Aphorismes 94

Je me suis poursuivi toute ma vie, me voilà prostré devant un tombeau vertical comme au devant d’un vide cérébral et vertical.


Ayant attenté à mes jours, j’ignore encore pourquoi des jours se sont glissés en moi pour attester d’un mal plus significatif encore.


Une marche triomphale vers les tombeaux d’Orfée et de Pan.


Si je suis encore en moi, je me retrouverais.


Toutes les terreurs muettes se convertissent en appels sitôt que Dieu en fait cas ou détend su sentiment.

Peut être que la mélancolie est cette part de ténèbres qui lutte contre le sang jusqu’à l’impudeur ou l’anémie.


La haine est une des noirceurs de l’esprit, que le corps excédé projette, éjecte, pour n’avoir pas à pâlir de ces mêmes identités qui font chacun de nos enfers.

J’ignore encore si la conscience peut porter jusqu’à l’orgasme, et si oui, de quoi ?


Dans cette part isolée de nous-mêmes où tout est expliqué , la tristesse n’ a pas le monde pour objet, mais bel et bien ces réduits et réductions de notre esprit où tout s’éteint ,où tout se brise.


Mon but est de m’accorder à tout et à tous, sans y adjoindre la gluance des anémones.


Toutes mes ivrogneries ne m’ont pas tué, j’y avais pourtant le désir d’en finir, de me clore sur mes infamies et mes horreurs, rien n’advint, la soulographie est un des degrés de cette nostalgie où tous les hommes sont raccordés au même cru, à la même dimension de vouloir crever.


Je me suis trompé sur les hommes, je les ai pris pour des chiens, ce ne sont que des porcs…

La douceur tient de l’exercice du commerce de la séduction, qu’un éros bien portant voudrait plus intense encore pour la mettre dans un entretien ou dans un lit..


Faut-il être dans cette solitude qui est un mélange naturel d’insupportable et de religion, ou faut –il y dériver comme un barbare qui ne sait pas où est son pays natal ?

 
La fatigue m’a affadi, je tombe en dedans de moi, rien d’intact à l’intérieur qui vaut la peine qui qu’on l’extirpe, qu’on l’exhibe comme un crime originel.


Rien ne peut peser sur ma mélancolie si ce n’est ce soupçon de bile et d’anxiété qui se mélangent à mon sang.


Combien j’aimerais ne générer que de la substance haïssable.


Tout ce qui m’attend est fichu d’avance, je ris encore et pourtant, flatté d’être vain avec perspicacité.


Spermatozoïde, mot profond et vain pour dire foutre.


Rien qui ne m’éprouvent d’avantage que tous ses ratés qui ont pris l’initiative d’être.


Dans la disgrâce, enflammé pourtant, que de crimes à commettre afin que toutes les tragédies se fondent dans la mienne.


La réalité ne me fait pas sincère, encore moins bavard, je passe par l’astuce pour aller jusqu’au bout…


L’ennui nous conduit vers le sang, vers cette angoisse d’où jaillissent nos anémies ou nos extases, en fait vers des meurtres tombés à l’intérieur.

Dans mes résignations, j’ai le sentiment que dépouillé d’une santé par le mot, il ne me reste que des borborygmes et des injures pour parer à cette souffrance qui est l’approche même de la vie.

Mes actions débouchent toujours à des extrémités qui me conduisent au vide inhérent à tout ce qui est irréfléchi et de vaine importance. Plus je me secoue, plus j’ajoute à mon chaos le parti pris d’une fascination pour la fainéantise.


J’ai parfois des accents de sincérité que ma monotonie et mon perpétuel dilettantisme tournent en profanation, en éparpillement trop extérieur pour que l’on le considère autrement que de la pourriture.


J’ai concédé que dans mes ennuis je ne savais que me substituer à cette autorité qui m’aiguillonnait et que je ne savais plus combattre sans dépérir.


Après la maladie, cette vigueur du supplément qui me vient comme l’onomatopée d’un monde sans actualité ne m’est d’aucun secours ; je cherche une aise dans les livres qui ne m’asserviront pas.


Rien n’est venu à l’homme qui n’ait été aussitôt convoité par l’Ennui.


Dans mon mutisme, après avoir vomi et épuisé tous les « non » il me vient une apathie dont je prolonge la bestialité jusque dans mes éternités saccharosées.


Combien je me suis élevé contre le cynisme où figure le savoir, et combien tout n’a été que provisoire et vain. 

Je ne crois rien qui n’ait fait, ne fait surgir de moi l’incarnation d’un homme qui migre, faute de trouver sur sa propre terre les hallucinations qui le pousseraient à croire.


De toutes les hontes, de toutes les humiliations, de toutes les avanies que j’ai subies, ne subsistent que de toutes petites économies d’être, et qui m’ont valu une objectivité de putain étourdie et qui rêve.


Dans mes dégoûts, majestueux endossements, je me suis enrichi par la fumée des cigarettes et des cafés qui me rendaient plus vigilant qui si j’avais eu à franchir un Himalaya d’expiations.


Dans ces nuits où la prière était à l’aune de l’horreur, mon âme s’est dégradée en intimidation, et rien ne m’a servi, si ce n’est cette profondeur où s’ourle tout mon sang.


Quand j’ouvre un livre, je m’astreins à la lèpre de l’auteur, à celle de ses sentiments et je me promets de n’y apporter aucune correction, aucun secours.


Je ne crois en rien qui ne me fixe dans la matière de ces journées, où j’évolue sans les enseignements liés à toutes les inflations.


