Aphorismes 45


Actes, subterfuges du temps, pour nous donner à penser que la vie est sensations.  

Il ne faut pas que quelque chose me survive, j’aspire à ne rien signifier .

Se réduire à la vie, l’Homme n’a rien trouvé de mieux à faire que de singer tous les Dieux qu’il a offensés.


Je rêve d’un cirque idéal où tout mot serait une débâcle, où tout rire serait une tergiversation. 

Je ne peux plus penser qu’en bégayant. Les morts sont intoxiqués par les vivants. 

L’expérience c’est du temps grotesque que de prétentieux lettrés tournent en proclamations ou en dogmes. C’est l’intuition qui fait que je me désiste, la réfection fait que je me retire. 

L’Homme, ce cafard qui a parcouru le temps pour y fonder des empires, que ce même temps prive de maître aussitôt qu’il en est un. 

La raison nous rend furieux ou nous apaise, selon qu’on soit sous la coupe ou le revers de Dieu. 

Toute démence réserve une part d’honnêteté que la raison fortifie et élève jusqu’aux élucubrations du verbe. 

J’ai froid d’être et d’exister, dans cette frayeur de devenir qui me pousse dans l’exercice d’un exil futile, je conçois le temps comme la plus inespérée des prisons. 

La vie ne m’a pas donné le tournis, je cherche dans la parodie des mots une façon de dégringoler dans l’Etre.

Moi ne me suffit plus. 

Tout est faux, jusqu’au détachement qu’on prend pour s’en éloigner.

Rien de ce qui est tragique ne m’émeut, je ne pratique la larme que pour un départ ou une arrivée. 

Il ne faut rien faire qui puisse nous réconcilier d’avec Dieu si nous voulons le tenir en face dans notre vie. 

Rien qui ne vaille la peine d’être fait, voire compris ; de tout ce qui s’effondre je retire le caduc des existences qui se ruinent dans des éblouissements excessifs. 

Toutes les certitudes puent, à défaut d’y renoncer totalement, j’opte pour cette convention qui veut qu’il n’existe que des apparences. 

Le lourd dessein d’exister. 

Tout pousse au suicide jusqu’au mot « suicide » lui-même.

Les nouvelles idées sont concurrencées par la putréfaction des plus anciennes. 

Dieu me devient vulgaire lorsqu’il ne m’entend pas. 

Dans la multitude des clichés qui s’offrent à moi, pour me venger de l’espèce à laquelle j’essaie de renoncer, il y a l’insulte et le crachat, le reste ne sert à générer que des apparences. 

Méfiez-vous du monde qui par convention s’est associé au cercle à tous les cercles. 

Etre aussi hermétiques, que lorsque submergés par la colère, nous n’avons plus en bouche que le mot « foutre » ou le mot « Dieu »

Le tourment m’apparaît comme une des formes de l’exaspération, que nous avons devoyée, afin de la vouer à tous les simulacre de cafard. 

Que de signes avant coureur de cette fin nauséeuse qui nous a été promise depuis que nous sommes nés larvés. 

J’ai plus à craindre de moi et de mon mépris, que de toutes ces maladies qui ne m’enveniment que pour des injures particulières. 

Je suis un sceptique voué aux sarcasmes, je m’acharne pourtant à y voir le symbole d’une compétence qui ne doit rien aux organes ni à la chimie de ses compléments. 

Nous devons notre infortune aux mots, toute première géologie qui nous lie à cette civilisation de roulures assujetties à la parlotte. 

Charognards distingués que le mot élève systématiquement, tout nous échappe voire jusqu’au noyau même du mot. 

La lucidité restera notre plus grande victoire et notre plus grand vice, combien j’aimerais n’être hanté que par le thème de l’obscurité pour tout refuser, tout !


Les modernes se consolent avec tous les refus que leur impose ce siècle de suicidaires. 

La réelle douleur s’exerce au-delà de cette douleur, qui est un oreiller pour nos pleurs. 

L’ignominie, au regard de toutes les saloperies de l’Histoire m’apparaît comme une réplique à la civilisation. 

Toute tension avive notre sang, même nos sanglots ont quelques proportions de flammes. 

C’est vivre qui nous pousse à la charogne, le devenir quant à lui s’organise dans la puanteur qui en résulte. 

Il arrive des nuits où la barbarie du sommeil nous pousse à ne rêver que d’une inflation de la nature les plus salaces. 

Etre le rameau dans la bec de la colombe et la proie dans la gueule du loup. 

Combien j’aimerais entrer en contact avec tous les ratés de la croyance. Je retire de la prière qu’elle ne me fait ni voir ni sentir jusqu’où le venin de mes veines pouvait se renouveler.

Je me suis confronté à la religion pour convertir ma pitié en apathie, voire en une supercherie d’absolutisme. 

Il n’est aucune épreuve qui ne soit inscrite dans notre sang. 

C’est couchés que le monde nous paraît enviable, debouts tout s’évanouit en sentiments. 

J’ai essayé le bonheur et ses variétés, je préfère me saborder dès aujourd’hui plutôt que d’y bouger dans le souci de n’indigner personne. 

L’intelligence passe par les glandes, je me borne dans cette suprématie, mais ne me satisfait pas dans la dynamique de toutes les exigences qu’imposent le sang et la sanie. 

C’est par étapes que j’ai entrepris de ne plus rien entreprendre, ma gloire réside dans cette initiative qui me donne à penser que le dilettantisme reste un fanatisme à rebours. L'intelligence est la forme diffuse d'un dieu pathologique.


Lorsque tout devient indolore quelle forme de sensibilité pourrait mieux me relever que celle qui va du vide au néant en sans passer par les déserts du sens? 

Que rien de ce que j'ai pu percevoir de l'homme ne m’ait conduit à la santé me condamne aujourd'hui à quelque élévation qui tient du mysticisme et de la gloutonnerie.


Je n'ai jamais prétendu qu’ être était douloureux, de cette imbécillité sont nés mes rapprochements d'un prodige établi dans la passion pour le suicide.