Aphorismes 114


L’artifice a tant eu mes avantages,que j’ai l’air d’un promeneur qui plus il lève les yeux,moins il paraît surmené,moins il évoque la marche et ses ascendances.


Je suis un Lacenaire primitif qui cherche dans ses sous-sols à se dégager des cordes que lui-même a tressées.


C’est la musique qui nous disloque jusqu’aux primitives prières,au-delà de l’industrie du son,j’admets qu’il y a parfois quelque cri qui se dédouble d’une grâce sans nom.


L’illusion philosophique a oublié l’organe,c’est pourquoi elle ne s’oriente que vers cet esprit où ne figurent ni la rage,ni la pharmacopée du sentiment.


Toutes mes confidences sont fulgurantes,je ne m’en accommode que parce que je reste dans la terreur du second cas.


Dieu témoigne de bon sens,voilà quelques millions d’années déjà qu’il se dépassionne de sa création


De toutes me capacités je retiens celles qui me dirigent vers l’homme pour aussitôt m’en dévier.


Aimer nous complète jusqu’aux euphories,détriments de cette euphorie de nous démolir.


Ceux qui m’ont précédé dans la boisson n’ont pourtant pas usé du même vocabulaire que moi ;je m’enivre pour inventer un nouveau registre,une nouvelle glose qui me feraient échapper à la miséricorde d’être sain.


Je pourrais me passer de tous ceux qui m’ont détraqué,j’en ai la certitude ;je travaille à m’en approcher pour mieux pratiquer la folie ou quelque sainteté qui lui ressemblerait.


Il me suffit de croire que toute folie prélude à des suicides directs ou indirects,pour aussitôt m’y diriger en me dévaluant.


Rendre service c’est se vicier au point que tout acte dont le bénéfice devrait nous revenir paraît insalubre.

Etre,c’est céder à la tentation de vouloir être et de le rester.


Tous les degrés de la perfection sont des degrés d’incertitude.

Toutes nos histoires s’expliquent par nos débordements et la lie qu’elles fécondent.


Faute d’excès à mon goût,je me répète que l’existence est un manque d’astuce,et j’y renonce pour me réveiller dans l’extase ou le scepticisme.


Vivre est de l’ordre de l’acharnement.


Le dégoût de nous-mêmes est un moyen de se soucier des autres et de leurs dégoûts.


Vie :trop plein de la matière,dégueulis des origines,épanchement de Dieu.


Le silence incline à la lice.

Dieu est l’enveloppe accordée à chaque objet et il s’y tient.


Plus je cherche une forme d’harmonie à cette autodestruction que je m’inflige, plus j’y trouve le contentement d’un corps qui se déchire de cette même connaissance.

Mon désir d’amour va avec la vigueur de mon corps, que dire de ce moi lépreux d’où n’ont pu se dégager que des fantômes sans vitalité !


Dans ces à pics, folie féconde, d’où l’essentiel pompier se détend comme une flèche,y a- t -il la terreur du vide qui puisse se muer en faconde ou en mélancolie ?


Quelques conditions pour la circulation de mon sang:entrer de plain-pieds dans un idéal, cesser mes vaseuses introspections, m’adresser à ces entrailles qui mendient quelque vitalité.


Exténué, en valeur extrême d’inapercu, ma perception de la vie ne me donne plus le goût que de l’artifice…


Ma crainte d’être un individu semblable a eu raison de cette déraison d’être un individu dissemblable…


Autant ne pas être, nul sacrifice ne nous incomberait, pas même celui de naître…


Buté sur une seule idée, j’ai laissé l’espoir là où il est à sa juste place, dans un confessionnal où je me suis abaissé à des prières et à la contemplation de mon esprit rempli de drames sans nom…


L’amour justifie le monde et les limites que ce monde nous impose, en nous imposant l’amour comme limite…


J’ai plus à retenir qui soit passé par mon sang que par mes idées…


Il y a des jours où vidés de toutes les substances qui nous poussent à la contemplation, nous convergeons vers Dieu pour l’écarter de tous nos morts…


Je n’ai rien retenu qui vaille la peine que je m’en saisisse, si ce n’est l’abject amour cultivé pour n’y voir que ma propre face, mon propre néant comme en un suaire.


En finir avec toutes ces répétitions qui sont des morts que nous effaçons à chaque fois que nous croyons culminer au faîte d’une idée ou d’un idéal…


Aucun domaine dans lequel j’ai voulu me compromettre si ce n’est dans l’illusion, suspension d’une ancienne intelligence qui parle grec, hébreu ou latin, fondations exactes de nos vieillesses réelles…


Douteur infatué, je retournerais bien à une  philosophie qui me compromettrait avec l’homme, mais l’homme n’est plus dans mes épaisseurs…


La vérité stérilise la fadacité de toutes nos velléités à être, et lorsque nous sommes, nous sommes cette chose sans surface et sans fond qui ne s’oppose même pas à une hagiographie…


La vie trop violente m’est devenue une éternité, une intimité révulsive, et j’y suis aussi à l’aise qu’un rat qui tente de se soustraire à son abstraite intelligence…


La philosophie a beau se compromettre avec le n’importe quoi de l’existence, elle nous donne toujours la figure d’un être qui se laisse submerger par un ciel trop pesant, par une nuit sans étoiles, bref, par le n’importe quoi de la mort qui rôde et qui passe…


J’ai réduit toute mon adolescence à ne lire que de la poésie, absurde renoncement qui ne m’a pas fait côtoyer la prose mais l’iambe et l’alexandrin, quant il eût fallu me proposer à des écrivains dignes qui ont pourtant considéré la littérature comme une survenue ou une parvenue..


Tant de réponses qui m’ont troublé et que j’ai par la suite considérées comme des médiocrités intensifiées par les fausses émotions d’un savoir sans subversion…


Ma foi vient d’un passé où j’ai coagulé des apparences pour en faire des figures assermentées à de la philosophie ou à de la religion, toutes deux me donnant le sentiment de n’avoir pas perdu l’homme de vue…


Aucune admiration ne m’aura donné cet air d’imbécile heureux épris d’une image, d’une icône d’un cliché érigés en système d’impardonnable absurdité, j’ai préféré en rester là…


A chaque fois que je réussis à me rassembler en moi, je suis ivre de cet homme enclenché à de la matière comprise entre une substance minérale et une substance végétale…


Je réside tout entier dans la dimension d’un amour du sentiment, le reste me sert à me voir disparaître dans une foi sans confort et sans fondement…


Tendre tout entier vers la fin, une fin réelle et impersonnelle, une fin de passe partout, extérieure, si extérieure qu’elle se détendrait entre toutes les surfaces qui vont de la treille à l’ivresse ,puis à l’écœurement…


Je ne me serais battu que pour des élévations et des révélations, mes autre combats, je les ai livrés pour me délivrer…


S’exténuer jusqu'à l’absurde et grotesque puissance de croire que nos silences sont grandis à chaque fois que l’on s’est planqué de soi même…