Aphorismes 105


C’est le corps qui offre ses facéties au langage, le langage en échange lui offre la douleur et ses éparpillements.


Toutes mes orientations tendent vers la mort, je tourne le dos à la vie en ne générant que des apparences.


Je rêve parfois d’un monde sans mots où nous nous accrocherions à la solidité des cris et des pleurs mêlés.


Le vrai seul est maniable, le faux quant à lui s’inscrit dans la liturgie des fictions qui nous font accéder à de la superficialité.


Passer ses journées à écrire des épitaphes, et ne pas vouloir finir dans une tombe.


Rongé par le mot, par ses vacillements, par les cauchemars qu’il engendre, et dont nous ne revenons pas, voilà l’homme, presque lucide qui cherche une réplique à cet univers qui se corrige sans lui.


L’ennui lorsqu’il n’est pas intérieur, est un ennui auquel nous survivons pour mieux durer.


Exaspéré par des misères sans envergure, j’ai le sentiment d’être un animal dégénéré, singe en démonstration, que l’équilibre ne rend pas plus énigmatique qu’un homme qui marche et avance. .


J'écris par défi,par défi de quoi,je l'ignore,mais ça me fait grand bien de défier et le mot et la littérature,tous deux alités bien avant l'heure à laquelle je veux les saisir,et les extirpant de leur sommeil je n'obtiens d'eux aucune considération,c'est alors que je rentre en moi,en leur prêtant du chauvinisme et des pellicules .


Le définitif n'est pas inhérent à la soif d'exister.


Comment disposer de la parole autrement qu'avec les mots et les mains,la colère ou le blâme.


Dans mes toutes premières croyances, je regrette qu'un Judas s'y soit associé ,m'éloignant de l'apostolat ,de la prière,et de ce dieu présent à tous les étages comme à tous les étiages..


Cliniquement disséqué discrédité dans ma chair par tous ces fouisseurs d'intestins,de grêle, de colon,ces videurs d'écume et de rage,que ne suis je resté endormi pour n'avoir pas à veiller sur des moribonds qui le sont autant que moi .
Amitié,globe transparent de nos aveuglements.


Combien j'éxècre tous ce veinards qui en oublient jusqu'à leur sang ,leur sang froid,leur squelette et se vautrent sur les canapés ces psychanalystes,enfouisseurs de mensonge et de neurasthénie.


Je crains qu'en toute chose,un dieu informe,donc sans apparence,ni apparât,ne vienne troubler nos consciences que pur nous rigidifier bien avant l'heure.


J'ai le dégoût de toutes ces apparences que l"amour ne peut dégrader tant il s'immisce jusque dans nos plus sombres profondeurs pour y placer l'idée d'un être parvenu jusqu'à nous pour s'y épuiser dans nos infatuations.


Ce que révèle l'existence est de l'ordre d'une formalité,falloir et devoir,le reste je l'enmène jusqu'aux latrines,où dans l'immense dégoût des concrétions ,ne se sont abrégées que ces nuits où toute parole fût vaine ,ostentatoire,c'est là que je vomis sur les charmes éthérés parvenus jusqu'à moi en flots de paroles indicibles et vindicatives.


Aurais je déjà oublier que je suis entré dans l'existence en pestiféré et que j'en sortirai en ne vitupérant que contre moi,et moi seul?


Dans la pitié tout est commun,fade,abrutissant,les mots,les pâles prières,les propos entretenus comme des ponts entre les hommes de bonne volonté,et nous nous y adonnons malgré tout,jusqu'à la limite de nos propres intérêts .


Est irréparable tout ce que je n'ai rapporté qu'à moi,pour le porter,sans passer par la raison,à des périphéries qui ne sont que les issues de secours d'un double secondé et secondaire secoué par ses propres abjections.


Je m'accorde à penser que toute pensée n'est que la ruine anticipée de cette autre qui cherche à évoluer là où il n'y a plus de place ni d'espace .


Tout ce que j'ai cru considéré comme inaliénable ,s'est un jour déplacé en des ubacs,où aucune forme de vie fût elle larvaire, n'avait de place,sinon rien qu'en se transfigurant.


