépourvu des questions qui sont le reflet des hystéries collectives.


Croyez-le ou non, les hommes ne sont sincères que lorsqu’ils ne comprennent rien.


Vivre témoigne que nous sommes des divinités raillées et vilipendées.


Otez moi d'un doute, pouvons-nous être convaincu par quoi que ce soit qui n'ait été identifié par de la douleur.


Nous nous confessons sur un divan parce que nos genoux sont douloureux et cagneux.


Ce que nous appelons la vérité, n'est en fait que la représentation de notre amour et qu’on ne voit pas défaillir.


Que chacun s'empresse de me faire remarquer une humaine identité, et je croirai en l'homme.


Le jugement dernier est toujours dans le premier regard.


N’entendez que ce que vous voulez entendre, voyez que ce que vous voulez voir, ça y est, vous voilà humain.


On peut faire carrière dans le mensonge, surtout lorsqu'il vient d’une idée vaste et éclairée.


On vit sans comprendre réellement ce qui est exaltant, d’ou notre propension à ne voir en nous qu'un certain nombre de résignations.


Il entre dans notre solitude de cette part de nous-mêmes qui n'a pas trouvé sa place ni dans la passion ni dans le rêve.


Il n'y a aucune vérité que puisse proférer l'homme sans aussitôt prendre le masque d’un honteux favori.


Quelle sottise que de vouloir mourir par amour, pour des amours oui, pour l'amour non.


Changeons les choses, non, changeons les hommes.


Si dix millions d'hommes arrivent à la même conclusion pour moi, ce n'est pas admirable, c'est dangereux.


L'amitié est toujours une histoire qu'on regarde de trop près, et sur laquelle on ne déraisonne jamais.


Toute cette raideur dans notre espace, quelle sécheresse, c'est ainsi qu'on se fait une âme fendillée de toutes parts.

La douleur, notez-le bien, nous décharge de ces forces qui auraient pu qu’on fasse bien, mais pour bien faire, il faut que le monde ne vacille pas.


J'ai bien peur que toute forme de travail soit du même poids que mon insécurité, combien il n'est alors difficile d'y emmener mon pas.

On est libre d'aimer qui que ce soit, sauf soi-même.


Il n'est rien de me contredire, mais faites-le sans l'idée de ce passé où je me suis reposé d'être et l’ait montré.


Je sais de parce que j'ai vécu qu'il n'y a rien de spirituel qui ne vienne d'un vieux rire ou d'un vieux déchirement.


Que peut l'esprit lorsqu'il n'est pas héroïque et qu'il doit arrêter la bêtise ?


Je continuerai  à penser que le fait de ne rien posséder a fait  de moi un tâcheron en quête d'un savoir raisonnable.


L'homme s’invente toujours une destinée pour se désintéresser de son présent.


Mentir est vertueux dès lors que la vérité est la seule chose à laquelle on ne comprend rien.

Faut-il que je regarde toujours vers les autres pour être heureux, non, alors pourquoi m'arrive-t-il parfois de me surprendre à aimer ?


Nous sommes tous d'affreux chiens qu'on appelle par un nom qui évoque un complexe évangile.


Qu'est-ce que l'homme, un type avec un missel et qui cherche à concilier Dieu et la matière ?


Cessons d'œuvrer dans ce travail irréfléchi qui consiste à vouloir nous montrer plus pessimiste encore que si nous avions mille enfers à traverser sans nous retourner.


Ma présence sur terre est une manière de servir à la mémoire de certains témoins.


On se fatigue autant de la vérité que du mensonge, les deux nous pourrissent autant d'être dans la punition d'exister.


La liberté chacun sait ce que c'est, ce qu'elle signifie, dès lors qu'il passe sa vie à n’y point réfléchir.


La liberté il faut bien l'admettre, c'est lorsque notre actualité devient pauvre jusqu'à l’asservissement.


M'intéresser à l'idée, beaucoup plus qu'à l’idéal  de l’homme, et puis réfuter les deux.


Une seule véritable question devrait retenir notre attention, qui est l'autre.


Vivre qu'une imposture ou bien grande œuvre.