Aphorismes 63

Ma rage m’exténue, je m’y étends comme un sphinx infiguré, sans question, et qui ne cherche que du désaccord.


J’aurais passé mon existence à faire coïncider mes plaintes et mes déplaisirs, dans cet abaissement de jour que ma vue entretenait pour des dissolutions.


Je ne trouve une composition d’éternité que dans cette littérature arrachée à la ténèbre ,et qui m’époumonait par ses funestes vacuités.


Passe encore que dans l’amour nous nous exténuons par nos glandes, m’insupportent les idées qui nous font frissonner des clichés liés aux innommables séductions.


La vie n’a d’élégance que dans l’ennui, dans l’ennui et l’odeur de naphtaline qu’elle traîne jusque sur les linceuls.


Vois dans les moments où ton désespoir est extrême, combien ton esprit s’affaire à tout raréfier et vois combien pour avoir voulu être l’égal de tes semblables, tu n’as jamais été toi-même.


La vie palpite dans tes veilles, et tu ne sais plus si tu frémis de regarder la nuit qui va du bon côté, ou si c’est ton corps qui te rappelle à ta charge.


Toutes tes larmes ont blanchi les sceptres effondrés de sueur, et qui se tachaient de ton néant.


M’est survenu l’âge, je cherche un nouvel empire dans la croyance, l’art, pour m’y intensifier.


Ma violence, je l’ai transformée en larmes, et le temps m’est venu d’en arroser toutes les tombes.


Pour composer un personnage , chien couchant blâmé par toutes ces filles que la perpétuité d’être a blanchi, je me suis fixé dans une décadence sans accord et m’y suis aveuli.


Faut-il rire de soi même quand s’ébauche la fin, cette fin qui adoucit les absences et rend stériles tous nos désespoirs, ou faut-il en rire jusqu’à s’exténuer ?


J’ai vécu courbé , muet, et n’ai trouvé personne pour prendre part à mes inclinations ou à mes vertueuses sensations de délabrement.


J’ai sollicité des filles alanguies de chagrin pour qu’elles s’attardent sur mes somnolences, leur débine a été le ferment de toutes mes retraites et quarantaines.


Je considère tout ce qui m’échoit comme un octroi, un enjeu, et je m’y adonne avec l’anxiété d’un pupille de la négation.


Que rien ne me tente plus, et que je n’existe plus que pour cette modération que tout sceptique rend infectieuse tant il ne peut s’en accommoder.


Au plus profond de la nuit me voilà dans mon élément, comme dans le ventre d’une femme alourdie par le mystère qu’elle porte, et dont elle tait le nom pour ne pas s’en délivrer.


La fatigue est le seul endroit où jamais nul ne me consulte, où chacun ne me pardonne pas d’entrer pour y trouver une récompense.


Je me suis exercé à l’existence comme à la plus extrême des banalités, et en suis revenu plus exténué que si j’avais ravalé du dégoût des années durant.


Je n’aurais abouti qu’à des fins ostentatoires.


Tous mes jours sont des impasses où je me dois de circuler au milieu d’un néant dont je n’ai pressenti que les attouchements.


J’ai perdu en vigueur ce que j’ai gagné en rigueur, me voilà dans la carrière d’un miraculé du camouflet qui apprend que le prestige n’est plus à l’ordre du jour.


Dans la solitude je me suis voulu respectueux et respectable, je n’y ai pourtant jamais goûté à l’exacte salubrité de ces vertus.

Toutes mes abstinences m’ont dispensé d’aller dans la racaillerie des corps fouillés par de l’irréparable.

De toutes les voies où je me suis engagé, je retiens celles de ces femmes adultères qui m’ont vicié par leur éternité de malheurs et de pleurs mêlés.

Je flotte dans un univers de peurs, et toutes les formes que je donne à cette misère, ne sont que l’affirmation d’un ego démesuré, haïssable et triomphant.

Sous l’emprise des alcools qui décolorent mes veines,rendent épouvantables mes sentiments, il me vient parfois de la prière, victime d’une extase, et qui n’a pas de nom.

Incapable de rompre avec l’homme, d’y trouver un remède, j’en adopte les suffisances et vais tel un foireux moisir de mes sombres secrets.

Ne m’étant employé qu’à agir sans intention, rien de moi n’a été singulier, sinon cet abcès d’insuffisance.

Chacun plaide pour la vie quand il en est la victime.

Tout ce qui se dérobe à mon imagination revient par la douleur, colorer mes jours par quelque dépravation.

