Aphorismes 40 Bis

Je ne souscris à rien qui aussitôt s’échappe en effervescence de l’esprit, j’ai plutôt en considération tout ce dont je m’accommode pour rester en dehors du monde, tel un adulte gâté.


Indéniable faillite de la matière, regardez l’homme et vous détesterez toutes ses géologies.


Comme je n’ai plus accès à ces heures où je m’accomplissais dans chacune de mes affirmations, j’ai choisi de faire œuvre de silence, et de ne me défroquer que pour une putain ou une religion.


Tout ce que j’ai tu s’est dépravé dans l’exercice de  ce silence où j’ai eu une haute opinion de ceux qui ont choisi de traverser un enfer et de le célébrer par la suite.


La hauteur des misères humaines se mesure en écarts et écartèlements.


Telle opinion a une odeur de soufre, telle autre de charbon ou encore d’encens, je tiens en haute estime toutes celles qui ont une improbable santé et puent de façon délibérée nos falsifications d’être.

Aux spectacles des vanités dont je suis un dépositaire indigne, j’aurais préféré voir comment j’aurais pu me repentir si j’avais été moins artificiel.

Des jours durant il m’est arrivé d’avoir suffisamment d’énergie pour m’effacer ,et répugner de m’en acoquiner.


Nous ne devrions pas insulter l’art, quelque forme qu’il prenne il est toujours la démonstration d’un surmenage érigé en miracle de voir.


Qu’aurais je accompli qui eût valu la peine qu’on le nomme comme tel ?


Rien ne m’a paru plus superflu que tout ce qui est à prévoir.


Mes impatiences, plus je les ai déplacées, plus elles se sont posées de façon didactique sur les pages où j’aurais volontiers fait abstraction de les montrer ,si le mot ne s’en enquérait sans aide.


Mes actes ont toujours prévalu sur mes paroles, j’ai plus agi que donner des mots dont on se serait gargarisé si je leur avais offert la forme du sentiment ou du subterfuge.


Combien m’est chère cette façon qu’on a à quinze ans de vouloir se débarrasser de l’existence en jouant les plumitifs.


Combien j’aime cette immobilité où nul ne peut se mouvoir s’il n’a pas préconçu le malheur d’être né.


La mélancolie perd sa musicalité quand elle est atteignable.


Ma conscience est mal fréquentée ,on y trouve des hymnes érigés en système.


Etant parvenu à prêter attention à toute chose dont l’évidence est d’être ,je me suis résolu et converti à ne pas me supprimer pour une virgule.


Ciel gris, quelque chose de clinique s’est installé en moi, mon esprit autrefois radical vomit jusqu’à cette connaissance qui était pourtant de l’ordre d’une faveur.


L’insomnie, ou précisément ce passage à une autre vie nocturne qui ne vient pas, rejoint cette lassitude d’être, et mon corps tout entier s’abasourdit dans la menace d’un partir.

Ce qui avait un sens, et qui m’évitait d’être entendu n’a plus mon assentiment, j’ai pour seul luxe de ne faire aucun projet, de ne proférer que d’indéniables définitions sur le monde, qui ne soucie ni de mes manières, ni de mes boniments.


M’étant engourdi dans un amour sans cesse défaillant, j’assiste à cette évidence de voir mon sang couler dans l’inexacte exagération de mes anciennes cicatrices.


Quelle belle trouvaille que le silence, mais combien il est dommage de le voir tâché par l’épuisement de la chair.


En indispositions d’organes, je délibère sur le corps et ses substances, et en déduis que l’existence ne m’aura proposé que de médiocres emballements.


Cette indécence d’être, combien sait que ce n’est que du temps réintroduit.


J’ai sacrifié au sérieux l’inconvenance de sourire là où il aurait fallu pleurer, et pleurer en des lieux où il aurait fallu prier.


Tous les oublis sont faillibles, je leur préfère dès lors toute forme de dilution ,d’engourdissement ou d’éternel sommeil.


Se débattre et se débattre encore ,mais sans gêner quiconque, sans que rien n’apparaisse ,si ce n’est quelque infime rictus délivré comme une injure au monde.


Une seule conviction subsiste, je n’aurai pas de modèle.


Le regret comme la considération de tous ces instants où l’on aurait pu répugner à paraître.


Décliner et s’exhaler en consternations, voilà ce qui m’attend, voilà une épreuve de plus qui m’échoit sans que j’aie cherché à en être curieux.


Combien de larmes ai-je versées comme autant d’urée dans un bénitier.


Les souvenirs, lorsque j’y ajoute ma soif d’impatience à les rendre uniques, m’apparaissent comme autant de traces de désarroi et de peur inexpliqués.


Cette musique qui exagère mes émotions et mes sentiments, combien j’aimerais l’élever en hymnes, en hosannas, et qu’une passante, une seule s’en apaise.


La mélancolie, quelle réussite, elle évite au langage de se fourbir dans ses propres évitements.


Mystique tout contenu, je range Dieu là où les autres s’arrangent de leurs organes.


Ce que je fais de mieux, c’est figurer petitement et pâlement.


Si je ne m’étais tant repenti, il me resterait encore quelques larmes pour interrompre mes prières.


Dans les jours qui vont suivre, entre la naphtaline et les somnifères, je vais m’étendre et attendre une nouvelle ferveur.


Il faudra bien que j’enfreigne cette brutale vérité, je suis seul, ce qui explique toutes mes imperfections.


Ecrire, écrire, éructer, charger et changer sa langue, puis finir par croire à l’improbable.


L’amour ne m’aura montré que ses faces congestionnées, je vais porter mes attentions sur un autre abus.


Ce que je dis de façon compulsive et impulsive, je le réitère sur le divan feutré d’une qui n’a pas encore baigné dans mes soulographies et gratifications.


Mon enfer c’est mon entêtement à ne rien modérer.


Forme loqueteuse de l’élégie, mes propensions à l’ennoyer.


Que rien ne me parvienne qui n’ait été saisi par l’explication.


Charlatan de la ténèbre, il ne me semble pas pourtant lui avoir préféré de n’être désolé dans une chapelle ou un hôpital.


Se retirer au plus profond de soi même et réfléchir combien il fut aisé se  laisser submergé par ses superficialités.


Temps de migration, je vais entrer dans une saison où la faillite du sentiment prend la forme courante de ce qui reste inaccompli.


Je récure du sentiment de façon obsessionnelle, et mes hoquets ne sont que les soubresauts de toutes les émotions que je n’ai pas regardées attentivement.


Infréquentable puisque dans l’effusion constante où j’ai figé mes jours, n’apparaissent que du temps compté et ses mutilations.