Aphorismes 64

Aux souverainetés du cœur, j’ai préféré les productions d’un esprit voué à l’imminence des actes qui ne débordent pas l’eros, affairé à des commentaires sur ces mêmes souverainetés.

Acharné du détachement, et ravivant d’anciennes extases inconséquentes, je comprends combien la chair et l’esprit peuvent lever de fiel, quand les nocturnes entreprises ne sont que les contrefaçons d’un amour obligé et sans nom.

Ma nostalgie, fragilité d’un passé sans complaisance, affecte ma conscience, et son expansion est un nouvel empiètement sur mes futures proclamations à n’en rien dévoiler.

Aigri, et me dégradant dans l’insignifiance de mes orgueils dérisoires, je m’accroche à mon propre néant comme un poulpe sans célérité, et célèbre cette complaisance à mon égard en me gardant à vue.


Mon dilettantisme m’a assuré que j’ai été un nécessiteux, et que sitôt ses virulences retombées n’a eu comme armatures que son sang, son foutre et sa sueur mêlés pour d’écoeurantes religiosités.


Réussir ne m’a jamais mis en branle, je préfère en rester là.


État d’anoblissement, s’affaiblir sans démence et décemment, puis de la boutade au ridicule, rire de ses propres tares.


Sclérose de ma tolérance, je ne sais plus hésiter, je ne sais plus apprécier ce qui touche à de savants désirs, ce qui est à mes antipodes, et qui prend le visage de l’art, de la certitude ou de l’abjection.


Symptôme d’une époque sans énergie et qui décline au point de vouloir mettre de la rectitude en tout ;l’exaltation reste pour moi le seul moyen de ne pas m’orienter dans le n’importe quoi de cette décennie, où tous les fanatismes sont autant d’afoleurs d’éternité.


Je ne me serais adouci que dans mes endurcissements.


Ma mission est de m’exclure de tout et en tout, défi ou sinécure, je l’ignore, mais toutes mes dégringolades attestent que ce dessein tient autant de la guérilla que de la maladie.


Faut-il croire et admettre que nous n’ayons été préparés à la vie, que pour y œuvrer sous l’emprise des hontes les plus hautes, des blasphèmes et des jubilations excrémentielles ?


Si souvent hors de moi, que même si je m’étais contraire, je pourrais me rencontrer sans me reconnaître.


Je n’ai rien cru sur parole que je n’ai aussitôt trouvé hideux.


Employé à m’assurer que l’existence n’est que l’expansion d’une matière qui cherche le bon choix, je n’ai eu de complaisance que pour ceux qui ont préféré les stratégies aux stratagèmes.


Le mot n’est qu’une forme de désir d’asseoir notre contemporainéité dans celle des hommes, et d’y promener ses rengaines comme une vieille putain qui défaille sur les trottoirs.


Ma complaisance, il a fallu que je l’extirpe, d’où je l’ignore, mais que je le fasse pour mieux être et ne pas pire devenir.


Ma maladie, c’est ma charge d’homme et rien d’autre !


Nulle part ailleurs que dans ma chambre, quand j’ai accompli le désastre de veiller, je sens que la matière même de l’existence n’a de charnelle que la douleur.


Dans les yeux des femmes, quelque indicible évidence, mais qui nous survient ,nous laisse à croire que seule notre souffrance est lyrique.


Il me semble que j’ai plus d’esprit dans l’alcool, et que débarrassé de l’inconfort de la parole, je m’oriente autant dans la prière que dans l’insulte.


Paradoxe de ma santé, elle fait d’un été nauséeux un lieu de sévère inspiration, et de l’hiver une porte sur le souvenir.


Quel dommage que dans les bistrots on ne serve pas de l’ennui et de l’approximation !


La maladie, il faut la ressentir comme une embellie de la lucidité.


Sur tous les territoires où j’ai posé le pied j’ai eu la sensation de décliner ,de me décliner, la sensation que des épines crevassaient mon front et ma voûte plantaire.


L’homme est, et restera un absolu de désaccords.


Tout ce que j’ai perfectionné dans la nuit, avant qu’encouragé par le sommeil je ne stagne dans d’insalubres dilutions, s’est dès l’aurore évaporé en de volatils scepticismes..


