Aphorismes 30


J’ai voulu que rien ne m’évanouisse de ce qui valut la peine que je m’en embarrasse, or le temps s’est arrogé le droit de m’en desservir, et de modifier jusqu’à mes dépotoirs d’envies.


La douleur est de l’ordre d’un orgue assourdissant en contact direct avec la conscience.


Dans l’amour les glandes se rompent de toutes parts, pour laisser transpirer jusqu’à la vacuité de nos organes, la suprématie du chaos.


Qu’est la profondeur de l’amour, sinon du temps, un laps de temps qui ne survivra pas au lavabo ?


Dans les liturgies de l’amour, la fornication est une imprononçable évidence, et l’impérialisme des glandes est une voie que nous n’osons pas avouer, tant elle est obstruée de caducs sentiments.


J’ai trop souvent été dans l’implaisir de l’amour, et c’est ce souvent qui m’amène à dire que c’est une pouffiasserie érigée en systèmes de faux sentiments.


Parfois mes anémies sont de la couleur du temps, jaunâtres grisâtres, glaireuses, comme toutes ces amours insanes qui m’ont mis dans leur incuriosité.


La mélancolie m’a montré où je pouvais rencontrer Dieu, des latrines à la table d’hôtes.


Ma nervosité est un attentat de temps, plus je m’en accommode et moins je me sens responsable de tous mes débordements.


Dans mes inconforts tout est devenu banal, entre la prière et le jeûne, et la vie même une affaire de méfaits et de philosophie.


Une des formes de l’expérience est de considérer que l’on peut s’excuser de n’importe quoi et n’en rien ressentir.


Dieu m’est un témoin obligé.


Déceptif de nature, en quoi ai-je eu à m’en réjouir, qui ne m’ait aussitôt mis sur la trace d’un sicaire, qui n’aurait pour obligation que de déroger à sa propre suffisance ?


Je ne m’explique pas mes inefficacités, sinon par le fait que je n’ai été soucieux que d’engendrer des tragédies, celles qui me dévient et me délient de l’homme.


Je me refuse à regarder le monde comme incapable de se mesurer à ses propres médiocrités.


Dans mes silences je me penche sur ce qu’aurait été ma vie si j’avais été plus discret encore, dans une autre vacuité, j’en suis certain ,aussi détestable que mes tribulations.


Ma tristesse a corrigé jusqu’à la plus petite saveur de mes propres insanités.


Frondeur d’éternité, l’homme reste cloué au sol, happé par de la religion ou de la nervosité.

Ma cure, c’est mon cerveau, et je m’y trimballe à la manière d’un singe exténué, peu enclin à se fier aux spécialistes de la couillonnade.


Dans les matins pluvieux, la vie me semble indélogeable de ses déserts de sens et d’eau stagnante.


Ma position est exemplaire, ne rien vouloir commettre, ne rien vouloir comme être.


L’espoir est toxique, il se débine, puisque nous ne nous y accoutumons pas, quant à moi, je mise sur l’immédiat succès de cette voie qui me pousse dans les bistros et sur les strapontins.


Toutes ces années où je me suis cramponné à la religion, si au moins je leur avais associé plus de prières, combien aujourd’hui j’aurais l’air intact,  combien j’aurais gardé Dieu jusque dans mon sommeil, jusque dans mes étreintes.


Que tout ce qui est et figure, s’abstienne du désir de me voir dans la restriction de celui qui survit, les mains calées contre son front et qui attend un corbillard.


L’existence est la prescription d’un univers sans confident, qui s’ajuste par les étirements, les divagations d’une chair impropre à se loger dans ses solennités.


Combien je suis resté ce vigoureux de la déception, et combien cette déception s’est nourrie de mes fréquences à voir un despote dans chaque homme qui s’établit.


Toute musique tient de l’étranglement et de la strangulation, quand nous l’écoutons dans la cacophonie des mots dévolus aux hommes pour bien se nommer.