Dans mes crapuleries, mon anatomie tient de celle d’un singe qui tire vers sa cage une femelle indifférente et exaspérée.


Je supplée à ma colère en me dédoublant ; d’un côté la musique, et de l’autre le despotisme de la cigarette et du somnifère.


Pour m’être introduit dans la musique par l’ébriété, j’en suis ressorti tout hagard d’adieux, sans en comprendre leurs souverainetés. 

Comme je ne sais pas cédé aux tentations de l’orgueil, je râle et grogne dans ces déconvenues qui vont des glandes aux charmes malsains des onanismes outranciers.


Je n’ai usé du verbe être que dans cette grâce muette de l’entre deux amours, et n’ai su qui m’y accorder que dans mes restrictions.


Dans mes apathies, toutes mes prières penchaient par là où je ne me convertirai jamais, pornographie, instinct.


Ma timidité a été de l’ordre de cette déficience qui rapproche les désirs d’une dérive, et la dérive d’une entrée dans l’irrespectabilité.


J’augure d’une nuit orchestrée comme des abandons, et je m’y vois tel un purificateur qui cherche dans la foi à mourir éloigné des hommes.


Dans mes vulgarités, tout mon organisme est poussé vers cette glose indélicate qui justifie mes renoncements et mes demi-sommeils.


Il en est de la lucidité comme il est d’un détergent, elle fait s’en aller nos proches et se rapprocher esprits voués aux salissures.


J’abdiquerai à l’extinction de ma soif de souffrance.


Il est des jours où la mort est la matière d’une conscience qui s’aiguise par les insomnies et les soumissions. 

Depuis des années, je ne suis tenté ni par la raison, ni par la connaissance, j’augure d’un mal immense qui se perd dans l’immensité de mes propres tromperies.


Chaque heure me paraît être un excédent de temps ajouté à ma fatigue et à mon ennui excessifs.


J’ai toujours pris soin de n’avoir dans l’oubli grandi mes erreurs au point d’ironiser sur moi à mes propres dépens.


Dans le choix immense d’exister, Dieu a surgi entre deux pôles, le chemin des haines et celui des abandons.


Au faîte de mes soûleries, je prie, et mes prières sont de cet esthétisme qui a fait élever des cathédrales et construire des cachots.


Dans ces désirs immédiats dont se nourrit ma conscience, il y a toute l’énergie d’un désespéré incapable de mesurer ses propres abstractions.


Tant tout me semble vain, que même la musique m’est une source d’épuisement, entre la vulgarité et la prosternation.


Quoique je fasse, je le fais pour approfondir les gouffres dans lesquels j’élargis mes insomnies en m’y logeant verticalement.


Seuls les actes, dont l’immensité relève de la perfection, me permettent de dire que j’ai regardé l’homme par le haut, et ne m’en suis écarté que par la fatigue du voir.


La solitude est cette forme d’expiation que la douleur tangible tant elle a puisé dans la terreur d’être, une définition à la mesure des ses ambitions.


Toutes les musiques, si on les comprend, sourdent de ce besoin extrême d’épanchement.


Je ne me consolerai jamais d’exister autour d’un vide que j’ai construit pour pouvoir respirer seul et comme un idiot.


Dans nos impétuosités, nous entendons combien l’indifférence de nos propos s’étend, et combien elle justifie nos besoins de prières et de lamentations.


En déficience d’orgueil, voilà mon orgueil même.


Les mots ont des aspérités qui nous lient à l’existence, cet attachement nous les rend aussi intimes que si nous les avions dépucelés sur un terrain vague.


Mes passions avouées ou non, se sont tant attiédies que je ne sais que m’exprimer par de l’inimitié.


Je cherche une perfection indicible, inaudible, et qui se voit.


Je suis trop plein d’un moi ordurier qui la dernière et véritable substance qui me particularise.


Au spectacle de cet esclavage empressé où l’image a affaissé et rabaissé l’homme, qu’y a-t-il de plus sot, de plus exact aussi, de plus accablant, et que je n’ai regardé comme la consolation de mes inaccessibles saluts ?


Toutes les dimensions du paraître s’accommodent mal de la restriction.


A mesure que je m’enfonce dans la vie, toutes les affaires que j’ai voulues réduire à la modestie, donnent sur une mauvaise part de lucre ou de butin mal acquis.


C’est précisément ce qui est précis qui m’emmerde, et ce qui ne l’est pas m’emmerde davantage.


Coupable de m’insinuer dans l’existence, et de m’y vautrer comme une hyène sur une charogne infecte et amorphe.


M a verve s’est établie sur des sophismes inemployés, de douteuses litotes, et des regrets sans substance.


Quand l’homme s’abaisse à ses pires essentiels, convulsion ou révélation, j’illustre sa chute avec un supplément de verve et d’ironie.


Dans cette continuité d’être, où mes convulsions sont des enfers fournis, mes impudeurs éclatent entre la note et le mot ;je tente alors d’adoucir mes maux avec d’autres châtiments plus élevés, entre le célibat, la prudence, le jeûne, la solitude et l’ennui.


Le cœur est une boucherie où nos arrières pensées incarnent le primitif de ces bêtes abattues à la masse, et qui bruissent, suintent, et meurent par nos lois obligées.


Que faut-il considérer, et qui ne soit pas stérile, sinon tout ce qui se substitue à la vie et par ses lois oblige aux formes méprisables des nouveaux absolus ?


Entre la frénésie et l’essoufflement, nos vies n’auront été justifiées que par du geste, et les rehauts de ces paroles qui mènent au culte ou aux neuroleptiques.