Aphorismes 21

Acharné du détachement, et ravivant d’anciennes extases inconséquentes, je comprends combien la chair et l’esprit peuvent lever de fiel, quand les nocturnes entreprises ne sont que les contrefaçons d’un amour obligé et sans nom. 

Ma nostalgie, fragilité d’un passé sans complaisance, affecte ma conscience, et son expansion est un nouvel empiètement sur mes futures proclamations à n’en rien dévoiler. 

Aigri, et me dégradant dans l’insignifiance de mes orgueils dérisoires, je m’accroche à mon propre néant comme un poulpe sans célérité, et célèbre cette complaisance à mon égard en me gardant à vue. 

Mon dilettantisme m’a assuré que j’ai été un nécessiteux, et que sitôt ses virulences retombées n’a eu comme armatures que son sang, son foutre et sa sueur mêlés pour d’écœurantes religiosités. 

Réussir ne m’a jamais mis en branle, je préfère en rester là.

État d’anoblissement, s’affaiblir sans démence et décemment, puis de la boutade au ridicule, rire de ses propres tares. 

Sclérose de ma tolérance, je ne sais plus hésiter, je ne sais plus apprécier ce qui touche à de savants désirs, ce qui est à mes antipodes, et qui prend le visage de l’art, de la certitude ou de l’abjection. 

Symptôme d’une époque sans énergie et qui décline au point de vouloir mettre de la rectitude en tout ;l’exaltation reste pour moi le seul moyen de ne pas m’orienter dans le n’importe quoi de cette décennie, où tous les fanatismes sont autant d’affoleurs d’éternité. 

Je ne me serais adouci que dans mes endurcissements. 

Ma mission est de m’exclure de tout et en tout, défi ou sinécure, je l’ignore, mais toutes mes dégringolades attestent que ce dessein tient autant de la guérilla que de la maladie. 

Faut-il croire et admettre que nous n’ayons été préparés à la vie, que pour y œuvrer sous l’emprise des hontes les plus hautes, des blasphèmes et des jubilations excrémentielles. ? 

Si souvent hors de moi, que même si je m’étais contraire, je pourrais me rencontrer sans me reconnaître. 

Je n’ai rien cru sur parole que je n’ai aussitôt trouvé hideux. Employé à m’assurer que l’existence n’est que l’expansion d’une matière qui cherche le bon choix, je n’ai eu de complaisance que pour ceux qui ont préféré les stratégies aux stratagèmes. 

Le mot n’est qu’une forme de désir d’asseoir notre contemporaineïté dans celle des hommes, et d’y promener ses rengaines comme une vieille putain qui défaille sur les trottoirs Ma complaisance, il a fallu que je l’extirpe, d’où je l’ignore, mais que je le fasse pour mieux être et ne pas pire devenir. Ma maladie, c’est ma charge d’homme et rien d’autre !

Je traite d’égal à égal les jours de douleur et ceux qui ne le sont pas, j’élèverais au rang de contagion toute cette supercherie de bonheur si je ne l’escamotais en y pensant.


Tout ce qui est capital me consterne.


Je m’assoupis parfois dans la douleur de penser, si je devais en crever, il ne resterait de moi que l’assurance de mes hystéries, de toutes mes vacuités.


L’objectivité m’apparaît comme la rage de ne penser qu’avec des images et leur sens.


Je me replie parfois comme un ver idéal qui a commis le forfait de s’acoquiner avec de l’humain.


Il est inutile d’aller plus loin, tout ce qui est insoutenable est déjà à portée de main.


Philosopher sur le « je »et se laisser corrompre par le « Tu »,tous les tus.

Le meilleur moyen de rester ininterrompu est de se taire à perpétuité.


Je mourrai insatisfait, ma pénitence aura été de vivre en le sachant.


Ecrire c’est regretter par distraction.


La vie s’abîme en cours.


La pensée ne peut être que d’emblée, après c’est de la fiente.


Je me gâche dans la fantaisie du dormir impunément.


J’ai foi dans la perfection du crever à l’horizontale, j’ai en désir d’être dans la position d’un christ alité mort d’une indigestion de vie.


La vie s’abîme en chacun de nous.  Quelle est cette volonté d’être qui nous pousse en avant, et qui nous retient tout autant dans l’inflation de la douleur de vivre ?


Tout me reste chimiquement et cliniquement étranger, l’étude de vivre au ralenti, me rend malheureux de ce même fait.


Tour à tour grave et doux, je me démarque du mensonge et du louvoiement en triomphant de la fatuité du dire.


Fatigué d’être, dans l’instantané de la parole je trouve les formes des parfaites impostures, des parfaits contresens, qui sont ces variétés d’action correspondant à l’existence dont je ne veux être le ludion.


La fatigue nous pousse jusqu’à la science des dommages, jusqu’aux phénomènes d’inertie, après, après il reste l’idée du suicide ou de la vie, selon qu’on s’y soit assermenté ou mis à sa marge.


A chaque fois que je veille j’oublie de réduire les faits de mon existence à des nécessités sans emploi, c’est ainsi qu’elles m’apparaissent comme des hymnes écrits pour finir aussitôt en autodafé.


Ecrire, c’est aller jusqu’au plus profond de sa chair, jusqu’aux os, c’est frôler les stratégies de vivre sans s’écarter de celles de crever.


Les banalités sont nos décharges privées, tout y serait superficiel, s’il n’y avait parfois, issues de nos profondeurs la salacité, la putridité de nos glandes, et que l’on sacralise.


Ne rien faire ,ne rien entreprendre, se conduire comme un borné mais qui a du sens, pour indiquer ce qu’il faut incommettre.
Ne m’élever que jusqu’à moi, mais sans le recours de l’écœurement.


N’être tenté par rien d’autre que par un idéal reposoir, bref, un tombeau.


Tous nos mouvements ne devraient être que des gestes d’adieu.


Les livres qu’on referme sans les avoir lus,se donnent une destinée.


J’aurais tout raté et ceci jusqu’à mes misères.


Dormir nous épargne de distinguer.  

Parole :tout à l’égout de soi quand le tout reste en suspens dans la suspicion.


J’élève au rang de préjudice toutes les idées qui se retournent contre moi, sans que je les ai émises.


Commencer sa journée avec du cœur, la clore avec du sang sur les mains.


Lire c’est faire des concessions à cet écrivaillon planqué en nous, et qui s’endort funèbrement dans le bruissement des pages inconsenties.


Du lieu commun au truisme, la cochonnerie des mots érigée en pensée qu’on cravache.


La stupidité a de l’esprit, du style, elle s’accompagne toujours de « l’à peu près » et le sérieux du « si j’ose dire ».


Nous viennent parfois des excuses qui nous offensent plus qu’elles ne réhabilitent l’idée de ces mêmes excuses.


Je vis vérolé de sens, c’est ma force et mon désarroi, ermite j’aurais eu comme fardeau la fiction de mes manières de déchu.


L’immédiat a cette perversité de l’instant présent et incorrigible, de la vacuité de l’avenir.


Les ambitions me répugnent, seules celles de crever honorablement ont mes attraits, les autres sont des primautés irréparables qui font des distances entre les hommes et moi.


Sorti du moi je m’endors comme en une longue promenade, et dans de l’ approximation.


S’éparpiller aux dépens de ce que nous serions devenus, si nous y avions réfléchi avant d’être.


Vivre, c’est de la punition d’être.