Dit pour A.R

Dit pour A.R

 

A .AR       2006

 

Lettres avec A.R

Eve le livre servile lève, vois comme il s'entorse, se lie, se délie, se dénie, lis comme il s'ajuste à tes façons, à tes agissements, à ta construction et à la mienne, comme il ajoute à ta valeur toutes les rencontres mal ajustées, tous les mots civils qui n'étaient pas les tiens ceux, des convocations, des allégeances dans les phrases empruntées aux dictées initiales de nos maîtres indécents par leur désinvolture. Voici qu'aujourd'hui vient un engagement, demain aussi naîtra l'acte de traverser la vie, non en  visionnaire, mais comme un homme qui ne veut plus reculer.

Elle a des jambes jusqu'au nombril, ses bas sont des échelles de soie que des mains adroites ont désignées comme telles. À toutes ses circonférences elle tient dans un mouchoir, des seins à  la croupe il n'y a aucune omission, c'est cette inébranlable valeur qui lui vaut le nom de maîtresse. Capitale par ses fécondités, elle légitime autant les régressions des hommes empruntés dans leur vocabulaire, que celui de ceux qui dans le tumulte des oppositions n'ont pas su donner l'avantage de nous construire. Maintenant que mon goût est en sa faveur, il faudra bien que derrière le spectre de ses économies elle s'ouvre davantage pour m'exagérer, s'exagérer et y croire.

Son sexe, je vous en parlerai une autre fois, tard, plus tard, quand désigné par tous les passages de mon enfance, je glissais mes doigts dans le col étroit des perfections que Dieu n'a pas nommées, auxquelles il n'y a pas de prix. Dans les jours qui vont venir, parce que les jours viennent comme viennent les enfants, l'air dans les poumons, les souvenirs mal illustrés, les débandades, les aveuglements, je dirais son sexe comme le fragment idéal qui dans la lumière ou la pénombre de tous les tremblements de ma chair s'imbibe d'un gré que mes mains mal définies ne sauront bien dire et qui s'ourleront d'une sainteté que nul ne pourra contenir, si ce n'est  cette même qui s'en défend.

Comme profuse est l'existence, nous y entrons pour participer à toutes ses circulations, celle du sang, de la haine, de la terreur, de l'amour, et nos esprits sont faits pour tout oublier. Que nous nous ouvrions aux autres, que nous ne le rapportions rien qui ne se signe sur le ton que nos indécences, de nos volte-face, de nos vagues mensonges, témoigne que tout est foutaise, tout cet éventail entre nous doit sa participation à des constructions sans fondation, va à des élections insipides, à des veines élémentaires. Je déplore que mon portrait ait été  fait pour de telles foutreries, je déplace cette vanité et cet orgueil vers des strapontins, vers des gradins, orgueil et vanité dans lesquels j'ai échoué comme un marin ivre et qui n'a pas voulu reprendre la mer de peur de trop s'écarter de l'homme, de peur de ne plus  suffisamment secréter des relents de pouffiasseries.

Je suis en absence de souffle, de sommeil aussi, d'étourderie, de construction, j'ai la trop épaisse sensation que toutes ces mauvaises expériences et de tous mes orages passés  m'ont laissé dans une sorte de convulsions à retardement. J'en déduis que tout cela ressemble à un petit massacre, à quelque chose de monocorde et que tout devra encore se renouveler. Après toutes ces déductions, je fais dans la pire des déveines, elles sont  des alliances lacunaires, sans lien, plates comme tous les terrains vagues, vagues et nauséeuses, celles qui secrètent des poisons et aboutissent à me faire homme. Par-dessus tout, ce que je  cherche, c'est atteindre ce cadavre dans un cadre propre et sans agitation, je finirai bien par ourdir une lourde fièvre, quelque chose d'indéfinissable, lui donnerai une inguérissable saloperie, mon corps aboutira alors dans un feu intérieur qui me fera divaguer de la poussière aux chiottes.

Le silence est une correction sans rescousse, sans secousse, une correction muette, sans invective, sans rupture avec l’esprit. Car l'esprit en toute chose, en toute intelligence est visionnaire, il connaît les moments où se taire, ou ralentir la chute des mots, l'aliénation de la parole, l'altération d'un réel qui se veut une extrémité de notre être,doit advenir ; or prétendre que le mot est,qu’il participe  au discours, à celui de la science ,de l’humanité est du foutage de gueule, n'a rien à voir avec l'amour, sinon avec cette crânerie où tout est ineptie et qui va du couteau à la constance, cela je le répète depuis des dizaines d'années, Je cherche à promouvoir une décantation de la parole, un plus haut degré de silence, de celui qui me mettrait sur la piste de toutes les divinités qui ont été présentes au bon moment et au bon lieu, en chaque objet,  en chaque femme et que nous ignorons parce que nous ne voulons rien voir, rien savoir ,sinon tout radicaliser.

La musique est garante des journées de capitulation, est une réalité qui a macéré dans le cerveau amusé d'auteurs qui ont oublié le jeûne, la prière et la psalmodie. Combien j'aimerais me tenir à l'écart des notes qui n'évoquent que l'entretien entre une pierre et un violon, une guitare et un caméléon. J'aime par-dessus tout les tonalités émotives, le frémissement des chœurs et cette imperceptible façon qu’ils ont de  me transformer, de me faire entrer dans la volonté de me perdre, pas de me plaindre, pas plus  que d’être dans l'autoritarisme des cacophonies et qui témoigne que mon esprit habite dans toute chose, en toute aubade, qui ne soient pas rattachés à ce réel enclin à présupposer le passé. Je ne me préoccupe pas d'avoir du charme, pas plus que de l'intelligence, que ceux qui en sont pourvus restent dans les salles d'attribution, ma forme a toujours été entre la vie et la mort.

Que j'ai parfois été frappé par de la lucidité ne m'a pas dirigé dans de beaux sentiments, bien au contraire, c'est dans ces moments que j'ai honni le monde avec ses paliers, ses hauteurs, ses vestiges, ses vertiges, ses toises,ses supercheries, ces belles saloperies. Ma surface a été circonscrite dans un tissu extrême, un toril délimité. En réalité, c'est là aussi que je me suis aperçu que l'amour se doit à la science, à la  littérature, aux  canaux du souffle, à la respiration, aux présomptueuses insomnies, qui n’ôtent cependant rien à la beauté de tous les orgasmes. Il faudra bien que définitivement j'écarte de moi cette paralysie pour moins commettre derrière du paravent, moins me rengorger, j'ai toujours été sur une fausse piste et reviens comme après avoir traversé un en enfer en rampant, pour commettre des erreurs qui seront certes spontanées mais irresponsables, et qui iront à celles qui m'ont servi à ne suggérer la vie que comme elle devrait être.

Laissons nous prendre, enserrer, capter, violer par la douleur, laissons la nous mener dans les vespasiennes où les voyeurs, les rouleurs, les suceurs de sueur et de sang s’égouttent pour de petits néants. La douleur est agissante, c'est une vérité qui rejoint jusqu'à l'intérieur même de nos compositions, qui nous insuffle ses lointaines hystéries, ses distances mal entretenues, ses nuits sans sommeil ou la répétition s’érigeaient en combat, et le combat en étouffement. C'est cela aussi qui nous élève, nous sommes comme  les jumeaux qu'une louve a allaités, qu'elle a mis dans l'air torride, ses flancs aux côtés contenues. Je vous le dis comme le premier à être entré en quarantaine, comme je le ressens, la douleur est une promenade vers Dieu, vers Dieu, la foi ou quelque chose qui lui ressemble.

Honte à moi qui ai cherché la mort et en suis revenu moins délicat que celui qui a coursé, poursuivi un animal une journée durant, plein de gouttes, de fièvres, de convulsions extrêmes. Ai-je eu tort de vouloir des  accueils, tort de vouloir dormir,me reposer dans les draperies célestes, enveloppé de tout ce que je n'ai pas voulu servir, dans ces hautes tapisseries de bruits et de suies et qui n'ont pas manqué de m'étouffer au point même d'en exagérer ma trace. Tout cela je l'ignore, mais je n'oublie pas ma colère d'alors, colère de vivre, colère d'être assis, colère d'être couché, debout, virevoltant si peu , colère que mes membres ne servent qu’à de vaines constructions, colère d'être dans la colère, colère d'avoir  de l'organe pour les uns et non pour les autres, non je n'oublie pas que j'étais dans trop de sens, dans une autre profusion, trop confus, trop craquelé de toutes parts et qu'il eût fallu que je trouve un centre,  un centre ventral, ce centre qui me mènerait à toutes mes clandestinités…

A qui ne s'est épandu, automate d'un réel qu’il n'a pas souhaité, auquel d'ailleurs il n'a pas renoncé, je dis qu’il faut  s’éveiller à l’ amour, celui qui traverse les vitres de l'évidence ,  sans faille, non entravé, celui qui nous prit et dangereusement. Quand la nuit opère ses ratures sur les forêts, sur les villes, sur les enseignes, sur la vie qui frémit, sur les positions de nos chairs recroquevillées, je pense une fois encore à son langage clair, limpide, manifeste et qui en son sein s’est perdu, qu'il a nommé avec tous les beaux mots du monde, je pense à l'adresse des noms qui lui sont destinés, à cette saveur, cette ferveur de la serrer, de la tenir, de ne plus vouloir que ce qui se lit entre ses mains qui s'élèvent en prières, en psalmodies,je veux qu'elle exprime encore pour moi de l'essoufflement et des  saignements dans la lenteur de ses façons à se presser contre moi, elles sont aussi la figure la plus exercée pour aller à nos envies charnelles .

Dans la redoutable palpitation des nuits où je suis seul, inconvenant, morveux et las, les sens en alerte et le sexe en érection, il ne m'appartient plus d'être tiède, inconsistant, dans l'apathie d'après la sieste et le conduit, mis dans une position mentale proche du désaveu, de celui qui fait dans les fulgurances ou les surprenantes beuveries, dans les regrets aussi. Dans l’inertie, l'odeur, celle des fleurs, celle d'une femme absente, ma maladie est vive, je suis en visite dans mon corps, il y a des entrées il y a des sorties, la main est mon mémorial, une ébullition d'artérioles et de veinules, elle révèle combien vivre tient de la convocation de la chair, de ses intoxications, de l'habitude et de l'abandon aussi. La nuit, nous somme psychologiquement au bout, anormaux, étranges, peut-être abominables, et l'idée qui nous pèse nous empresse, nous environne, évoque tous les soubresauts, les mauvaises manières de notre corps, celles de ne pas être entrés dans le véritable agitation, nous ne sommes qu'un ramassis d'idées qui sont pourtant nécessaires.

Quand la musique entre dans les sphères vacillantes,nous tourbillonnons,nous tonitruons, nous nous arrêtons par instant pour faire le récit de nos détournements, de nos tournoiements, il me vient à l'esprit que le rabattre le caquet de chaque membre de l'orchestre serait dans l'ordre des choses, mais l'ordre de chose est un estuaire où se rejoignent deux fleuves de même étiage, l'un qui va la vie, l'autre vers la mort ; c'est pourquoi je me tais, fait l'effort de ne pas en faire, redoute que les mouvements de ma chair trahissent mon esprit, les harmonies ont beau sonner comme des dianes guerrières, je me déroule, je ne m'enroule autour d'aucune femme, je rends mon réel contrefait, je ferme les yeux comme pour me modifier, et toute ma masse n'est plus qu'une carapace qui m'enserre dans des songes  de poussières et de drames.

J'aspire à la certitude, toutes les incertitudes, l'incertitude est constructive, elle fait de nos intuitions de fausses réalités que nous vivons plus petites, comme ceux qui vont combat en se sachant battus d'avance. L'incertitude est une position inconfortable qui nous oblige à tout ressentir, à tout percevoir analytiquement, à tenter un saut dans l'éternité, saut évidemment ridicule, voué à l'échec, mais saut tout de même qui traduit quelques vacillantes vérités. La puissance de la certitude réside en ce qu'elle est encore en mon caractère, en mes convoitises, sèches et erronées, parfois redoutables, avec ses propres comptes, ses propres discussions et dissensions,qu’elle est le fruit de l'expansion et du retrait,de mes crissements, de mes façons d'être ; sa résistance est acquise depuis des décennies, et elle-même me dirige, me conduit dans le monde qui n’est pas acceptable bien qu'il soit  l'héritage d’une immense action,'un accident de toutes les anamorphoses.

J'ai des idées, des idées derrière la tête,de dedans de la tête, désirs  d’idées, de nom et de  cœur , d'une longueur démesurée, à quelques centimètres à peine de mon cerveau déprécié, idées avec des tonnes d'audace, idées de chair, idées de sang, idées d'os et de bave mêlés, idées qui se nourrissent de ce qu'elles ont de laid, d'inattrayant, idées de  divisions, idées mal accueillantes, malintentionnées, idées  de tombes sans verdure, de poussière et de tracas, de traverses, idées d'horizons clos, menaçants, comme des guerriers sans aptitude et qui partent au combat sans armure, idées articulées autour de frasques et de petites phrases,de petites frappes, de combinaisons secondaires, idées qui me rendent sot et malade, excessif, voire le tout à la fois, idées de principes, idées de prestiges, d'investissements, idées de parricide venues  d'un lointain désertique, idées de naphtaline, idée de marcher sans balancier au-dessus des plus hauts sommets, j'ai des idées de suies, d'encres, de noirceurs et d'incendies, Dieu fasse  qu'elles naissent,qu’elles restent à l'endroit de leurs origines, c'est-à-dire à quelques centimètres de mes circuits.

Seule l'aurore déguenillée comme une fille qui a été mise à l'envers n'est pas noire. Aucune honte ne doit lui échoir, elle a les yeux qui fixent, voient, regardent le restant de lune, elle l'emporterait si elle ne savait pas que d'autres reviendront pour le quérir,quand les lampes s'animeront, la requise bientôt s'accordera à la marche des hommes, l’aurore est aussi mon vestiaire, j'y ai mes appâts, mes apprêts, mes emprunts, j’y dépose mes humeurs, mes gels, mes ombres d'homme fatigué qui s'informe de la nuit lorsqu'il ne dort pas ,de la valse du temps, de la course du monde, du tourniquet de mes amours, l'aurore est l'espace et le lieu où j'aspire à changer d'existence, entrer dans les ordres, ou en sortir plus hybride, plus désordonné qu'aujourd'hui, où je tiens à laisser ma bêtise et ma médiocrité, y assumer ma charge, poser mon insalubrité sur des porte manteaux et que je ne reprendrai pas, je souffre de ce temps de rancœur, des choses mal définies, jusqu'à finir par dégobiller, je suis sur le quai d'une gare à guetter une aurore où elle viendra à ma rencontre.

A ma première visite contraint de m'installer dans un canapé ou se sont affolés des torrents de silences, je me suis dit que ce devant ce corps de femme qui m'atteignait tant, il me fallait parler, parler encore, ne plus me planquer, ne plus me secouer dans les sursauts de mes douleurs, dans les eaux glauques et stagnantes du souvenir,dans mes comptes obscurs, je me suis dit qu'il fallait passer par les plus étroites des voûtes, par les chemins les plus ténébreux, aliphatiques aussi, par les fainéantises, les peurs, et c'est ce que je fis, j'éveillais tant de nuits en elle, tant d'instants maculés de mes lassitudes,alors que  j'aurais aimé qu'elle couvre ma fatigue, qu'elle détourne mes alarmes, mes saouleries, qu'elle s'enquiert de mes ciels bas et lourds, je me suis nouvelle fois courbé, j'ai failli au jour, j'étais sot et rigoureux, je souffrais comme un enfant pour une insulte et des crachats.

Que l'on s'en aille en se glissant dans la nuit comme un ramier dont on a rogné les ailes, il ne reste au cœur de l'homme qui vient qu'une paire de pennes imparfaites et pesantes, un ange caduc, une femme qui n'a pas su être l'hôtesse introduite dans la maison pour y rester, et porter son amant vers les beaux orages, vers les belles éclaircies, vers les beaux rivages, qu'il voulait comme de nouvelles  révélations et résolutions. Je cherche à ne plus m'adonner au doute, à ne plus avoir la conscience en démolition, j'ai cherché une seule fille brumeuse ou non, chaotique ou non, mais une fille avec une âme d'amoureuse et d'enfant, une fille qui me délivrerait de mes mauvais sommeils, or la voici casquée avec les gestes les plus lents, les plus légers de l'aube, avec ses petites façons de belette dans la fuite ou l'immobilisme, cela n’est pas à ma mesure.

L'élégance serait confortable que je ne m'y soumettrai pas, elle exhume un parfum peu recommandable, celui d’une musique impersonnelle, artificielle, dérisoire, qui ne m’atteint pas, qui ne me berce pas, qui ne me fait pas ciller, verser des larmes ; je lui préfère le débraillé qui rythme les symphonies de l'existence, celles qui sont pleines de couleurs, de lumières crépusculaires, de notes anachroniques, mais qui me consolent d'être né frappé d'une stupeur et d'une crainte dévastatrices. Je me console de toutes les distinctions en ne voulant pas paraître, pas plus qu'attendre au regard, je reste dans le trouble infini de m'éteindre un jour sans avoir marqué ni souillé quiconque, je voudrais que la mort m'atteigne avec des stigmates qui auront rehaussé les plus beaux de mes traits, je voudrais que mon corps s'épuise par du vouloir et par de la nécessité.

Je ne me suis pas senti honteux quand j'ai désiré la mort, ni honteux, ni méprisable, pas même désolé, ma mélancolie est une de mes façons, une de mes conditions d'être, un point c'est tout. C'est elle qui me donne des élans, des élans de générosité, d'amitié, d'amour, parfois de belles attitudes, des chants brillants, le goût de la femme aimée, amante. Cette petite saloperie que je rabâche depuis des décennies ne m'exclue pas de l'existence, elle n'y intègre en totalité, c'est elle qui par ses étroites subtilités me force à l'écriture, à la texture des portions que je  pose sur les toiles, c'est une des plus parfaites des formes de ma liaison, s'il est vrai que je conçois mon désir comme une  dissolution, ce serait une dissolution  des espaces où  passent ceux que je hais. La sérénité m’est trop matérielle, trop tiède, trop humide, trop affectée, connaît l'âge des hôpitaux, le calme m’est trop direct, trop dirigé, trop dirigiste, la santé m’est trop parcimonieuse ou trop harmonieuse, voilà que je diffère de moi cet homme qui ne veut plus rien, qui ne veut rien des hommes et ne l'exprime pas, sinon dans ses délégations d'après boire, dans ses divagations qui le mènent toujours à la perte.

La femme, mère du ciel, de la terre et des enfers, des enfermements donnent en pâture dans le cercle qui est le sien des animaux sans vigilance à ceux qui sont sans avantage, c'est elle  qui rend à l'homme sa malignité, cette dignité, quand il a montré où démontré sa tristesse et ses fractures, ses contre natures, ses petites romances, ses souffreries qui longtemps l’ont fait fléchir puis réfléchir,  souvent mauvais escient. Dans ses gammes qui sont sans colère, feutrées comme des broderies que des mains d'or et d'argent ont cousu, décousu, on reconnaît qu'elle est capable de jouer la musique des hautes sphères, de dire le récit de tous ceux qui sont éloignés ou rapprochés, rapprochés puis éloignés encore. Parfois dans l'éther ses mots s'élèvent comme des chansons de gestes, comme des mains ivres de port et d'estuaire, moi dans mon article intérieur je la regarde et je  voudrais qu'elle fasse des efforts pour me revenir en souvenir d'être.

Il naquit en instance une présence sur le chemin des vieilles filles, celles qui  pourtant étaient averties, avaient glissé, longé les palissades, les jambes toutes en lourdeur, la tête toute encombrée de rages et des orages la nuit, cette instance, cette présence puisqu'il faut la nommer par son nom est également  mienne, mais improprement. J'ai quant à moi l'idée de passer par-dessus tout, je cherche à atteindre, toucher l'esprit,  celui qui sera le poste le plus attentif,le plus pur, pour ne plus me mettre de la poussière dans les yeux et de l'anthracite brûlante dans les mains. Comme j'observe ces âmes pour ne pas les tromper, je vois le monde avec toute la précision, toute l'approche de l'évaluation et la compréhension de ceux qui ont été dans le labeur, leur vie durant et que l'on privait de croyances. Si faussement voyant, il m'arrive de penser que je suis capable de dissiper ce malaise qui me vient en les observant, à bien me regarder je suis borgne, troué en de multiples endroits, c'est pourquoi je ne veux pas  prendre la forme d'un homme quelconque, celle d'un homme oui, mais qu’on pourrait abattre rien qu'avec un mot, une phrase, une distance, une ineptie en fait.

