Aphorismes 111


Pour sacrifier à la poésie j’ai fait dans l’épistolaire, hélas tous deux et quoi que je fasse m’amènent soit à la fatigue, soit à la méconnaissance.


L’idéal se déplace jusqu’à nos présomptions !


Quoi que je fasse je ne peux me passer du sentiment, et si je l’exagère tant, c’est afin de le dominer comme un animal rétif qu’on a flatté.


Par souci d’économie je grignote sur mes folies, ne sont elles pas de ces matières qui frisent quelque intelligence et dont l’occurrence est de ne s’expurger que petit à petit ?


En dehors des mots et de la musique rien ne va jusqu’au fond de mes organes, voilà pourquoi ils sont un point de vue sur la mort.


Les idées se font parfois dans le provisoire de l’éveil,les rêves dans celui du sommeil,la conjonction des deux nous ramènent au sentiment ou à la nostalgie.


Entre Don Quichotte et moi, quelques décrets en trop, quelques superlatifs dont nous aurions dû nous passer.


C’est bien assez de me punir d’exister, pourquoi encore m’enquiquiner avec les questions sur cette même existence ? 

Le constat de tous mes rapport avec autrui sont simples, de la merde, avec la propagande de cette même merde.


On ne se méfie pas assez de toutes nos décences qui sont à quelques exceptions près un point de vue sur du vide, sur l’inertie inhérente à tout état larvaire.


Combien j’ai dédaigné tout ce que j’avais acquis de béatitude simplement parce que je n’étais pas passé par Dieu.


Mon équilibre consiste à user autant de mon mépris pour l’homme, que de mon goût pour ce même, c’est cela aussi mon désespoir.


La normalité engendre des tristesses, que seule l’inexistence peut effacer.


Dieu ce qu’il faut d’effort pour sembler être !


Vivre n’est pas de ma taille.


Mon goût pour le mensonge m’a ouvert aux perspectives de la sagesse, plus j’ai menti plus j’ai été en rapport avec l’homme, plus j’ai cherché à ne pas m’esquinter des démoneries liées aux prestiges du savoir.


Plus que disparaître, il faudrait désaparaître, c'est-à-dire ne subsister en rien, ne rien laisser subsister.

Résigné de et par nature, mais respirant malgré tout, parfois même surpris de n’être pas anéanti par cette résignation.


Tout ce que nous acquérrons comme savoir est souillé d’avance, j’envie davantage les fous que les outrecuidants.


Parfois vivant comme un anémique, d’autres fois comme un boulimique, cette oscillation fait tous mes inconforts.


Toute douleur éblouit, une douleur qui n’est pas signe d’émerveillement tient du charlatanisme.


A quoi bon encenser l’homme, chacun de ses actes tient du discrédit, autant celui de la matière que de Dieu.


A l’égal de tous c’est ce misérabilisme qui m’indispose, et que je formule comme un silence, en fait ma lie.


Vivre, c’est se différer.


En prise avec mon âme et mon statut de mortel, Dieu, quelle merde, et quelle fanfaronnade.


Ménageons Dieu de peur qu’il ne se venge en nous faisant bosser dans ses latrines.


Je sombrerai avec et dans le réel, n’ayant pu m’y établir, c'est-à-dire me ranger parmi les comédiens, les comparses et les souffleurs.


La réussite est une option que je ne prendrai pas de peur de me voir juché sur une estrade.


Un évènement c’est du temps qu’on place et qu’on déplace, un grade de plus sur l’échelle de l’avenir, bref c’est une anomalie pour les mémoires à venir.


A la suprématie de dire, je préfère celle que confère l’admirable perfection de la prière silencieuse.


Est petit tout ce qui prête à une autopsie.


Il a bien fallu qu’à un moment je m’entende avec moi, pour n’être pas trop violent à l’égard des autres.


Ecrire est une forme d’emblée d’un suicide sans passer par la maladie des mots morts nés.


Je n’ai aucun goût pour la saloperie et je le regrette.


Le bonheur de trahir, peut-il répondre en mieux à celui de s’user dans la réplique ?

Ayant rompu tous les ponts, y compris celui qui mène à la désespérance, mais n’ayant pas expulsé l’homme hors de moi, alors à quoi bon ce ratage ?


Improductif mais cérébral, aux antipodes de tous eux qui s’expulsent par de la glose et de l’idée, mais alors à quoi bon vivre, fut ce dans un corps de larve promis à la science?


La moralité est de l’ordre du vernis, le cirage une fois que le froid le craquèle disparaît, voyez alors combien nous nous inscrivons dans l’ignominie ou la rage.


Etre un fugitif qui ne soit pas paralysé dans une patrie, par une terre, et ma vie durant errer, jusqu’à être mâtiné par le monde et ses occurrences.


Prévoir, c’est se modérer.


Chaque fois que j’use du mot « Famille »,l’envie d’en finir avec le monde.


Etre n’empêche pas de renoncer au devenir.


Pour aller à l’essentiel il faut n’être à la portée de personne, leur survivre, et user de son propre avis comme pour une épitaphe.


Provocateur, c' est- à -dire créant autour de moi des dissolutions qui me ramènent sur des mutineries à mon encontre.
Le rien est toujours dans l’autre.


La chimie même des mots est de l’ordre de l’urée, du déchet, de l’ordure, et si nous en usons tant, c’est parce qu’à défaut d’en être affectés, notre équilibre passe par nos propos et non par notre silence.

Dégringolade de l’esprit, voici que le mot s’arrange autant pour nous enquiquiner que pour nous divertir.

Dans cette perpétuelle grogne où je ne génère que du superlatif, parfois la sensation d’être est en connivence avec l’homme ;et puis la honte de m’en être aperçu.Civilisation d’œuvrants que la verve a réduit à la misère d’étaler.


Vivre, c’est mal se fréquenter.


L’homme, une variation entre une faillite et l’excuse.


Triompher de quoi que ce soit me paraît suspect, je préfèrerais entrer dans l’histoire par l’imposture de ne rien avoir réussi.
Sceptique, mais dans le pire et non l’à peu près.