Aphorismes 98


Pour me venger des servitudes, je me suis montré tel un malade dans une décharge pleine d’abjections et de foutreries, un malade que la réconciliation n’a pas rangé parmi ceux qui prospèrent, et qui ne s’élèvent que contre eux-mêmes.


Rien qui ne me soit apparu comme plus indispensable que toutes ces incommodités où je rangeais Dieu dans des écarts, et usais de la prière comme un avatar de parole pour le dissuader de se pencher sur moi.


Eprouvé, pas encore affadi, je tente de recenser toutes les acclamations que j’ai lancées jusqu’à Dieu, en les portant sur cette gauche où le cœur seul est resté en contact avec les hommes, sans en tirer aucun bénéfice.


C’est l’aveu d’une rancune ancestrale, d’une peine inavouée, qui m’a fait aussi ébranlé que si je devais solliciter un entretien avec une pègre sentimentale.


Aux souverainetés du cœur, j’ai préféré les productions d’un esprit voué à l’imminence des actes qui ne débordent pas l’eros, affairé à des commentaires sur ces mêmes souverainetés.


Acharné du détachement, et ravivant d’anciennes extases inconséquentes, je comprends combien la chair et l’esprit peuvent lever de fiel, quand les nocturnes entreprises ne sont que les contrefaçons d’un amour obligé et sans nom.


Ma nostalgie, fragilité d’un passé sans complaisance, affecte ma conscience, et son expansion est un nouvel empiètement sur mes futures proclamations à n’en rien dévoiler.


Aigri, et me dégradant dans l’insignifiance de mes orgueils dérisoires, je m’accroche à mon propre néant comme un poulpe sans célérité, et célèbre cette complaisance à mon égard en me gardant à vue.


Mon dilettantisme m’a assuré que j’ai été un nécessiteux, et que sitôt ses virulences retombées n’a eu comme armatures que son sang, son foutre et sa sueur mêlés pour d’écoeurantes religiosités.


Réussir ne m’a jamais mis en branle, je préfère en rester là.


Etat d’anoblissement, s’affaiblir sans démence et décemment, puis de la boutade au ridicule, rire de ses propres tares.


Sclérose de ma tolérance, je ne sais plus hésiter, je ne sais plus apprécier ce qui touche à de savants désirs, ce qui est à mes antipodes, et qui prend le visage de l’art, de la certitude ou de l’abjection.


Symptôme d’une époque sans énergie et qui décline au point de vouloir mettre de la rectitude en tout ;l’exaltation reste pour moi le seul moyen de ne pas m’orienter dans le n’importe quoi de cette décennie, où tous les fanatismes sont autant d’afoleurs d’éternité.


Je ne me serais adouci que dans mes endurcissements.


Ma mission est de m’exclure de tout et en tout, défi ou sinécure, je l’ignore, mais toutes mes dégringolades attestent que ce dessein tient autant de la guérilla que de la maladie.


Faut-il croire et admettre que nous n’ayons été préparés à la vie, que pour y œuvrer sous l’emprise des hontes les plus hautes, des blasphèmes et des jubilations excrémentielles. ?


Si souvent hors de moi, que même si je m’étais contraire, je pourrais me rencontrer sans me reconnaître.


Je n’ai rien cru sur parole que je n’ai aussitôt trouvé hideux.


Employé à m’assurer que l’existence n’est que l’expansion d’une matière qui cherche le bon choix, je n’ai eu de complaisance que pour ceux qui ont préféré les stratégIes aux stratagèmes.


Le mot n’est qu’une forme de désir d’asseoir notre contemporaineïté dans celle des hommes, et d’y promener ses rengaines comme une vieille putain qui défaille sur les trottoirs.


Ma complaisance, il a fallu que je l’extirpe, d’où je l’ignore, mais que je le fasse pour mieux être et ne pas pire devenir.


Ma maladie, c’est ma charge d’homme et rien d’autre !


Dans mes résignations, j’ai le sentiment que dépouillé d’une santé par le mot, il ne me reste que des borborygmes et des injures pour parer à cette souffrance qui est l’approche même de la vie.