Des croix se dresseront, les nourrissons n'auront pas de lait, le miel aura le goût de la ciguë, le ciel encapuchonné dans d'immenses élytres aura les yeux d'un insecte immense mangeur d'hommes et de rats, plus une âme n’ouvrira un livre, les portes seront closes, le vol lourd des cigognes sera réduit par des vapeurs brûlantes venues en lignes parallèles, rejoignant alors les peuples sans remède, inconséquents, les bâtards avec leurs chiens jaunes, et les filles  naîtront sans visage. Le soleil sera une construction de cendres et de feux mais n'atteindra jamais les collines et les plaines  seront  à leur plus haut niveau comme de  sales enjambées. Voilà les instants qui nous attendent, nous les veilleurs impurs, souillés et somnolents, arrachant les dimanches et les jours de fête au commerce des sens, suppliciés par le givre, les amantes inaccomplies, c’est cela  qui attend l'homme.

Quel est l'homme qui osera se  lever parmi ses pairs,avec ses bras solides, comment dira-t-il sans cruauté, que dévoré par son ego il n’a trouvé comme remède que de se balancer d'un pont,ou de se foutre un pétard sur la tempe, dites-moi où est l'homme, ce fils infini qui a la lame et la fièvre du père dans le plus petit de ses gènes et qui debout, forcément debout ,affrontera la plus incivile des images, se définira comme un fanfaron, dira qu’il a trop assisté et trop persisté dans la vie, et tout en se rengorgeant  de honte et de sueur portera à ses lèvres la coupe brûlante que des marchands ont préparée ? Ce n'est pas ici qu'il instituera des valeurs, qu'il s'éclatera en quelques sentiments, en vérité, qu’il se montrera en haute attitude, comme un homme multiplié par ses inclinations étranges à lui-même tout autant qu'il l’est aux autres, et qui voudrait que son sang ruisselle un jour sans qu'il ait eu à appuyer sur la gâchette.

Les onagres velus comme des chemins bordés d'ifs s'attardent aux palissades et présagent que des promeneurs et des promeneuses nues paraîtront avec du sang sur les mains et des stigmates sur le torse, ce sera un jour pour une course de foudres et d'orages dans un pays où se confondent les taiseux et les mauvaises brouilles, l'embourbé avec celui qui a traversé un désert, le sombre irrégulier au visage lunaire, le brillant élève qui se servira de la baïonnette quand aura sonné la diane. C'est aussi en ces lieux que dans un passé proche, désolé comme le sont les hommes impénétrables, que des chiens voleurs d'or et d'airain iront dans une nuit de tonnerres pour se jeter contre les vagues, les prisons, ils auront beau avoir les membres déchirés ils viendront jusqu'à nos portes, ils survivront aux matins brumeux et sales,subiront les aurores indexées à l’obscurité, ils pisseront contre les arbres qui sont les appendices de nos vies froides , personne ne reconnaîtra plus personne, aucune explication ne sera donnée, même celle de notre propre nom, nous penserons alors qu'un héros grec est mort noyé après avoir voulu rejoindre son amante et qu’une mer a pris son nom.

Là où se projettent des images pelliculaires plus anciennes encore que nos aïeux, il y a des malades du sens qui forment un cercle parfait et qui séjournent des mois durant dans un hospice pour s'entretenir d'un plan, d'une périphrase, d’une litote, de nombre d'encombrements quoi. Combien en ai-je observé de ces cercles, en tous lieux, cadre meublé, chambre de bonne, vestiaire insalubre, salon doré, sénat,cénacle, crypte, et combien j'ai pensé peut-être irrationnellement que jamais je ne serai un de leurs contreforts, un de leur marbre, que j'irai vers d'autres règles, d'autres mesures. Quand s'élèvent leurs paroles, il me semble entendre un concert d'injures, un concert de voleurs d'appareils dentaires qui à coups de bec, d'un seul coup, sont capables de briser les tables de la loi, là où sont posés les ostensoirs, les  bougies, les candélabres argentés, qui soit disant ont été immobilisés à cet endroit par les mains d'un prince qui a ajouté à son cercle lors de ce voyage elliptique son appartenance aux allégories.

Les rats honteux de leur victoire, papaouisent et  passent leur chemin  sans même nous saluer ou daigner jeter un regard furtif fut- il des plus futiles sur nos postures, postures d'arbres qui prient, postures d'imposteurs, postures de pasteurs, postures de pasticheurs, postures de par derrière. Car le rat n'est pas notre créancier, le rat est un morceau d'espace vide et noir qui file se planquer  les yeux clos dans  les égouts, les cabinets de chargé de mission, les bureaux de conseiller général,les latrines, les profondeurs chtoniennes et qui fonde une grande famille pour en faire des danseurs, de ceux qui iront déjeuner sur l'herbe, de ceux qui suivront les joueurs de pipeau, de ceux qui montreront leur parchemin à d'autres qui ont des bleus un peu partout, bien sûr qu'un jour ils devront franchir des ponts, cartonnés sur leur pardessus de pleutre, mais pour le moment cela est impossible, car ils sont trop en nombre. Voilà ciselée ici une idée du rat, non pas de tous les rats, de certains rats, de ceux qui ont quand même quelques surfaces sur lesquelles glisser, pour échapper à la conception et aux questions des hommes, un peu comme un chanteur niais qui se jette de son estrade dans une foule de corrompus pour des pratiques dont il n'a cure.

Lorsque nos compagnes s'apprêtent à nos enfants, il peut venir des tueurs dans la maison,ils n'en franchirait pas le seuil qu'ils auraient déjà les larmes aux yeux, car nos enfants sont éblouissants, ils sont des voyageurs qui ne s’égarent pas dans la discorde, ils mettent de la distance en tous lieux, leur vie durant ils seront encore dans nos demeures, encore dans les champs de blé, encore dans la neige avec leurs milliers de créatures superbes et fructueuses, nos enfants sont sonores comme une langue lointaine, ancienne, oubliée. Nos enfants sont la forme de notre ère,de notre être, chaud quand il est chaud, tiède quand il est tiède, ce sont nos respirations, la marche que nous faisons dans leurs paroles avec des rameaux dans les mains, ils fondent leur mystère sur les nôtres et bien que souvent discordants ils sont tant pareils qu'on dirait des nombres et des ombres identiques, curieux de se draper des mêmes fanfreluches que nous, nous enfants seront des parents, mais ils resteront toujours les plus beaux, seront toujours dans nos actualités, celles qu’on prend en  photo et qui ne bougent pas siècles durant.

Son visage est habituellement dans mes arlequinades, grossières façons d'un fanfaron qui s'étiole, lui mettant aux commissures un sourire forcé et que l'orchestre qui tonne  sur un  microsillon s’évertue à évacuer vers de nombreux ports, à éteindre ce qu'il reste de nuit, pour que nous puissions nous mettre aux fenêtres et y tiédir nos chairs. Incapable d'être dans ses professions de foi, dans ses profondeurs et dans la violence ordinaire de toutes celles qu’elle a subies, l'existence m’apparaît alors comme un relent d’insalubrité. Reste toujours une de mes questions sans réponse, pourquoi n’a t- elle n'a pas d'angle, elle n'est qu'un galet ourlé par des années de silence qu'on pourrait rejeter à la mer qui  n'est pas plus loin qu’un pet  de mouche. J'ai pour être solennel, drôle, ultime, fait le parcours tout en mon  intérieur avec un sourire à mes lèvres nourries, pour retrouver la justesse de ses émois, elle reste dans mon demi-sommeil un espace entre la veille et l'écoute obligée, je sais que dormir ne me rendra pas à sa compréhension, que ma position entre ma condition d'être et de devenir est dans son plus lointain, que toute sa bienveillance sent l'ordre d'une direction que jamais je n’emprunterai.

Tout perdre d'un accord inconnu est un acte qui tient de la calcination et de la demande d’un incendie. Puisque par le seul fait de dire des mots, de nature à rendre le bonheur étique, malingre, inaccompli comme un songe populaire, illusoire, sans vivacité et non exprimé, je suis capable d'être encore plus stérile,  plus excessif que je ne suis par mes pores et par mes paralysies, je médis ici entre un ciel  morose, construit à la manière d'un archipel sinistre,et entre  la méconnaissance des ordres, pour dire que ta conscience d'aujourd'hui n'est que dans le fait de vouloir faire de moi un homme profond, tant il cherche à rendre mortes les nuits en soi, je m'interroge ici sur toutes les épreuves que je n'ai pas eues à subir,mais qui ont été des simulacres de vivre. Quant à tes propensions à me laisser le verbe dans sa virginité originelle, à tant vouloir le compléter, l'agrandir, et par là le broyer, tu ne me permis pas de me composer comme quelqu'un dans ses gonds, fécond, réel, tu me liais à tes monstruosités, à tes sinuosités, à tes dilutions, à ce brassage  incessant de paroles sans esprit et d'autres qui ne sont pas dans leur domaine. Il allait par là le psaume de m’étreindre avec toutes tes incohérences, un jour je serai un homme avec des frissons et des nerfs à bander.

Comme je n'ai pas d'à-propos que tes mots, tes questionnements à mon égard sont cinglants, qu'ils m'atteignent douloureusement, tout de toi m’est un mal de plus, que je ne sois pas dans la rectiligne réconciliation, dans la parole qui a été apportée, fait que ma franchise est une épice froide et refoulée. Tout tenait pour vérité, tout ce qui remontait à toi du plus loin que je ne pouvais le nommer était un remontoir de célestes mécaniques où nos yeux se croisaient. C'est à nous que cet amour tenait, avec de la maladie, soit, mais il existait, il fut un long temps ton assistant, et à le rendre important m'apportait tout autant. J'ai  souvent pénétré l’enfer de mon corps pour ne pas te perdre, et pour me mettre  à des niveaux bien plus supérieurs que ceux d'aujourd'hui. La fulgurance de mes  propos, de mes imbécillités nous frappa comme une désagrégation, si c'était cela être entre nous deux, cela ne fut  rien, je n’en ai eu que plus de solitude, avec de la méthode en moins, je ne menais rien à tes menées, ma séduction n'était plus dans tes attentions, et dans tous tes beaux gestes, dans tes exquises façons, je ne voyais plus que des insinuations et des insalubrités.  À toutes tes autres créations j'étais en déficit, interrogatif et dans l'ultimatum, en me morfondant sur mon cas, cela méritait-il que tu gaspilles mes belles mesures pour que nous ayons à héler ailleurs ce qui nous noua et nous permit de rester debout à la vie ?

Lorsque dans l'intérieur de mon infernal théâtre je me réjouis d'y passer la nuit, et que pris de folie je me débarrasse de toutes les recommandations, il naît toujours un incendie dans ma loge, je  prends alors le temps de me perdre dans mes propres incompréhensions, dans mon dilettantisme de prêcheur qui a traversé de nombreux gués avec ses épaules un enfant impudique, plein de secrets et d'idées arrachées aux pierres, aux arbres, aux fleurs, au sang et au sel de l'homme. Mais comme toujours, le feu est une lenteur qui assèche les murs, qui bouffe les horizons, qui légifère sans cesse sur ses arrêtés, j'ai beau vouloir mener une enquête pour comprendre comment les flammes s'érigent  dans ces lieux, comment et pourquoi elles sollicitent ce seul endroit, rien de probant ne me vient à l'esprit. Je me représente alors l'existence comme une fournaise où je me dédouble, où je boite, où tout ce que j’ai comme  beaux  gestes est regretté aussitôt. Bien qu'il me vienne l'envie de prier, de vomir, de pleurer, je n'en fais rien et je regarde ces lieux où j’ai tant de fois changé de vêtements comme pour me conduire vers l'enfer.

Quel est l'enfant porteur d'orages qui n'a jamais accompli de gestes graves, seul dans sa solitude, seul parmi les siens, qui n'a pas reproduit ses songes pour en faire des calembours, des calembredaines ou des tours de force, qui n'a pas parcouru le monde, le visage collé contre la vitre, que la plus cinglante des pluies éloignait de ce qu'il aimait, parce qu'il fallait les aimer, qui n'a pas consenti à sa terre, qui n'a pas craché n'y vomi larmes ailleurs, ses doutes, le sens qu'il donnait à sa vie, c'est-à-dire celui de deux lignes parallèles, l'une pour fuir l'autre pour provenir. Quel adulte qui n'est pas l'enfant d'hier, qui n'est pas l'enfant de l'autre, sans destination, avec un mouchoir en poche, qui n'a pas de maître désenchanté, qui pense  par l'impassible distance, avec ses membres velus et ses prises de tête dans les prés les forêts, quand il en revient le cœur saignant avec une somme de devenirs douloureuse, insatisfait par le doute, par les coups les plus bas qu'ils sont restés au ventre, et qui le rendirent rougeaud, les nerfs noués et l'envie de disparaître,où est cet adulte,où ?

Chère Madame, oui, j'aime forniquer dans la torpeur de ces été lourds, lourds comme la littérature écrite sur un  ton de composition française, oui j'aime votre croupe, cette ascendance, cette qualité de chair d'os et de sens qui rend lucide tout ce que je chéris. Chère Madame je ne suis pas las de vous, il est vrai que fanfaron torturé par la tonitruante création, par des idées  imbéciles et pénibles, j'abuse d'excipients, et j’oublie lendemain les parjures que je fis, tout ce que  vous subites, les termes prononcés indiciblement, que vous reteniez compreniez malgré tout. Chère Madame mes horlogerie sont toujours à l'heure, je ne suis jamais en avance, jamais en retard, elles sont ce qu’elles doivent être, le véhicule du temps daté qui va vers vous, comme tout ce qui est souverain, tangible, perceptible, si proche ;quoique mes déperditions sont de véritables repoussoirs ,je veux malgré tout m'aliéner, tambouiller avec vous, mais être dans tous mes états, états d’âme, états de largesse, états d'esprit ouvert, états sans rupture et sans cassure, sachez Madame que tout n'est pas minuscule, et que je comprends combien parfois vous pouvez être ennuyée d'un homme qui meurt un peu chaque jour et renaît tout autant.

Parfois dans l’épaisseur du jour où l’on voit des bêtes  couvertes de suie, apparaît une femme, les yeux baissés sur l'être qui va naître, il lui vient de la roseur aux joues et quelques larmes dans les yeux. C'est ainsi que nous devrions naître, questionneur et ému, dans un coin méconnaissable de nous-mêmes, brusqué par l'acte de venir chuter sur le colza, dans l'état extrême de comprendre que l'existence devra être défendue. Il m'est arrivé de témoigner de quelques naissances, celles notamment de chiots bariolés qui tout  remuant de bave et de miasmes s’en sont pris au premier souffle, au premier mouvement, aux premières bousculades de la vie. L'homme est-il différent quand il est déterminé à venir au monde, non, je confirme ici que  lui aussi a cette vigueur, cette vitalité, peut-être déjà certains  d’emblée ne veulent pas s’accorder au dehors, il faut alors les saisir par la tête, presque la leur arracher, leur dire aussitôt « Voilà ce qui t'attend » du tiraillement, des chutes, des tortures, de la barbarie quoi, oui c'est cela qu'on devrait dire au nouveau-né, et rien ne me fera croire qu'il ne sera pas capable de se passer du cordon ombilical, ou alors le mettre autour du cou et cracher à la face de la parturiente.

Dans mes demi sommeils comme des cages quadrillées et nervurées, je pense à mon père décédé dans une galerie à huit cent mètres  sous terre et dont il ne reste qu'une photo sous un globe de verre. J'aurais aimé que l'on me parle de cet homme à qui certains allouaient de la résolution, de la ténacité, de la volonté, le sens de la parole donnée, j'aurais aimé qu'il m'explique si mes douleurs ont été les siennes, si mes doutes égalaient les siens, s'il aimait ou exécrait Dieu, s’il le mettait dans les salons, dans les lieux publics, les galeries marchandes, j'aurais aimé qu’il me parle de ces femmes qui marchent sur la tête parce qu’elles ont perdu leur lucidité ; bref j’aurais aimé savoir s’il y a  quelque déterminisme, dans tout ce bataclan. Aussi loin que va ma volonté de rectifier mes souvenirs, je vois un homme brun, élégant, les cheveux gominés, la cravate poinçonnée par un pic d'argent, les chaussures brillantes, et tout est cristallisé dans cette image, j'imagine que quelque chose de lui revient en  moi, y fait son trou, ce remue-ménage c'est la mort, la mort qui porte le nom d'un gaz sans odeur et cristallin.

Dans l'obscur pathétisme où se cadre mon âme,  les symboles ont des valeurs qui s'avèrent être des images, des sons, des odeurs, je ne les considère pas comme  quelque chose qui cherche à émarger ou à se repositionner dans une âme non infectée, et qui serait l'expression même de cette mélancolie qui est la vibration de tous mes vides, de tous mes néants. Est ce lâcheté que de vouloir se détruire dans ces moments-là, est-ce veulerie que de se perdre dans les plus perfides des méditations, dans les ivrogneries, je l'ignore ; ce que je sais, c'est ce que je dois à tous ces visages aimés, à ce qui se faufile jusqu'à moi en ombre familière, et qui dans mes parages,  qui dans les paradis que je corromps aussitôt, disent qu'il s'agit d'une sécheresse passagère et que bientôt une entente définitive viendra où je n'aurais plus à me brûler l’estomac, mais à croire tout simplement à croire ?

Quand la douleur est la seule activité qui m'aille, je me tais, point de sursaut, rien que des lamentations et des anathèmes, je m’efleuve et m’effluve avec des herbes et du vin, je suis en majesté dans l'ivrognerie et dans l'humeur malsaine d'un qui peut digérer tous les mots sans rien en souffler, sans souffrir. Prier, vomir, m'accorder à l'homme ou à Dieu n'est pas dans mes capacités, rien d'étonnant alors puisque je considère le mot comme la rencontre d'une souffrance et d'une maladie, rien d'harmonieux n’adviendra dans ces paradis où je m'effondre, je me perds en cacophonies, en sombres sonorités, en déclinaisons de toutes sortes, en dramaturgies si violentes qu'elle me mettent dans la position d'un tireur couché sur le flanc et qui se brise les côtes avec un fusil qu’il serre contre sa poitrine.

Là où s’échauffent nos nerfs et nos courbures, il y a quelque noirceur que toi et moi nous ignorons, parce que nous avons clos nos yeux pleins de déficience. L'amour n'y peut rien, l'amour promet puis contrefait aussitôt tout ce qui ne va pas à sa propre obsession. Hommage donc à nous toutes petites vertus quotidiennes, pleines de perspective et d'astrologie, nous avons beau croire, vouloir croire que notre nature est dans la chaleur, ceci est inconsistance, ce que nous proposons de bien à l'autre, à nos chairs n’est que l'héritage de vieux printemps et de vieux automne, un point c’est tout. Il y aura  toujours des mots et des gestes dont la sentence sera à la mauvaise place, nous n'y pouvons rien, cela tient de la science, de la physique et de la chimie mêlés. Nous avons pour vouloir nous grandir un peu repos qui laisse  nos âmes un peu partout,  pourtant tout s'éteint, tout s'étiole comme pour mieux se figer dans une nouvelle attente. Tu sais autant que moi que toutes ces dissolutions  sont des éléments que tu ne peux plus éteindre.

