Aphorismes 42


Je raisonne et résonne par cette raison, une fois arraisonné, je vomis. 

J'ai rangé mes intuitions au rang des contagions, et ne veux plus m'en servir que pour me contaminer jusqu'au non sens ou à l'hyperbole. Mourir sans avoir été un semblable. 

En échange de propos qui m'auraient mis dans le confort de la parole, j’aurais donné dix années de prières, et un siècle de fausses prédictions. 

Sourire de mes aveuglements. 

Singe spirituel qui rit aux explosions de son séant et de son néant, voici l'homme accroché à ses sales familles sur le perchoir où se meuvent d'autres macaques. 

Qu'ai je compris de l'existence qui ne m'ait mené vers du désespoir, de le honte et du chagrin? 

Epitaphe: il s'est défait pour se construire. 

N'ayant rien réussi ou accompli, je garde cette jouissance qu'ont ceux qui se sont attaqués à des moulins à vents, à prières... 

La musique me rappelle un genre de parjure que le mot corrompt sitôt qu'il s'en préoccupe. 

Mon existence toute entière aura été vouée à un krach. Je n'ai pas de formule à perfectionner, à entretenir ,qui me laisseraient croire en l'homme qui n'en sera jamais à son dernier poste. 

A ma soif de révoltes ,j'ai sacrifié un appétit de destruction aussi saisissant qu'un détachement de tout et de tous, ou une fuite. 

Etre,c'est projeter son ombre sur les tombes.

Je me serais tué pour ne pas commenter. 

Tel révèle ses faiblesses en capitulant, tel autre en relevant les défis dont il ne saura se défaire. 

Je n'ai fait carrière dans rien, reste l'exception du lieu commun, c’est à dire dans tout ce qu'il édifie en variété de scrupule et de non sens. 

Je songe que si j'avais agi, je me serais assagi. 

Les pièges de la création me rappelle l'effrayante fable de ces demeures où Dieu s'est fourvoyé en y entrant pour se justifier. 

Ce que j'accepte est toujours emprunt de foi, le reste va à mes élucubrations. 

Dans mes exils intérieurs, il faut que je meure ou que j'existe mais pas futilement et sans affubleries. 

J'ai renoncé à fêter la conscience tant je ne savais m'y livrer. 

Bien avant que j'ai cru, j’ai laissé entrer en moi quelque chose qui tenait de Dieu. 

Je laisse le paradis aux conquérants, le mien est un enfer de superstitions. 

Que crève cet occident qui laisse tous les peuples se déshumaniser. 

J'aurais aimé être le ver qui pourrit le fruit, le fruit pourri de l'arbre, et l'arbre qui cache la forêt. 

Je suis un religieux de métier, je crois, ma croyance et ma foi sont au comble de toutes mes informités, de mes infirmités, rien ne me console d'elles, si ce n'est de prier béatement que vienne l'heure d'une mort douce et lente. 

Ma barbarie aura été d'avoir avancé à découvert sous le vernis de mes impropriétés, de rougir et de rougeoyer pour une litote ou une métaphore déplacées. 

M'étant tant extirpé de moi, j’ai réussi à faire un garrot de mes tripes pour m'étrangler aux pire de mes sanguinolences. 

J'ai parfois l'appétit de vivre pour partager, quoi ,je l'ignore, et c'est bien ainsi. 

Rien que je n'ai pu sentir sans avoir résilié ma propre puanteur. 

Esclave de cette vie qui tient de la détente et de l'attentat, je donnerai ma carrière de taiseux pour un épithète explosif. Vivre, c'est être un terroriste sorti de ses glandes..

Si souvent malvenu ,que dix mille ans de vie ne suffiraient pas à bien me faire voir en quelque lieu que ce soit. 

Rien qui ne m'ait tant séduit ou comblé que toutes ces anesthésies où flottent la mort et l'absence de rêves. 

J'écris comme un rétiaire avec un filet ,pour me retenir d'être plus féroce encore, et avec un trident pour avoir cet air de possédé de soixante kilos qui ne veut pas couler. 

L'écriture m' a converti à des solitudes sans vitalité, à des silences de provincial qui erre dans une ville nouvelle, abâtardi par sa grâce et ses ignorances. 

M'étant réduit et ce dès ma naissance à des tâches de portefaix, je comprends aujourd'hui le choix d'Antée, qui ne s'enfonça pas dans la tourbe ,comme ce moi disgracieux et lourd. 

Infirme par mes solitudes et leurs proéminences, je ne rabâche que des inepties sur cette même solitude érigée en culte. 

Je tourne autour du pot pour savoir si je dois y tremper mon pinceau ou en extraire de la dynamite. 

La grâce m'a altéré, en fait j'ai dû confondre cet esclavagisme que confère la foi avec ma bienséance, et à tant en abuser ,je me suis taré et n'ai pas été éclairé par les plus sales de mes histoires. 

Tant ma pensée se tarit, que j'erre alentour des hommes pour les consulter sur mes réserves. 

Abusé et désabusé, me voilà appelé à ,certifier que tous les délices sont autant de cadeaux empoisonnés servis par des anges qui n'ont pas tenu parole.


Vieillir, ne plus se satisfaire de ses petits triomphes, et de temps en temps siffler une vieille rengaine qui rappelle qu’on a été contemporain.


Sitôt que l’enfer est à mon goût, je me dis que j’aurais tout aussi bien pu être un ange amélioré par sa plume.


Tout ce que j’ai témoigné de bien à l’égard de l’homme ne m’a servi qu’à soupeser mon propre néant.


Je n’ai plus le courage d’échapper à mon existence, et m’en imprègne tant ,que je la dégueule par tous les pores.


Qu’ai-je attendu pour être dans des primes matières entre l’amour et l’amitié,si ce n’est d’être immodeste au point d’être ce type indifférent qui fait dans la fatuité ?


Tous ces lâches de métier et qui restent ininterrompus…


D’année en année ,cause après cause, je fais dans le manquement comme un condamné qui n’a plus cure de rien.


Au moins je me serais habitué à être un macchabée anonyme.


Il se peut que je n’ai d’aucune façon contribué à la vie, c’est en cela qu’on pourra dire que j’ai été abordable.


L’écriture ne me traita pas avec les égards qui me sont dus, c’est autant ce qui me consterne que ce qui me réjouit.


Je glisse dans la vie comme un orvet insignifiant, véreux de ses multiformes.


Rien à quoi je n’ai pu contribuer sans en voir aussitôt le mal fondé et les défaillances.


Etre frise l’incorrection.


La poussière que nous étions avant de devenir, sera cette tourbe qui engloutira tous nos fils voués à la pourriture.


J’engage un bras de fer contre la vie, mais tant elle se fourche que je ne sais plus si je dois user de la main droite ou de la gauche pour la plaquer au sol, ou contre les planches.


Du matin au soir je m’abstiens, de qui, de quoi, je l’ignore, mais je m’abstiens.


C’est grandement que je n’ai pas voulu avoir d’énergie, pour que Dieu me fournisse des béquilles afin que je me débine de tous les mal portants.


Ma vitalité aura été de n’avoir convaincu personne.


N’être en rien capital, et s’assurer que notre cerveau n’agira pas contrairement.


Ma rigueur est de l’ordre de l’effacement, il m’est difficile de m’imaginer trahissant cette volonté de n’apparaître en rien essentiel.
L’avenir est un plagiat que l’on commentera avec le ventre gros.


Est malsain tout ce qui nous ramène à nous sans passer par le projet de démolir toutes nos suffisances.