Mes actions débouchent toujours à des extrémités qui me conduisent au vide inhérent à tout ce qui est irréfléchi et de vaine importance.


Plus je me secoue, plus j’ajoute à mon chaos le parti pris d’une fascination pour la fainéantise.


J’ai parfois des accents de sincérité que ma monotonie et mon perpétuel dilettantisme tournent en profanation, en éparpillement trop extérieur pour que l’on le considère autrement que de la pourriture.


J’ai concédé que dans mes ennuis je ne savais que me substituer à cette autorité qui m’aiguillonnait et que je ne savais plus combattre sans dépérir.


Après la maladie, cette vigueur du supplément qui me vient comme l’onomatopée d’un monde sans actualité ne m’est d’aucun secours ; je cherche une aise dans les livres qui ne m’asserviront pas.


Rien n’est venu à l’homme qui n’ait été aussitôt convoité par l’Ennui.


Dans mon mutisme, après avoir vomi et épuisé tous les « non » il me vient une apathie dont je prolonge la bestialité jusque dans mes éternités saccharosées.


Combien je me suis élevé contre le cynisme où figure le savoir, et combien tout n’a été que provisoire et vain.

Mon besoin de silence et de désespoir, est la réminiscence d’un temps ancien où je ne pensais pas à la dépense.

Dans ces demi sommeils où j’ai déversé tant de larmes pour de fétides divinités ,Dieu s’est parfois interposé pour me donner à réfléchir sur les déliquescences de la chair et du ciel.


Ayant posé des milliers de mots sur les pages, je doute parfois d’en avoir compris le sens, et pourtant je recommence…


Le tout se comporte comme s’il avait été désigné pouilleux par le rien…


En vérité nous nous sommes tous trompés de voie, et à le redire, nous nous apercevons que nous nous trompons davantage.


Tout ce que je regarde me paraît être une imposture, je passe mes journées à élaborer des théories sur cette imposture, pour n’en tirer qu’une nouvelle imposture.


Tous les solides ont besoin de liquides pour le gué ou le passage…


Cliniquement malade, et cliniquement absent de cette maladie, cela me semble être une juste définition de l’existence…


Au passage obligé de la vie facilité par la parole, je préfère ce détour adopté et inscrit dans nos façons d’être incurables.


Assagi par le vrai et la propriété qu’il a à faire de la clientèle et du strapontin.


Pour me sauver de la déraison, j’aurais du me jeter dans la peau du premier venu, et m’y endormir à mon tour.


Guéri par l’intérêt que j’ai eu à côtoyer des gens fréquentables, je me demande parfois si je n’aurais pas fait mieux de crever seul.


Dans l’énormité du soupçon parfois un tout petit prétexte suffit à nous reléguer au rang d’un Raspoutine armé d’une Kalachnikov.


Ma vie aura été une affligeante déambulation.


Entretien avec un double qui triomphe sitôt que je m’en approche, sitôt que je m’appesantis.


Dans cette solitude où tout ce que j’écris n’est pas à sa place, je suppose que la mienne est dans l’inconfort des mots, dans leurs turpitude et division.


Tout m’importe qui me semble, me paraît ignoble, que je ne sais où trouver de la noblesse, que je ne sais où me poser pour me souvenir d’avoir été.


Mes sensations sont des sensations sanieuses et sérieuses.


Faim de non recevoir.


Ma pudeur est liée à mes démoneries, si je n’étais tant enclin à la cruauté ,celle d’aimer, de faire et de défaire, je serais mort d’un excès de rien.


Au lever, une envie de rire, et puis tout s’évanouit dans mes dialogues avec l’homme.


Voué à des échecs intimes, j’ai fait l’idiot pour me désengloutir et respirer.


Je fais dans la superficie, je verse dans la saveur des gloires introspectives.


La science a besoin de recueillement autant que d’analyse.


Plus j’ai été malheureux, plus j’ai été en retard d’un dieu ou d’un diable qui aurait pu m’enseigner à monnayer ce malheur.