Si tu devais par les sentes que la rocaille envahit venir me rejoindre les pieds nus et en sang avec tes encens et tes poudres, porterais-tu sur les épaules ce qu'il me faut de force pour vivre et qui n'a pas de poids,  sinon le poids du monde, transversal, horizontal, tout en ombres fantastiques, comme des guerriers démultipliés qui sans pactiser avec leurs propres sens et saints,partent à la guerre chuchotant des mots à ton sujet et que tu ne comprendrais pas de peur que leur terrible frayeur de traverser le guet ne fassent de toi un portefaix attitré devra aller dans les ronces. Avec tes confidences comme d'extrêmes fruits qui ne sont ni goûtés ni gâtés, avec ton ardeur quand tu as décidé d'aller à la ricoche, tu me tends ton corps tout entier et tu t'enflammes à mes mensonges,  à mon visage rougissant qui cherche tes or et ta chair. Avec tes questions escarpées comme la raideur des pics qu'il te faudra peut-être gravir, tu veux m’éprouver, mais ce ne sont que des énigmes,  ce ne sont que des mots, rien qu’une démonstration…

Les nuits sont des mémoires vivantes et vacillantes, et j'y veille tel un guetteur avec des guêtres mal nouées que nulle pensée obscène ne parvient à rendre plus obscène encore, je vois ma vie en double, en double de moi, je ne  tiens pourtant à personne, à aucun nulle part qui me supporterait, je n’ai pas attendu que les statues fassent de l'ombre aux statuaires, que les feuilles roussissent à l'automne, que les blessures fassent mal quand ça leur chante, que les femmes dépourvues de biographie se fixent dans mon existence  qui tient de l'imposture et du roman. Les nuits n’ont pas de titre, elles sont gracieuses ou pas, elles valent aussi par certaines morts, celles que nous évoquons toujours dans l’ébriété et la solitude des plus faibles, dans une moralité de miséricorde et de sentence, ces nuits-là sont aussi miennes, j'y ai du dédain, je m'arroge le droit d'abhorrer ceux qui m’injurient, ceux qui m'offensent. Au lever quand le soleil pressé de se faire astre va vers par un dieu plus inconsistant encore que je ne le suis, je garde en bouche le goût de toutes les grossièretés, dans une langue qui est mienne, mais dans ce pays ma charge d'homme reste toujours dans l'apprentissage…

Il y a des femmes avec qui je partagerai mon trois pièces contre une piécette,un baiser bien placé, une caresse ancestrale, d'autres par contre jamais n’y auront leur place, celles qui me boutent hors de ma couche parce que c'est une affaire d'inspiration, d'expiration, celles qui ont conçu le canapé comme un échappatoire, celles qui sont absorbées par des fausses passions, et qui savent  que ce sont de belles infantes mal éduquées, celles qui veulent trop leur pourcentage de jouissance,celles qui se   sont montrées incompétentes et austères dans ce qui se règle et se gère par l'amour. Il est des femmes qui vous abandonnent sur une route déserte, loin, très loin d'une vie pleine, entre la parenthèse et le dîner, et ne se soucient que de leurs propres menstruations, leurs propres démonstrations, à celles-ci je dis, qu’elles me sont  étrangères, intelligentes certes, persuasives, certainement curieuses de moi, mais qu'ont-elles  comme paroles  d’échanges, comme paroles d’usages, si ce n'est bulbaire baratin fait de soubresauts et de mécontentements. Aujourd'hui toutes me sont lointaines, méconnues, mal  reconnues, et plus je m'aperçois que j'ai voulu prendre soin d'elles, plus elles ont été droites, moins elle me faisaient frémir, ogresses dont j'ai connu les courses à l'orage, le vertige du pas posé vers moi, à qui j'ai donné mon âge et ses enseignements, qu’elles restent dans leurs certitudes et leurs désirs, moi dans la peau d'un homme sans valise, sans viatique, et qui ne renonce pas.

Il est encore d'usage dans la contrée d’où je découle , dont  les hommes m’ont éloigné,que des redresseurs de torts mettent une muselière à leur femme quand elle n’atteint pas le bon âge du tâtonnement, qu’elle ne s’enfonce pas dans ses charentaises pour traverser le salon, quand elle a fulminé Dieu sait pour quels détails, il arrive même que certains loups,lorsque l’homme en fait la demande et qui ont  un odorat  développé se jettent sur elle pour la déchirer jusqu'aux os, elle sait que de mauvaises attentions ont pénétré dans cerveau de la bête ,qu’elle n’est plus dans un droit qui lui vaut toutes les déclinaisons, dans cette même contrée sont des louves plus puissantes et  plus cruelles, renseignées par un qui s'est étendu parmi elles, et qui voudraient rogner jusqu’à leur moelle. Dans des endroits malsains où elle m'édite sur le levain et sur d'autres  femmes qui sont griffées jusqu'au sang, elle craint que les fauves ne les surprennent dans leur nudité, alors elle use d’un  dialecte  clair qui dissipera l’animal  en broutant le feuillage des arbres entremêles, j'ai également assisté à une de leurs débâcles et combien je regrette que dans leurs meutes, elles ne me mettent pas en position d'un qui ne sera pas à la queue leu leu…

Dans les environs de Zaplot,les filles ont des attitudes de limonadière, c'est-à-dire qu'elles pétillent, frétillent, puis se momifient d'un seul coup et s'en vont pour entrer par trop on ne sait trop quel miracle vers des lieux insolites en marchant sur la tête.  C'est ainsi que le monde s'inverse, que les hommes deviennent moins chauds, les enfants terribles, les parents des emmerdeurs de première, les petites filles moins sages, elles prennent dix piges en une seule journée, je vous laisse deviner le bordel qui figure en tous ces parages. Certaines sont épargnées, elles tapent alors sur le premier fiacre qui passe et vont en ville se convertir à d'autres souverainetés, quant à tout ce qu'elles abandonnent, de leur première nudité jusqu'à la plus petite cuillère, aux amis les plus chers, elles s'en foutent, tout juste si elles chuchotent quelque au revoir. J'en ai vu de toutes ces défaillances du côté de l'entente, d'ailleurs tout y est identique à quelques détails près, les femmes quoiqu'elles ne luttent guère, réussissent à s'échapper par je ne sais quelle magie dans d'atroces dédoublements, on dit que c'est parce qu'elles usent d'un bronzage et d’une potion faite justement par les mêmes immobilistes qu’elles, et dont les vertus jusqu'à ce jour les ont rendues appréciables  dans tout ce qu'il y a d'ahurissant et d'écrasant mais que nous devons commettre pour créer de nouveaux lieux artificiels…

Dans les montagnes avec ce qu’elles ont de vague, les Goules sont de retour, et chacun dit à qui veut l'entendre qu'elles sont plus féroces qu'autrefois, que leurs créateurs ont été empierrés rien qu’en les regardant, que leurs morsures sont bien plus vénéneuses, et qu’en vous mordant vous perdiez votre vie durant tout ce que vous avez fait à l'envers, elles se méfient des vierges, de celles qui ont des ongles rouges, s'en vont aux cérémonies, quant aux autres, à toutes les autres, elles jettent des rocs, des sorts, des huiles bouillantes contre ces mêmes Goules qui dorment peu, et bien qu'elles soient ensommeillées on dit qu'elles font du calcul, de l’algèbre, quelque qu'arithmétique, couchées sur le dos pour bien regarder les étoiles et débattre d'un astre solitaire qui faute de liaison finira par être un singe dans un ciel de vampires. La Goule d'une seule respiration peut engloutir tout un terrier avec ses lièvres, ses hases, ses levrauts, c'est à ce moment-là que beaucoup d'entre nous cafouillent dans une langue qui nous est devenue étrangère, elles, elles s'y adaptent, leur situation quoi qu’ostentatoire est devenue un jeu, un chant des plus honorables. Je vous le répète une nouvelle fois méfiez-vous des Goules aux cheveux blonds, elles  sont encore en apprentissage de la vie mais sont capables d'engloutir leur propre mère, voire une famille entière et qui se serait la nôtre.

Lorsqu'on donne une offrande en profondeur, en un seul plein de celle qui nous aime, en plein de chants, la pénible besogne avec ses contenus extraordinaires nous met dans une tendresse réelle, efficace quoique fugitive, et un silence que nul ne peut définir vient dans les chapelles perdues dans les sous-bois et qui par endroits dévient la lumière lunaire qui a traversé les frondaisons. Mon dernier amour avait ceci de remarquable, qu'elle remarquait tout , l'insignifiance d'une parole, le déplacement de mes appels, les grains trop éparpillés dans la théière, la cuiller qui retenait quelques brouilles d'un café trop épais, mes sens par-dessus tout, la patience, mes aisances, certains jours à couper court à la parole, moi j’ai pris l'habitude depuis mon jeune âge de ne pas protester, c'est cela aussi une habilité et une imbécillité de l'existence, je les ai toujours gardés pour tenter de me puruler sans Dieu , dans mon labeur qui demande tant de moments d'incertitude autant que de compréhension, bien que je saisis tous les espaces où je concours à ne  blesser personne, mes mots claquent tels des lanières, et je me perds pour un long temps, pour toujours, un chapelet autour du cou, tel un stakhanoviste trop affecté à des travaux sans subtilité…

J'ai des idées de criminel,mais mon passage à l'acte qui pourrait venir de l'intérieur ne tient pas la route, je reste donc sur les voies de mes pensées fugaces qui s'accomplissent dans les petites rêveries et me rendent service, tout en en ne m’apportant rien de bon, bien sûr tout ceci n'est que la réduction d'une réalité où j'aurais aimé que l'on me juge sont les meurtres que je n'ai pas commis, ce  qui me retient de chouriner un tel, de descendre cet autre, de me plomber celui ci, ou bien tout simplement la peur, la conscience que tous mes faits et gestes sont déjà de petits crimes, petites cruautés que je commets dans la béatitude d'être en présence d'un temps qui n'en finira pas, c'est aussi mon grand défaut de tout dissoudre en moi, du plus large au plus étroit,du plus ignoble au plus beau, je dis bien tout. Je mourrai donc comme j'ai vécu, impalpable et mou, anthropologiquent, quaternairement, dans des présupposés sans fond que j'ai moi-même élevés, voilà qui est une de mes plus grossières erreurs, voilà pourquoi j'ai de moins en moins de  raison à partager…

Mes mots ne sont pas vieillots, ce sont des moissons, de la treille, du salut, quelques musiques pour te plaire, te serrer, te garder, te conquérir par de différents vocables que ceux qui viennent à mes lèvres, et qui se dissolvent aussitôt prononcés. Si me lire est de l'ordre d’une  colère, d'une mauvaise erre, d’une douleur, qui ne te mènent nulle part, je cesserai de te conduire à mes rêves, mes consciences, à mes vibrations, à cette cinquantaine que j'encaisse  comme un uppercut, celui qu'on balance à un ange déchu et qui voudrait aller jusqu'à Dieu. Mes mots sont des mots, il sont identiques aux tiens, plus délités peut-être, mais ils atteignent des douleurs secrètes discrètes, et que tu ne connais pas. J'ai bien peur qu'au-delà des signes que tu ne vois que comme des fermetés, une audace, une fausse manœuvre,tu veuilles t’en dévider, il ne faut pas qu’il en soit ainsi, à la place de ceux-ci, j'aimerais te tracer des lignes, des parallèles, des infinitudes, ma santé passe par ce que je te dis, parce que je t'écris avec les formes multiples de mon vocabulaire insouciant, vivace, si tu n’en as cure, ce n'est pas  du regret que tu prolongeras en moi, ce sera un  voyage sans retour,  une forme de mort, une forme de retard, je t’étudie depuis longtemps, et plus le temps de ma présence passe,plus  me nourriront  ta connaissance et tes intentions.

J’aimerais que mes mots soient des philtres modifiés, féminins, des nuancier aux couleurs de jardins, comment peux tu  croire qu’ils soient posés pour une autre, comment peux-tu croire que je les néglige ou les métamorphoses sans côtoyer la femme qui me rend fécond, vivant comme en célestes noces, je ne crois pas que ta parole abrège mes réels fondements, celle de notre relation, parce que tu la rends algébrique, instrumentalisée, avec tes airs de crainte et de relégation. Mes mots sont en lieu sûr en toi, je sais qu'ils t'atteignent, je ne crains pas qu'ils aillent à ton silence, ce qui m’importe c’est ce qui les tarit en exigences, sache que depuis que tu as de la vie pour moi, après toutes ces années, après l'enfant qui s'est nourri de toi pour devenir un homme aujourd'hui, tu me rends explicable à tes yeux, réel et accessible, cesse de croire qu'il n'y a pas de cause à effet, je n'ai pas encore eu suffisamment  d’existence, du moins pour le moment, ces mots pourraient t’appartenir, être les tiens, les nôtres, avec des images repêchées dans les plus belles des eaux, dans nos souvenirs, oui je veux que nos ressemblances nous rejoignent, je veux qu'il en soit ainsi.

Parlons-en de la rétention des mots, il y en  a qui sont en nous , ceux qu'on planque comme pour faire  profil bas, se détacher du monde, n'en rien garder que l'enivrant vocabulaire, ces tours qui vont par paire et qui parfois sont nauséeux, écœurants et qui n'ont rien de productif, il suffirait de les prononcer pour passer de vie à trépas, perdre son souffle, il y a ceux que nous gardons, que nous renvoyons à notre image, image éprouvée par nous-mêmes et par le train train des ordinaires fétides, pour que nous n’ayons plus à témoigner, il y a ceux qui nous tiennent compagnie une vie durant et auxquels nous ne donnons aucun merci, aucun bienfait, il y a ceux qui nous bigarrent  à l'intérieur pour nous rendre beaux à l'extérieur, voudrais-tu de mon bestiaire de mots, de ceux que je mets dans leur gangue afin qu'il ne sèchent pas aussitôt, qui sortent de leur patois pour se détacher de moi dans une forme d'extase et sans mes renoncements, sans même que j'y pense, il est un bas nylon sur les mots qui ont une audace, réplique à ma respiration, qui sont l’alpha et l’oméga de mes jugements, de mes divertissements ,de mes  déversements aussi, il y a ceux qui sont ravagés sitôt qu'on les émet, nonsensiques , inadéquats, inappropriés, c'est là, dans la perspective de ne pas en user de crainte de me dessécher que je préfère les silences, tu sais cette petite pause  où j'entends vibrer l’air, et peut-être un ange qui me frôle, qui me dit « Reste ce que tu es et tu resteras »

Dans mon laboratoire tu as ravagé mes artères, mes veines, qu'as-tu commis qui fasse mal courir mon sang dans mes tuyauteries, cette marée qui n'a aucun effet sur la lune, mais sur mes propensions à des moments de douceur ou de folie. Dès tes départs par le matin, lorsque avons mal dormi, il me reste un  vaste crépuscule, cette terre que tu cherches à arroser, mais les puits sont vides, les seaux sont rayés, rouillés, la corde s'est éméchée. Que dire à propos de nos litanies, de nos liturgies, sinon qu'elle nous ressemblent, qu’elles ont du  sang de nous et qu’on caustique pas, mais la sale musique d’être revient toujours avec son vocabulaire qui sied  autant à l'un qu'à l'autre, mais pas en première nécessité. Dieu merci, tu vas souvent à mes devantures, et je sais tenir mes promesses, nul plus que  moi n'a besoin de m'équiper de toi, autant en  cintres et en candélabres, sans aucune serrure dans le trou, ou de grilles à forcer, sans allumer les mèches des bougies qui embraseraient une église entière. Dieu qui me voit, qui m’ignore, me parle dans une langue ancienne, qui même si elle  me parvient fait que je ne vaux plus que dans une attente, une attache, d’ailleurs je ne trempe plus mes doigts dans le bénitier pour me racheter de mes infortunes, de mon ignorance.

Je fais le poids de tes nuits autour desquelles je rôde en sacristain corrompu, des distances et des madrigaux en tête, de la geste, tu sais ces vieilles rengaine qui  éclataient sur les planches dans une langue d’échafaud, celles qu'on disait en parole qui étaient comme des foulées, comme des caresses, comme des gants de boxeur sonné et sans accord, je coopère à tes pénombres, je laisse pourtant tous les dragons t’approcher, tu sembles une, environnée d'un drap sans épaisseur, mais ta vigilance est une flopée d'images et de rêves dans lesquels ta peau d'albâtre guide mes mains jusqu'à ta poitrine, je retiens de moi tout ce qui est posthume, par la lucarne je vois des étoiles, je vois la lune  avec ses basses paupières pour approuver mes façons de renégat,rien n'y fait, je me retiens en caresse, je retourne sur le canapé ou le poids de ma nuit  correspond à mon propre outrage ; au matin tu ignores tout de l'étendue de ma veille, l'eau, le pain et le beurre sont sur la table, le café et le thé nous attendent et mes paumes crevassées sont toujours celles un escrimeur qui ne veut pas aller à des duels…

D'Henri Michaux qui usa du peyotl, de la cocaïne, de l'héroïne, de l'opium, j'ai retenu cette phrase « J'ai traversé un enfer en rampant ». Je prends ces mots pour moi, pour  miens simplement pour dire que je me reconnais dans cette façon de donner un poids à mon existence, un poids et des prises, du poison quoi, que pour l'essentiel, mes jours ne sont qu'une nécessité, autre chose aurait pu être généré par l'homme tel que je suis, j'ignore quoi réellement mais je sais que ce n'est pas une solution que de vivre ainsi. Je n'attends rien aujourd'hui que me mettrait dans les dispositions de quelqu'un qui a toute la chance d’aller dans de grandes occasions, la réelle probabilité d'être, de devenir, avec toutes mes anomalies, ne serait qu'une volonté de me résigner dès le premier plan, pour que mes incertitudes m’atteignent de plein fouet, pour qu'elles soient comme ces pierres qu'on jette d'un pont et qui vont rouler jusqu'à l'océan sans que personne ne les pousse. Jamais plus je ne posséderai que du primaire, c'est-à-dire une certaine primauté sur mes culpabilités, sur les choses monstrueuses, ma cinquantaine qui ne vaut que par mes petites satisfactions, par mes intuitions, par une toute petite connaissance du monde, ne prend pas la forme de te suprématie, je veux oublier que je ne suis qu'un atome, une somme  d'étourderies, de poussières, rien de plus…

J'apprends à considérer la vie comme un enfer équivalent tous les enfers, non que je doute que j'ai une mission, que je me suis fixé un but, mais tous mes déserts, romances sans parole me conduisent à rendre le rythme de mes jours plus rapide, plus vulgaire, plus insécurisant. Le temps monarque  réconfortant ne me ressemble pas, pas plus qu'il ne  m'environne de ses bras, je  vais vers plus de versatilité, avec des propensions à m'inventer des tristesses que je décline aussitôt en apesanteur d’être, pour me retenir de devenir. Je sais pourtant que tous mes échecs ne m'ont pas égaré dans des réparations et que si je me réveillais avec plus d'objectivité certains matins, me suggérant d’aller de l'avant, je me rendrais bien compte que je ne je cherchais qu'une consolation dans l'écriture et la peinture, les mots redistribués,que ceux que je trouvais dans mon esprit fourvoyé par le peu de profondeur et de vision que j'ai du monde et qui n’est que la somme d’une redistribution de déficits ; j'ai crainte que  toutes les nuances qui vont aux couples ne m’aillent pas, quelque chose est à mes trousses et me réprimande, je ne veux plus patauger dans les mots dits pour moi seul, reste ma seule probité qui en fait est une mécanique de plus. Je ne parlerai pas de toutes mes transfigurations qui me paraissent une forme particulière de mon dédoublement, j'oublie que le jour suivant sera cadré mon visage par une nouvelle femme qui ne me rendra pas plus de crédibilité.

Là où s’échauffent nos nerfs et nos courbures, il y a quelque noirceur que toi et moi nous ignorons, parce que nous avons clos nos yeux pleins de déficience. L'amour n'y peut rien, l'amour promet puis contrefait aussitôt tout ce qui ne va pas à sa propre obsession. Hommage donc à nous toutes petites vertus quotidiennes, pleines de perspective et d'astrologie, nous avons beau croire, vouloir croire que notre nature est dans la chaleur, ceci est inconsistance, ce que nous proposons de bien à l'autre, à nos chairs n’est que l'héritage de vieux printemps et de vieux automnes, un point c’est tout. Il y aura  toujours des mots et des gestes dont la sentence sera à la mauvaise place, nous n'y pouvons rien, cela tient de la science, de la physique et de la chimie mêlés. Nous avons pour vouloir nous grandir un peu repos qui laisse  nos âmes un peu partout,  pourtant tout s'éteint, tout s'étiole comme pour mieux se figer dans une nouvelle attente. Tu sais autant que moi que toutes ces dissolutions  sont des éléments que tu ne peux plus éteindre.

