Aphorismes 55

 Ce qui était au commencement le sera à la fin, c’est-à-dire le néant, le néant et ses abjectes suprématies.


Que de concessions qui me défraichissent et me mettent au rang des contagieux.


Lire, c’est conclure des complicités avec cet écrivain qui se signale par ses injonctions.


L’univers a été conçu comme une anormalité dont nous payons le prix.


Je proclame que toute démesure tient du dévastement et de la supercherie.


Aussi riche de cieux que le vieux d’un exil. 

L’ennui ne va pas sans certitudes, certitude que la vie est de l’ordre d’un préjudice, certitude que ce préjudice sied à la vie.


Mourir tient de la plus haute des corrections et de l’honnêteté.


L’âge, tous les âges sont funèbres, que sans cette forme d’exploitation du temps, nous ne délivrerions que des imbécillités et du superlatif.


Je tiens du martyr et de l’exploité, bref je suis, et dire que si je savais parler je serais dévastateur.


Tourmenté, oui, mais pas dans le sens où l’est une saison, tourmenté mais en permanence.


La patience me dessert et m’enquiquine, il faut que j’ai des coups de gueule, des inexplications, du verbe à remâcher et à balancer, il faut que j’accède à la verve ,à la débâcle de ce moribond, qui sachant qu’il va crever n’est tenté que par le pire et rien d’autre. 

J’anticipe en me taisant sur une forme de prière que j’adresserai à Dieu quand il sera sur mon palier.


La citation est une forme de propagande dans la bouche des glossateurs et des phraseurs de métier.


Vivre ,c’est se détourner de vivre.


C’est Satan qui m’aspire et m’inspire, c’est Dieu qui me détient et me retient. 

De tous les épisodes de ma vie, de ceux qui m’ont conduit du doute à la trahison, je retiens l’absence de leurre et de gré incertain, qui auraient pu contribuer à me rendre le cours de l’existence plus vertigineux que le manque d’amour et de sincérité.


Vie en cours, mais au-delà de toutes mes résidences, un siège unique où je m’assoies ave l’air d’un retraité qui ne se dépense plus.


La susceptibilité m’a mené à des réorganisations, si on ne m’avait tant gêné, tant emmerdé, rien d’autre ne me concernerait que l’équilibre et ses sottes platitudes.

Détaché, mais sans ce tuteur qui furieux de me voir sans adresse me voue aux gémonies et à l’indistinction.


Nos plus grands malaises sont dans l’emploi, dans l’exploitation du mot, le reste est de la fiction faite pour nous représenter au-delà de notre nature de monstre.


On aura pu me reprocher mon ton, mes façons de dire, bref de parler sans rassembler mes idées en une seule qui vaudrait par sa pertinence, mais voilà ,je tiens davantage à mon outillage de bricoleur qu’à ces petits honneurs qu’ont les professionnels du jargon.


Toute adresse, toute forme de précision nous activent, nous modèlent un corps de souteneur, combien je cherche dans l’erreur d’être ,à me briser parmi tous ceux qui ont loupé leur carrière.


Je regrette parfois de m’oublier, et pour donner un sens à cet oubli, j’use d’une réplique sans mystère, et je mets autant d’acharnement à y penser qu’un mourant se rattache à l’existence.


Autant de raison que d’effacement.


Combien j’aurais aimé que certains salue cette abjecte verve, afin d’avoir à me planquer des honneurs pour le restant de mes jours.


Etre c’est faire carrière dans l’illusion et n’en rien montrer.


Plus on fait abstraction de Dieu, plus on peut trahir l’homme, et y trouver quelque chose digne d’intérêt ,voire quelque science.


Fatigué, je me satisfais de n’être du côté de personne ,pas même du mien.


J’ai toujours fait en dehors de toute élevation,je n’ai observé aucun palier, aucun podium, et si j’ai quelque satisfaction aujourd’hui, c’est parce que je vis dans cet éternel danger d’y prendre goût et garde.