Dans les fourreaux de l’existence, toutes les peurs, tous les dégoûts, tous les crachats, ont les apparences d’un sentiment expurgé de sens.

Mon bien être n’a été objectif que dans l’ennui, dans cette lucidité originelle qui tient de l’horreur de voir et de le savoir.


Tant mon corps m’a pesé, tant je me suis isolé dans ses propres abstractions, impartialité et inclination aux mornes solitudes.

C’est parce que divaguant dans l’inconsistance d’une parole révélée comme de bon goût, que j’ai encore la certitude que mes errements et mes vagabondages, peuvent encore me conduire dans la félicité d’un taiseux, voire d’un sourd et d’un aveugle.


Ces fades animations qui sont dans le bonheur du dire et du voir ,combien je les exècre et combien j’ai de vertiges quand je leur emprunte leurs couleurs et leurs mots !


Résigné, et dans l’épaisseur, dans la glu d’une syntaxe de superstitieux, je cherche à me faire valoir, à me prévaloir, oui, mais de quoi ?
Je considère que ma fantaisie et mon dilettantisme ont été le négatif de toutes les instructions où j’ai autant appris à me fondre dans un homme, que de m’en détremper.


Il est vrai que tous les textes sans ponctuation m’apparaissent comme le débraillé d’une littérature qui s’essouffle de ses propres considérations, pour se débiner de je ne sais quoi.


Fallait-il que je songe à cette réserve de bien portant, pour n’ y entrer qu’en malade répertorié ?


Ce qui parfois surgit au milieu de la mélancolie est d’une telle nudité, qu’on dirait un intérieur si écorché, qui nous fait aussitôt vomir ou prier.


Je dois à tous mes scrupules la précision de tous mes arrêts et de mes arrêtés, et la séduisante inertie de toux ceux qui ne tendent pas vers l’acte, avec toutes les expressions qui l’aggravent si on se commet à la commettre.


Je me suis insinué et institué dans l’existence dans un cadre approprié avec des intérieurs sans ouverture.


Toutes mes considérations sur la discipline ont été des phénomènes d’ineptie, où j’ai mêlé les ingrédients consubstantiels de la défaillance à des mécanismes de supplice.


Je considère que sans prise sur le monde, tous mes raccourcis sont une forme d’aboutissement.


Je me suis tant évertué aux consentements et contentements, que parvenu à des édulcorations, je ne peux plus admettre que mes pitoyables visées.


C’est parce qu’il existe la possibilité de nous perdre en tout, que nos abattements sont des prestiges de cadavre anticipé, et qu’un de nos rares talent passe par de la conversation.


Le spectacle de la lassitude illustre ce qui nous relie à l’humain, en passant parfois par des hébétudes et des impudences.


Toutes mes intentions entre la chair et l’Eros consenti aux ordalies, ont été encombrées par les infamies d’une mémoire que je n’ai su ni adoucir ,ni captiver, tant je me suis à un moment déporté de ces mêmes intentions.


Est inférieur et intérieur à moi, tout ce à quoi je me suis attaché et qui ne m’a pas rendu imprescriptible.


En visite dans l’existence, me voici pétri d’échecs, et cherchant un nouveau principe, marque d’un autre ridicule.


Rétrospectivement je m’apparais comme secondaire, dans un intemporel quaternaire.


C’est parce qu’il m’a fallu coopérer que je n’ai pu faire irruption dans ces éternités, que l’amour projette comme la seule histoire qui vaille.Contraint à être et à devenir, c’est suffisant pour être abattu.


Pour me venger des servitudes, je me suis montré tel un malade dans une décharge pleine d’abjections et de foutreries, un malade que la réconciliation n’a pas rangé parmi ceux qui prospèrent, et qui ne s’élèvent que contre eux-mêmes.


Rien qui ne me soit apparu comme plus indispensable que toutes ces incommodités où je rangeais Dieu dans des écarts, et usais de la prière comme un avatar de parole pour le dissuader de se pencher sur moi.


Eprouvé, pas encore affadi, je tente de recenser toutes les acclamations que j’ai lancées jusqu’à Dieu, en les portant sur cette gauche où le cœur seul est resté en contact avec les hommes, sans en tirer aucun bénéfice.


C’est l’aveu d’une rancune ancestrale, d’une peine inavouée, qui m’a fait aussi ébranlé que si je devais solliciter un entretien avec une pègre sentimentale.