J'oublie bien vite tant de mes actes, comme  s'il y avait une immédiate prescription qui s'imposait et que quelqu'un de plus haut que moi élargirait jusqu'à mon cerveau. Chacun de mes atomes est alors frappé par une sécurité ou un silence, ce sont des préceptes et des principes qui valent par leur nécessité à être énoncés. Ai-je honte de mes fièvres, de mes méfaits de ma pauvreté, de mes évaporations, de mes circonvolutions, moments de lucidité, non, et si je me décompose si souvent, à tant de moments, c'est bel et bien une volonté de ma part de vouloir me perdre, puis de me retrouver dans la conformité et dans l'idée que j'ai de mon être, c'est à dire quelqu'un de fort et de frêle en ses discontinuités.  Quand la nostalgie se repousse jusqu'à mon âme, la matière dont je suis pourvu cherche à durer, j'aimerais aussi que la voix me de mes chers défunts , de moi-même me parvienne, même si elle apparaît  indélicate, indécise, douloureuse, arrive  en moi avec le frémissement des vaincus ,les bruissements de quelqu'un qui aimerait s'étendre en moi, sans me blesser, sans s’y défausser , que tout cela me prédispose à la fermeture de mes yeux,de mes ouïes, de mon corps tout entier, cela tu le savais, cela tu le sais, cela tu  le sauras encore…

Si tu devais par les sentes que la rocaille envahit venir me rejoindre les pieds nus et en sang avec tes encens et tes poudres, porterais-tu sur les épaules ce qu'il me faut de force pour vivre et qui n'a pas de poids,  sinon le poids du monde, transversal, horizontal, tout en ombres fantastiques, comme des guerriers démultipliés qui sans pactiser avec leurs propres sens et saints,partent à la guerre chuchotant des mots à ton sujet et que tu ne comprendrais pas de peur que leur terrible frayeur de traverser le guet ne fassent de toi un portefaix attitré qui devra aller dans les ronces. Avec tes confidences comme d'extrêmes fruits qui ne sont ni goûtés ni gâtés, avec ton ardeur quand tu as décidé d'aller à la ricoche, tu me tends ton corps tout entier et tu t'enflammes à mes mensonges,  à mon visage rougissant qui cherche tes ors et ta chair. Avec tes questions escarpées comme la raideur des pics qu'il te faudra peut-être gravir, tu veux m’éprouver, mais ce ne sont que des énigmes,  ce ne sont que des mots, rien qu’une démonstration…

Moi qui ne suis qu'un éclabousseur, un écrabouilleur d’ heures qui méprise le babillage de la pierre, les stances des sous sols, la solennité de l'eau quand elle charrie jusqu'à la mer les travaux des hommes brouillés d'innocence et de pureté,j’ atteste que la glaise de ton âme ne sied pas à mes pédoncules, que de la chaux et du plâtre vont à tes attitudes qui ne sont pas muettes, et à tant vouloir me donner de leçons sur tes contorsions, tes courbures, tes nervures,tes sûretés en forme d’ulcération,pour me trouer l’existence, j'atteste que tout ce qui vient de moi te reste encore à écrire, à malaxer ; mes idées, mes grondements, mes infortunes, tout mon corps qui ne se perdra plus dans le tien, qui n'a été que l'instrument d'un adieu, s’est instruit de chaque chose méprisable en toi,de chaque devoir, de chaque atome, j'atteste aussi que c'est un bénéfice que de n'avoir pas de mariage entre tes mains, et ma matière folle que j'ai toujours négligée, ces ténèbres dont je me suis enduit ne  m’ont pas épuisé, mais  fait de moi un concurrent qui n'en finira pas d'exister, je le dis ici avec mes brouillons qui flamboient, avec mes ovales, mes parties polies, celles qui sont sans aspérité, que je n'ai plus rien à perdre ni à gagner de toi, je ne me plains d'être celui que je suis, sans mention, pas davantage mentionné ,mais toujours insoumis et insomniaque,voilà ma revendication.

Vaincu, perdu, baignant dans des aurores et des crépuscules sans matité, que résonne-t-il encore en moi si ce n'est l'accent élevé d'une vénéneuse enfant jouant de mes enseignements, injure infecte du premier de mes désespoir ? Me voilà chien couchant, abattu, humilié, dans une épidémie de sens où me viennent toutes les rages et les prévisions d'un faux grandir et de grossière indécence. Me porter dans les bras d'une autre ne m’adoucira en rien, elle n’est plus utile qu’à mon veuvage, ne me fera que plus enclin à la haïr,  à détester sa froide beauté et ses égarements, ses façons de mollesse et de noblesse mêlées. Je veux dormir nimbé du plus vulgaire des devenirs et que jusqu'à mon désir d'elle meurt dans des extravagances d’idées.

Maintenant que vous m’êtes contraire, et que toute votre adversité se manifeste dans la plus haute des  disgrâces, vous pouvez vous presser, vous instruire de vos contusions, de vos propres confusions, petite écervelée, ramassée, imprécise, dépendante d’un  sexe trop étroit. Foin de vos définitions, de nos belles occasions, de tout ce qui était salubre et sans soupçon et nous portait vers les belles protections, que dans votre légitimité vous pourrissiez d'une jeunesse qui s'en va, de tant de mensonges si bien dits, de votre mauvais être, oui ,vous qui geigniez peu,qui  pleuriez moins que moi, Dieu  fasse que cela soit ainsi désormais, que dans vos jours aucune main ne se tende, qu'aucun service ne vous vienne, que tout vous porte atteinte, que vous vous activiez dans de grandes solitudes, que vous ne trouviez quiconque pour  vous donner la main, et que de ma rancœur et de mon écœurement vous viennent la même maladie que la mienne.

Je me suis abîmé  dans l'exécrable habileté des mots, de que ceux que maîtrisent les talentueux donneurs de leçons dont l'ordonnance est une santé forcée, une béatitude qui pèse autant que la religion et les despotismes. Je ne veux pas de cet honneur, je ne veux pas de cette grandeur, ce n'est que l’ excrément d’une notabilité obligée, non je ne veux pas, je préfère être malheureux dans ce caractère détestable qui me dévore pour  me glorifier moi-même ,de mes aises, de mes soûleries, de mes forfanteries, dans cette spécificité qui fait que pourtant je ne veux accorder aucune concession à quiconque, en tout cas pas  à celles qui m’expriment de faux bienfaits, qui amplifient mon vocabulaire pour des filles dormant sur mon canapé et qui ne m'attendent pas, je veux que chacune de mes certitudes soit chassée par une autre, mais toujours rester dans le doute, toujours m'acoquiner avec cette même qui m’aime, me fuit, toujours spéculer sur les accords que j'aurais avec une femme dont  les appels ne sont pas dans le luxe, mais dans l'omission de péchés.

Aux ordres d’un jour nouveau centré de vivre, où la levée de mes peines  s’effectue comme une armée  sortie de sa torpeur, elle apparaît encore, elle est debout dans les ornières, elle s’est chargée de l'identité de cette autre qui dormait assoupie dans son enfance .Vous qui vous nourrîtes aux métaphysique de la crécelle et du tambourin ; vos yeux pèsent une année de colère et de terribles devenirs avec des déguisements entretenus, par tous les partis pris de votre  corps, ces voltes-faces auxquels je n'étais pas mêlé. J’y vois encore cette assoiffée de moi, j'y vois encore celle qui n’a pas changé ma terreur de respirer en simple retardement, je reste malgré tout immense de peurs, un ami inélégant qui ne cherche pas de remède.

Quand les fauves appesantis  ne s’écrasent plus dans la savane, il est un grand désarroi dans leur monde, parmi ces bêtes, celles qui de nature sont les plus décentes, les plus délicates, peu de sérénité apparaît alors, et leurs déséquilibres font croire à la vacance d'une civilisation originelle, celle de charognards sous-alimentés, de ceux qui ont la faculté de montrer les crocs et se durcissent, se terrant malgré tout. Qui aura donc atteint la faculté de se retrouver une santé pour toucher,  triompher de l’animal qui se tait et qui dort les yeux couverts de gloire sous un arbre effeuillé, nu comme du marbre, dans les herbes où tant d'autres ont besogné, les chacals, les hyènes, les léopards, entre les fourches et les racines qui mangent la terre ?

Dans le jour qui point je m’éveille avec la lucidité de quelqu'un qui rie de ses effacements, je me dis que le monde peut avoir toutes les répliques outrancières qu'il veut, je n'en ai cure, parce que je suis capable d'aller d'errements en divagations, de surplomb en cul de basse fosse, avec ou sans charge, mais dans la disconvenue, la discordance d'une femme qui n'a pas  de contentieux avec son siècle. Même si ma nature est dans la maladresse, parfois la gaucherie, voire la fatuité,  les déséquilibres, je me sens moins infaillible, moins exécrable que ceux qui ont la faculté d'espérer une santé où ils triompheront de tout, même d’eux mêmes, d’un fonds originel. Je ne veux plus m’abîmer dans les affections, les injections, les déjections, les défections, je veux que ma fonction première soit d’aimer, d’aimer encore et c'est cet encore qui constitue un être tout entier et tout en parallèle de toi.

La fin première de mon esprit est de m'accorder au tien. C'est parce que j'ai  regardé l'existence comme un forçat que j'y suis entré en adulte dégénéré, vomitif, cramponné à l'idée qu'il était d'un incurable de la  tristesse, du désarroi ; or voici que mon temps s'épaissit, qu'il est un sujet noir, une matière que je pétris, que je broie comme lorsqu'en permission je brisais des verres dans mes ivrogneries, barré pour m’enivrer jusqu'aux étranglements, que mon supérieur payait l'addition sans que quelqu'un ne le lui rappelle . Aujourd'hui je me dois d'être éveillé, de moins de moins en sursis, être debout, vertical, me préserver de ce courbe individu qui traîne encore en moi, je me constitue malgré tout comme une construction agissante et tangible, animé comme un gosse qui plein de fatigues et de fièvres se prolonge malgré tout dans ses étonnements.

Puisqu'il faut que la parole soit de l'ordre du sentiment, que le sentiment soit ardent, que l'ardeur soit démesurée, je veux bien que l'on me discrédite, parce que pour moi le mot est un système qui engendre son propre enfer, ses propres ténèbres,  s'il faut parler pour donner de la beauté à la vie, à une femme, un tableau, une forêt, des boiseries, je veux bien m'y résoudre, mais garder en conscience que cela peut aller jusqu'aux étouffements, jusqu'aux aveuglements, jusqu'à des profondeurs, des abysses où personne ne s'est prononcé, où personne ne s'est prémuni contre les maladies que provoque la lecture d'un glossaire,la lecture d'une construction en chaîne,d’un missel,d' un livre quoi,et qui est  d’un temps qu'on aimerait brûler tant il sert à notre humilité, ou à notre petite expérience qui fait que l'on retombe toujours au même endroit, c'est-à-dire dans son propre corps.

Écrire est un emploi, un emploi à terme, c'est entrer dans cette vérité que le corps émet à chaque fois que le mot n'est pas destiné à tous, qu’il s'économise,s’ accommode d’un rien, d’un tout malséant, ne doit rien à nos parts d’ombre, écrire c’est s'acoquiner avec l'évolution. Dans tous ces extérieurs et dans ces intérieurs où la parole est pathologique, où l'homme explique et s'explique, qu'il est le signataire d’une distance, d'une note, qui ne sont pas les siennes, j'entre en déraison, je me tais et me terre, vivre devient mon indécence et j'en suis l'unique dépositaire. J'ai suffisamment de soliloques pour montrer combien ma pauvreté  est dans le registre de la glu,du mutisme en fait, mais cela n'est pas un subterfuge, une supercherie, et bien que j'ai peur de  ces instants où j'entre furtivement dans la posologie des mots, entre la mort qui s'en dégage,et la vie tout autant, je sais que cela n'a rien de définitif, je suis donc constamment en droit de demander ma propre extraction, pour comprendre comment m'adresser aux hommes, en fait pour me déclarer à moi-même ou tout simplement aller dans l'impunité du verbe.

Avec sa voix basse, grande veilleuse d'anciennes saisons, elle porte gravement la fausse assurance de ces femmes qui répondent à leur infinie tristesse en y plongeant chaque jour davantage, elle se répète chaque aurore en mieux pour des hommes inventifs et sans attention aucune, j’en déduis que ses antiques prières qu'elle ne peut expliquer sont teintées d’étés impropres et vont à ce que l'on peut corriger tout en étant sur ses gardes. Je ne veux pas entrer dans cette même déception, je veux lui répondre, et me répandre en elle, l'écouter, me laisser emporter par ses mots et ses guérisons, même si sa langueur est d’une froide tyrannie, je veux lui  montrer combien j’ordonne mes afflictions et mes affections dans ce qu'elle jugera digne d'obtenir de moi. Mais que me permettra-t-elle d'occulter de ma vie, cette façon d'être désorienté dans le désarroi, la lourdeur quand j'avance mon pas vers les sens sur lesquels elle s’est obviée,  ou tout simplement mes applications à l'aimer, certainement mal, mais malgré tout l’aimer ?

Ce sont quatre ans de ton existence, ou comment tu en est arrivé à ne plus vouloir te commettre dans mes commentaires que tu me dois. Être demande toujours du recours, du secours, si tu enquêtes sur toutes mes anciennes extrémités, saches que moi je suis dépositaire de tes relents d’infatuation, situés  entre le produit de tes impassibles insatisfactions, et de tes insignifiances,  s'il en a résulté de l’impossibilité à me parler, à me connaître, je n'y suis pour pas grand-chose, et te demande non des statistiques, mais d'advenir, c'est-à-dire de t'adresser à moi sans restriction. L'âge est un cep tordu, il se distend avec le temps,  aujourd'hui j'aimerais que ce temps soit aussi le tien, je n'en suis pas arrivé là pour de nouvelles douleurs, je n'en suis pas arrivé là pour te dire que bien sûr je veillerai encore sur toi, que je serai encore coi, silencieux, blotti dans tes maigres parages, j'en suis arrivé là pour t’entendre, te voir, t'écouter, pour que mon cœur se contracte à ta rencontre et que tu le saches.

Comme tout en moi est en suspension je ne me prémunis pas de ce qui pourrait m'arriver de grave, un départ, une retraite, un abandon, et j’ai conscience que parfois mon mutisme et mon aphasie sont d'une froide obscénité que personne ne comprend, étant trop à distance de chacun, et que chacun cherche dans cette pathologie la forme d'une extravagance, d'outrance, d'une exclamation calculée. Je me dis que tant de choses sont étroites, creuses, sans saveur, inertes, qu'elles ne valent pas la peine qu'on les répertorie, qu’on s’y attache. Je veux d'une parole novatrice, d’une parole détonante, subtile, qui me servirait  à vivre et à survivre, qui me servirait à me dégager de toutes ces impressions qui ne sont que des  rajouts d’existence, des stérilités, des bavardages infinis ,sans consistance qui  ne m'ouvrent pas à ton dessein et qui me mettent sur la trace de tes faux inventaires.

Je ne fais plus dans la performance, cette percée dans le mot, mais carrière dans un silence de mauvais aloi. Je redoute que cela te déplaise, mais il y a des durée où j'agis ainsi pour mon propre sauvetage, rien n'y fait, ni ton unicité, ni tes caresses, moins encore ce que tu me donnes, ni ton présent que je conçois comme la forme exagérée d'un moment où tu renâcles à ce que ne t'a pas fourni l'existence, ni de toi qui te méfais sans cesse à mes façons d’aumône. J’ai toujours été dans des épreuves où je me suis  borné pour ne pas m'affecter de cette parole qui tient autant de l'épître que de l’épitaphe. Périlleux est le mot, périlleux le verbe, il faut les désigner sans les compromette, il faut les distinguer, les ajuster, les polir, ce sont des outils précis et précieux, il faut les nommer sans qu'ils soient dépourvus de leur gangue originelle, c'est-à-dire unir deux êtres qui consentent à s'écouter et à se comprendre.

Quant au dernier degré d'être, nous pensons à la mort, la mort n'est pas la mesure de toutes nos explications, de toutes les formes de nos expositions. Toutes les douleurs tangibles réapparaissent, survivant en nous et nous les comprenons soudain, nous comprenons pourquoi nous allons  effriter ses extrémités, et pourquoi nous ne sommes jamais conscients de ce vide que nous  avons bâti autour de nous pour respirer seuls comme de sombres idiots. Voilà  à présent que je voudrais être impétueux, tonitruant, dans une efficience d'orgueil et de vanité, mais je passe inaperçu, suis inavoué, restant dans l'expérience de mes silences laiteux, dans la perfection sans aspérité de me taire. Alors pourquoi mes propos s'étendraient-il au-delà de ma morne sphère, de mon morne ennui ? Ma prière attendrait elle d'aller aux voûtes célestes sans passer par toi, afin que cette ardeur soudaine me mette dans ma réserve, comme si maladroitement  je devinais que nous n’étions nous étions que deux êtres secondaires.

La gangrène de montrer me réduit, me raidit aussi, toutes mes surfaces ont de hautes températures que seule une matière salubre pourrait faire retomber. Dans ce choix d'exister nous avons tous opté pour deux façons d’être, celle de croire, et celle de ne pas croire, se poser sur le chemin des abandons ou celui qui mène à la conscience d'être ce que nous sommes, c'est-à-dire un semblables, sots, ignorants, aimant la pâture, la musique, les filles, les hommes, la joie et toutes les constructions caduques qui sont sans nuance et qui s'épuisent dans  tous les sous multiples. Je suis rentré dans cette vulgarité qui avait quelque chose d'athlétique puisqu'elle me donnait l'air d'un désespéré qui dans l'immédiateté de ses forfaits se détachait en riant sous cape, mon corps est devenu froid, il aurait fallu le rendre petit, plus petit, j'aurais eu moins de fièvre, et plus d'espace où le planquer.

Tu as marché pieds nus dans les champs comme un vieux paysan qui ramenait ses vaches à l’étable, pris le parti des essences, des herbes hautes, tu as traversé dans la joie tout un pays d'offrandes de paix, mangé aux terrasses inondées de soleil, a été à droite, belle, très belle, écrit des lettres à des parents proches et lointains, à tes amis, à ceux que tu aimais, tu étais debout, assise, couchée, flamboyante parfois. Tout ne fut que provisoire, peu après tu plongeais dans un torrent de terreurs et de silences, tu t’es tenue loin de tout et de tous, tu as été attaquée improprement de toutes parts, et tu n'as pas su qui étaient, et d’où venaient des ennemis, il t'aurait fallu deux,trois, quatre vies depuis tes  vingt ans pour additionner tous ces objets regardés et gardés ; c’est en travaillant à te transformer dans les parages d'un lieu à deux anneaux,que tu as compris la distance, d'un pont à un autre toujours un peu plus loin, ta patience n’a débouché que sur des saisons mortes, que sur des versants, des ballasts, comme après des batailles que tu savais perdues d'avance.

Dans tes voyages sur les hauteurs, quand tu voyais le monde épais avec ses velours et ses voluptés, ses fastes, ses nuits étoilées, tu pensais que rien ne s'agiterait  davantage autour de toi, que rien ne coopérerait sur terre ou dans les airs avec les tiens, que tes nuits ne se seraient jamais  les leurs, que tout serait lumineux pour toi seule. Personne ne t'avait encore parlé de tes semblables, de ces énergumènes désobligés  de la littérature, de ces quidams altérés de vérité, de ces affairés  de l'histoire, de ces agités de l'héroïsme, de l'hédonisme, qui ont sur les lèvres violettes  tout ce qui sert à révéler des sornettes   pour mieux  nous mentir. J'ai compris très tôt que m'entortiller auprès des miens ne remplirait pas mon existence, que je n'accomplirai rien qui vaille la peine qu'on le regarde, si je ramenais tout à ma sphère familiale et amicale, ma solitude serait devenue une arithmétique sans chiffre, sans nombre, une arithmétique de mots malsains, maldits, impropres, et si je compte ces ultimes moments où j'ai côtoyé l'homme, j'ai le sentiment d'avoir parcouru un désert et en suis revenu plein de prurits et de démangeaisons.

Ce faisant, comme une enfant sortie du sommeil dans la blancheur d'un matin peu ordinaire, où rien n’est pesant, rien n’est pénible, elle laisse venir à elle les confessions de ma nuit, nul talent ne  m’est venu, pas même celui où dans mes pathétiques souvenirs j’ai été forcé à des labeurs ahurissants, sur la trace d’un oncle secoué et tatoué de toutes parts, et qui me parlait de ses nobles blasons, de ses belles armoiries. Elle, elle a des moments où elle est martelée par le claironnement des hommes qui viennent au clair de lune lui dire qu'elle ira dans de pâteux extérieurs avec de sales venelles, qu’elle sera toujours un pilier accentué pour de belles  constructions, quant à moi je ne veux pas changer mon regard sur sa nature, il faut bien que je l'admette, je m'y suis adjoins comme on s'adjoint à ses rêves une vie de vierge à  l'esprit cynique. Afin que mes mascarades la fassent sortir de sa demeure, de ses souverainetés, je me prête à grossiers onanismes, puis je la vois avec des guipures, des talons hauts,  des échancrures, je suis alors d'une  pornographie desservie par un verbe bien plus outrancier.

Ma raison me ramène toujours à moi, je suis un parvenu qui se force à entrer là ou des paquets d'humains font figure de mobilier, d'objets encombrants, c'est cela aussi se faire violence, mais le cœur n'y est pas, il reste dans la brutalité des choses inaccomplies, des parjures régulés, des injures mal définies, de celles que je n'aurais pas proférées dans du bon être, des coups que je n'ai pas su donner. Ce sont les larmes, toutes tes larmes qui ont amorti ma force, j'ai porté mon cœur dans trop de distance, quand il aurait été bon de trouver le sommeil auprès  d’une femme curée par mes propres feintises, en tous mes terrains, en tous mes terroirs, qui ne m'aurait pas tourné les talons pour un mot mal défini, mal négocié. Voilà encore qu’en mon intérieur tout est faillible, tout est décevant, quelque chose comme de l'eau qui clapote tels des viscères dignes de ce nom. Que je songe à me vêtir  de haillons pour aller dans les attaques est de la légèreté de ceux qui ont toutes leurs pensées en excursion, et qui de  leur balcon jettent du son aux avoinés du destin.

