Aphorismes 112

Toute chance m’apparaît comme de l’ordre d’une imposture.


Pour n’avoir pas su rester dans la ruine, j’aurais été secondaire dans un monde qui ne m’aura pas séduit.


Solitude introspective d’où je tire ma vanité pour refléter tous mes ennuis pris à la racine, toutes mes mélancolies prises à leur source.


Modéré, mais avec du crachat et de la lèpre pour chacun.


On ne peut être mieux desservi que par soi-même.


Méfié vous des discrets, ils sacrifient à leurs paroles leur soif de se taire pour nous égarer dans leur perplexité.


Employez-vous à rester ce sceptique que la vie corrompt pour ne pas le mener au vandalisme de la parole.


La certitude n’est pas de l’ordre de la perfection, la perfection et dans la quête, toutes les quêtes qui prêtent  à l’insoluble.


C’est mon incompétence qui m’a fait déceptif ; sans anomalies je me serais égaré dans la peau de ce personnage que rien n’exaspère, si ce n’est Dieu.


Les apparences s’arrangent avec du possible pour nous mettre sur la piste du glossateur.


Se débarrasser du réel, et plonger dans le doute et ses engourdissements.


Qu’ai-je acquis qui me donne envie d’acquérir, rien, et ce rien m’engage dans la négation ?.


S’affréter pour de l’ennui et ne lâcher du lest que ne pour être abattu, abattu mais en fonction.


Faut-il avoir raison de la raison, pour par la suite crouler sous les emprises des folies nécessaires ?


C’est par amour pour le naturel que j’ai si longtemps utilisé les douleurs et les couleurs comme telles.


Les gens sérieux se distinguent des autres par leur disposition à voir de la médiocrité en tous lieux.


Je vais vers le mieux quand le moins bon à exagéré son emprise sur le réel.


Une civilisation de roulures jamais n’en finira de perpétuer sa race.


On voudrait croire que l’esprit est sociable, l’esprit est aussi effrayant que l’esprit ou le poison.


Toute poésie consiste à vouloir rester vierge, et à n’être déflorée que par ceux qui sont se lassés de la contempler comme telle.


Tous ce qui est considérable est pervers.


S’ennuyer d’arranger le monde, voilà une suprême oisiveté.


Toute métamorphose est l’œuvre d’un démiurge généreux qui s’enorgueillit de ses facéties en allant dormir dans l’homme.


Chacun n’existe pas.


Les nuits que l’on aliène se souviennent de nous en nous donnant plus tard des lits dans les hospices.


Les victimes sont terrifiantes.


J’exagère tout ce qui se cache, comme si l’art de tromper passait par un entretien avec ses démons intérieurs.


Arrive que l’amour soit propre, ainsi la sale besogne est encore pour soi.


Le bonheur a été inventé pour nous gâter ces jours où notre conscience cherche un malheur à sa mesure.


La sagesse si profonde soit elle, ne peut léser que ceux qui penchent pour les heureuses superficies.


Je n’ai qu’un mot à vous dire : crevez.


Je ne suis pas généreux, j’ai la générosité du côté de la crapule.


L’intérêt que j’ai pour l’inutile me vient de ce que je regarde le monde comme tel.


L’imagination est ce qui nous dérobe au monde, la réalité est assez perfectionnée pour que j’y trouve ce qui aurait du s’offrir à moi ailleurs que dans celle-ci.


Un type, c’est un personnage sans nom.


Vieillir c’est passer du temps à le chiquer.


L’avenir aura les veines chaudes, n’embarquez pas sur des cotres de papier.


Le mot triomphe dès lors qu’il se veut scandaleux.


Ecrire, est toujours envoûtant, c’est justifier de la vie avec les mots de tous.


Un homme silencieux est toujours près de la vérité.


L’ennui est injuste, il n’y a que chez les faiseurs qu’il est profond.


La sympathie, c’est du fanatisme au premier degré, c’est prendre sans méfiance les chemins d’un bourbier.


On n’est jamais ouvert que par ses propres clefs.


Le tragique à un rival : le secret.


L’avenir se poursuivra lui-même, qu’il s’emploie dès à présent à se défendre de ce fait.


L’humanité se dévore elle-même et en fait chaque jour la démonstration.


Il y a autre chose d’insupportable que les intentions, se sont les attentions.


La science à beau progresser, les imbéciles n’ont toujours pas d’odeur.


Les opinions qui vont contre ma nature sentent mauvais, elles sont trop prudentes ou trop imparfaites, c’est en cela qu’elles mentent, c’est en cela qu’elles ne méritent pas d’être crues.


Si profondes que soient nos pensées, elles sont affectées par l’enfance, l’adolescence, et le doux poison d’être musicien, poète, pamphlétaire, révolutionnaire ou fou.


Heureux celui qui se persuade d’être utile, il peu dès lors se guérir de ne l’être plus.


Je n’en peux plus d’attendre l’homme, je m’en vais dans des actions qui ne sont pas les siennes, j’officie dans la peau d’un qui languit de cette infirmité.


La passion tue la moitié des hommes avant qu’ils l’aient comprise.


Ecrire c’est prier avec des mots que l’on voit.


Espérer est lâche, il faut dans le présent où l’on a pieds ne redouter que soit, pour s’asseoir dans la haute réputation de passager pour Dieu.


Le silence est en gerbe dans la gorge des Dieux.


Quand le silence est riche, on dit qu’il est du côté de ceux qui se prosternent.


Pour voir plisser le vent sur le front des archanges.


L’envie est responsable de mon sommeil.


Grattez sous le bonheur, il y a du malheur avec les yeux qui piquent.


Le bonheur est terrible lorsqu’il est permanent.


De toute évidence la parole est un état second ; transversale du silence ,qui est à la vie ce que le visible est à l’œil du peintre.
L’ordre parfait c’est la conscience des théâtres bureaucratiques.


Ne plus avoir d’intérêt pour rien, est s’abandonner dans la prière comme on s’arrange avec ses propres morts.


Le sacré et une des circonstances de nos paix intérieures.


Il faut prostituer son esprit, le former aux indolences et aux étalements, c’est déjà lui rendre gré de la position qu’il occupera dans les temps d’infamie.


Ne plus rien n’espérer, entrer dans le doute comme on entre dans un monastère, et s’y abandonner dans l’attente des extases compromettantes.


Toutes les fois où j’ai eu de l’égard, un Dieu et un diable s’accommodaient de mes façons.


Je ne suis pas de ce siècle, je voudrais tant en ignorer son monde, que je le porte partout ailleurs où on l’a oublié.


La fidélité, c’est l’excuse que nous empruntons pour parler matériellement de ce qui nous aurait rongé si nous avions été plus imaginatifs.


Il arrive souvent que l’on ne soit bien que dans la peau des autres.


L’algèbre et les mathématiques m’ont toujours emmerdé, comme si le hasard avec ses corrections et ses marges ne m’ennuyait pas assez avec ses zéros pointés.


La maladresse n’a pas toujours des oreilles d’âne.


Il n’y a aucun passage qui ne puisse se faire hors de soi.


Tu t’imagines que la vie à des subtilités, qu’elle est sage ou qu’elle est folle selon des techniques qui lui sont propres, déjà tu t’inventes des histoires qui ont pour origine ses défections.


N’exagérez pas l’esprit, il irait dormir ailleurs.


Etre lucide, c’est être élégant dans la défaite, dans l’effort que l’on fait pour être le seul à accepter les catastrophes, comme un Antée savourant autant la tourbe que la rocaille.