Aphorismes 16

Nombre de ratés ont cela de louable qu’ils valent par leur notabilité.


Le bruit qu’efface la douleur s’efface plus aisément quand on peut la nommer.


J’ai conçu ma vie comme un sommeil décalé, et il est probable que ma fatigue compose avec lui.


Se pouvoir en lassations.


Tout me tient lieu d’épreuve, mes pauses sont des inconforts, la marche un commandement je cherche à dormir ou à me déplacer autrement qu’avec du geste.


Ayant rarement pris la direction du dialogue, je doute pouvoir renouer aujourd’hui avec des hommes qui cherchent dans la distance à se détacher de moi.


Tout ce qui est réel me parait excessif, et ce qui ne l’est pas plus excessif encore…


Ma vie d’hier se confond à de l’oubli, de l’oubli et de la morve…


Si déçu que rien de ce qui pourrait me servir ne viendrait à bout de ma déception…


La mélancolie dissout jusqu’à nos idées les plus enviables et prend parfois la teneur du curare sitôt qu’on cherche à s’en procurer…


Tout doit m’être immédiat, et s’il ne l’est pas, je l’abandonne pour aussitôt en rechercher un autre qui légitimerait mes aspirations à de fausses réunifications…


Rien n’a de sens s’il n’a pas côtoyé la rassurante sérénité liée à un homme qui s’élève…


L’insomnie au-delà du gâchis cérébral qu’elle soupèse , est aussi une affaire de douleur qui doit se perfectionner dans la suite de toutes ces indispositions qui font que nous ne pouvons nous glorifier que  de nos raisons mortes…


Est capital tout ce qui est souffrance…


La réalité est une perversion de cette image qui fait preuve et ne s’en sort pas…Nous sommes tous complices et n’en plaisantons pas…


Incommodé par tous les remue ménage, et conscient d’abuser d’une stérilité à les définir, je palabre sur le fait de ne pouvoir y remédier, et dans le malaise d’un qui a tout placé trop haut, je donne le nom d’absurdité à tous les objets dont j’agrémente ma stérilité…


Ma honte d’être et de ressembler à l’homme n’a d’intéressant que la fureur sur fond de charognerie que je déplace de lieu en lieu, comme une putain cherche un client sur le parvis d’une cathédrale…


Vivre nécessite quelque penchant pour la dispense et la conservation…


Chargé de mots, perfection infecte d’un inféodé, me voici accédant à des fièvres et dénonçant leurs odeurs d’enfance et de maladie…


Tout est parodie dans l’enfer d’un vaste jeu érigé en supercherie langagière où seul l’amour peut encore prétendre à des exagérations…


Rien en dehors du désespoir ne peut nous conduire à considérer ou honnir les hommes…


S’effacer dans l’indignation, en revenir pour des répugnances…


Je me suis tenu de surenchérir sur le mot « Dieu »,mais qu’y a-t-il au-delà qui soit aussi essentiel et aussi putride ?


Bénéficiaire de milliers d’indignations, je me considère comme un sous expérimenté du sens qui cherche pourtant à échapper au dictionnaire et au verbe sans représentation…


La musique est l’exemple d’un surmenage idiotifié par les entendants…


Je n’ai aucun projet qui passe par l’homme, et je m’en tiens là…


Ma réalité va du désappointement à la morve, j’y apporte tant de contribution, que je ne sais plus si mon goût pour le malsain m’a fait sujet abattu ou croupissant…


Nulle part ailleurs qu’en moi je ne trouve rassemblés tous les salauds que j’aime…


Le compliment passe par la chair et dialogue avec elle, puis nous fait objet de rires ou de larmes selon qu’on soit pitoyable ou cynique…


Quand on a la faiblesse d’être, on rate l’occasion de n’être pas, qui, quoi ,je l’ignore, mais je garde ces questions comme essentielles…


Tous les commencements sont du côté de ces douleurs qui nous ont fait avantageux ou orduriers…


Je suis un contrarié pressenti par l’existence pour y couler des jours de contrariétés et de gênes… 

Tous les matins, c’est frappé par la misère de devenir anonyme et anodin que je me lève et vais dans l’équilibre inconvenant de cet homme qui fleurira ou crachera sur des tombes…


Mon sérieux est un sérieux de désaccordé, mes migrations ont été déviées, dans cet inversement de situations et de sens, je me sens davantage hostile à toute forme de conscience et de folie…


Tous les sentiments sont des sensations de basses fosses, et plus on s’élève plus ils touchent aux enfers de la parole, transfuge d’un sexe qui ne peut plus s’en passer…


Lorsqu’on touche au meilleur de soi même on touche au principe qui rend la vie sensible et immatérielle quand on veut l’éprouver par ce même toucher…

Y a-t-il quelque vanité quand on en revient toujours à soi, ou est ce pour s’y engloutir dans la lie des aversions instantanées de ce moi primitif ?


