Aphorismes 76

La tristesse traduit souvent les élans d’un cœur obéré par les invasions d’une matière purulente, celle des mots entre autre, qu’elle en devient autant un retrait qu’une retraite. 

Ma fatigue de l’homme n’est autre chose que la fatigue de l’existence. 

Nulle part ailleurs que dans ces substances agitées dans les ciboires que sont nos corps, le sang n’est plus âpre et plus douloureuse. 

Ma part de Dieu est épineuse. 

Je voudrais que tous mes ratages (tardives consolations) détonnent dans l’agitation cosmique, dans la lumière asséchée des célestes chiures, pour garder cette nostalgie de dieu jusqu’à mes nacelles qui ne vont plus vers aucune hauteur. 

Il y a des instants où si fatigué d’élargir mon esprit aux surmenages, mon corps se décolore dans la fatuité des nobles exigences. 

Et si mes vanités n’étaient que les compensations de ces proximités où je n’ai pas su accorder mes faiblesses à mes gloires ?


Quelle lâcheté distincte nous a fait fâché ou fâcheux, et qui n’a rien à voir avec un déni ou un rengorgement de Dieu. 

On dirait que sur ces parcours où nous avons posé le pas, s’est inscrite la science funeste, et de cette supposition sont nés nos clichés et nos aberrations. 

Entre l’exacte furie et fureur de paraître et celle de se révéler, trône une fratrie de démons qui va dans les joutes autorisées et frise jusqu’au paroxysme de la noyade. 

La vie jalouse d’une matière vouée aux épreuves de l’inertie, s’est comblée de nos symptômes à vouloir être. 

Combien dans ces rencontres, faibles accompagnements, le risque d’une épreuve s’est établi, et combien j’ai pensé à un calvaire, et combien j’en suis revenu. 

L’homme s’est tant appliqué aux enfers de la raison, qu’intenté par ses adhésions au bonheur, ou de faire  don de soi dans la gratuité des actes dirigés ailleurs que vers lui-même,il a traité son dilettantisme comme on traite un mensonge, avec ménagement. 

Tant d’éternités sans appels, tant d’aujourd’hui et de demains sans couche. 

M’étant retiré de ces relais que je n’aurais su soutenir ni de mes mains, ni de mes bras, je n’ai joui de la solitude qu’en fanfaron, qu’en petit employé, tel un instituteur en villégiature. 

Subalterne, voilà ce que je suis, et mon sommeil tout entier est de l’ordre d’un cauchemar qui ne suggère aucune épargne. 

Dans mes insomnies quand le sommeil m’apparaît comme une sacristie qui n’est vouée à aucun culte, je me dis que j’aurais dû épargner à ma descendance d’en arriver là où je suis. 

Désastre que d’être venu monde et de méditer sur ce désastre. 

Repenti,  et c’est en cela que je me distingue des repentants, je dois à mes ancêtres de ne pas m’être gâché en des rendez vous où je n’aurais été que sur mes gardes, et non à leurs enseignements. 

Vivre dans tant de crépuscules intérieurs, et ne pouvoir s’en échapper que pour finir que sur une grève criblée de pluie et de vent. Mourir a le goût d’un vivre affecté par toutes les purulences des vaines désolations. 

J’ai tant pratiqué l’idée du suicide, que je ne sais plus vers quelle forme de douleur me tourner, pour échapper à l’enfer des extinctions sans charme.

Sincérité et vitalité, deux des saisons dont j’ai effacé toutes les nuances pour m’épuiser dans la rancœur des généralités que supporte l’amour.


La souffrance est notre propre hostilité, contre quoi, je l’ignore, mais je sais qu’elle fourvoie jusqu’à cet individu désuet qui fouille dans les latrines de son âme pour y trouver la trace d’un ange qui ne dégobillera sur rien.


Parce que nous sommes,tout nous est contradictoire,et le poison de nos existences est versé jusque dans nos crépuscules,ces sales instants où Dieu nous a abandonné pour des taches de subalterne.


Quand tout est calme, le calme m’apparaît comme la combinaison d’une nostalgie et d’une méprise.


Par l’ennui, mes sensations d’absence se sont transformées en résignation, et tout ce que prévoyais a gagné en neurasthénie.


Dans les paysages libérés de mon enfance, la patine du temps témoigne de la barbarie de cette civilisation où nulle autre.

grammaire que celle du grincement n’est comprise ,et qui nous agite pour les relents nauséabonds de toutes les pouffiasses que nous n’avons pas nommé comme telles.


Rien ne peut plus me plaire qui n’a été altéré par mes regrets.


Tout ce qui est profond a voyagé jusqu’à l’absolu dans les pulsations du temps et du mensonge.


La nuit ,dans ces espaces érotisés où nos natures se réconcilient avec des divinités muettes et fétides,désolées de toutes leurs déceptions,notre esprit affecté par l’immensité d’un corps où afflue toue la vanité du monde,n’est que matière à confusion et contusion.


Nos agitations, de l’aube au crépuscule, sont les entrées dans un présent conçu pour divaguer sous nos brutalités.


Mes soupirs sont des accords passés avec mon sang, les mesures de cette litanie que les malades entretiennent comme un dernier sourire barbare, comme un ultime et sale précipité de vie.


