Aphorismes 80

Je me figure toujours que dans les formes ombrageuses et insignifiantes où va ma vie, il y a quelque esprit savant qui me mettra dans sa lumière pour me monter que le monde ne se dissout pas dans son propre reflet. 

Je n’ai rien appris des hommes, et en aucune circonstance, d’ailleurs ai-je appris quelque chose qui vaille,ou triomphé de quoi que ce soit ? 

J’ai contraint la plupart de mes sentiments à n’être pas violents, c'est-à-dire de ne pas me rendre inconsolable. 

A mesure que je vieillis, le temps frappe à ma porte comme un forcené, et moi, je mets des nuances à ses coups. 

Le reflet auquel on s’attache n’est jamais que le nôtre, nous voici une nouvelle fois reliés à cette immense tristesse qui vient quand on s’est trop tu. 

La solitude, il faut se l’approprier et la laisser à sa nature de malade mentale, c'est-à-dire dans ce qui nous fera toujours vacillant et religieux. 

Au rythme des saisons et de mes détachements, je suis devenu un individu insignifiant, inaccompli, retors; cela s’appelle la maturité. 

Mes pensées d’après mes rêveries ont des parfums de myrrhe et de benjoin, qui s’élèvent dans l’éther comme s’élèvent des prières qui ne vont à personne.


Tout ce qui est teinté d’absolu a la sécheresse des chrysanthèmes, l’éclat trouble d’une larme qu’on a versée parce que l’on a pas su aimer. 

Devant la vie, j’oublie que j’en ai la charge, et cet oubli fait le poids de la vie même. 

Le temps compté, on le retrouve sur tous les visages de ces sujets tétanisés par le devenir. 

En marge de mes tourments, ces instants où je suis tombé dans la douleur sans vouloir l’éloigner de moi, il y a ce avec quoi je rentre en contact immédiat, l’autre en un double miroir. 

La responsabilité de nos accablements est indéterminée lorsque nous ne savons plus de quel côté nous tourner pour en cacher la terrible saveur. 

Lorsque je veux rajouter de la conscience à ma conscience, la seconde négocie, et tout est perdu. 

Chacun dans ce qu’il perçoit du monde, y voit l’abandon d’une nature sans cohésion, et qui s’assèche de nous rendre vivants. 

Tout ce qui m’a ému a été additionné de nobles intentions, le reste est posé à mes deux extrémités, et je ne veux l’atteindre. Dans toutes les lettres que j’ai écrites, s’est suspendue l’erreur de me vouer, de me porter à l’autre, et celle de savoir qu’un arc sombre était au dessus des yeux de mon lecteur. 

Tout ce que nous vivons dans la rêverie n’est pas en suspension dans la grâce, et s’il en était ainsi, nous pencherions pour des paradis surannés. 

La musique va bien au-delà de notre ciel triste et bas, et s’irise de toutes les couleurs de nos affections pour le genre humain, lorsqu’il a laissé le monde accéder aux désirs de ses plus belles réalités.


Dans ces profondeurs violacées où vibre notre âme quand la musique s’y détend, s’y déploie, notre corps tout entier cherche un avant goût de la divinité. 

Le bonheur, il faut le saisir avant qu’il ne se déverse dans nos veines, après c’est du poison. 

J’attends des apaisements qui transformeraient mon goût pour le suicide en petites morts, que je contemplerai avec les yeux grands ouverts sur cette addiction. 

Je n’ai de certitude que lorsque je suis physiquement diminué, que lorsque je loue la mort, pour davantage me rapetisser, en somme pour disparaître. 

Que ce qui est médiocre reste sans borne, c’est ainsi que je ne jurerai plus que par mes impuissances à ne rien vouloir justifier. 

Je méprise l’homme approximativement, c’est bien assez comme ça. 

On commence par s’inventer une destinée, on finit par s’accomplir dans la révélation de nombre d’infirmités.

Comme tout se fond et se confond dans ces tristesses qui nous rendent sublime ou désespéré, notre orgueil même devient un faux pas de danse sur une piste déserte. 

