Aphorismes 47

La musique est vapeur ,la mélancolie aussi, nul doute alors que toutes deux passent par les désastres du sang.


La vie est une accoutumance si souvent indolore qu'on peut parfois douter d’être.


Dans ces éclaircies où mes  élans vers les hommes tiennent d'une virtualité de singe, je presse mon cerveau d'y réfléchir et de montrer jusqu'où je peux aller dans cette exigence.


Toutes les tentations vont de la maladie à l'erreur ,en passant par les diligences de la parole et l'éthique sale du paraître et du montrer.
La fatigue tient de l'absence, c’est un mélange plein d'une grande vitalité toute  en soubassements et en  barbaries qui versent dans la planque  et la neurasthénie.


Je me suis assoupi dans l'existence quand  d'autres y sont entrés, pour des ardeurs que je ne connaîtrai que les veines tailladées.


Mes sentiments me semblent être les seules perfections que je puisse mettre en avant, tout le reste va de la litote à  l'homonymie.


La matière même est folle ,mais elle  se débrouille pour ne rien laisser apparaître, sinon les impitoyables thérapies prises dans les solutions  d'un univers gangréné de pureté.


Dans le respect qui caractérise les premiers élans de l’amour, un serpent et un singe se réconcilient pour gagner en sauvagerie.


Dans ces nuits, cancers agrandis à la lueur des souvenirs, ma vie  me semble être un jeûne où j’ai  rogné jusqu'à la déception.
Le cynisme d'en appeler à Dieu pour n’être qu'avec lui ou en lui.


Lorsqu'imbibé de la cruauté d’exister sans élans, je me lève et oscille  entre la course et le piétinement, mon corps tout entier semble se mouvoir dans les molles festivités d'appareils affectés par toutes les relégations.


La pratique de la vie est une  pratique obscure, quand elle  s'éclaircit c'est dans la peur ou dans l'ennui ,deux architectures de l'accord qui cherche à s'en dégager pour rejoindre l'esprit.


Tous les gaspillages du corps, gaspillages qui vont de la respiration  aux inerties dans lesquelles nous nous abritons pour échapper à nos voies, sont faites  de ces substances  où s'est dissipée de la nuit.


Je ne me consolerai jamais d’avoir cru  possible un entretien avec les hommes ,je compte bien en rester là.


Faut-il se  surmener  dans les possible ?


Tout est terreur ,et exister, une terreur rythmée par les non-sens du décor où elle s’anime.


Entré de plain-pied dans les excès qui font trembler ou obéir ,ceux qui vont de la soulographie à l’anathème, ma vie  qui s'en était cachée y revient, dans les phénomènes des raisons propres à me plonger si intérieurement en moi,  que c’en  est devenue une véritable péripétie.


Tout est  maladie, et la maladie est une flamme arrêtée dans le sang, l'intérêt que j’y porte vient de ma  vanité de penser plus lourdement que si j'avais dix mille ans.


Chuter, c’est  entrer dans les mémoires des anciennes vitalités  où tout était possible.


On est souvent quelqu'un d'autre et cela sans le savoir.


Se compromettre jusqu'à la distinction, est lassé par tous les perspectives d'enchantement se laisser voir tel qu’on était né.


Coûte que coûte ,vaille que vaille ,il nous faut de la vie, mais la vie n'est pas que l'application d’une matière qui cherche à être élue, ce fait paraît  si éthéré qu'il en devient l'idée d'un au-delà.


Qu’y a-t-il le plus absurde que toutes ces volontés qui obligent à  la terreur du taire, et se mettent à nos côtés pour douter paresseusement ?


Où est la preuve de l'existence, sinon dans l'existence elle-même, dans l'odieux adieu, dans les exits, dans l'excitation exacerbée par une xénophobie qui en atteste ?


Toutes mes décisions se sont faites dans l’étroit secret d'y revenir sur le tard, c'est-à-dire quand cette faiblesse banale de mourir me verra m’ouvrir les veines , et me fera plus objectif encore que dans l'instinct de la décision.


La mélancolie est en suspension dans mon sang, et  y a noué un  pacte pour  des éternités sans objet.


Les voluptés étrangères aux pesanteurs du corps, participent parfois de ces tristesses sous vitalisées, qui sont l’intérieur d’une lucidité que nous n’avons su ni rompre, ni franchir.  

Tout mot à sa manière en appelle à la mort, c’est aussi cela la métaphysique. 

Rien de prestigieux ne peut plus naître de nos déficiences, je cherche dans l’absconse pataphysique du langage à me dégager de cette épreuve. 

Je voudrais n’être pas né pour rester un élément des  célestes anomalies. 

Se soigner d’être vivant. 

L’idéale tromperie d’être penche pour des éternités, je préfère m’égarer dans le non sens des religions auxquelles nous nous vouons, quand dans toutes les mythologies se sont épuisés les dieux sanitaires, et qu’il ne nous reste d’eux que la grâce d’un putride devenir. 

La lucidité a des hauteurs que nous atteignons dans l’exaspération ou l’atonie, ces deux points de nos univers où culminent le mot « Dieu »et le mot « Foutre »,et leurs mêmes et idéales abjections. 

Je suis resté trop longtemps hors de moi pour pouvoir m’accorder. 

Dans les déserts de l’absolu, vides verticaux sans concession, toute parcelle d’idéal a son fossoyeur, celui ,là même qui prend plaisir aux horizons éthérés. 

Rester à la température des impréférés,et mentir, mentir couché, assis, debout. 

La vie offre des éteignoirs autant aux sens qu’aux bougies. Je resterai ce paresseux discrédité et disqualifié, parce qu’il n’ a pas voulu s’entretenir. 

Combien j’aime l’idée du suicide et les personnages qui s’impliquent dans mes préférences. 

Cette part dégénérée de moi, envers que je supporte, voltige qui va du lit au divan, en passant par le pathétisme de l’amour, Dieu sait ce qu’elle doit à mes frémissements de lui, et à ceux de cet au-delà où l’on meurt sans atrophie. 

Qu’est ce qui a pu me rendre intelligible sinon l’alcool, cette variété d’extinction, ces élans dans la terrifiante sensation d’être en un seul jet, une seule et subtile douleur, une seule conscience, mais maudite?


L’expérience du crépuscule m’apparaît comme le désir de m’épuiser ailleurs qu’en moi même, là où tout devient funèbre sitôt qu’on y réfléchit.

Qu'ai je encore à attendre de ce cadavre assermenté à la vie, et qui n'a d'héritier, et qui n'a d'héritage ?


Dans cette solitude où l'existence m'apparaît comme ce que j'aurais dû quitter depuis longtemps, seule l'immédiateté d'un abattement plus obscur apporte des nuances à mes divagations. 

C'est peut-être l'absence d'amertume qui me vaut encore d'être parmi les hommes ,et de voir tout ce que je pourrais leur concéder. 

Dans la perspective d'un cerveau qui ne s'éveillera plus à rien, je me vois déçu et condamné comme peut l'être un innocent. 

Toutes mes dispositions à la prodigalité n'ont eu pour objectif que de me rendre insensible ,cette générosité m'a valu moins d'élans que si j'avais cerné des incendies, ou fut un malade disgracieux et soutenu ,qui aurait tendance à croire à des présomptueuses volontés d'être et de tenir debout. 

Dans le spectacle des vanités, quelle autre forme de déficience représente normalement mes anomalies ,sinon cette vanité que je nomme fatigue d'être?