L’amour m’a mis dans les dispositions d’un soldat préposé à la balayette et aux chiottes, là où la mélodie de l’eau secrète une marche funèbre et une sale oasis de sentiments puérils et sots.


Au plus fort de ma guérison, la vie m’est apparue comme un immense reposoir, entre un berceau et un caveau, entre un célibat et un cagibi.


L’idée du suicide n’est pas l’idée de s’éteindre,mais une idée d’exécution capitale,c’est ainsi que j’ai vécu,enveloppé par et dans ces confirmations,écrasé par l’oint d’un chrème qui aurait pu me donner l’illusion d’un rachat par la prière.


Les gens de parole vont, les aigris restent.


Tous ces instants hémorragiques, s’ils savaient combien d’eux j’ai tiré de dégoût et de vitalité !


Les hommes ont été contaminés par la vie, cette absence de la matière, cette absence et cette funeste fugue.


Je regarde par delà l’horizon des hommes et j’y vois leur endroit.

Que n’ai-je oublié tous mes déchirements pour être davantage détaché de vos sales éternités ?


Ma soif de mourir est allée au-delà de ma soif d’éternité,sans excès,avec les abcès dus aux maladies d’exister,et dans ces espaces où j’ai surmené Dieu,j’ai mis tous mes paradis et paradoxes au pied de la croix.


La vie est une instance vile de la matière,le témoin verbeux d’une intelligence muette qui se planque dans une âme détournée,retirée dans la connaissance,la splendeur écoeurante de ce que nous n’atteindrons pas, ou la sainteté.


Les élégies de notre conscience sont l’expiation de nos ténèbres,  l’hémorragie de nos matérialités.


Dans mes ivresses je suis prêt à pardonner à tous ceux que je n’ai pas compris, et se sont pétrifiés dans les avantages d’une parole qui ne leur était dupe que le temps d’une conscience secondaire.


J’appartiens à un univers vulgaire, où tout ce qui est profond est resté aussi droit que les angles de nos os d’ascète et de pornographe.


Dans le délice des couleurs, par delà la nostalgie qu’elles déploient et élèvent, il y a la preuve de tant de tentation par le regard et l’image, et celles de l’excès de nos pâleurs.


J’ai le sentiment d’avoir été vieux autant dans l’ennui que dans la fatigue,imprégné de cette substance qui fait douter de tout,suprême vanité d’un être entré dans un âge d’inféodation pour des verticalités de moribond.


Qu’ai-je voulu prolonger qui n’ai été au-delà de mes sexualités, de ces écoulements glaireux, biologie d’un corps dont la nature est de ne rien prolonger ?


Le temps est la convention d’une horizontalité et d’une verticalité contraintes à se maintenir et à s’épuiser dans l’espace.


Le malheur est de l’ordre de la noblesse tant il nous met dans la posture d’un vieillard assermenté, languissant dans le brouillage des idées qui l’éloignent de Dieu.


La mort élève son propre centre vers tous ceux qui se sont mis en branle.


L’amour flotte sur nos existences comme un ange évanescent attiré par la lumière et la rampe.


Tout ce que j’ai conçu a grondé dans mon corps à la manière d’une bête écorchée et finissante, pétrifiée de lumière et de sang.


Parfois je gravis des Hymalayas de tristesse sur lesquels pèsent les baisers de toutes les femmes qui ne m’ont pas pardonné d’avoir été triste.


Mes accords avec les hommes se sont faits dans le positif de mes plus dégueulasses confessions, entretenues comme des abus ou des échappatoires.


Tout ce qui devient et advient a été sali de solitude, et de la nostalgie d’une souffrance verrouillée dans un astre funèbre.


Que sais je et qui n’ait subi des éternités de dégoût sans passer par les nourritures et pourritures du corps et de l’esprit ?


Contaminé par l’ennui, j’oscille entre la tristesse et la nostalgie d’un temps où j’étais contaminé par un âge obligé au faire.


Dans la vérité, les ratés de la connaissance se répètent comme des insolvabilités, comme d’invariables soubresauts, tromperies où toutes les existences divaguent à la manière d’un cotre sur un fleuve de soupçons.


Je vois bien, perdant tous les avantages et manquant toutes les bonnes occasions, que mon corps s’obstine dans l’ostentation des possibles avérés.


Il est des nuits efficaces, instants glorieux où nous nous voyons comme des inaccomplis,et qui en témoignent ; or dans l’immobilité de ce vague et de  ce temps,nous revenons au premier degré de l’être,infection et neurasthénie,ombre crépue sous un ciel de désolation.


Vivre, c’est consentir à affronter ses propres insuffisances, comme un singe affecté par la démesure de ses gestes, et le peu d’esprit dont on l’a affligé.


Dans la douleur, tout est fatigue, et les pleurs même sont du niveau sonore d’une sous vitalité qui témoigne qu’on est trop près ou trop loin de l’ineffable besoin de douleur.


Toutes les circonstances qui m’ont épuisé étaient empruntes de cette expression vulgaire qu’ont les faunes libérés de leur sexe dans le jardin fleuri des tentations.