Les évidences sont les injures d’une trompeuse imagerie…


J’aurais gaspillé de l’existence pour de petits bienfaits, qui ont fait de moi un désœuvré du sens, un usurpateur de litotes et un perverti des convenables grammaires…


Telle philosophie gratifie les êtres, telle autre préfigure nos dispositions à la comprendre, je touche à l’indéfendable option qui la considère comme de ce qu’il y a de plus abscons et de plus obscur en nous…

J’ai trop attendu qu’opérant à partir de mes propres vides, du détachement me vienne, qui me révèlerait combien je pourrais m’ennuyer sans l’émotion liée à cette usurpation.


Tant soit peu le taire serait une nostalgie de l’infini, que j’en userais pour gaspiller de la manœuvre et de l’esprit.


Dans cette torpeur d’être, parfois la duperie tient de la construction de ces passages où l’on peut s’altérer consciencieusement.
Le fait d’être et lui seul prête déjà aux soupçons.


La singularité des hommes ne s’accommode pas de la pluralité de leurs cellules.


Parfois je ne ressens rien que je ne puisse comprendre par ma chair et mes os, c’est le côté abrupt de mon être, le versant adressé de ma propre matière.


Dans l’extase, on est grandi à l’intérieur de soi, et nous cognons, nous nous heurtons à nos propres parois, comme des êtres saouls, qui ont accumulé tant d’efforts et qui se retiennent de gerber.


L’aspect poli de mon épuisement m’ouvre davantage aux yeux des filles mélancoliques qui ont pensé la zoologie comme un succédané de mes conduites antérieures.


Dans mes cauchemars la vie frissonne de toutes mes insanités, et j’y rosse des anges dévoyés voguant vers l’éternité, après avoir remplacé l’amour dans les yeux des femmes, par la merveille des abandons funèbres.


Trop loin de l’existence, tout se détache et tout va l’amble.


Ma lassitude ajoute à mon ennui toutes les formes prématurées de ce temps illusoire, où j’ai considéré la vie comme une intrusion de la matière, et ceci jusqu’au plus profond de mes organes.


Le café est mon lieu favori, c’est là que je retrouve les couleurs et la légèreté de tous ceux qui cherchent à s’y dissoudre.  

C’est un matin sans âme où l’ombre même des pins est une larme abjecte qui frissonne de son apparence et de languissante inertie.

Le monde n’est que la réalisation d’un symptôme qui a mal tourné.


Lorsqu’on cherche par, et dans la musique à exagérer son cœur, les sonorités sont les options de cette vie translucide, rêvée dans la douleur, et emportée vers l’univers tout entier.


Parfois dans cette austérité, carrière où j’étends du sable au- dessus des pierres blanches et des stèles, l’univers m’apparaît comme un ici bas suffisamment profond, pour que j’y trouve les ferments de toutes mes déficiences et de tous mes regrets.


Dans la pratique d’être le bonheur est toujours descendant.


A moins croire ,je commets moins, et commettant moins j’atteins à la touche.


Souvent ma vitalité abrège mes adoucissements, et célèbre les sensations de ce progrès, où l’azur me semble un cérémonial, et l’horizon une dépravation de tous les lieux observés dans l’extase.


Dans mes mythologies rien n’existe qui soit sous vitalisé, et que j’exploite pour des défaillances, que je suis le seul à compenser par de déchirantes ingratitudes.


Toutes les saisons exagèrent mes sentiments, et la connaissance que j’en ai, entretient mes passions ou mes neurasthénies jusqu’à l’équivoque de ce même sentiment.


Coupable d’avoir jusque dans les veines des femmes exténuées, glissé des infinis et des éternités piqués de naphtaline et de réductions.


Tous les matins, étonné des obligations où m’a voué le sommeil, je souhaite ne pas m’en consoler, et errer dans un monde où l’esprit est la forme extérieur des objets qu’on a retiré du voir.


Plus je tarde à faire le mort, plus l’existence ressemble à une tourbière asséchée où pullulent des insectes affectés d’une éternelle moribonderie.


Ma chance aura consisté en ce que j’aurais peu duré parmi les hommes, et quel que soit le souvenir que j’y aurais laissé, ils n’auront pas cette suprême assurance de m’avoir compté pour un des leurs, et rangé entre leurs certitudes.