Toute forme de connaissance est illusoire dès lors que nous nous considérons comme appropriés à la connaître.


J'ai toujours cru que l'univers tout entier était dans la manche d'un dieu omnipotent et potentat à des heures,où l'homme s'acoquine avec la bête pour n'en resurgir qu'en adulte adultérin.


Lorsque nous nous engageons de façon indolente dans l'exercice de vivre que peut il advenir de nous si ce n'est qu'affliction et morcellement?


Ne m'étant adressé qu'à moi pendant des décennies,par pans et par bribes,je n'ai accédé au sentiment de l'amour que par accident et sans accessit .


Serai je toujours ce complaisant de nature ,qui n'a de naturel que sa lassitude à faire dans l'expérience des insinuations à domicile,sans sortir de sa ténèbre,de peur de rencontrer des êtres de demie mesure?


N'ayant défendu que de hautes idées,je n'ai voulu dresser que sur des cathédrales les oriflammes de la foi et de mon aveuglement..


Mon bien être n’a été objectif que dans l’ennui, dans cette lucidité originelle qui tient de l’horreur de voir et de le savoir.


Tant mon corps m’a pesé, tant je me suis isolé dans ses propres abstractions, impartialité et inclination aux mornes solitudes.


Je me suis adapté à l’existence par cette parole inexprimée, comprimée dans ma soif de mourir et ma fierté à le taire.


Sitôt qu’on touche à l’opinion, pornographie d’une pensée à mi-chemin entre le toilettage et la nudité, notre verbe sur le mode de la banalité, n’a de profond que ses auxiliaires.


Je ne peux penser en bien, et si je le fais, j’y exagère toujours son air emprunté.  

A mi-chemin entre la banalité et l’indécence, mon corps s’est installé dans une lassitude qui a gardé du vide toutes les déclinaisons.


Vient un moment où il faut s’attendre au pire, et le pire est toujours à l’image de ma face.


L’amour mitraillé par tous les sens que nous lui donnons, et souillé sitôt que notre soif de profondeur y taille une part de fuite, d’affolement et de frénésie.


Mes émotions ne sont réelles que lorsque, débarrassé de tous mes désirs, je ne me sens ni affairé, ni conquérant, et que je dispose de mon corps pour un entretien ou une veille.


Je ne peux rien concevoir de prestigieux, et dans le ridicule espoir d’y voir les contre coups de ma hâte de l’impossible, je mets le verbe faire, comme si j’avais encore l’indécence de pouvoir entendre palpiter le chœur d’une création.


Le meilleur de la littérature est toujours dans le soupir, le reste n’est qu’un grand foutoir où toutes les suspensions de l’Etre témoignent du néant dont il procède.


J’ai pris garde à ma générosité, ce triomphe d’un moi scénique qui aurait poussé jusqu’au vulgaire ma soif d’hagiographie, si je ne l’écervelais pour que je puisse douter du bien-fondé de ses concupiscences.


Etre s’appuie sur l’idée d’un rachat cosmique.


Chacun tire à soi sa part d’idéal, qu’il enserre aussitôt, pour la garder et la couvrir par l’indécence de ses fourberies.


Je ne peux plus sortir de l’homme, et plus je cherche à m’en débiner, plus il me contient, plus il abuse de cette contenance.


C’est dans mes extrêmes fatigues que j’ai puisé de l’élan, de l’essor, pour mettre en vigueur cette idée d’impérialisme du corps, qui dans ses bas fonds possède suffisamment de férocités pour me pousser dans la colère d’exister encore.


Sans l’idée de la mort, je me serais senti plus désespéré encore.


Je suis un besogneux, que toutes les merveilles avec leurs inerties religieuses ont rendu avide du sens que leur prodiguaient des mains qui n’étaient pas astreintes à la besogne.


J’aurais voulu n’être qu’une substance qu’on éprouve, et cela sans qu’elle se répande, me réponde.


Dans mes désespoirs, tout ce que j’ai eu en regard semble s’acharner à durer dans la complexité des vides qui m’environnent.  

Je me suis borné à des vacuités infinitésimales, pour des tourments trop vastes et trop nombreux. 

Le tort des hommes est de vouloir atteindre la perfection, cette parodie moléculaire que la science étale comme une obsession du mieux.