Je reviens toujours à mon passé comme un enfant malade qui restait le visage flanqué contre la vitre et regardait des heures durant la portée de la pluie contenue qui  traversait le ciel pour se faire valoir d'un certain nombre de droits sur la terre, les hommes, la nature. J'avais besoin de drames et de gerçures pour tout dramatiser, tant j'aurais voulu être dans la besogne de ces des questions sur l'ignorance de mon pire, sur la décomposition, la folie de mes parents, l'imbécillité de mes frères, l'anxiété de mes voisins, quand au dernier étage  de créer j’allais dans leurs dégringolades, je regagnais ainsi mon travail d être parmi les hommes auxquels je pensais comme à une mésaventure virtuelle et qui ne me tenait pas de l'avant. J'ai toujours conçu que là-bas,loin, la vieillesse serait douloureuse, inquiétante, pleine de la survivance d’un masochiste écervelé, j'ai beau eu fouiller au fond dans ce moi, juvénile et profond, je n'y ai vu qu'un maladroit avec trop plein de bleus, trop plein de jeûnes, de veuvages, d'étourderies à son compte, et comme il me fallut être vertical, horizontal, vertical à nouveau, je me couchais parmi les mauvaises adresses, je m'y avachissais, j'étais indécis ordurier, je n'allais pas aux ordonnances, ma tête contre la poitrine de cette autre me montre que j'ai été à la plus haute des impostures.

Dans les ergastules bien situées de mon âme, mes prières sont élevées dans l'esthétique d'un désespéré qui voudrait se jeter dans un fleuve en faisant abstraction de l'étiage. Parfois épuisé comme cet homme qui a traversé l’enfer en rampant, je me prosterne  pour me faire croire que Dieu existe, planqué dans les amendements ,les fumisteries ou les latrines de l’existence, et qu'il pourrait moins dégoûtant que moi, quand je suis projeté dans l'irrévocable mot, se prononcer en des senteurs ou des relents de fleurs inanimées, je pourrais alors lui adjoindre ce ressentiment que toutes les filles m'ont donné parce qu'elles ont été fatiguées de  dire un accord qui aurait valu par l'immensité de ses imperfections . Je suis dans une nostalgie maladive, je sais qu'aujourd'hui mon train est  un pas de plus vers mes extrémités, bien plus mesurées certes, mais déplaisantes, avec moins d’espoir, moins d'appointements, moins de contagions, il m'arrive de me demander à quoi me servirait à présent toutes mes anciennes impétuosités, puisque dans mes anémies ou boulimies  je reste un charlatan irisé par l'existence et qui voudrait la traverser en adulte gâté.

Je sens que mon silence me réduit, qu'il me révèle mon monolithisme, que toutes mes carences sont des répliques à des maladifs de l'addition. Bien sûr que je suis en suspens dans des artifices, et que ma volonté est de rester lumineux, bien sûr que ma condition d'homme qui survit est un acte insoutenable, sulfaté, indivisible, parallèle, comme tous les rails qui mènent vers le trône où le crime. Je sais aussi que je serai petit, poussière jaune, jaune comme tous les verdicts, jaune comme toutes les vindictes, jaune comme tous les rires, gras et déplacés, jaune comme les battues forestières où l'on traque un animal bouffi et lourd et qui de soubresauts en soubresauts éclate sous les balles, râle, geint, vomit, et meurt. Je vais  malgré tout me consolider dans une positions d’esthète, dans mes impostures, mais quelqu'un d'autre viendra qui aura des postures appropriées et qui me renverront à des gestes d'assassin.

Nos temps seront bientôt dans la flottaison des bannières, des drapeaux, des étendards, des étoffes colorées. Le printemps avec ses rêves nous atteindra en plein cœur, de celui qui nous recouvrira d’un sommeil profond, lourd, immense, comme ces paroles qui nous rendent chevrotants et tremblants. Il y aura alors un jour où nos douleurs se renforceront, la stance  du mauvais hier se retirera au plus bas de nous, pas dans nos ventres, mais dans ces lointains où les membres sont glacés, pour un  renfort moins fort ; chacun de nous entendra  l'autre qui en est suspens dans sa vie, qui passera ou y restera. Pour tous les sursis, les eaux froides, les aurores gelées, les silences qui sont parfois des calamités, ce qui nous affaiblit me repose, me fait interstitiel, mes mots doux, seront de ceux qu’on entend et garde, peu importe ce qui m’auront trahi, qui  m’auront rendu courbatu, fatigué de la lettre, je sortirai alors hors de l'existence, étranger à moi même de toutes parts, bien sûr il y aura quelqu'un de plus haut que moi qui me redonnera le goût de tout reprendre à zéro ou de rester en lévitation dans un corps plus léger que le mien.

Tant de mes actes, tant de mes façons d'aide sont indélicats, comme s'il y avait une immédiate prescription qui m'imposait à être indéfinissable, comme si quelqu'un de plus que moi  haut élargissait jusqu'à mon cerveau, et que chacun de mes atomes était sommé de répondre à cette petite frappe, comme mu de se prononcer sur l'idée, sur une imbécillité, un silence, où seuls les principes datés et sur le retour valent par leur nécessité à être énoncés. Ai-je atteint à la belle fièvre de mes évaporations, à des moments de sincérité, de moments de lucidité,pour dire de mes conformités, non, et si je me décompose à certains moments, c'est bel et bien une volonté de ma part que de vouloir me perdre, de vouloir partir, de m'égarer dans un corps qui n'est pas le mien, puis de me retrouver alors dans l’accord, la confirmation de celui que je suis c'est-à-dire quelqu'un de neuf , de fréquentable, quand il est indicible, inexprimable, indéfendable, et pourtant fréquentable dans cette nostalgie du bout du temps et qui va jusqu'à l'âme, cette matière dont il se pourvoit chaque jour pour durer. J'aimerais aussi que cette voix qui est sienne me parvienne, même si elle paraît indélicate, indécise, douloureuse, il y a en elle le frémissement d'un vaincu, le lancinant bruissement de celui que j'ai été et qui aimerait s'étendre jusqu'à toi sans te blesser, sans  t’offenser, mais tout cela me prédispose à devenir un autre dans tes yeux et dans tes gestes, cela je n’en suis pas capable.

Je peux dire d'elle, elle est la paix, la joie, elle est le mouvement, elle est la rotation  d'un moins sévère que moi, elle  laisse transparaître toute la lumière bue qui vient d'un au dehors lointain, elle est  de réelle distraction, une tournette, une palpable mission, ses questions sont un rituel, ses réponses une réception de tous mes hémisphères, de mes extrémités, de mes pourléchages. Bien que je sois parfois indécent, indécis, inepte, con en certains lieux et en certains endroits, elle cherche d'abord à explorer ,exploiter tout ce qui n'a pas été affecté  et qui vient de moi. Impossible d'avoir les bonnes formules pour la garder, pour ne pas la perdre, la prendre dans mes raies,mes traits, mes peintures, elle est une habilité, une adresse extrême, elle est la vigilance et son contraire, elle n'est pas de celles qui se débinent quand la vérité est désinvolte, non, elle reste là, droite, aboutie, distinguée, c'est cela aussi que j'aime en elle, cette façon de garder tant d'initiative pour elle et pour nous, et en dire plus sur celle là  même qui ne se  prononce qu’à demi voix, à demi-mot ,moi serré, étreint dans  sa tête et contre sa poitrine m’est une façon de malvenu.

Quand les jours s'épaississent, moisissent, et que les appels sont lancés comme la prolongation d'une souteneuse qui va vers  les petits frères des pauvres, les réverbères grondent de lumière froide,  grondent par tout ce qui longe la nuit,les chemins de boue, les chemins de fer, la prolifération des mots, les songes monosyllabiques, les tambours qui pardonnent à la diane ses élévations de jour, tout n’est alors que le déroulement d'une matière embarrassée qui va de saluts en soubresauts et qui se distingue par l'idée que j'en donne d'elle. C'est là que le monde m'apparaît comme une fumisterie, comme la nature d'un incendie qu'on attise et que jamais on ne cherche à éteindre. J'ai pour foi cette intelligence annoncée et amoureuse qui me tire d'un sinistre  de propreté pour me conduire vers un autre brasier, vers une autre déraison, quelque chose de violent qui me pousse à la survie, parfois à l'excitation, dans mes affolements, mes incertitudes,  j’ai l’idée que c'est cela qui me maintient hors de la léthargie et me promet de tout considérer comme écrit sur le ton d'une mauvaise composition, de celle qui veut donner des leçons et que je ne retiendra pas, qui se referme sur ma bâtardise, de celle qui survit à l'horizontalité,qui polémique systématiquement ; je sais que mon doute n’est que le prisme d’une lumière qui vient à s'élever au jour pour le tenir à distance de ce que j'ai de malveillant, de malséant, donc de lucide, je mets mes yeux au ralenti dans l’éclat d'une femme qui cache sa blancheur dans des poudres odorantes et qui ne m'atteignent pas.

Reprendre à zéro le silence chargé de nous arrêter avec ses lampes prostituées, lui foutre sur la gueule l’ équiper d’un culte,des plus hautes des injures, l’encercler, le chiffonner, exagérer sa multitude, oui c'est ainsi que je vais m'y prendre. Trop d'infamie m'a occupé, et de trop près ailleurs, trop de maintenance, trop de patriarcat, trop d'avancées, trop de reculades, du moins c'est ce  que je ne génère en apparence, faudra-t-il que l’augmentant plus tard il en veuille à mon âme ; je veux lui donner une évidence, une position, le regard d'une femme peut-être, du tassement ou simplement une béatitude exagérée comme celle qui baigne tous les orants du chœur et de la nef. Voilà que je ne veux plus douter, et même si les cieux se recouvraient de toutes les pâleurs qu'ont les femmes qui pleurent, de toutes les espoirs qu'on a eus, moi j'attendrai ici avec le sentiment que vont se succéder des années de délices, de délices et d'orgies.

Il m'arrive de devoir mon esthétisme et mon ascétisme à ma misanthropie, ou à un trop plein d'amour que je ne sais pas,que je n'ai pas su donner, et qui est nommé avec la parole, c'est mon corps distinct tout ceci, qui voit ce qu'il faut voir, qui entend ce qu'il faut entendre ,qui me fatigue ,me perd, me borne dans la déraison, l'irresponsabilité, c'est lui aussi qui choisit tous mes passages, ceux qui se fondent dans moi et hors de moi. J'ai trop souvent fait le choix du branle, de m'orienter seul dans un quotidien putride, comme on fait un  réflexe, dans la douleur confortable, légère,  lorsqu'on reste à demeure pour réfléchir sans tapiner avec la mort. Mes ennuis, mes excès sont venus avec l'âge, petit à petit, sortis d'un mystère de la passion, de cette même terre, sortis de cet individu que je croyais définitif tant il était capable d’être immobile des heures durant, ou en apnée de longues minutes pendant son sommeil, dans des maladies et les malaises qui ressemblent à des apprentissages.Plus j'espère et plus je doute, j'abandonne la confesse pour voir tout l'univers blanchir, ignorant qu'il est un miracle de la science, qu'il est une méprise, une décharge, autant que ce stand de tir où vont les ennuyés de la gâchette qui font rougir les filles.

L'animal qui est entré en moi devient insalubre, bien sûr qu'il a mal tourné, bien sûr qu'il cherche à se tapir, bien sûr qu'il fait l'aveugle, bien sûr qu’il hibernera avec ses haillons.  Il est clair que l'arithmétique dans une chair n'est pas pour autant une marge où vont les zéro de nos apprentissages, me voilà en congé dans ma demeure, en noyé dans ma baignoire, en ascétique dans mes esclavages, je me livre à ma première lecture et j'y vois quelqu'un qui est prêt à se délivrer de tous les délices qu'il a connus naguère, de tous les bons mouvements, de ses ondulations qui le mènent invariablement à son domicile aux heures cardinales, pour une femme qui se penche sur lui  et qui  compose avec ses sentiments une histoire n'est pas faite de coups montés.

Sur les scènes dérisoires de l'existence est-il nécessaire de posséder, de détenir quoi que ce soit, j'ai dressé un inventaire pour la millième fois, je ne vois rien qui me commanderait de rester debout, si ce n'est l'amour et l'amitié ; toutes les stratégies de comprendre comment le sang monte à la tête,ceci n'est que d'un faux entretien, il m'arrive lorsque j’ai trop bu, trop abusé, quand je me suis trop arc-bouté sur les comptoirs en ne monnayant aucune idée de partage de croire que la vie est un compte,une somme due, il n’en est rien. Je vis au rythme de cette démonstration, cette part d'humanité justifie que j'ajoute chaque jour à ma foi d'exister un nouveau mécanisme qui me permettra de regarder l'homme comme  l'objet le plus lumineux qui ne cherche pas dans les provisions de la chair à se mettre en ébullition, à se damner pour une tête d'épingle, un nœud papillon, ou une mignonnette. J'apprends, j'apprends encore,  cela tient de la contrefaçon, mais j'apprends et beaucoup devient consistant.

Lorsque enfant je traversais les forêts profondes, les pins, ces grands curés qui prient debout cillaient de leurs épines, les chênes conçus comme des maisons de maître laissaient apparaître leur chair, froissements de plaisir, les fougères coulissaient entre elles, les herbes mêmes blanchissaient pour céder à de célestes attitudes. Combien j'étais serein,  combien j'ai aimé, j'ai testé cet esprit qui me pointait dans l'œil, qui me pointait à vous vouer aujourd’hui, à me dévouer davantage à vous. C'est cela que je fis dans un âge plus avancé, engoncé dans un corps neutre. J'ai prié pour être en des lieux où ma main rejoindrait une autre main, pour ne pas se retirer de ses propres couleurs, bien sur j’ai rosi, rougi, quand les filles, ces saintes se retournaient sur moi pour m'illustrer des mots dont j'ignorais le sens, bien sûr j'écoutais leurs fièvres,j’ai goûté à leurs lèvres, leur salive,à la confluence de leur plaisir, bien sûr je me suis averti et investi du monde, je retiens aujourd'hui que je n'ai  pas été assez curieux du ciel ,des orages,de la terre elle-même, de la mer, et de toutes celles qui aurait pu m'emporter vers un fleuve furieux.

Fugaces sont les instruments de l'amour, il faut les saisir avec droiture et adresse, les parle, les monnayer parcimonieusement, pas non plus les laisser fléchir, ou réfléchir maladroitement sur le sérac de notre âme ; il faut de la constance, du renoncement, un ordre nouveau, quelque chose d'initial venu de bien plus loin que nous-mêmes, précieux, imaginatif, sans précipitation. Si l'amour est un effondrement de chaque jour qui passe comme la vie réelle, à quoi servirait-il, si ce n'est d’être attribué à tous ceux qui ont des avis, de la bifurcation en somme, des envies inexplicables, certaines couleurs de feuilles d'anthracite et de chaux Tout ce qui sert  trop vite à l’amour n'a pas sa place dans mes jugements. J'ai jaugé l'existence comment on jauge les familles, les folies passagères, les psalmodies, les griefs,les beuveries, les nuits agitées, et n'ai rien retenu de mes extrémités que de la cécité, de la vanité, des manques ; je ne cherche pas l'aveu d'une femme, pas plus que je ne le lui donnerai, je n'irai pas à mes amis, à mes anomalies dans les matins furieux, je n'irai pas dans un corps que je manie bien mal comme ceinturé d'un arc ou comme lorsqu'on pose un revolver sur la tempe et dont le chien toujours levé  peut déclencher de l'irréparable.

Les réductions de mon esprit sont arborescentes, ses fonctions sont des frontons sur lesquels se retournent les passeurs, les poseurs et les voyeurs. Je trace je  avec mon sang sur tous les ponts que j'emprunte le signe d'un cerveau végétal ou rien de calme, de serein ne point. Dans ces domaines où j'ai voulu surélever mes idées, rien n’a germé, tout pendouillait, tout me râpait, comme lorsqu'on est emmené au gibet et qu'on tremble. Je suis une erreur matérielle comme le sont tous les hommes, une erreur imputrescible et inadmissible, que la nature a placé dans tous ses états, cette même nature d'ailleurs s'acoquine de toutes nos façons de malaisé, elle nous montre un monde tangible dont la conscience grouillante est pour tous quelque chose de lourd, de sourd, pour le théâtre de nos satisfactions, c'est par le moyen extrême d'entrer dans la grâce, dans l'alexandrin que je veux rester insensible à moi-même, et me conduire comme un animal retors qui sera abattu, qui se couchera sur le flanc parce qu'il s'évertue à  avancer malgré les fusils qui le chargent, qui le visent et qui n'a pas pu,n’a pas voulu se débiner .

M'étant imaginé que je pouvais aller vers une femme avec des mots fomentés comme des exagérations, comme quelque chose de magistral, j’ai su très vite que je faisais fausse route, et que mes productions mentales, puis écrites, n'étaient vouées qu'à de l'érosion. Si je refuse tout, c’est une réponse de mon âme, tout est question d'être, et toutes les réponses sans substance me mènent à la perte, j'écoute aussi de moi cette parole qui n'a pas su trouver sa place dans de hautes considérations, dans des consolations, dans des vides effectifs et dont j’aurai la charge quelques années plus tard. Comment respirer alors, si ce n'est avec un goût insane à mes lèvres, si toutes les senteurs, toutes  les inhalations ne sont  constituées que de relents de  glaise et d'anthracite, de baroque et de baratin? Je sais par contre ce que ces prétentions ont laissé  dans mon sillage, une  avance d'apparat, du grain irrégulier. Celle qui me voit en odeur de sainteté est tout autant desséchée que moi, bref je cherche une paix moyenne, plus ou moins bien entretenue comme un pont de navire qui ne peut aller qu'à l'erre dans des eaux pas  plus profondes que celle d'une rivière et qui a l'opacité d'un miroir et d'une serpillière.

Si je venais à me retrancher dans mes primitives latitudes et attitudes, dans mon quaternaire, j'entrerai dans la confusion, les contusions extrêmes, où toutes les nuances de l'existence sont autour de la couleur jaune, ce jaune que l'esprit passe autant dans les tournesols, que dans les enfers, dans un Van Gogh, un désert, dans l'abstinence. La perdition de toutes ces qualifications s’est  faite dans la confusion la plus aléatoire, et la moins perceptible. Je n'attends pas de l'existence qu’elle me mettre au rebut, qu’elle me pourchasse avec frénésie, avec ses non-sens, d'ici là, je me serais reclassé, je me serais multiplié pour achopper à la foutrerie des hommes, a leurs couteaux, leurs couperets, à la foutaise des corrections, au châtiment, où chaque rage n’est qu’une idéologie. J'ai une logique désespérante, entre les gribouillis et la péroraison, ce que je cherche à apprécier, je le déprécie aussitôt avec mes avachissement, ma bâtardise, ce que je veux élever n'entre pas dans vos légitimes activités, le comble de ma misère c'est de me savoir vivant, survivant de métier, je pense à la mort comme à une mauvaise fille, comme un moyen de ne pas me faire entendre, mais  de me faire comprendre.

Je pense souvent au suicide non comme l’envie de ne plus exister mais simplement de n'avoir pas été. Je donne toute la mesure  à cette idée, je m'y suis consacré, tout mon présent a été un présent expiatoire, quelque chose entre l’oraison et le pamphlet, la prière et les dégueulis. J'ai prêté attention à tous les chemins qui ne m’ont pas détourné de la conscience et de l'intelligence, c'est-à-dire de cette piètre dualité qu'on chiffonne quand on est sur un prie-dieu, lorsqu’on est corrompu, ombrageux, blotti dans des draps de soie ou de lin. Je n'aurais pas voulu naître d'un réceptacle, mais d'une idée, à travers les fautes et les feux hautains de la grandiloquence, d'où je serai aussitôt ressorti pour me donner signe de vie qu’en de grandes occasions, telle la gêne, l'amour, la fidélité, le parjure, la prière et tout le baratin qui mène aux démangeaisons. Je n'ai pas su faire bon usage de bonnes occupations, ne me suis pas rétabli et établi dès ma naissance, et de cette naissance, j'en suis arrivé là où je suis, c'est-à-dire dans une peau d’homme, un peu parce qu'on a ouvert un passage et qu'on la refermé aussitôt pour être hors de ma portée.