L’idée est toujours pauvre ,une idée riche a toujours quelque chose à voir avec la mort, la mort et rien d’autre..


La santé aberrante nous a alimenté jusqu’aux massacres.


La souffrance sitôt qu’elle s’affirme, n’a rien à voir avec ces tares tues qui nous conduisent jusqu’à l’épitaphe.


Mes modèles je les ai trouvés dans les offices, les officines ,les parloirs et les mouroirs.


Il est des lieux où la parole est délivrée de toutes ses insolences, c’est en cela qu’ils ressemblent à des cathédrales.


Submergé par du vulgaire.


La multiplication nous a mené dans l’ambition.


Je rêve d’un embonpoint du cervelet pour prêter aux mots le sérieux qu’ils méritent, et qui prévaut sur tous mes renoncements.


Combien je me suis censuré pour n’avoir pas à expurger le mot « Foutre » et le mot « Dieu ».


Qu’ai-je eu à blâmer, si ce n’est moi, hier et aujourd’hui encore et ceci jusqu’à rendre mon esprit grotesque ?


Le mot émanant du sérieux et du devoir m’ennuie autant qu’une lettre sans signataire.


Ma vision du monde me rend indécent, si je me taisais davantage lié au culte et au prestige du silence, cette même vision me paraîtrait un écho du chaos originel.


Etre sage, c’est se desservir du verbe.


Mes maux m’ont fait charitable, c'est-à-dire anomalique.


Je finirai ma vie sans le concours de toutes ces maladies qui ne m’auront pas conduit dans les pharmacies, je finirai ma vie pour avoir tant voulu m’en passer.


Ma sottise m’a confiné dans la peur de parler, m’être tu m’a mené dans la malédiction du silence.


Toute œuvre nous inflige quelque façon de maladie, que le mot détourne aussitôt en volubilité de l’esprit.


Pour qui sait qu’il subit le temps, le corps apparaît comme un itinéraire sans complexités.


Les lettres ne m’ont rendu lucide que lorsque je les ai pratiquées jusqu’à la morve et l’élégance de cette morve.


Mon destin s’est construit dans la douleur, peut être une supercherie, mais une supercherie obligée.


L’ennui est une des envergures de la normalité, c’est une atteinte au temps, un attentat, une façon de le solliciter jusqu’à s’enfoncer dans ses nauséeuses perplexités.


Ma philanthropie m’a rendu suspect, et ceci jusqu’à ces profondeurs qui procèdent d’un mal à ma mesure.


Entre le diapason et la table d’harmonie, de la dynamite et du tralala.


L’accent circonflexe et la virgule m’ont autant fasciné que toutes les incohérences liées à la discipline du mot.


Je me suis interdit le réel de peur de ne pas être anémié par ses épilepsies et ses supercheries.


Dans ce siècle d’éprouvés qui s’évaporent sur les canapés, le fou a cédé au besoin d’abattements, et s’est installé dans le vague que rapporte ses actes.


Mon ennui a rivalisé avec cette anxiété qui m’a mené dans le désagrément de tout et de tous.


Je broye de sombres couleurs comme cet artisan qui s’est retiré dans son atelier pour s’y évaporer dans la rage d’avoir raté ses nœuds et ses livraisons.


J’ai échoué dans la vie, je me précipite vers sa fin et ses idéologies, comme si par le simple fait de m’allonger, j’optais pour la plus sage des résolutions.


Mon chagrin n’a pas été efficace, pas logique, je lui dois d’avoir hissé mes misères au rang de mes hontes, et mes hontes au rang de mes contagions.


La vitalité fait de nous des déceptifs de métier, restons dans cette apathie qui vient de nos contemplations, et qui préférées aux somnifères, ne traduisent pas les encombrements de la chair, pas plus que de l’esprit.


Moins dévoué, j’aurais eu le toupet universel, de ceux qui nés prodigieux, n’ont pas eu peur de pourrir, indisposant les dieux et les hommes.


Mon dilettantisme m’a fait personnage, mes égards m’ont fait individu.