En manquement de me retirer du monde, voilà ma punition. 

Le meilleur de notre vie n’est au fond qu’une illusion de l’ordre du visible, mais ce visible là nous est indicible. 

J’ai toujours préféré les grands mensonges aux petites vérités, les grands mensonges font avancer les peuples, les petites vérités font qu’ils deviennent lâches. 

Frappés par l’existence au point d’y voir un uppercut de Dieu, l’homme lui tend malgré tout l’autre joue, c’est en cela que c’est un crétin. 

Ne prenez pas l’homme pour un phénomène, l’homme est une des faiblesses de la conception, de cette nature tant acoquinée à la bête qu’elle en a oublié de lui donner le même corps.

Si nous étions productifs dans nos pertes et nos renoncements, combien l’on pourrait se détacher de ce vain courage obligé, qui nous échoit quand il faut aller au-delà de soi. 

Est profond tout ce qui prend le chemin de la pureté et se divinise dans l’extatique détachement qui nous fait renoncer aux êtres et aux choses. 

La solitude est un des degrés de notre propension à vouloir nous détacher du monde sans y renoncer. 

J’aspire à me déposer en un endroit ignoré de tous, de la vie même, pour une expérience sans fondement. 

Lorsqu’on sent son corps tout entier entrer dans une éternité de frayeur, c’est la raison qui s’impose et agit à des éloignements. 

Je me suis enflammé dans la fiction de l’amour, ne me reste plus qu’une nauséeuse tristesse d’essence anonyme. 

Nos élans mystiques s’accommodent mal de ce monde, où la biologie exige des éprouvettes, des tets, de la toile émeri et un bec Bunsen. 

Ne plus rien avoir à espérer, caprice d’un moi civilisé, top organique d’ailleurs, et qui n’admet plus d’être à la renverse, ou dans la rédemption.


Que peuvent nous apprendre les hommes qui ne soit ni brutal, ni artificiel, sinon que toutes leurs vulgarités nous rappellent à nos humiliations.


J’ai besoin d’appartenir à un temps frappé, happé par la sainteté, et si cela m’arrivait, j’irais me répandre en prières parmi les moribonds.


La tristesse, il faut s’y préparer comme à une communion, après, il nous faut clamer haut les signes extérieurs de sa richesse.


M’étant préparé à tous les préjugés, je suis resté dans leurs profondeurs comme un forcené du faux sens, un imbécile atmosphérique, qui respire mal, qui ahane, qui ne rit plus.


Dans le grenier de l’histoire qui est aussi le nôtre, il y a des troupeaux de bêtes en cercle et qui vont à l’abattoir, sans meugler, sans cris, en silence…


L’amour est une faillite de la liberté, la limite extrême de notre véritable nature néolithique, le reste va aux dépotoirs ou aux latrines.


A chaque fois que j’ai cru que Dieu s’ombrageait de mes propos à son encontre, j’ai fait le dessin d’un être entré dans le monde et qui aurait fait son autoportrait.


Etre nécessite qu’on se diminue, un point c’est tout.


Nous avons tous rêvé d’une autre vie, mais la vie a t-elle rêvé d’un autre que nous ?


Dans l’intimité de mes intérieurs où je dévoile mes vacances, mes fadeurs et mes crimes, je m’entretiens parfois avec ce qu’il y a de remarquable en moi, un vide considérable, un néant sans nom.


Depuis que j’ai le goût de penser, je pense mal, c’est autant pour me convaincre que je ne veux plus avancer, ni même reculer sans y avoir réfléchi dans cette pauvreté que je donne aux sens, à tous les sens.


Ce que je considère, je le considère toujours comme un mal acquis, après cette considération j’ai honte et deviens impudique.


Malades de ces heures vacillantes où les échos de nos enfances sourdent comme des bourdons, nous aimerions jeter notre regard par dessus le ciel et y noyer nos tristesses sans nom.

 
Plus la réalité est limpide, plus elle a quelque chose que nous croyons pouvoir saisir, ert ceci nous rend trivial, irrespectueux et sot.