Fatuité de prédateur, je cherche à surprendre des femmes dans la perspective de saccager leurs instincts.


Ma lâcheté est indéniable, invisible,  pourtant combien elle me révèle jusqu’où je suis saisi du désir brûlant de m’en apitoyer.


J’aime commettre sans raison des actes que j’aurais réprouvés si j’y avais réfléchi, agenouillé sur un prie-dieu.


Époque de démissions, je ne sais d’ailleurs plus si je fuis, et si je fuis, ce que je fuis et qui je fuis.


Ma fièvre touche toujours à la débâcle de mes imitations.


Il y a des matins comme d’ignobles voluptés, et d’autres doux comme des étranglements, où je m’accorde à de filles dérisoires et sans voix, pour des inconforts qui me transfigurent jusqu’aux vomissements.


Je ne veux plus avoir d’allant, et dans la peau d’une charogne violacée m’ennuyer, m’ennuyer. .


Tout m’agace, et je rumine tel un maquignon sur le sourire des bêtes avenantes et qui n’ont pas de prix.


Mon linge sale me servira de linceul.


Toutes mes vertus sont une peur de moi.


Aucune révélation qui ne me soit parvenue, je ne veux d’ailleurs pas qu’il en soit autrement.


La vie me semble une amplitude d’absences et de désœuvrements.


Combien je me suis détaché de tout, et combien je suis resté fixé à cette gangrène, qui est aussi une forme de mourir avec application.


Toutes les fouis où je m’ouvre à l’amour, il me semble que je vais être happé par du désenchantement, et que ce grand trouble sera aussi mon calvaire.


Je patauge dans des océans de peurs, et tel un nageur submergé par les flots, je vois mon existence n’être révélée que par son propre néant.


Qu’y a-t-il au beau milieu d’une vie, et que je n’ai pas atteint, et que je n’ai pas dépassé.


Mourir, c’est atteindre à la vérité, dans l’insupportable ivresse des sens ensommeillés, dans celle aussi d’une larme qui nous éclaire.


Toutes les idées puent l’imminence, celle qui sent le renfermé et les réduits de la raison.

Je me noierais dans mon sang s’il venait à perler du dessous de mes paupières.


Lorsque dans mes équivoques plaisirs, un rien embaume mon cœur et mon corps, je me vois tel un boucher dégoulinant de sueur, effroyable et qui sourit, et qui surine.


Mes amours ont été disharmonieuses, elles ont conféré à mes matérialités des façons de faussaire, quand je n’ai aspiré qu’à ne pas entrer dans le grand foutoir de toutes les âmes ulcérées par le même plaisir.


Ma vie n’aura été qu’une occupation entre des fonds baptismaux, et une déambulation sur le gravier des cimetières.


J’ai fait de la déception mon mausolée, et je m’y lamente à la manière d’un muet, et qui n’a pas de gestes.


L’hiver restera la forme extatique de ma faiblesse, de tout mon univers, et j’y ai trouvé refuge, tel un animal, qui assiste désemparé à la fonte des glaces.


Entre les autres et moi, des points culminants, ceux de mon ennui et ceux de mon application à le tromper.


La beauté ne peut que souffrir de nos étreintes, et nous dispenser de tant vouloir s’y attacher.


Dans la liturgie de l’amour, nos sentiments sont des courts jus, et de nos profondeurs quelques parfums suggèrent de l’encensement ou l’écœurement de soi.


Dans l’apathie comme dans la solitude, notre morgue est une combine ontologique.


Ayant voulu attenter à ma vie, j’ai aujourd’hui largement de quoi m’abandonner à ma déplorable habitude de choisir jusqu’à mon plus petit retrait.


Quoique je commette, j’ai le sentiment d’avoir orchestré des représailles, et en suis honteux comme un Job sur son fumier.


En mon for intérieur un Hamlet dort dans un sarcophage, et Djoser s’arrange avec des reîtres.