Toutes les douleurs et quelque soit leur teneur me mettent dans la position d'un tireur couché qui abattrait jusqu'à la plus infime, la plus intime, et la plus infâme des bêtes si elle ne  se convulsait sous ses yeux. Ce que mes membres exigent à ce moment-là, c’est du mouvement, des mouvements secs nerveux, saccadés, comme lorsqu'on veut porter une corde à son cou pour qu'elle nous presse où nous étouffe bien avant l’heure que nous nous sommes fixés. Je fais aussi parfois allusion à des paralysies, paralysies suggérées, suggestives, je m'y mens avec adresse, avec la vérité qui va d'une lenteur pressentie à une autre vérité qui veut pas dire son nom. Comme tous mes appuis sont friables, mous, falsifiés, mes fauteuils raccommodés, ma maison sans richesse dans laquelle je vis en reclus, ma raison déraisonnable, je pèse de tout mon poids sur une terre molle qui se dérobe sous mes pieds et je glisse, tourbillonnant sur mon centre comment on vise une cible qu’un mitrailleur attendra. Me tirer dans les pattes équivaudrait presque à un salut, pourtant je reste là, évasif, écrasé, bateleur sans envol, sans environnement, au milieu des bêtes et des gens qui manquent  d'imagination, je pense à présent que j'aurais mieux fait de me dérouter à ce jour.

Lorsque je prononce  le mot « Cinquantaine » j'ai le sentiment que tous les faits de mon existence se sont établis dans la crainte et la confusion d’un enfant qu’on va  discréditer , disqualifier ,qu'on a mis sur la touche  pour qu'il puisse assurément se servir de son limon visqueux qui lui donne des crampes et lui noue les tripes, et que sa vie durant il va trimballer dans ses entrailles teintées de violet et dépréciées au plus profond de lui jusqu'à ce qu'il devienne quelqu'un qui s’ étrangle à force de ne pas vouloir le faire. À toujours vouloir être moyen, à tout toujours subir, faire dans l'impossibilité, dans les états de manque, je me suis étendu dans une cinquantaine où je m'éteins en maladif de la contemplation et qui se voue à des images muettes, j'y vois aussi tout un tertiaire terne, sans animaux fabuleux, et qui meurent faute d'avoir été nourris ou de s'abreuver aux endroits où il faut. J'ai ainsi vécu dans un monde dénivelé, tout en coursives,en goulets d’étranglements, tout en gouffres ; comme je repousse chaque jour la vie sordide devant moi, j'ai dû prendre la force de fuir comme un accidenté perpétuel qui a l'esprit abattu , qui fait dans les activités ridicules, qui s'est démoli, s’est reconstruit, puis s’est démoli à nouveau, tout cela dans la morne  consistance des jours où il est un homme assis, couché, debout, et qui pencherait assurément pour un 'entretien à domicile.

Les grandes douleurs sont dans la netteté, elles sont du domaine de l'image caverneuse, colorisée, unique, irisée, tranchée comme une détonation, comme un bruit de grenade et de foudre, de punition et de nauséeux parfums, elles ont un sens clair, primordial, notable, produisent des secousses, des tremblements, de la fièvre ; et du nombril au cerveau ce sont toutes les naissances et renaissances qui sont remises en cause. Je parle parfois de celui qui m'inspire, m’enclot, m'engloutit,  m'environne et m'étrangle, c'est une forme de néant calme, mesuré, un produit de mon imagination mais réel toutefois avec des frontières et des péages, et qui me conduit occasionnellement à soulever mon front pour tracer d'une seule main un cercle immense d'où j'exclurais tout ce monde que je considère comme un feu qui jamais ne s'éteindra. Dans tous les grouillements de mon esprit il y a pourtant cette femme dont le langage est comme un cadastre clair, elle est maligne, elle est  dans mes compulsions, mes impulsions, j'ai beau voir la vie en dehors de tout, comme un décor dans les murs sont étroits, frêles, je veux encore m’y éclairer fut ce en quelque réduit, quelque ergastule, avec quelques passagères bien orientées.

La langue est une chimère profusionnelle avec un larynx bifide, une gorge mal déployée, elle étrangle le monde, pousse l’échine au plus bas devant elle, et se rehausse quand la bouche aurait dû se prêter à la couture, à la suture. La langue s’étend, elle est fixée, violette, violine, virulente dans nos vies, c'est une magicienne, une veilleuse vacillante qui se démultiplient en tous lieux pour s'ombrager aussitôt de la terreur ou de la lèpre des esprits qu’on  a cru beaux. J'ai beau eu vouloir créer une langue qui m'aurait été propre, sans glorification, je n'ai  commis que des borborygmes, des onomatopées. Maintenant que je suis vertical dans mon quaternaire,  l'immensité du verbe  m’est devenue insignifiante, sotte, vaniteuse, vindicative, incohérente, ordurière, tout mon corps a son cours dans une froide jachère. J'erre entre les herbes charnues, les chardons, les fleurs malodorantes, l'ombre y a pris toute sa part de lumière et de couleur, comme la vie, alors qu’elle aurait dû fourmiller de toutes les matières qu'on éprouve noblement, avec tendresse, respect, avec ce qui nous reste d'enfance lorsque nous pouvions respirer à pleins poumons avec nos auréoles et nos alvéoles toutes en ramifications.

Saurais je un jour pourquoi j’ai été des années durant nauséeux, pris de vertige, orienté vers des terrains vagues pour y vomir mes insanités, poursuivi par une paire d’yeux qui me dardaient comme des flèches empoisonnées, et qui étaient de cette femme qui posait un linge sale sur mon front parce que je ne la voulais pas définitive, parce que je n'étais pas dans ses doublures, dans ses voilures. Serais-je pourquoi si échevelé, tordu, arrogant, cagneux, j'ai voulu peindre l'homme quand il s'est retranché dans ses préhistoires tout grouillant d’ anomalies et de lassitudes pour échouer dans un lit aux contours des géographies de son propre corps dont j'ignorais les manies et les avanies. Saurais-je pourquoi un chien bouffeurs de pierres, de galets, de glus, de flûtes à bec, s'en est pris à ma chair, alors que je lui régurgitais ce que j'avais dans l'estomac. Saurais-je pourquoi mon cœur avec ces évidences muettes et sa ligne de démarcation n'a pas été dans la lutte, dans la liturgie, dans la décence de celle qui était en moi, de celle qui venait avec ses bras ouverts dans mes identités, toujours du plus haut où elle participait à m'arracher à mon désespoir, à ma raison parfois. Je cherche dans la souveraineté, le règne d'une aimée cette lucidité couleur de sang  qui mêlera ma vie à la sienne et pour me faire une juste place dans sa vie.

C'est nu,dépouillé, expression vivante des valeurs terriennes que je veux avancer dans ces jours tristes, inféconds, gras, trop mal répétés, vers cet oratoire où je pourrais faire face contre l'herbe humide pour prier ou vomir. Je ne veux d'aucune lumière, d'aucune clarté, d'aucune phosphorescence, d’aucun feu, d’aucune joie lente et lourde ; j'exige une ombre drue, brute, épaisse, une couleur de ciel d'orage et de noir absolu, une forme de ténèbre en fait. J'entre en une saison où tout est  inutile,  sans valeur, je vais à tâtons dans l'existence comme l'homme le plus maladroit qui s'est déchiré les genoux sur des pies irrégulières et charclé les mains en voulant les saisir. Je n'ai plus de patience, tout m’est excessif, je vais dans l'expression des cercles les plus étroits et que j'ai tracés autour de moi, je ne veux retrouver qu'une toute petite paix, paix de pauvre,paix d’oisif qui tiendrait pas dans ma paume, et que je retoucherai avec des silex trouvés ailleurs, là où il y a de la place pour les fous, c'est-à-dire à la table où les convives sont ivres d'une seule et sale conversation et de mensonges délicats, qui mangent la tête haute sans l'éclairage du bonheur qui est à une trop grande distance.

Que reste-t-il de nos chers disparus, une montre mal calibrée, grouillante de ressorts, de la vaisselle qui a jauni faute d'autre repas, quelques vêtements sales, froissés comme des oiseaux morts d'avoir buté contre les vitraux opaques. Que reste-t il des sortes  de nous qui ont déserté le quotidien pour aller à cette hasardeuse mort dans la tiédeur des actes qui ne vont à personne, une fausse magie lorsqu'on titube sur le trottoir et qu’on dégobille entre deux bitures mondaines, un cadre l'on a été obscène, ascétique, obèse, puis à nouveau obscène, et parfois dangereusement spirituel. Je préfère user le restant de mes jours à passer, et à ne pas faire le moindre bruit, sans qu'aucune nouvelle ne me parvienne, ma passion et d'homme est une obsession sans particularisme, où j'aspire à un vide central, au dénivellement de mes sens qui m'obligeraient à juger le monde tel qu'il est, c'est-à-dire un vaste chiotte, une vespasienne qui exhalent  une odeur d'homme qui crève.

Voici l'héritage qu’on laissera aux corrompus de l’existence, à ceux qui n'auront pas de mémorial, pas de trouble, pas une tombe qu'un quidam fleurira, on leur laissera les ruptures, les abrupts rabaissements lorsqu’ils sont collés contre les murailles qu’il sont prêts à démolir aussitôt, des ponts qu’ils sont également prêts à desceller. Il ne m'appartient pas de m'ouvrir pour quiconque, pas plus que je ne veux céder à la proximité de mes organes, de mes orgasmes, je cherche une loyauté qui me mènera à la confrérie de l'amour, aux amitiés, à celles qui ont le vent en poupe. Je cherche également à ne pas rétrécir mes idées, celles qui vont de la bienséance à l'iconoclastie, je cherche l'universelle envie de tout perdre. Si je me liquéfie, c'est bien parce que j’ai le corps trop vide, le corps trop étroit, il est dans une immense pépie, et que pour le détendre j'ai besoin de joie,de quelqu'un qui se convertirait s'il croyait repousser Dieu hors de ses propres vanités, de ses propres mensonges.

C’est une  magicienne et une musicienne d’eau pour des  moments de pluie, elle est l'appel étincelant de la vie pour une arithmétique violente, sincère, douce, chaude. C'est aussi une vague, une onde qui se construit comme une symphonie de rizières. Partout où elle  passe une vierge apparaît très nettement pour hypothéquer mes petites époques, pleine de moi,de mon ego ; elle  vient à mes soirées où le feu  geint dans une cheminée élégamment élevée. J'ai indiscutablement l'air de quelqu'un qui sort de son sommeil et qui ne veut  adresser la parole à personne sinon à celle qui me rassure sur mes mots d'autrefois, sur ce que j'ai fait dans l'avancée, dans l'aveu, ceux d'un homme que la rancœur n'a pas poussé vers les faux ouvrages, vers ceux qu'on érige pour les écrouler aussitôt, oui c'est cela qu'elle doit comprendre afin que rien ne l'arrête dans le temps qu’elle choisira pour nous.

La porte est close, les enfants dorment dans le sérail où se sont alanguies des filles légèrement vêtues, je n’y reconnais pas celle qui panse ses blessures. Peut-être se cache t-elle sous quelques tentures mordorées, peut-être qu'éboulée de fatigue elle s’est réfugiée dans un lit établi pur elle seule, peut être n’est elle pas parvenu  à m'inonder de lumière, mettre des bougies et des cierges sur la table de chevet. J'exagère toujours toutes mes attentes, comme  si c'était un temps d'acquisition et d'exaspération, un temps d’un autre  temps que le nôtre, un temps sans tempérament, un temps de suspension et d'adieu mal négocié. La musique aussi est un temps, un lieu d'amplification et d'indignité, qui est fait de nos sentiments étroits, les moins appropriés, ceux qui ne sont pas faits pour prier  à l'endroit où nous devrions le faire. J'aimerais jaunir mes réflexions comme pour sévir  sur la bouche des morts, et qui ne se sont jamais penchés sur une femme pour lui murmurer quelques paix enfantines, pour lui susurrer quelques savoureuses proses ou tout simplement lui conjuguer le verbe aimer.

Les idoles sont détaillées comme ces insectes doués de temps qui ont des crises de transmission et ne se contrarient pas. Lorsqu'on les croise, les touche, ce sont de faibles volumes pris dans la masse des équarisseurs de toutes espèces qui se répètent dans une vie exagérée, malodorante, les idoles qu'elles soient d'airain, de fer, de bronze, d’ivoire, d'acier, ont une chair qui a mené de tristes et funestes combats, creusé des lits où personne n'a dormi, elles ont été trop complaisantes, ce sont les hommes qui les ont tondues, torturées, étourdies, détournées, quand il aurait fallu qu'elles entrent dans la colère ou la neurasthénie. Je ne suis jamais allé dans l'exercice de quelque idolâtrie, qui que je sois ce soit  je ne me conduirai jamais autrement que comme un passant sans tuteur, sans tumulte, et qui regarde le monde sans rien y comprendre, qui marche sans compter ses pas, qui écoute et n’entend pas, je veux rester cet acteur muet, un comparse à qui l'on soufflerait ce qu'il doit dire et sans faire aucun commentaire.

Je t'attends tout autant

Peut-être davantage

Je ne nomme que toi

Dans mes nouveaux parages

Toi  qui habituée

À n'avoir qu'une seule foi

Voudras-tu au futur

À nouveau formuler

Que l'homme que je suis

Tu n'en sauras le tour

Que s’il te donne à voir

De  son meilleur amour

Ainsi qu’en reposoir

Qu’il passe son avoir

Mais sans sa déraison

Sans oublier l'avoir

Qu’il doit à tes saisons

Voici donc quelques mots

Qui sur ton pare-brise

Sont comme des oiseaux

Soulevés par la brise

Et qui s'envoleront

Sitôt qu’en tes mains chaudes

Ils s'y rassembleront

Comme lorsqu'on fait un signe.

Mes mains qui seront les tiennes quand tu voudras les préciser, les saisir, les mettre sur ta poitrine, sur ton sexe, mes mains calleuses, exclusives, sont un certificat, celui d'être masculin et non un animal impudique imbu d’absolutisme et qui pour ne pas se plier aux injonctions morales et orales les met dans ses poches trouées avec l’idée de voler d'une seule traite ta vie que tu défends si bien parce qu'elle ne t'appartient pas en totalité, parce qu'elle n’apparaît pas sur tes mappemondes. Je ne prétends pas être un homme digne, un homme qui laisserait des traces rectilignes comme des chemins en forêt que les arbres ne bordent plus, comme celle des terribles incidents, comme lors de terribles incendies, je ne prétends même pas être certain de refonder  toutes tes données, les plus belles de mes attentions, de mes intentions, je prétends simplement que ce qui me permet aujourd'hui de vivre, je te le dois, je le dois à une femme qui m’éprouve et me contient tout entier.

Tu sais toutes mes nudité, ce qui m'empêche d'être dans une peau que tu voudrais différente peut-être, tu sais quelques-unes de mes monstruosités, mes manières d'homme qui part en commission sans musette, celui qui sur le fil ténu comme un cheveu d'ange perd l'équilibre et croit s'exercer dans le dur labeur de vivre sans filet, tout ceci n'est qu'une façon d'infatué, de vaniteux, de quinquagénaire qui lentement s'absente ; mais peut-être au-delà de tout ce qu'il  a en priorité, de ce que tu nommes comme valeur latente et précise, de ce que tu pressens, peut-être est-il quelqu'un qui veut se saborder et ceci sans que tu le saches, malgré tout quelqu'un qui te veux voir, te regarder, te remplir, te mettre dans ses pupilles en t’exigeant exclusive, jusqu'à ce que tu oublies toutes ses  insatisfactions, que tu oublies qu’il est du genre masculin, et  que ce n'est pas toujours la loi du genre qui fait  loi.     

Pour cette petite paix qui a calmé mes essoufflements, je suis prêt à me perdre en aveugle dans la dans les plus vastes des tremblements et des ténèbres. À quoi m'exercer aujourd'hui si ce n'est à passer par ses profondeurs, par ses ingénieuses scènes, par son passé qu'elle rend moins littéral qu’elle  ne le voudrait. À toutes ces images défectueuses j’oppose un nouvel algorithme en la reconstruisant comme l'idéal symbole dont les totalitarismes sont des pathologies anciennes qu'elle dénivellera en ma présence. Si vivre nécessite quelque liturgie, quelque extravagance, quelque infatuation et tout cela bien défini, j'aimerais à nouveau l'évaluer ,l'illustrer tout en subtilité dans mes inventaires, dans mon capharnaüm, et qu'elle s’y diverse comme une présence définitive.

J'aime à dire que toutes mes pauvretés sont d’invariables nécessités à comprendre l'âge amer qui s'imprègne sur mon visage comme le refus de garder en mémoire mes méfaits, mes mécontentements. Est-il possible que l'on se souvienne qu'on a tant aimé, tant haï, tant trahi, tant désiré, sans que nous entrions  dans la lumière, dans l’ombre, dans les deux mêlés. Si  je devais aujourd'hui me pencher sur moi, sur le berceau d'un enfant, je n'en serais pas plus gai,  j'y verrais l'anarchie de nombre de ses aubes à venir, la supercherie de fureter en tous lieux pour aller à la ruine, à l’anéantissement des avantages quand il aura cru accueillir une femme dans ses enroulements, et que celle-ci dans l'irrésistible élan de vouloir le garder, le verra avec les yeux d'une terroriste de l'amour, affadie par ses propos  et ses  pérégrinations.

Les dimanches ne sont pas dignes du sourire des filles, ce sont des épisodes, c’est l'absence fragile de mes révolutions et résolutions que dans ma mansuétude je désigne par des mots moins cruels que je ne le voudrais. Notre différence réside en un de ces points, le premier c’est d’aimer, l'autre de moins haïr. Si j'y trouve tant d'étoiles mortes, moins de rayons que je sais plus nommer comme une pluie d'or, c’est que j’y vois moins de baisers qu'on fait devant une porte, moi de chansons singulières, c'est que j'ai toujours et tout traversé de travers, c'est que j'ai toujours pénétré les dimanches en errant, cru qu'on y vieillirait davantage, que les éveils seraient au plus bas, que le ciel serait lourd, et que me cachant dans la maison des morts  je ne voudrais que redoubler mon sommeil sans que quiconque vienne s'y perdre.

Il n'est pas de jour où je ne m'adresse à sa contamination, je crois accomplir dans l'alcool une suffisance rhénane comme lorsqu’ on traverse un  fleuve et que les walkyries proposent à leurs fonds un nouvel or, s’imposant des corrections d'algues et de polypiers. S'il me vient à douter de ma course si grande que soit ma douleur à l'arrivée, c’est parce que j’ai en croyance un air neuf, que j’y serais original  entre le ciel la terre et dans toutes ses alvéoles, afin que je puisse élaborer d'autres marathons. Il faudrait d'ailleurs que je ne m'indigne plus, parce que j'aurais voulu qu'on exagère mes sentiments, qu'on discrédite mes ardeurs, que je m'exerce davantage à être un homme dont la rage est passée par la colère puis s’est assourdie par les belles saisons, afin que je puisse  me faufiler jusqu'à sa condescendance.

Dans les mois qui suivirent mes tremblements, mes inepties, les bouffissures de mon esprit, tant je me penchais sur les désirs de mon enfance, il me vint à l'esprit que j'étais un homme sans antenne, allant sur les routes  où les repères sont des tertres, des monticules, où tous les rouages du monde rendent sourd et aveugle, ou des nains inappréciables sortent à la nuit tombée de haut et nous offensent. Mon trouble vient de ce savoir là, je veux alors me vautrer, entrer dans le ventre même de mon discours insalubre, qui fait que toutes mes illusions et toutes mes allusions sordides sont des contorsions, l'idée que tout ce qui est introduit d'un côté en ressort encore plus sale de l'autre. Je creuse la terre pour me retrouver jusqu'à mes antarctiques.

Première, cinquième, septième nuit sans elle. De l’impair, tout est impair, Dieu, les vaines les merveilles du monde, les espaliers qui vont jusqu'à Jacob, impair oui, tout est impair, et si ancien, tellement ancien que l'homme n’est plus la partie double de la femme aimée. Je descends la mâle idée de celle qui ne me voit plus comme un préambule, mais comme quelqu'un qui se mordille les lèvres prend feindre les règles de la parole, et pour ne jamais la tenir. Même si mon doute a la couleur et le goût du méthane, il souffle aujourd'hui  encore un antan rare venu du ponant le plus pur, pour me donner à goûter tout ce qui pourrait s'éclaircir à mes circonférences et sur mes plaies.

Lorsqu’en notre for intérieur les extrêmes semblent être des ivresses brodées par les mains des filles  lucides de leur beauté et de leur bonté, il nous vient l’envie d'effacer tous les contentieux, de faire le tour du monde, de désespérer de toutes ces attitudes insanes que nous eûmes tant elles ont été dirigées vers les morts, d’aller à la géhenne, je veux encore me livrer à cette faim et soif de déceptions afin de mieux me réconcilier avec l'amour, l’amitié, l'âge qui donne sur les ponts mal desservis, plein de resserrement, où les comptoirs sont vides, sont des cimetières marins où des hommes à fond de cale pleurent sur leur destinée qui ne les conduira  plus à aucun port. Je veux rajouter ici qu’en  mon esprit il n'y a plus aucun corps qui vaille, je n'ai voulu traverser aucun gué sans y avoir auparavant jeté des pierres qui ne serviront à aucune construction.

