Aphorismes 99


D’ordinaire, ma vanité m’incline à des élucubrations, à des ébriétés, que le verbe pousse jusqu’à la caricature d’un homme ordinaire.


La vacuité n’a pas été de l’ordre de mes mécontentements, c’est la fatigue de cette même vacuité qui m’a mené dans les nonchalances et la soûlographie.


Le pire m’a tenu éveillé, il m’a rappelé jusqu’où mon âme pouvait décliner, dans le pardon ou dans l’injure.


Je cherche à renoncer à tout, y compris à ce corps sans qualité qui sera l’excellence de ce même renoncement.


Suicidaire qui retarde, j’ai tant approuvé le mot « mort »,que je ne sais plus m’exercer ailleurs que dans les postures d’un bourreau ou d’un rétiaire.


Tout ce que j’ai considéré comme beau a eu mes instantaneïtés, après, après je me suis endormi sur les faux prodiges de la matière.


Méfaire, il m’aurait été si facile de méfaire si je ne voulais tant réaliser.


Je n’ai rien connu de pire, que l’absence de pires.


La paix m’a fait sentir jusqu’où Dieu pouvait rôder sans que l’homme ne le dérange dans ses forfaits.


Je suis las, c’est une de mes singularités, si j’allais mieux, ma guérison ne serait que l’occasion de spéculer sur une nouvelle forme d’abâtardissement.


J’écris pour me pencher sur moi, je me penche, et je tombe comme saisi par la main d’un diable boiteux qui s’est avéré parle mot.


Vie : sous produit de la matière, que le temps par convention use, jusqu’à ne plus avoir une haute idée de lui-même.


Une douleur à notre mesure est une douleur inaperçue.


Je cherche un sommeil approprié, afin de ne pas m’imposer dans ces siestes là qui commandent aux tourments et aux petites mièvreries de maux sans avenir.La douleur est un fait personnel, pourtant nous nous y démenons comme s’il était un fait commun à tous, et que tous ont rendu contagieux par le simple acte d’en parler.


Exister est une contagion vénéneuse.


Tous mes désastres se sont établis parce que j’ai laissé la fantaisie n’être que passagère, dans ce corps et cet esprit, que l’image à condamner à voir, rien qu’à voir..


Attentif aux hommes, j’en ai oublié de m’observer ;je dors depuis des années dans un corps que je ne pourrais plus sauver tant il se prête aux ouvrages d’un ronchonnement perpétuel.


Tout ce que j’écris et ai écrit est vain, cette inanité me conduit dans la suprême vacuité de mes débuts, quand il me restait tant à commettre.


J’écris pour réfléchir sur ma violence et n’en pas garder le caractère inné.


Je resterai cet ahuri qui prétend que toute œuvre doit nous amener à douter, mais à douter impersonnellement.


L’exigence du sommeil nous pousse après le dormir dans la frénésie du commettre, mais commettre du n’importe quoi.


L’évidence a été ma dauphine, ce n’est que dans ses antériorités que j’ai su que je pouvais me passer de tout commentaire sur cette même évidence.


J’agis pour n’être pas, mais voilà j’agis, et déjà je suis.


Vivre, spécimen du temps compté..


Tôt ou tard, tout est trop tôt, tout est trop tard.


Les répétitions m’ont mené aux évidences, je ne peux plus me démarquer sans être aussitôt saisi par l’enivrement du tout premier lieu.


Je me figure toujours la vie comme la plus parfaite des maladies, à en juger par ce que je suis devenu, je me sens incapable de l’affronter.


Aucun forfait que je n’ai commis sans le regretter aussitôt, je suis de cette race qui n’a pas su se préserver par le crime.


Le vivre est une punition de la matière, que le temps corrompt, pour pousser plus loin encore l’affront de paraître.


On ne peut parler sans rompre aussitôt quelque organe essentiel qui fait office de réservoir.


En vérité, la vérité me contrarie, je cherche à jouir de toutes ces affabulations où la bête ne jargonnait pas encore.


Rien, il n’y a rien qui ne me fasse exagérer l’existence, je cherche dans l’immédiateté du verbe, une réelle déveine qui soit aussi un statut alimenté par mes divagations.


Si j’étais persuadé de quoi que ce soit, serais je allé vers l’essentiel, ou aurais je développé un peu de l’existence pour la prolonger, je l’ignore, cette ignorance m’a par trop fixé dans le temps.


Malade j’aurais été un individu dévoué à la science, me voilà privé d’un statut auquel j’aurais aimé m’accrocher avec l’âge.


Je resterai un infortuné sans logique qui a fait naufrage entre une conserverie et un hospice.


Je me réjouis d’avoir été détruit dès le premier jour, ma quête a consisté à tout relever, ma manie a été à la construction, je suis ainsi entré dans l’imposture de la flatterie pour mieux redescendre jusqu’à Dieu, voire plus bas encore.


Toute œuvre sera dans le grotesque de l’après, de l’après qui, de l’après quoi, je l’ignore ;ce que je n’ignore pas, c’est que je devrais cesser d’écrire de telles inconséquences.


Mes humeurs n’ont pas été redoutables, je n’ai su charger, ni insulter personne, je me suis défait de moi, de peur d’être poursuivi dans les autres.


Stérile, je me serais affaissé, je me serais endormi, j’aurais œuvré à d’autres postures, mais voilà, je sommeille, et j’ai encore tant d’instants à perdre.


On a beau dire, on croit toujours être guéri de ce même dire, mais il nous aliène jusque dans nos plus petits propos.


J’ai cherché dans les mots un remède à l’existence, encore mieux, un remède contre l’existence, je me suis étendu sur la lettre et la syllabe ,j’y ai trouvé plus de nausées que dans le silence, reste le caractère funèbre des deux pour me laisser à la maladie.


L’homme est extensible, c’est un de ses plus grands excès.


Contre l’espoir, le discernement, mieux vaut une belle déception qui pousse à s’interrompre.


Une existence, d’accord, mais sans y figurer !