Aphorismes 50


Combien j’ai ravalé de protestations pour quelque considération dont je n’ai même pas abusé.


ON ne meurt jamais assez tôt.


Je tire mon orgueil de cette forme de détachement, au travers duquel je peux discerner ce qu’il y a d’épouvantable dans l’amour ou dans l’amitié.


Les passions affectent notre immodestie en nous donnant l’air de colonisateur.


Le monde ne me laissera que peu de souvenirs sur le monde lui-même.


Pour toucher à la vérité, il faut être en crise, et rien d’autre.


Tout ce que nous faisons et dont nous avons rêvé nous donne suffisamment de raison de ne rien concevoir d’autre que du rêve.


Entrer dans le sommeil en infidèle, en sortir en condamné.


Toute une vie dans l’aberration de cette vie, dommage qu’il n’y ait rien d’autre de plus intolérable encore.


On dirait que pour qu’il soit un Néant, il faut qu’il y ait des sous couches au Rien.


Est dans ma curiosité tout ce qui a triomphé de la matière organisée et s’est opposé à de la vitalité.


Ma souffrance n’est pas une défaillance, en dehors des maux que suscitent les deux, il me reste assez d’écœurement pour ne pas l’épuiser en une seule fois.


J’ai des sensations à tiroir, dont l’intensité varie selon que je sois disposé à l’ennui ou à la dégringolade.


A supposer que tout ce qui a été conçu le fut pour être endommagé, de quel côté rangerions nous Dieu ?


Peu perspicace, je me suis intéressé à l’existence par étapes et cela engloutit plus que ça ne relève.


Je n’ai pu me réaliser, c'est-à-dire que je n’ai su souffrir mieux et davantage.


Jour après jour, s’irrégulariser.


Selon que je m’isole ou multiplie mes rapports avec le genre humain, je vais de l’aveu au désaccord,sans vouloir passer par l’indécision.


Mots :sécrétions entre souffre, souffrance et sanie.


Est supportable ce qui ne supporte aucune trace de cadavre.


Rien de ce que nous lisons n’affleure à nos destinées, voilà pourquoi nous nous glorifions par nos propres mots.


Etre tient du prodige et de la redondance.


Prier, vomir, oui, mais en état d’ébriété !


Au plus fort de mon ennui apparaît le scrupule, avec ses hésitations et ses indemnités, c’est là que je m’endors.


Mes plus hauts faits resteront dans le respect et dans l’inclination.


J’ai perdu tout ce que j’ai adoré au contact de l’amour et de la philosophie.


Tout ce que j’ai attendu est venu avec les effusions de la parole, voilà pourquoi j’opère dans l‘ébriété et le retrait.


Quel dommage que mes misères ne me préservent d’aucune intégrité, pas même de celle du dormir.


Toute forme d’ébriété doit à la parole ses propres ébriétés.


Au regard du Temps, la vie restera trace.


La plupart des réponses viennent toujours à propos, mais combien hélas se sont muées en opinions avant que d’être autopsiées.


Il y a des lieux où tout ce qui est transitoire, est chargé de nos vies communes, et s’oriente vers le label.


En dehors de l’imagination, que possédons nous, pour nous dérober à nos énormités de survivant, et qui pense à tort ?

Dieu que l’Autre est nécessaire pour vomir !.


S’interrompre dans toutes ses courses, ses prolongements et prolongations, voire ses scandales, et ne plus pouvoir se passer de la défection.


Un corps mal élevé, dans les formes honteuses du mentir et du dormir .


En vérité je n’aurais recherché que des modes d’expression, qui se sont inclinés vers la paresse ou l’oisiveté.


Ma chance aura été que mon amateurisme fut sans rapport avec mes convictions.


J’aurais mieux fait de périr pour une raison, une bonne, que de traînailler cette petite misère qui sied tant aux biens portants.


Être exige qu’on le dérange.


Si je m’étais épargné l’idée du suicide, me serais je retourné sur cette supériorité que confère l’absence d’illusions ?


Diminué, vers quelle solitude, où vaincre tient de l’ineptie, vais-je, sans passer par la Question !


Toutes les conversations m’emmerdent, à l’évidence je ne cherche qu’à fréquenter des reclus ou des revanchards qui usent du mot comme d’une obsession, voire avec désespérance.


Je suis un sceptique voué aux sarcasmes, je m’acharne pourtant à y voir le symbole d’une compétence qui ne doit rien aux organes ni à la chimie de ses compléments.


Nous devons notre infortune aux mots, toute première géologie qui nous lie à cette civilisation de roulures assujetties à la parlotte.

Charognards distingués que le mot élève systématiquement, tout nous échappe voire jusqu’au noyau même du mot.

La lucidité restera notre plus grande victoire et notre plus grand vice, combien j’aimerais n’être hanté que par le thème de l’obscurité pour tout refuser, tout !

La réelle douleur s’exerce au-delà de cette douleur, qui est un oreiller pour nos pleurs.

L’ignominie, au regard de toutes les saloperies de l’Histoire m’apparaît comme une réplique à la civilisation.

Toute tension avive notre sang, même nos sanglants ont quelques proportions de flammes.

C’est vivre qui nous pousse à la charogne, le devenir quant à lui s’organise dans la puanteur qui en résulte.

Il arrive des nuits où la barbarie du sommeil nous pousse à ne rêver que d’une inflation de la nature les plus salaces.

Etre le rameau dans le bec de la colombe et la proie dans la gueule du loup.

Combien j’aimerais entrer en contact avec tous les ratés de la croyance.

Je retire de la prière qu’elle ne me fait ni voir ni sentir jusqu’où le venin de mes veines pouvait se renouveler.

Je me suis confronté à la religion pour convertir ma pitié en apathie, voire en une supercherie d’absolutisme.

Il n’est aucune épreuve qui ne soit inscrite dans notre sang.