Aphorismes 37


M'interroger sur mes faiblesses m'amène toujours à des excuses de frivolité, autant dire des rapports imprudents avec l'homme.


Lorsque le vivant lève un petit doigt la mort lui fait un pied de nez.


Mes méditations sont une inflation de cette vanité qui m'empêche toujours d'aller au bout de mes renoncements.


Je considère qu'à chaque fois que je m'arrête sur une idée,  je m'arrête sur une nouvelle insane, faussée par mes capacités à la nourrir.


L'ennui ! Un chaos avec du piquant.


Au spectacle des fâcheux et de leur humeur sérieuse, je préfère celui d'un homme qui reste couché pour ne pas s'aigrir de ce qu'il ne vivra pas.


Dans la comédie clinique et chimique de l'amour,  nos sens n'ont de rapport avec le réel que dans l'admirable impudence à laquelle ils nous convient pour gémir, frémir et éructer.


Toujours le même besoin de déserter le quotidien.


Goût pour les hommes, goût pour la répugnance.


Toutes les fois où je ne veux digne, je me fais outrageant.


J'exéculterais si venait à mourir l'homme, voyez le risque que je prends, je crèverais aussi.


Je ne me suis jamais ennuyé de moi-même.


Lorsque j'écris, je suis saisi d'une rage verbeuse qui fait de moi impunément un fantoche où un immodéré que le mot prolonge dans ses inepties.


Mes amis comme des ennemis m'ont trop souvent conduit chez le psychiatre.


Ma patience et limitée par des grimaces et des approximations.


L'ennui est une impasse pleine de contresens, d'exagérations, d'autopsies grinçantes et de souvenirs improbables.


La lucidité me renvoie toujours à la réplique.


Mon goût du superflu me vient de mon goût pour le superlatif.


C'est à vous guérir d'être en vie que de chercher à voir dans l'homme autre chose qu'un animal lucide..


Tous les matins voulant proférer des injures, puis face à de l'inconcevable, rien qu'une affirmation de mes sollicitudes.


S'endormir pour ne plus appartenir au monde, et dans la pitrerie des rêves le diviser tant et tant qu'on n'y aurait plus sa place.


Croire un minimum pour commettre un minimum ,voilà une  de mes positions ,d'ailleurs la plus appréciable.


Preuve qu'on est passé par le monde, notre goût exagéré pour les églises et cathédrales.


Toutes les lettres que j'ai écrites ont eu des destinataires incapables d'en penser le superflu.

Tout dégrader, des couleurs aux mots en passant par les hommes, puis continuer à se démener dans les demi-mesures.


Aimer émane de nos défaillances à être regardés comme des êtres incapables de  faire de leurs déceptions des ouvertures sur leurs répugnantes posologies.


Des réponses que je ne fais qu'à moi, je retiens leur répugnante évidence, leur vertigineuse suprématie sur la parole mal assimilée .


A chaque fois que je me veux profond, je regarde ce côté-ci des épreuves qui ont disloqué mon être au point de me faire déshumanisé.


Nous retournerons tous dans la boue originelle, nous y perdrons pieds et personne à qui parler ne subsistera , voilà le mieux de notre existence.


Le malheur est suspect dès lors qu'il sape nos identités les plus profondes en nous obligeant à nous considérer comme des êtres incapables de bien le loger.


Mon intranquillité m'a rapproché de Dieu en ne me permettant pas de lui enfoncer dans la gorge autre chose que mes véritables identités.


Je me serais éloigné des hommes pour ne pas recevoir de leçons particulières de leurs façons de vivre juste.


A souffrir petitement on s’inocule du poison inoffensif, et rien d’autre.


Dieu est notre patrimoine cosmique.


La mélancolie serait une fatigue de ce moi, que je ne saurais lui appliquer mes intermittences et mes subjectivités.

Comme tout se dilue dans ma mémoire, chaque ombre m’apparaît comme une amoureuse qui pleure de tant compter.

Vivre nécessite quelque aphrodisiaque qui se situe entre le café et l’éros.

Irréductible de cet ennui sans limite, je doute que mon ignorance soit une sensation d’infini, et pourtant elle me donne toujours le sentiment d’une attraction par le bas.


Il n’y a rien que je ne puisse comprendre s’il n’est pas entaché d’absolu.


La  mélancolie est un empoisonnement du sang par le sang.

Donnez moi une seule raison de n’être pas ennuyé par la vie.


Aucun désir de moi ne fut plus secret que celui que je destinais vers les basses couches, autant dire au diable.

Des regrets, oui, ceux de ces nuits bien étreintes où je dégobillais dans les caniveaux, après avoir pleuré dans les bras de ces filles sans éternité.

Contaminé par l’existence, point d’orgue de cette éternité qui cherche dans un granulé une consolation à ses langueurs.

Pourquoi la primauté de l’infini, quand il y en a suffisamment dans un ciel grisâtre ?

Dans cette nuit où remue l’image d’un monde foudroyé par ses manques, il ne m’appartient plus de déceler tout ce qui est dans le devenir, et se soustraira du quotidien pour de vaines agitations.