C'est toujours dans les excessifs sursauts de matière que j’étudie avec des sémaphores, des lampes torches, des bougies odorantes  sa nature insaisissable, ce qui me laisse étranger en elle c'est cette simple recherche. Quoi que je m'endorme dans des paysages incrées, elle garde dans ses yeux tous les attraits des matins quand s'éclaire la rue, que des passants perclus de sommeil parcourent comme on parcourt un parage, une enceinte, un terrain vague où tout n'est que poussière. Je ne veux plus être cet ensommeillé qui n'a de corpulence que dans les hommages de son corps, dans la santé qu'elle me donne et qui sont dans ses équivalences tant par ses lucidités que par les avantages qu’elle se procure. Quel dommage que toutes les maladies où l'amour a pris place ne soient que de déchirantes sensations que la chair considère toujours comme un absolu de désaccords.

Quand l'idée d'un retard me saisit, ma colère est une gamme que les pauses  et les silences déchirent comme on entaille les broderies de ces filles légères qui se débattent dans l'azur sous les mains des bavards, des parleurs, des informateurs. Alors tout se bouscule moi, celui qui a franchi les palissades, celui qui a jeté des pierres, le moribond qui n'a jamais arrêté de s'essouffler, le pompeux, le ruiné, le ruineux, le traître qui n'a pas su rester sur ses gardes, avec sa belle  facture dans son costume du dimanche, tous sont si  fortement liés que si l’un  fait le bleu, l'autre se voue au  violet. J'ignore jusqu'où la vérité est à ma mesure, à la mesure de ce que je suis, ce que je sais c'est que si l’un  sort de moi, un autre filiforme  revient en en constance, y reprend forme animale.

Cette femme qui aurait dû s’exprimer à mes commencements, la nuit s'enroule autour de l'escalier en colimaçon pour aller dormir sur un canapé qui a l’âge d'une sexagénaire un peu sotte prise d'une quinte de toux et qui est hors de saison. Elle a le corps d'une arquebuse que j'aime presser à grands coups de paumes, pour quelles raisons profondes, je l’ignore, et ceci dans un terrible essoufflement comme si j'avais au poing une arme et que je l'attendais pour une embuscade. Elle se joue de la mécanique de nos sentiments qui sont à gauche, sont  à droite, qui sont au centre, qui sont dans tous ces jeux de cartes posés sur la table des perdants, et que chacun triture de ses mains pour lui  donner du sens, pour un vertige né dans la fumée, dans le luxe, et qui octroie à la face de chacun d'entre nous un nouveau visage  qui a du pouvoir et non du devoir.

Aux sentences  de la nuit, quand les insectes sont soûls de l'herbe qui les ronge, s'évaporent comme des enfants pour une récréation, elle apparaît tout en combinaison muette, se glisse dans les draps, plaque sa bouche sur la mienne, louve dont les petits se  sont égarés, et prononce une ordalie par l’eros que je suis le seul à ne pas confondre avec un dressage, un aboiement, avec de la voltige, ou la lourde supercherie des sens quand la chambre est habitée de toutes parts par des amours mal vécues, et qui restent si tues  dans cette chambre,qui se solde  d’une d'imperceptible faute, dans de lourdes charges, comme lorsqu'on est ivre et que l'ivresse est un transit de grelots.

Au premier jour des noces, tout est considéré, l'homme met du riz amer dans la bouche de son aimé, elle glisse dans sa paume la craie qui s’affaiblira, s’affadira sur tous les tableaux du monde, quand le monde se rengorgera, se gonflera, se mettra en boule, et qu'il ne sera plus ce corps terrestre  qui va dans les lentes bordées ou dans les savants abordages. Au premier jour des noces, les anecdotes sont des distances, le charivari d’une mère qui n’a jamais été plongée dans la misère de voir son enfant pris dans l’éther, dans les absences imposés par l’alcool, par la danse, par le temps, dans cette vie qui se tend et qui va trop vite, qui va se déverser de la sagesse aux aveuglements. Parfois aux premiers jours de noces le soleil blanc comme la mort parole excursion.

Quand les enseignements donnent sur les charniers de l'amour, éros est un pauvre hère déguenillé dont la jeunesse n’est plus respectée. Aux successifs retranchements que veulent les coucheries programmées et progressives, j'ai préféré rester seul, compter les heures, les jours où pour toute compagnie j'avais de mauvais livres parcourus sous l'éclairage de lampes volées dans un Prisunic. Je me souviens aussi que maladroitement dans les bouges, où toute vie se meuble avec des déchirements, des larmes me sont venues, amères, écrues, et que j'allais les glisser dans mon existence entière, tant ce lieu été approprié à mon désarroi lamé de désœuvrement. Je ne veux plus qu’en  quelque endroit que j'aille, il m'incombe de me détacher de tout et de tous pour échapper à cette exigence d'être encore en vie, et de témoigner avec des mots, des griffures, des bavures, que le temps m'est une hérédité malsaine.

Maintenant que des relents de bonheur te parviennent comme des demandes qui n'ont plus cours, tu peux  te perdre dans tes adresses ,dans tes affairements, dans tes insatisfactions, comprendre qu’advenir c'est plus que s'adresser à soi-même sans y avoir remplacé le malentendant, ce fort en anathèmes qui s'est acharné à ne faire que des statistiques,  ce voleur malsain dans les tempes ont grisonné trop vite et qui voulut que tu le suives dans ses sillages, dans ses mouillures, et qui n'avait rien de définitif sinon que des restrictions. Vois comme à présent tu peux te dédoubler, entrer dans tes suspens, dans ma satisfaction à te savoir comme une récoltante, une femme appliquée aux curiosités, à ses anciennes tourbillons, et que si tu trouves quelque repos  c'est dans mon esprit qu'il aura également de la douceur, celle d'une longue halte ou je n'aurais ni  faim ni  soif.

Quand la nuit dénonce tous les méfaits du jour, j'entends sa voix résonner de mots nocturnes qui me posent sur le bon chemin, j'aimerais que de mon silence elle retienne toutes les courses, tous les parallèles, toutes ces belles latitudes, même mes ornières et mes baissières où j’ai rougi et  marché la tête basse, et combien j'éprouvais de déraison, tant j'ai voulu me défaire de mes façons d'homme inapproprié. Maintenant que mon  présent se prête à moins de confusion, qu'elle s'annonce à ma hauteur, qu'elle vient à moi avec ses prolongations, avec ses brillantes combinaisons, je veux qu'elle apprenne que j’ai plus d’existence à rattacher à mon pouls, que je ne la féconderai qu’en de belles occasions, quand le jour avec ses peurs et ses tremblements construira  autour de moi un amour dans lequel je pourrais tomber en arrière.

C’est une voleuse de saisons dont le tribut est la perfection de tous les faits qui n'ont pas cédé à l'attraction des riverains. Suis-je encore suis encore capable dans  ces jours où je cède à ses images et ceci jusqu'à l'aveuglement, de la considérer comme le plus doux,le  plus cher fragment de mon existence, ou dois je la  plaquer de mes désirs jusqu'à ma bouche afin qu'elle devienne plus visible que les cailloux qui déchirent nos plantes, sur ces sentiers mal battus, et où  j'ai pris en mains des pierres ligneuses, puantes, glissantes, comme si l'éternité s'attachait à les rendre imprenables pour leur donner ce qu'il faut de temps afin qu'elles aillent dans les plus viles des constructions.

C'est toujours pareil à une cérémonie que de la recevoir, c'est aussi parce que mes mots que je voudrais constants sont dans la valeur qui lui sied le mieux, et que mes retraits sont de ces hautes tensions qui m'entretiennent dans la plus extrême des douceurs, des impostures et des impudeurs à son égard. Dans mes survoltages, dans les acharnements que je mets à la séduire, il y a des  réserves où elle pourra s'assurer qu'elle est entrée dans mon existence pour ne pas y être la dame en noir. Plus elle s'articulera autour de moi, autour de nous, plus je saurai être un  pénitent qui va dans la prière les yeux écarquillés, la bouche humide de ses baisers, les bras larges et détachés pour la prendre par la taille, lui montrer mes troubles, mes émois, sans qu'elle ait à comprendre ce qu'il y a de vague en  moi, ce qu'il y a de profond dans ma vie, un amour dru  et tendre venu de bien avant nos propres questionnements.

Si tu passais par toutes les perfections que l'enfance exige parce qu'elle entend persister dans le confort de la parole, la puissance du bel âge, tu serais dans mes déclamations, dans tous mes drames, ceux où ma vie s'est commise  pour des mains plus grossières que celle des pères et des mères, des maîtres, des professeurs qui n'ont eu cure de la minutie que je mis en chacun de mes mots pour les rendre impénétrables. Puis nouée, installée dans la plus mauvaise des approches, en retard sur le monde, tu t'apercevras que la mécanique de l'esprit est un piège élevé par tes ennemis, c'est à ce moment-là que tu voudras partir, mourir, cela nous savions, cela nous aurions dû le savoir.

Comme elle triomphe de ses démarcations, de ses anciennes imperfections, je ne sais que mal la nommer, et les pages auxquelles je participe  tiennent d’une langue d’un peuple attaché à sa misère, à ses arrogantes inepties, sont toutes sur les pistes que le soleil ou le gel atteignent pour les porter jusqu’aux déchirements. J'aimerais que mon cœur ne soit plus un endroit où tout se putréfie en  exaspérantes prières et  suspensions. Reste cette application à la surprendre, à la comprendre, à obtenir d'elle des couleurs et des perplexités. Je vais moins m’effleurer ou douter, je vais croire que nous puissions de nous saper ces obscurs desseins  que nous mettons sur d’infectes toiles, et qui à la lumière de nos efficiences ont l'air d'être en renaissance.

Mes  Amériques et mes mornes Arctiques sont convenus, le cercle des heures est l'essence  de ma conduite, entre l'alcool et la circonspection, ce que je lui dois, parce que je me  suis voué à ses latitudes est toujours dans mon dilettantisme, dans ma vie d'hier, elle ignore que jusqu'à mes entrailles j'ai pris le pli de me taire, de me tenir dans une vaste distance, qui va du plus loin de mes inquiétudes jusqu'à l'épuisement de ma chair. Je veux aujourd'hui  lui dire que mon désir d'elle est un désir d'homme, un désir de ne rien vouloir que ce qu'elle voudra bien me donner, se conduire jusqu'à moi, fût ce dans le plus funèbre  des convois.

Aux crayons gris du soir qui ont cerclé ses yeux, je préfère la meurtrière attitude de dire mon prénom dans un cynisme froid comme une formule de laborantin. Rien en dehors de ce lyrisme forcé ne m’est plus cher, si ce n'est le dépassement de sa présence que je retiendrai comme toutes les chienneries hâlées, celles que des filles  mal entretenues  gardaient sous leur jupe pour des hommes sans  idée de cathédrales, de  tables où festoyer, de sentiers où les lucioles fleurissent d'insondables lumières, et  qui arrivent au fâcheux comme déviées de lassitudes, de redoublements et non comme un brasier où s’embraser.

Vers son nom de femme proprement dite, j'oriente mes façons d'homme, entre les soliloques et les préjugés. D'inclusion officielle elle dans mon regard, c'est un corps tout entier que j'entends garder autant dans sa nudité que dans la construction de ses atours. Sortir d’elle, c'est sortir dans la nuit, c'est aller sans boussole vers des orages, vers des compromissions, des tempêtes, des oracles sordides, c'est se dérober à sa connaissance. Que d'appels lui ai-je lancé, que d'attentes debout dans les couloirs à la quérir en  tremblant lui dois-je, et auxquelles je n’aurais jamais songé si je ne m'étais pas vautré dans son existence comme un animal qui a baissé les yeux  quand son maître a saisi la pierre qu'il lui jettera et qui l’atteindra jusqu'au plus profond de ses viscères.

Ma pauvreté c'est mon réservoir, c'est une garrigue initiale où la vie n'a qu'une proportion, s'exagérer dans la plus mauvaise et la plus banale des définitions. Le sait- elle, sait-elle que j'ai forcé jusqu'à mes os pour m’agiter dans de l’incurable, un rituel aussi, qui valaient parce qu'ils augmentaient cette part d'existence que  j'ai vouée aux passages et aux souterrains. Je ne veux entrer dans aucune vie, si ancienne soit elle  sans y avoir été conduit et convié, sans que mon visage ne s'oriente vers celui ou celle qui dans ses heures de drames et de naufrages ne s'est pourfendu de tous les haut-le-cœur du monde, touchés à la manière dont pleurent les hommes quand ils se sont étendus sur le corps d'une femme qui n'a pas dit son nom.

Aux innocents les mains de la plèbe, de la rocaille, les augustes  manière, les dîners  incontournables, incommandables, la dignité corrompue, aux innocents, l'ivresse et l'odeur du thé, du café tiédi. Aux innocents va le benjoin, les longues traversés, la transhumance, c’est cela aussi notre façon de glisser hors de l'existence, sans réelle tristesse, sans envie, sans remord, sans envol, dans les ridicules vêtures de celui qui attend sur un quai une femme que sa mère a dénoncée parce qu'elle se fangeait dans les ruisseaux, marchait pieds nus dans la carrière. Maintenant que tous les tomes de ton intelligence sont des procédés détonatifs, que des diables creusent mon enfer, en usent, foin de tes modes, de tes cathédrales, que me reste-t-il donc à entreprendre follement. Aimer, aimer, découvrir que je suis un rouage en  flottaison, crachant, dégueulant, les poumons encrassés, la peau calleuse, sans poigne, sans réelle poignée à donner ou à saisir, l’heure est à boire dans toutes les coupes basses, jusqu'à  faire que ce comédien impropre traverse, déprécie les planches, en somme tes scènes impropres.

Quand une nuit, une pierre, le sort sont jetés, celui que je suis n'est pas à la hauteur, j'apprends que ma chaude docilité doit se jeter  face contre terre et accusera une autre figure, celle qui ne sait pas s’approcher de mes boyaux. Il en a toujours été ainsi, c’est recroquevillé, rougeaud, immobile, fatigué, veule, épris de mousses et d'herbes qui rendent nonchalants,que je cherche dans un tourbillon d'idées à déballer de caduques attitudes, dans des glorioles, et si j'écris tant et si mal, c'est bien parce que cela m’est nécessaire, épidémique, je le fais  pour me détacher de toi,de  tout ce que j'ai aimé et qu'il faut qu'aujourd'hui je m'envirole , m'environne de quelqu'un d’autre, tout cela sans reproduire mes habituelles attitudes, cette couture sur un mode d'animal qui s'endort sur le flanc et me laisse à une demie distance de mes présomptueux préceptes, sur un surplomb, sur une pente qu'il ne peut remonter, c'est tout autour de ce doute que mon existence s'est construite, elle crépite entre mes songes et les filles nues jetées contre moi, et celles qui ont heurté mes nuits pour ne jamais y parvenir, qui n'ont jamais tenu à ma chevelure , qui ont été fabuleuses de leur balourdise  et dans leur lointain démesuré qui n'était pas pour moi.

Les rats de bronze et d'airain figés comme des bornes ne seront plus  nécessaires pour aller jusqu'à nos plaintes, avons-nous triomphé d’un désastreux dessein, spéculer sur les autres, ou nous sommes-nous simplement débarrassés de l'essence, de l'arsenic, des poisons qui les menaient à nous-mêmes. Il n’est plus  le besoin de dire ce qui n'est plus articulé, ce qui ne sera pas régénéré, ne se gérera plus que  dans leur valse sur l'émail blanc, sur celui de nos idées, de nos salles d'eau, sur nos parquets de feutre, dans nos cuisines, nous coursives où les victuailles sentent la rancœur et qui sont à la  limite de la répugnance. Pour m'assurer que je pense encore à de beaux comportements, comme un homme ayant des civilités, je les regarde une dernière fois avec des yeux de ferraille, touche à leur peau insolite et spécule sur cette matière qui confine à de la soie ou à de l'ébène  que j'aurais volontiers cramoisi pour lui donner l'aspect d'une figure détestable, une géométrie variable, comme celle  de ma propre famille, celle où je travaille et qui  ne m’a jamais reconnu.

Qu'aille aux taiseux les mots des moribonds, de ceux qui ont voulu pour une dernière fois espérer un  rameau d'esprit, une anacoluthe, une litote. Je jette à la face du monde mes idées de crève la faim, mes idées de  bouche bée, clos, en dehors de tout, et n'en pense pas moins ; je préfère, en mon intérieur, toucher à la misère de mes ancêtres,à mes ascendances, à mes descendances, et confier à  une oreille attentive que le monde est un branque vermoulu qui bouscule dans quelque chose qui n’aurait  la santé que  de la fin, que je n'y prendrai pas garde, que ma dernière branlette serait pour elle, pour celle qui m'a imprégné la tête et le corps, avec ses crachats et ses défis, qui a mis dans ses yeux et dans les miens quelque chose de volcanique et que je garderai dans les fossés du cœur. Si un feu devait m'embraser, je préserverais  ce corps, avec son vouloir et son odeur, afin que mes mains s’y crispent encore et me donnent à entrevoir un microcosme que je n'aurais jamais imaginé si je n'avais pas lu dans les livres qu'il en existe  d'autres semblables au mien.

J'entreprends ici de dire que tout ce qui est achevé doit rester net, centré, circonscrit nous empêchant tout jugement erroné, sinistre est minime. Du bon ordre des choses je peux parler en gonflant le torse avec la traîne d'un qui n'a pas torsadé son désarroi,  s'est pas épargné dans l’envie, dans la monotonie qui se la ramène avec sa tristesse, ses rires ou son ignoble omniscience. Il m'arrive encore de croire que la marche du monde s'inscrit dans un manège d'idées, dans les livres que peu liront, et que celui-ci est un parc zoologique ou s’ébattent des animaux dressés pour n'être pas soupçonneux de l'humain. Je vais donc de l'avant comme pour saluer une femme, un ami, quelqu'un qui n'est pas grave, pas agité, pas infatué, qui n'est pas dans le syllogisme, qui n'est pas affecté par le savoir, pour aussitôt me rendre compte que  sous le soleil violet et bleu, comme le sont les ennuis, le devoir, les pensées méprisables, je n'ai pas de place parmi les hommes parce que je les ai interrompus dans leurs fausses paroles, et que ceux qui m'ont en tenu rigueur ,ont été aussi simples et sots que moi et qu'ils n'émergeront nulle part.

Oui tout est figé, et l'air jaunâtre en suspension est projeté dans mes poumons, le soleil éternel voyageur part en excursion, les nuits imaginées bleues sont de vue noire et  mal fagotées, comme celle des filles qui font le ménage à grandes eaux à quatre heures du matin, oui tout est figé, l'amour, ce bel enfant né aveugle qui imagine que le monde a de précieux talents et qu’il tendra l'oreille pour entendre sa mère, ses parents s’enquérir de ses paupières aux moindres mots doux prononcés, oui tout est figé, les poupées de nacres fuselées comme des aéroplanes qu'on aimerait foutre sur les tables de bistrots, qui se déhanchent dans du déséquilibre entre les pistes tournicotantes et les salons cotonneux dans leur corps d'ébène autour d'un pilier de zinc, oui tout est figé, ce qui disparaît et ne réapparaîtra  plus que dans le son extrême d’un enfer de mauvais aloi,dans du  retrait,dans notre incapable inquiétude, nos mornes marées basses de constantes consternantes, oui tout est figé, ce qu'on ramène à soi, qu'il faut bien admettre dans ses errements, ses erreurs, oui tout est figé, surtout ce qu'il me reste à commettre de crime, de prière, de honte, de théâtralité, de nudité ,de nuit et autres extrêmes obscènes pour des anges annonciateurs d'orgie et d'opprobre.

Je laisse mon aimée dans la froideur des annonces académiques et n'obtient comme réponse qu'un sourire narquois, équivoque qui vaut comme un coup d’éperon. Non que mes intentions aient été d'aller dans les grands nouvelles, dans la balance des inconnues, dans la déconvenue en fait, ce qui me porte à sa mesure, c'est ma petitesse, mon écoute irrégulière, déconcertante. En examinant de près l'uniformité de mes propos, je m'aperçois qu'ils sont comme ces équipages qui traînent de lourds filins, comme ces bateliers dont les gestes sont identiques, mornes, immuables. Taiseux par cette nécessité de tout croire corrompu, perdu d'avance, je ne peux plus faire que dans la gestualité d'un imbécile, croyant que tout est dicté, que tout est joué d'avance, courrier coûteux, et que mes souhaits, mes désirs sont un absolutisme qui vont à des déballages impurs et à de piteux rapprochements. Je préfère donc mon vacarme muet à ce vert verbeux qu’on épaissit  outrancièrement et qui s'obscurcit dans la bouche tous les protagonistes rompus aux logorrhées et qui sortent par l’issue de secours.

