Aphorismes 41

Plus on aime, moins on se satisfait de l’amour, qui est une imposture que le corps déboute après les trahisons.


J’aurais appris à renoncer, c’est ce que je fais de mieux par mes extrémités.


Inconsolable de n’avoir pas assez consolé.


Incapable de m’endormir j’ai demandé du sommeil auprès d’idoles empressées de me renvoyer à ma ténèbre.

Chaque mot que j’aligne me semble inabouti, il lui manque la substance même de mes emportements.


J’ai fui tant de questions, qu’il m’apparait impossible de savoir si une seule valait pour que je la dresse en épitaphe.


C’est avec méthode que je me suis épuisé des hommes.

Je me serais bien observé que je n’aurais rien observé de plus.


Sitôt que me vient l’envie de prier , je me bâillonne, serre les poings et songe à tout ce surmenage, comme s’il s’agissait d’un simulacre de schizophrénie.


Les femmes tant gorgées d’avantages, n’ont pas ma convenance, je leur préfère quelqu’un d’étique, mais qui a su se pencher sur elle avec gravité.


La vie restera une expulsion, et rien d’autre.


Les grands moments de notre vie sont des moments sans influence.


Toutes ces bouillonneries que j’ai commises, sans y avoir été préparé, je les foule encore aujourd’hui dans la nostalgie de n’avoir vu se dégénérer ma propre famille.


Epoumoné de pleurs, on reconnait là l’homme qui vit dans de l’irrespirable.


Aux grands qui causent, les petits d'Andromède.


Peut-être que la conception du désastre me donne le goût d'une liberté qui cherche à le régir ?


Obsédé non par le divin mais pas les divinités fidèles à leurs dépravations.


L'homme est un auteur  inaccompli par ses inanités.


Point d'attache qui ne me fait sentir combien je n'avais de tuteur pour me soutenir.


Je participe du sérieux et de l'inoccupé.


Je m'ennuie tant et tant ,que le temps me semble un divertissement vicieux.


J'ignore si ma pauvreté me conduira dans ces déserts que la conscience subit comme une prière ou un traité.
Fanatique du pire ,mais congénitalement.


Je me suis intime, c'est-à-dire que je peux ajouter à ma nullité  cette autre nullité qui est une abstinence.


Je me flatte de ne pas avoir d'initiative qui s'est attachée à l'imitation.


J'ai décidé ,et c'est bien là ce que je fais de trop.


Je n'ai rien pour séduire ,mon classicisme est au-dessus  de mes réduits ,c'est ainsi que je suis devenu un strapontin.
Hormis la mort de trop,tout n'est pas assez.

Paralysé par des pensées que j'ai en  usage, c’est  en les émettant que je les juge comme des préceptes destinés à ceux qui n'en payeront pas le prix.


J'observe le silence avant qu'il ne devienne incompatible avec la pause.


Que ne  suis-je devenu  un humilié qui cherche le dialogue avec la chose ?


Tous les centimètres carrés de mon cerveau sont imprégnés de cette famille qui fait que mon écriture est un désert où on ne peut  rien attirer.


La réserve que j'ai commise en premier lieu, n’a pas eu droit à cette vie qui fait les anéantissement et en appelle au verbe autant qu'à la graphie.


Chacun engendre de cette tricherie qui était l'existence même, qui est l'existence.


Ma quarantaine sera inconcevable, inconvenable comme l’était ma vingtaine.


J'ai passé plus de la moitié de mon temps à de la constance, et je dois à cet excès de m'avoir donné le goût de la traque.


Au nom de quoi a-t-on le droit d'être de n'être pas ?


La vie nous a voulu Etre, et veut se prolonger jusque dans nos ossements.


Sans le tragique de ma vanité, je serai nécessairement un esprit sans surface et sans fond.


Je ne prétends pas avoir voulu être visible et au contact de l'homme, je prétends avoir voulu tout simplement rester flou.


Jamais dans les accidents de la parole gênée, il n’y a cet ange qui zozote et qui prie.


Je me ruine par mon appétit de la vie et je le rumine.


Les misères les plus éloignés sont des ultimatums.


L'homme m’effraye ,rien que d'y songer, je répugne à chercher du bonheur dans ses mouvements.


M’émaner en moribond avec plus de connaissance sur les ossuaires que sur les mausolées.


Si les certitudes me sont si intimement calmes ,elles me dilatent jusqu'à l'apaisement.


Je n'ai pas de réponse définitive, c’est bien en cela que je me rapproche de la mort et  de ses attaches.


Mon empire est un empire de sensations qui équilibre tous le superflus.


J'attends qu'il se passe quelque chose en dehors des espaces où je protège un ange aliéné par de la jouissance.


Tout est stérile et je n'éprouve aucun sentiment contraire au milieu et aux miens.


Le temps nous dégage, comment échapper à ses organisations si ce n'est en dormant ou en n'étant pas ?


Toutes mes interrogations sont passés par l'insignifiance, sitôt que je me suis compris ,j’ai distancé de la parole et du verbe.
Etre,c’est aussi vouloir dévoyer de l'anonymat.


Que chacun des coups que j'ai porté contre la réalité devienne ce capital dont je ne pourrai me déposséder jusqu'à la mort. 

Dans les sous entendus un paysage boueux et impraticable s'étend jusqu'à nos confusions. 

J'erre dans l'existence comme celui qui ne veut pratiquer ni la marche, ni la course, et ressent le sursaut ainsi qu'un désaccord qui le pousse dans une morne réalité. 

Je voudrais renoncer à l'existence, mais à ma manière, en n'y renonçant pas. 

Tout ce que j'éprouve est entaché de non vivant, je suis un cadavre anticipé au suicide écarlate, c’est ma part de marché et mon commerce.


La matière s'ingénie à mourir pendant que nous cherchons à la conquérir. 

Désaccordé comme peut l'être un orgue ou une putain qui marche vers un strapontin. 

Je me suis enivré tant et tant, sans savoir si ces enivrements m'amenaient dans la vie ou en dehors d'elle. 

N'étant parti de rien, je me suis senti concerné par le tout, comme si je devais ne pas en revenir. 

En mon mitan, un arrogant, un cuistre, un incroyant et quelqu'un qui prie. 

Petit commentaire: je me suis toujours tenu tranquille dans les mobilités. 

Ce qui est inconcevable ,le sera demain ,une bonne raison pour n'en pas faire davantage. 

Mon malheur est de respirer parmi tous ces autres qui ahanent, et de ne pas les encombrer. 

Vivre est un commerce improvisé.