Je refuse ma conscience lorsqu'elle n'est pas immédiate, et lorsqu'elle l'est , je m'en débine.


La pire des offenses que l'on pourrait me faire, c'est de me dire que je me suis rapproché de l'homme, pour y voir mon double approprié.


Vu la longueur des procédures et des grés du temps, de ses excès, je comprends pourquoi j'ai aimé vieillir, pour connaître comment on oublie sa jeunesse en y glissant tel un ver dans ses putrides muqueuses.


A nos limites, des ombres fugitives qui témoignent que nous n'avons rien pu escalader si ce n'est un talus boueux, un Hymalaya de petites et vaines souffrances.


Sauter dans le vide comme dans une disparition, et voir les heures qui vacillent dans les afflux d'un sang devenu noir.
Nous oublions trop vite que la vie est tirée d'un néant que seul Dieu a pu endurer, a pu contenir.


L'âme est-elle le miroir de toutes nos larmes, fussent-elles amères, où celui de ce temps où s'est élevée de la lumière, pour que nous puissions la contempler?


La nuit descend en moi comme une plainte , se plaque contre mes murs fissurés, s'y cramponne pour monter jusqu'au faîte et disjoindre toutes les pierres de l'édifice que je suis, et toutes mes fondations s'écroulent dans la plus vaste des obscurités.


Exilé par nos propres familles et toutes leurs parentés, devenus ignobles sans les avoir offensés, nous voilà dans une conscience accablée par le poids des fautes qu'elles ont commises, et qui nous sont si extérieures, si étrangères.


Que peuvent nous apprendre les hommes qui ne soit ni brutal, ni artificiel, sinon que toutes leurs vulgarités nous rappellent à nos humiliations?


J’ai besoin d’appartenir à un temps frappé, happé par la sainteté, et si cela m’arrivait, j’irais me répandre en prières parmi les moribonds.


La tristesse, il faut s’y préparer comme à une communion, après, il nous faut clamer haut les signes extérieurs de sa richesse.


M’étant préparé à tous les préjugés, je suis resté dans leurs profondeurs comme un forcené du faux sens, un imbécile atmosphérique, qui respire mal, qui ahane, qui ne rit plus.


Dans le grenier de l’histoire qui est aussi le nôtre, il y a des troupeaux de bêtes en cercle et qui vont à l’abattoir, sans meugler, sans cris, en silence…


L’amour est une faillite de la liberté, la limite extrême de notre véritable nature néolithique, le reste va aux dépotoirs ou aux latrines.


A chaque fois que j’ai cru que Dieu s’ombrageait de mes propos à son encontre, j’ai fait le dessin d’un être entré dans le monde et qui aurait fait son autoportrait.


Etre nécessite qu’on se diminue, un point c’est tout.


Les jours tourbillonnent en moi comme des dépressions où chaque objet a la charme indélicat d’une qui s’est vautrée dans l’ivresse d’une tragique excellence.


Comment vivre le bien être sans superficialité, dans la connaissance ou dans la lucidité, je l’ignore, le mieux eut été de faire dans l’ironie propre à toutes la analyses qu’on fait ans les latrines des hôpitaux ?


N’oublions jamais que nous sommes voués au néant, l’existence en a déjà la teneur et les couleurs.


Les fausses notes de tous mes sentiments réveillent en moi des révélations que je n’ai su contenir tant elles avaient le poids de mes contrefaçons. 


Nous avons tous rêvé d’une autre vie, mais la vie a t-elle rêvé d’un autre que nous ?


Dans l’intimité de mes intérieurs où je dévoile mes vacances, mes fadeurs et mes crimes, je m’entretiens parfois avec ce qu’il y a de remarquable en moi, un vide considérable, un néant sans nom.

Depuis que j’ai le goût de penser, je pense mal, c’est autant pour me convaincre que je ne veux plus avancer, ni même reculer sans y avoir réfléchi dans cette pauvreté que je donne aux sens, à tous les sens.


Ce que je considère, je le considère toujours comme un mal acquis, après cette considération j’ai honte et deviens impudique.