Aphorismes 57

L’avenir aura les veines chaudes, n’embarquez pas sur des cotres de papier.


Le mot triomphe dès lors qu’il se veut scandaleux.


Ecrire, est toujours envoûtant, c’est justifier de la vie avec les mots de tous.


Un homme silencieux est toujours près de la vérité.


L’ennui est injuste, il n’y a que chez les faiseurs qu’il est profond.


La sympathie, c’est du fanatisme au premier degré, c’est prendre sans méfiance les chemins d’un bourbier.


On n’est jamais ouvert que par ses propres clefs.


Le tragique à un rival : le secret.


L’avenir se poursuivra lui-même, qu’il s’emploie dès à présent à se défendre de ce fait.


L’humanité se dévore elle-même et en fait chaque jour la démonstration.


Il y a autre chose d’insupportable que les intentions, se sont les attentions.


La science à beau progresser, les imbéciles n’ont toujours pas d’odeur.


Les opinions qui vont contre ma nature sentent mauvais, elles sont trop prudentes ou trop imparfaites, c’est en cela qu’elles mentent, c’est en cela qu’elles ne méritent pas d’être crues.


Si profondes que soient nos pensées, elles sont affectées par l’enfance, l’adolescence, et le doux poison d’être musicien, poète, pamphlétaire, révolutionnaire ou fou.


Heureux celui qui se persuade d’être utile, il peu dès lors se guérir de ne l’être plus.


Je n’en peux plus d’attendre l’homme, je m’en vais dans des actions qui ne sont pas les siennes, j’officie dans la peau d’un qui languit de cette infirmité.


La passion tue la moitié des hommes avant qu’ils l’aient comprise.


Ecrire c’est prier avec des mots que l’on voit.


Espérer est lâche, il faut dans le présent où l’on a pieds ne redouter que soit, pour s’asseoir dans la haute réputation de passager pour Dieu.


Le silence est en gerbe dans la gorge des Dieux.


Quand le silence est riche, on dit qu’il est du côté de ceux qui se prosternent.


Pour voir plisser le vent sur le front des archanges.


L’envie est responsable de mon sommeil.


Grattez sous le bonheur, il y a du malheur avec les yeux qui piquent.


Le bonheur est terrible lorsqu’il est permanent.


De toute évidence la parole est un état second ; transversale du silence ,qui est à la vie ce que le visible est à l’œil du peintre.


L’ordre parfait c’est la conscience des théâtres bureaucratiques.


Ne plus avoir d’intérêt pour rien, est s’abandonner dans la prière comme on s’arrange avec ses propres morts.


Le sacré et une des circonstances de nos paix intérieures.


Il faut prostituer son esprit, le former aux indolences et aux étalements, c’est déjà lui rendre gré de la position qu’il occupera dans les temps d’infamie.


Ne plus rien n’espérer, entrer dans le doute comme on entre dans un monastère, et s’y abandonner dans l’attente des extases compromettantes.


Toutes les fois où j’ai eu de l’égard, un Dieu et un diable s’accommodaient de mes façons.


Je ne suis pas de ce siècle, je voudrais tant en ignorer son monde, que je le porte partout ailleurs où on l’a oublié.


La fidélité, c’est l’excuse que nous empruntons pour parler matériellement de ce qui nous aurait rongé si nous avions été plus imaginatifs.


Il arrive souvent que l’on ne soit bien que dans la peau des autres.


L’algèbre et les mathématiques m’ont toujours emmerdé, comme si le hasard avec ses corrections et ses marges ne m’ennuyait pas assez avec ses zéros pointés.


La maladresse n’a pas toujours des oreilles d’âne.


Il n’y a aucun passage qui ne puisse se faire hors de soi.


Tu t’imagines que la vie à des subtilités, qu’elle est sage ou qu’elle est folle selon des techniques qui lui sont propres, déjà tu t’inventes des histoires qui ont pour origine ses défections.


N’exagérez pas l’esprit, il irait dormir ailleurs.


Etre lucide, c’est être élégant dans la défaite, dans l’effort que l’on fait pour être le seul à accepter les catastrophes, comme un Antée savourant autant la tourbe que la rocaille.


L’ennui est un excès de vie taquiné par la mort.


Si seules nos passions nous dévorent, restons précisément ce que nous sommes, des individus définitifs et non des types avec un nom.


La folie de tous ne peut être pardonnée par un seul.


L’amitié serait monstrueuse si elle ne vivait pas d’expédients.


Le sacré n’exagère toujours pas ce qu’il doit à l’enfer.


Se détruire est délectable, ainsi à la sensation de prendre feu ou de pourrir nous pouvons ajouter celle de geindre, de s’étrangler, ou d’être complice d’un sicaire, nous voici magicien d’une gangrène que l’on attribue qu’à soi.


Il y a des hymnes qui fleurissent du côté de Satan ,sans que Dieu intervienne pour en donner la mesure.


La tristesse doit à la fois être bestiale et larvaire, sinon à quoi peu servir toute l’interprétation que nous en donnons ?


Il ne faut en rien masquer la vérité, la vérité se trahit elle-même par le savant maquillage qu’elle s’impose en voulant paraître écrue.


Tout mystère inexpliqué se raccommode avec le temps, et ses accrocs s’égalisent par l’entretien de sa profondeur et de sa part de déliquescence.


Quand je sors pour communiquer, communier, avec le talent des ratés, pris dans les rets du désespoir, j’alimente mon corps des excuses que je ne ferai qu’à Dieu.


Avoir le dégoût quotidien de soi même, voilà un motif nécessaire pour durer, malgré le peu de carrière des autres.


Il faudrait redresser toutes les courbes de peur qu’elles ne deviennent des cercles vicieux.


Les anges  ne se sont subordonnés à Dieu que pour mieux s’asservir avec le diable par feintise.


Je me laisse aller aux fêlures, aux cassures ,aux ruptures de toutes espèces, je suis une roulure atténuée par tout ce qui ne peut ni se transmettre, ni me tourmenter ,sans que j’en ai fait la demande.


J’ai autant d’écarts que de questions en moi, il convient que je les garde pour un temps où l’esprit plus il sera présent, plus il sera secret.