Aphorismes 78

Toutes les souffrances ont les couleurs de ces abruptes nuits où l’amour et le chagrin s’irisaient sous les nuances des sensations qui font et défont le monde sans qu’il s’en soucie.


Pour parer à l’ennui j’ai fait déferler d’acides printemps dans ma cuisine, que la serpillière du sentiment épongeait comme le front d’un christ tuméfié.


Ma tristesse est sèche comme la violence de tous ces instants où j’ai aspiré à être un faune décadent, défaillant sur les vertigineux contreforts qui mènent aux déités innervés d’un sang impur.


Tout ce qui émane de l’homme en appelle au terrestre ennui, à l’érotisme désolant dont tressaille la matière, sans lui donner les dimensions d’une résistance ou d’un dépit.
 


Toutes mes confessions ont été des dégringolades où j’ai déprécié ma vie pour des pardons aussi épuisants que la grandeur des logiques de Dieu.


Quel bonheur de se sentir épouvantable sans les exercices de cette même condition.


Les négatifs de l’existence touchent à la sensualité de s’éteindre, et s’étalent à la manière d’une conscience qui cherche dans les gisements des ténèbres à percer sous de vulgaires connaissances.


Le devenir est l’ivresse du sang absolu, honoré par ce temps intérieur qui berce les enfants et illuminent les vieillards.


Ma fainéantise est un exercice théologique où intérieurement je déplace des icônes d’un autel vers un bordel, et Dieu de la confession jusque dans la féerie de le taire.


Ma seule consolation aura été de m’ennuyer proprement, sans les fadaises liées à la perfection grisâtre de ce même sentiment.


Au temps ajouté des tentations, j’ai opposé celui de me perdre dans ces lieux que la mythologie emplissait de l’agitation d’un verbe torride et mal employé.


Mes exils ont parfois eu l’apparence de cet anéantissement que confèrent trop d’apparence et trop d’hostilité.


Moins nous tenons à la vie, plus nous l’utilisons, épris de toutes les impasses et de tous les inconforts qui font les divines déceptions de nos petits prestiges d’intérieur.


La qualité d’une existence se mesure à nos pertes, préfiguration d’un état religieux ou scabreux.


Nos monologues sont nos seules issues, et l’artifice de leur accorder quelque grâce vaut par les sensations qui s’avèrent être des sincérités mal employées, un idéal, tous deux émanant de la grandeur à bien les cacher.


La maladie est prétexte à musique, celui du corps quand il cherche à exister par et dans les dégoûts de cet ange virtuel défiguré par ses méfaits.


Que ne suis-je resté en dehors de l’existence, comme aux parois de cette grande serre invisible, éternité positive de toutes les floraisons vers dieu et vers la science ?


Ma solitude me happe par mon sang et mes mensonges.


La mélancolie porte la noblesse des séparations jusque sur la pierre tombale.


Sans la vie, la matière se serait embourbée dans la nostalgie de la vie, et ni le vent ni les astres n’auraient eu en mémoire les vertiges de la création.


Je tire vers l’élémentaire, là où mes concessions sont des réflexes, et ma fièvre reste le seul mécanisme qui me relie aux hommes.


Guetteur assermenté, ma terreur est dans l’immédiateté d’une volonté à voir le importe quoi,de construire sitôt saisies des élucubrations à partir des images imposées,rendues soyeuses à l’aube et ombrées dans le crépuscule.


Nous sommes tous des indociles accordés aux objets trop voyants, sarcophages de toutes les existences où Dieu a mis le dégoût de vivre au rabais.


La vie est une habitude diabolisée.


Sans la connaissance comment aurait on pu représenter tout ce contingent d’impuretés qui déterminent nos rapports au temps, à Dieu, à l’homme.


Ma raison est un triptyque minéral qui dépeint l’ennui, la tristesse et tous leurs étiages.


La tristesse témoigne qu’on est toujours victime de l’évanouissement du temps importé.


Aux urgences du sang, j’ai répondu par les dépravations des sens, quand les irruptions dans l’existence s’étaient faites dans la lucidité venue de tous mes revers, et cela jusqu’aux latrines d’un corps suspendu au dessus d’un abîme de vulgaires contemplations.


Notre insolence fait suite aux logiques de cette biologie sans aspérité qu’est notre univers en flammes, et qui dans le lyrisme de la chair ne peut se traduire que par de la prudence et du délai.


Le meilleur de notre vitalité est un concept de défense, l’idée de ce concept est un phénomène d’aveuglement.


Dans ce vague où nous dissertons sur la connaissance et ses lacustres lacunes, notre corps développe une veine ondoyante et douloureuse, qui se perd dans les fuites et les élans portés vers un infini de contradictions.


Dieu serait l’hypothèse d’une incorruptible intimité, que je m’en tiendrai là.


Je songe à ce que j’aurais été sans la vie, et j’y glisse avec l’impétuosité d’un croyant soumis au veuvage et à l’ignoble foi qu’ont ceux qui ont trop à espérer.


Dans toutes ces tentatives de compagnie, combien de voisinages sans gaieté et de dialogues sans apaisement.


Mon eros s’est allégé du poids de sa chair, et contemple son existence superposée sur d’inoxydables couches de renoncements et de dogmes sans signataire.


Tous les objets douloureux qu’on affectionne, comme dotés d’une noblesse qui nous échappe, s’ils savaient combien nous ne caressons que leur extérieur, pour ne porter notre regard que sur ces parts de nous qui leur ressemble.


Je ne pardonnerai jamais à l’homme de s’être vidé de son malheur, pour des partages qui sont autant de glissements vers les non sens des contemplations obligées.


Toutes les purifications vont jusqu’aux soubresauts de cette âme qui ne nous regarde qu’au travers de nos peurs et de nos pâleurs.


Je m’agite, et l’expression est regrettable, je m’agite sans motif, et ça l’est davantage.


Quels que soient mes accès à la mélancolie, ils gardent de leur vulgarité l’attendrissant cliché d’une pente avec un calvaire.


A chaque fois que je me suis lassé de la vie, j’ai appliqué à mes propos l’imbécillité du dormeur, l’idiotie du moribond.


Que je me sois tant trompé sur l’existence n’explique que mes antiques impressions tiennent autant de l’amertume que de la concession.


Vivre en paresseux, mourir en exalté.


De l’aube au crépuscule, dans ce brouillard qui révèle les avantages de la parole, est il un instant où j’ai été profond, et où j’ai obéi à l’étrange cruauté de débattre sur l’infini du n’importe quoi ?


Rien ne saurait davantage me pousser au crime que cette vie que je ne comprends pas, et qui est légitimée par tous les signes qui créent des espaces où je dois contrer ou me taire.


Il y a dans toutes les oppressions qui m’ont accablé comme un besoin de prière, de remords ou de mélancolie contre lesquels mes potentialités de sicaire ne peuvent rien…