Ne commettre que de l’irréparable, comme naître.


Il m’a été donné de participer à la vie, et combien je cherche à me faire pardonner cette déficience.


La souffrance, si elle était de l’ordre d’une initiative ne tenterait que les fous ou les saints.


Rien n’est plus déchirant que de se sentir superflu, cette lucidité devrait pour le moins nous effleurer, fut ce pour n’en garder que la trace du souvenir.


Le cœur est le seul endroit où tout peut se pétrifier et se putréfier, sans que nous fassions l’effort de comprendre ce qu’il adviendra de ce tout.

Ma conscience est une exaspération de prières.


Dans la désolation nous regardons la mort comme un droit à la dernière et véritable somnolence.


La musique est un prétexte d’absolu, et plus nous nous en approchons, plus elle s’éloigne de nos limites à la reconnaître comme habitée par une âme, qui tour à tour résiste à nos désastres et à son propre déni.


Une nette application à crever, oui ,mais proprement.


Le printemps comme l’été m’amènent à de funèbres spleens, et jusqu’à ma façon de me vêtir, j’y ai le goût de la substitution.


Je suis un antique de l’imploration, quelqu’un qui agite des carillons et désespère de la modernité des orgues.


Si tu veux éprouver quelqu’un, flatte le !


Coexister et cohabiter, états de mon impuissance à vouloir être deux.


Dans ces réduits où ma médiocrité a pris les proportions de quelque férocité à l’égard des hommes, mes commentaires restent la dernière instance qui soit normale.


La plupart de mes pensées, fussent-elles à mes antipodes ont échappé à de l’existant.


Quelle belle idée que de ne fréquenter que soi !.


Quelque soit le temps, ma conscience en appelle aux ruptures, et le ciel réfractaire me réserve malgré tout des entrées pour mes vulgaires prosaïsmes.


Tous les objets précis auxquels j’ai adjoint mes idées,se sont un jour métamorphosées pour n’être pas en contact avec mes ostentations.


Fantaisie de la création, mon moi besogneux transporte l’image de ses discernements jusque dans mes sommeils.
Trop souvent obligé aux inconséquences.


Cancer de l’acte, la parole s’immisce jusqu’à nos témoignages, et ne peut plus même représenter nos paix ou nos revanches.


Quelles que soient nos générosités, elles ne sont pas à la hauteur de ce luxe ostentatoire fait dans la parole, que nous entretenons pour compenser d’invisibles désordres.


Au plus fort de mes détachements, le chaos me persuade de nouveaux saisissements, d’une nouvelle épaisseur où mon corps s’englue et se dissout.
L’habitude m’a détourné de t

outes les formes du devoir et du vouloir, et je l’honore tant je peux y cultiver les affres de mes inconsolations.

J’ai balayé de ma conscience une profondeur sans orthodoxie, et je m’y suis endormi.


Qu’ai-je construit à quoi je me sois attaché, et qui ne soit dans la lésion des devenirs sans vitalité ?


Je me suis essayé à de l’esprit, cette entreprise ne m’a pourtant pas réconcilié avec les délices de l’organisation de ces cerveaux enclins à ne rien vouloir voir disparaître.


Il ne m’appartient plus de m’inquiéter, c’est aussi une forme de despotisme qui supporte le mieux toutes mes dégringolades, spectacle ancien de mes philanthropies.


A l’examen de mon mépris des hommes, je décèle combien j’ai manqué d’occasions et d’opinions, et combien cette subtilité m’ a valu d’être réduit de courir après des excuses et des apitoiements.


Dans ces instants où les choses sont conçues comme des figurations, les yeux des femmes sont des esthétismes universels, et leur sexe en appelle autant aux plus beaux des excès qu’à la dépendance.


Mon linge sale me servira de linceul.


Toutes mes vertus sont une peur de moi.


Aucune révélation qui ne me soit parvenue, je ne veux d’ailleurs pas qu’il en soit autrement.


La vie me semble une amplitude d’absences et de désœuvrements.


Combien je me suis détaché de tout, et combien je suis resté fixé à cette gangrène, qui est aussi une forme de mourir avec application.


Toutes les fois où je m’ouvre à l’amour, il me semble que je vais être happé par du désenchantement, et que ce grand trouble sera aussi mon calvaire.