Pour me punir d’avoir exagéré jusqu’à cet esprit que je n’avais que dans mes soûlographies, je me suis infiguré, c’est ainsi que je suis devenu un somnolent, contagieux et appauvri.


L’existence nous inflige du dessèchement.


La forme appauvrie de la sagesse est la précaution, pâle imitation de tout ce que j’ai conçu comme incertain, et s’est avéré indigne d’être retenue.


Toute passion nous tient éveillés, si secrète soit-elle ,elle est de l’ordre de cette intolérance sise entre les larmes et la déception.


L’ennui, le vrai m’a laissé trop libre ,dans un trop plein de choix ,je ne me repose plus que dans une oisiveté biologique.


Je me suis entêté dans une tristesse, comme si elle était un remède à ce désœuvrement où j’ai tiré à moi les trop de parts perdues de l’histoire.


La superficialité est la patrie des ratés de la fiction.


La réalité fait et fera dans la maladie du montrer. 

Le suicide justifie nos proposions de spécialiste de la couillonnade.


Aucun don ne m’a rendu indécent jusqu’à pousser le sarcasme à la discipline du mot.


La modernité vicie toutes les envies de cette élégance qui consiste à bricoler dans les siècles passés.


La poésie ne dénie pas les mots en dégénérescence, qu’elle tourne en production de ce intellect là, qui ne vient pas forcément du dehors de nous ou du vague.


La normalité est une atteinte à mes pathologies d’homme multiplié, qui s’est fourvoyé dans la platitude des énigmes sans solution.


Le canapé m’a rendu dilettante, dans un pathos de malade tout en superlatifs, je regrette que le lit ne m’ait tenu davantage à l’écart de toute verticalité.


Soyons normaux, moraux, dans l’instantané de ces déceptions qui ne nous verront pas cracher dans les bénitiers.
Le faux nous éloigne du dialogue d’avec toute chose.


J’ai opté pour une folie où je ne pourrais garder ce visage là qui n’a pas encore eu de véritables accidents.


Les molles existences se prononcent pour les chairs sans carnation, pour la douceur des canapés, le confort des divans, par cette propension à user du mot confidentiel, du verbe singulier, en dehors des irrégularités des cycles de la colère.


Se coucher dans un tombeau de verbes et de vocables et en ressortir plus amer qu’après un esclavage.


Suprématie des mots ;représenter tout désastre comme une réconciliation avec la terre et le temps.


Avatar de la parole, le geste nous disloque dans cette posture de renégat qui a l’air d’un homme qu’on épuise.


Eloignez vous de l’existence, travaillez à vous épuiser en elle et en dehors d’elle, ne soyez plus cet ilote qui reste inoccupé et ne sait s’y soumettre. La vérité restera une de mes improvisations, plus j’ai voulu m’en approcher, plus les apparences se sont multipliées ,me reste la somme des mensonges pour en mesurer toutes les inepties.


Le style fait fructifier l’idolâtrie liée à la parole, et ne s’en explique pas.


Phraseur solitaire, phraseur raté et oublieux, me restent les points et les virgules pour me ranger de la parole mécanique.


Nul déséquilibre plus ancien que celui de ma naissance ne me conduira au suicide, j’ai vécu hachuré, je mourrai par pendaison.


La déception mène à la création, nulle autre qualité plus qu’elle n’a pu élever des cathédrales, ériger des ponts, nous mener dans ce délicieux charabia du poème, de l’ode et de la stance.


Les défaites nous font coller à la réalité du corps elles accablent ces mêmes viscères qui ne ses seraient pas distinguées sans le vertige de les perdre.


Cette rage obscure et contenue qui me désanime, quelle sagesse lui donner à affronter, si ce n’est un mutisme aussi profond que la mort.


Ma tristesse m’a vicié, je ne peux plus sourire que d’une même tristesse me fournissant un peu de lumière pour me pencher sur moi.


J’ai brûlé quelques uns de mes cahiers pour n’avoir pas à chialer sur les morfonderies de mon jeune âge.


La putréfaction témoigne d’ingéniosité, tout ce qui pourrit, par contagion s’ouvre sur la vie.