Les couleurs, les amis, la musique, toutes mes obstinations à imiter sottement l'amour vont de paire avec ce qui est dénué de sens et qui ne va pas à mes  autres contemplations, qui sont d’un cérémonial insipide, ma curiosité de vaniteux n'a pas été éblouissante, je n'ai vu aucune beauté en ébullition, n'ai pas été ravi des richesses qui m’étaient adressées, pas plus que devant la perfection d'un nu qui était là pour me dire « Prends-moi ». Des natures impropres  que sur le plan des toiles et des cahiers j’ai gribouillé, écrabouillé frénétiquement ,je n’ai retenu que les crampes aux poignets, les figures sans force et  sans destinée, les mots aux odeurs putrides,j’ai éparpillé de la couleur là où il ne fallait pas, employé mes propriétés invérifiables pour donner à la page mes gauchissements,j’ai tracé des lignes imparfaites sur des cahiers sans horizontalité, étranglé des poupées environnantes, les ai calcinées, cramoisies, en croyant augmenter mon rayonnement, mais mes façons de torcher toutes ces créatures, c'est-à-dire d'avoir comme arrière-pensée un désastre primitif,élémentaire, m'a fait croire que le monde n’était qu'un filtre qui ne laissait passer que les que les nausées et toutes les impuretés.

La force est silencieuse, elle a de savantes formes dans l'éveil, les silences, les étourderies. La force ne se  défait pas dans l’anémie, n’a pas de bruit, est sans fureur, elle s'élève sans que quiconque s'en aperçoive, elle ne se laisse aller à aucun moment à des inerties existentielles et puériles où chacun ferme les yeux pour ne pas voir l'envers de son décor. La force est tranquille,elle va de la psalmodie à la stance pour être de notre mode,de notre monde, elle ne s'assombrit pas, elle  s’éclabousse clairement sur la scène des étoiles et les met dans les yeux des enfants qui considèrent leur environnement comme un jouet absurde, l'absence de leurs parents comme légitime, la force n'est pas rancunière, ne ramène pas sa fraise, lorsqu’elle est pieds nus, elle calme sa douleur rien qu'en y pensant à demi, elle s'endort en elle-même sur un tapis qui se déteint aussitôt de toutes les couleurs funestes, elle n'est pas lacunaire, n’a pas de hanneton dans les cheveux,ne tourne pas le dos à celui, à celle qui soupire à ses côtés. La force n'est pas un emportement, n'est pas une étude qui va du masque à la montre, qui passe par des lieux sales, mais par des yeux luisants, remarquables, précis ;  la force est simplement ce qui se penche sur nous pour nous relever la tête quand elle est trop lourde, trop chargée de sens crasseux, la force qu'elle soit ronde, carrée, verticale, horizontale, nommée,ou innommable va  toujours sur la piste mais n’y fait pas de tours de  forces.

La nuit coud des poches aux yeux des solitaires, elle clôt les portes, met des ombres sous et sur chaque  visage qui a chaviré dans le sommeil, la nuit puisqu'il faut en parler comme de la nuit, tient dans le souffle d'une endormie, dans la forme d’une femme que l’on  a tenu par la main des heures durant et qui  ne s’en est  pas offensée. Si opportune que soit la nuit, ce n'est pas un bruissement, c'est comme si quelqu’un tirait un rideau pour prendre connaissance d'un corps assoupi et qui va se définir, se découvrir dans une chair ronde avec des rotondes, des ogives, des arcs, des clairs-obscurs apaisants. Lorsque mes yeux s'éteignent à la poudre du temps, ce sont de petites étincelles qui me font ciller les paupières, tressauter , et sur les trottoirs où s’évanouissent des ombres, où trépassent des pas,  plus personne ne va dans la déraison, dans la dérision, la nuit reste savante, avec ses avoirs, avec ses avatars, ses mains  percluses de souvenirs, Je songe que diviser la nuit en créneaux, c’est s'élever pour écouter quelque bête curieuse qui va sortir de son nid, de sa litière,de son fourreau, de son antre, de son alcôve, et peut-être qu'elle voudra broyer ma chair, sans rien craindre du fouet, du pistolet que j'ai à la main et qui me barrera des jours à venir.

Tout ce qui s'achève par la parole n’a pour autant pas rompu ses liens avec le monde, j'en veux pour preuve ce que nous ont laissé nos aïeux, la conscience sublime de leur entêtement, leur haut degré de profondeur, cette forme et cette force de ne pas perdre pieds, de ne pas rompre, le tourbillon exagéré de leurs belles idées. Il m'apparaît comme naturel, voire essentiel de vivre dans ce même mouvement, dans cet élan qui donne sur l'immensité des êtres et des choses, qui ouvrent des perspectives d'approche et d'enivrement, peu importe, mais qui dessine en nous le miroir même où nous nous regardons comme un homme qui n'est pas immobile, qui se meut, qui s'équilibre dans la marche, dans l'allant, dans toutes les  stations où il  peut susciter de la relation, toutes celles qui se situent entre l'amitié, l'amour et qui durent, durent, durent.

Dans ma vacance qui échappe à tous ses détournements, tous ses débordements, je ne fais pas de scandale, je ne m'écarte pas de ses servitudes, de ses mésaventures et reste attentif, barbouillé des mêmes souvenirs pour l'entendre, l’écouter, comme on tend l'oreille pour saisir les trilles des oiseaux trop matinaux et qui se la pèlent dans les frondaisons. Mes rails lui dis je, ne sont pas des cordes, ne sont pas des ondes qui vont dans la distance, elles ne vont pas se nouer ,se distordre pour me pousser dans une hâte brûlante, jeter mon pas  vers les aciéries ou le fer sera  cette rampe qui donnera la forme de tous nos parallèles, c'est ici même que j'habite dans un mouvement que je prolonge afin que les trains qui  m’entraînent dans la nuit traversent les monts, les plaines ,et me ramènent à ses voyages encore ignorés, pleins de lueurs et de vues inoubliables.

Nuit comme l’image d'un ciel de suie, faut-il geindre, pleurer,prier dans cet âge plus nocturne qu'il ne l'était hier, dans l'avant, quand nous avions vingt ans,  trente ans, et que jaunis de lumière nous croyions qu'aucune embûche ne nous ferait trébucher. Nuit lourde, nuageuse, le printemps  s'est planté, planqué dans les fleurs et les fougères, dans les feuillages, dans les hêtres, les chênes, les peupliers ; hier sommé à la détrempe, immense corne que la nature a mise en place comme pour cocufier tous ceux qui n'ont pas eu de Babel, me voilà aujourd’hui mis en demeure de parler. Nuit torsadée d'ennui, d'écoulement, combien j'aime encore tes courbes familières, celle où je m'oublie, tes salines, tes moiteurs, tes belles nudités, et combien j'aime aussi ne pas me  perdre en  ce second qui me ramène à mon enfance forestière quand je m'enfonçais dans les odeurs de tilleuls, de menthe, de larmes et  d'apitoiements.

L'homme qui chaque jour bénéficie, entre dans ses ténèbres est tendre, il ne veut rien détruire, et sa droiture est comprise comme l'acte le plus délicat et civil qui le lie au monde. L'humilité et l'humanisme superficiels ne sont pas de son lot, il leur préfère la civilité d'un voisin, le bonjour d'une inconnue, la main tendue et preste d'un ami, il est dans la subtilité de la prière, dans tout ce qui ne va pas aux sottes croyances que des insensés soumettent à nombre pour les voir converger vers la brillance, le  lustre, l'apparat et l'apparence. Lui, il reste en retrait, il ne veut pas prendre de place, il reste dans la distance, celle qui va d'une femme à une autre, qui va d'un arbre un autre, qui va de la baratte au pot de beurre, et si parfois il commet du méfait, c'est qu'incontestablement parce qu'il est né fouillu, furieux, fou, mais sans rage, et qu’il ne veut rien montrer ni démontrer.

Quand la crainte a le visage incolore de nos antiques parents, nous avons beau avoir de l'âge et encore de l'âge, quelque chose se déchire en  nous qui nous met sur la piste de la perdition, de la déraison, quelque façon neigeuse, dérangeante, déclinante, dégradante  aussi, nous avons beau vouloir comprendre le monde,ce  compromis aliénant, nous débattre, aller de  l'avant, nous restons tel un ludion qui se délite dans le sable et l’eau décolorée, se déteint, remuant à peine ; nous nous découvrons alors  plus lâches que nous le pensions, plus noirs aussi, c'est un rideau  qu'on veut désormais mettre devant nos yeux pour ne rien voir,une  bâche, une herse ou un portail de fer, pour que le monde entier disparaisse, qu’il se dissolve dans le baroque de nos impropres existences.

S'il fallait que ma vie s'affirme davantage dans le feu, dans la glace, dans les pierres, dans la chair idéale, je dirais à cette femme que je m'accorde à son silence, à ses solitudes commentées comme les charges les plus lourdes, je dirais qu'a mesure que nous avançons tous les deux je n'ai plus besoin d'aucun remède, si ce n'est de sa forme d'être, de s'adresser à moi avec la voix de celles qui se sont  raidies parce qu'elles ont été maladroites, épuisées, sans connivence, et que le monde tel qu'il est ne m’échoit plus. Je dirais aussi que tout autour de moi, plus rien ne se courbe, plus rien n'a d’aura, plus rien ne plie n’y ne se prie, et que j'attends avec mes mains cendrées parce qu’elles ont fouillé dans l'âtre, que le feu prenne, qu’il prenne  chaque jour davantage sans qu'il tourne à la fournaise.

Le poète est l'homme que Dieu a rendu empesé par l'œuvre, toutes les heures saintes, par les mots sur les stèles, sur les murs, sur le sable, par les dessins et peintures des artistes  bouffis par le travail, par les couleurs qui sont des odeurs ou  des écrits si on  les peint séparément ;  plus il est  fait prisonnier de l’existence,plus il souffre, et sa souffrance l'infléchit aux tâches originelles, celle de se taire, celle de vomir , être dans un corps compliqué sans que jamais il ne puisse s'en départir le rend malaisé même si l'amour  s'y adjoint, il cherche à s'exalter, à créer, à être devant un précipice sans crier, sans jeter un appel à  l’attentif écho. Il doit son opacité et ses troubles, la limaille de ses angles à tout ce qui ne lui a pas laissé le répit d'exister sans crainte, sans le poids qui lui incombe, c'est-à-dire la vérité, l'amertume des hommes, toutes les nervosités d'une époque où personne ne craint plus l'esprit le plus froid du monde, la souscription, l'incarnation obligatoire…

Si toutes les épreuves sont des sources de création pas encore amoindries par l'épée et les plaies à venir dans nos existences, je sais que tous les processus de mon imagination ne tourneront pas la nécrose ni à la névrose, et je m'y engagerai jusqu'à liquider tout ce que j'ai de vague et que je laissais grandir en moi comme le pire de mes ennemis. Je sais que mes misères furent puériles, légères, qu'il fallait qu'une femme faite de néant et de lumière salive et s’imbibe de mes convictions ; je sais que tout ce qui est  temporel est une éternité d'absences, mais j'ai goût à nos façons d'exister,de figurer,à approche égale ,à distance égale l’un de l’autre, ainsi tout peut s'établir, tout peut se transfigurer, tout peut-être dans une permanence de sentiments exagérés par la musique, la paresse, l'écriture qu'elle détend et qu'elle lira ,disposée à y voir un double adéquat, non parce que cela lui est dû, mais parce que cela lui va, lui vaut.

Il faut tuer tout ce qu'il y a de pire en nous, Dieu, la terreur d'être, celle de devenir, tout cela dans les jardins fleuris de pourritures du printemps, quand les idées nous renvoient  à nos quaternaires. Oui il faut tuer tout ce qui se nourrit de nos fadaises, de nos foutreries, de nos forfanteries, tout ce qui s'évapore sitôt qu'on est disposé à construire. C'est dans cet état là, dans ces douleurs abouties que nous devons nous alimenter de  cette saloperie d’éternité qui nous échoit encore parce que nous sommes des hommes et des femmes de bonne volonté, des hommes et des femmes qui aiment imaginer que les processus qui les mènent ne vont pas toujours aux  divagations, aux dénégations qui  sont si proches de nous. Je ne dis pas qu'aujourd'hui ma chair est intraitable, inhabituelle, qu’elle ne s’amusera pas d'une pharmacopée de composants mal introduits, je dis simplement que dans mon miracle de vivre et d'être, il n'y a  rien de vague pas même une sollicitude.

Si j'échappe au gel, au sel, au vent, aux lunaires constructions et contraintes, peut-être que mon espace serait davantage circonscrit, peut-être que mes rendez-vous avec l'amour ne s'échangeront plus en  patois, peut-être que sous les dômes, les porches, les ogives, les caduques crénelures, j'aimerais enlacer une femme qui serait ma trêve et mon aumône, une femme attendrie par mes  prétentions, mes consternations, une femme toute en beauté et en intelligence qui n'éteindrait d'autres que moi, disposerait de mon corps comme des fruits succulents sur un étal fait de vie et de chants,  peut être tendra t-elle à ma chair jusqu'à ce que je lui donne à voir comment le règne de l'indécence va  à l’apogée du vulgaire quand la nudité du corps et de l'esprit se dégueule dans la  lumière bleutée des yeux et de la terre, qui sont aussi des angles où l'on ne peut plus rien ranger parce qu'on les aurait construits de travers.

Au point de désigner ce qui ne sera plus fétide, je veux renoncer à l'hostilité qui est un  flot, un mélange d’air et d’eau glauque à nos yeux, à nos os pourrissants, tous les rebords du monde d’où l'on voudrait sauter s'il n'y avait dans cet au-delà des hymnes qui nous parviendraient comme les plus limpides, les plus obsédantes des musiques. Or tout est étique de ce que nous avons compris, compressé par nos sens ou dans nos mains ; nous restons tels ces ludions dans l’indiscernement, dans le blasphème, dans les draps blancs ou quelqu'un a saigné et rogné jusqu'à notre chair. Combien j'aimerais m'étonner de l'alignement des arbres, de l'herbe qui croît  en une seule nuit, de ces mots qui commencent et finissent en de déterminantes histoires, toutes les histoires, voire celle de tous les temps.

Toutes mes obsessions vont à ma normalité parcelle son mâtinées pour mon espoir et mon amour de toi ; j'habite un corps qui s'est affranchi de tous les ordres jusqu'à en rester indemne, je dois cela  à toutes celles qui ont qui n'ont pas voulu  des idéologies de ces charlatans qui cherchent à éclairer le monde par des balivernes ; si mon expérience, mes expériences sont allées de la vacance à la  vacuité, je n'ai plus aujourd'hui à m'abriter dans mon indécence, je peux faire dans la réplique, la supplique, dans les saisissement de cette clarté que nécessite ta présence. Je ne veux plus subir les flatteries roturières, ordurières de ces grognards imbéciles, les inepties de leur propre nature, celle qui cherche à me tromper. C'est parce qu'aujourd'hui il se passe quelque chose d'abouti que je vais être décent, indécent soit, mais dans un ravissement où j'aspire à toutes les tolérances.

Mes sérénité, mes solennités, mes silences sont de cet éclat que tu provoques délibérément tant tu sais que mes sentiments sont aussi des convictions. Les lettres que je t'envoie, les mots que je t'écris, sont les fragments d'une existence mal éclairée, celle d'un attentiste que les mauvais jours n'ont pas transfiguré parce qu'il n'a pas pu être récupéré comme  par toutes les veuleries du monde, qu'il se ne s'en est pas étranglé, qu’il ne s'est pas ouvert les veines sur de l'asphalte, voilà pourquoi tout te parvient comme indemne, je ne suis pas un portefaix que le temps a poussé jusqu'aux énormités du poids, le temps m'est un événement disqualifié par lui-même, je n'y crois plus, il est toujours dans le déménagement. Si ma lucidité est sévère, elle  lèvera d’effroyables moments de moi, et  je dirais que je crains les  avantages, que je ne me repentirais  de plus rien, que je me tairais pour sauvegarder jusqu'à la plus petite des nuances et que tu ne connais pas.

Comme lorsqu'en ces après-midi tièdes où les faunes ont des aptitudes à  croupir, tu sais que ma chair se fracassera à tes flancs, que mon sexe sera un couronnement, que si je me rétracte, me transforme jusqu'à mes rebords de toi et qui se nourrissent de ton sang, de ta sueur, c’est pour un essentiel amour. Oui cela tu le sais. Mais  sais-tu combien l'ombre m’a défait,le silence épandu en moi, comme pour  des parricides, que mes nuits n’étaient  pas cristallines, sais-tu combien pour garder les noirs secrets des jours et des ténèbres  j'ai perdu en perfection et en prières. C'est là que j’ai gagné en chagrin, me voilà tel un charpentier qui siffle sur les toits, dégageant des gouttières, cassant des tuiles, de bonne humeur certes, mais  se détachant de tous en jetant  l'ardoise dans le ciel gris, bas et lourd et qui éprouve la pluie, le vent et les mauvais souvenirs.

D'une seule voix, une seule, je veux dire que même dans ses fugitives attentions, elle est ma chapelle, ma maîtrise, le lien qui me lie, m'enserre à l'existence, que je suis moins amer, que mes jours ne sont plus en rafales obscures, que je suis prêt à advenir, qu'elle m'éclaire, que ma langue me conduit  à des mots qui feront le tour des lieux où elle s'est écartelée sans procès, sans protestation et sans prosternation. La patience vive, les livres que je prends en mains, mon sommeil, tout est rempli de sa destinée ; plus elle se retirera, plus je me rapprocherai, plus  elle désespérera, plus je serai attentif, plus sa vie sera encombrée avec de mauvais parages et passages, plus je serai dans l'accueil et dans ses ascendances. Qu'elle sache aussi que quoi qu'il nous en coûte, quoi qu'il m’en coûte, je ne me retournerai plus sur ces mouvantes maladresses, sur ses malpropres inerties, et m'accrocherai dans les années à venir, à un devenir sans masque et sans peine.

J'ai jalonné ma vie sans parler, sans faconde, en taiseux fortifié ; me taire a été d'une terreur, d’une teneur de plomb, comme ces sommes où je me délivrais de tous les espaces où les hommes aboient, rient trop fort aux terrasses en matant sur  le bitume des filles éblouissantes  scellées de printemps et d’étés, alors que  je laissais grandir en moi mes saloperies intimes, la peur, le silence, le désespoir, la nostalgie. J'ai beaucoup dormi, assommé de  décrets que je me m’étais imposés, j'ai eu trop de pâleur, de rougeur devant ces filles à qui je mentais des incorrections aux oreilles pour les révéler, qui en voulaient à mon sexe, sans  avoir goûté à l'amour, à la moiteur et à la saveur de mes mots quand elles se serraient contre mon cœur comme des oiseaux blessés et que je n'aurais jamais laissé s'envoler dans les airs avant qu'ils ne fussent guéris, avant que je ne me se serve  d’une de leur penne  pour écrire que dans le bleu turquoise de ma sale existence j'avais envie de tout environner.

C'est une femme d’alphabet, rassurée, rassurante, respectueuse, sans mensonge, elle est d’un faire brutal quand elle m'enserre, et mal cadenassée quand à la lueur d'une lampe planquée derrière un paravent elle se dévêt pour des saisissements et  toutes mes raisons. Sa vie fut traversée par des hommes aux humeurs précaires, opulentes, hautaines, acteurs  tranchés au pas par leur correspondance. J'ai aujourd'hui un promontoire où  j'aligne des semences, des graines qui donneront je ne sais trop quels fruits, mais qui donneront ; s'il ne tenait qu'à moi j'aimerais qu'une vigne s’y fortifie, s’y étale, et ceci jusqu’à mes noires saisons qu'on écraserait plus tard entre nos mains pour sentir combien le pressage ressemble à une conviction autant qu'à l'amour. Combien j'ai dû m'attendre  à ce qui ne se méprendra pas de mon être, en fait un entretien, et si je prends bien garde à tous ceux qui m'entourent, si mes nuits ne sont plus glaciales,  que le sang y afflue, je serais là, à la confluence d'être et de devenir.

On m'a demandé un jour « Pourquoi écrivez vous » j'ai répondu  « Ecrire, c'est le combat de l'ange et de Satan dans l’enceinte de Dieu » .Si aujourd'hui on me reposait cette question,je dirais que c’est pour une  femme , qu'elle ne me néglige pas, qu'elle entre  dans ma sphère particulière pour de belle propositions, qu'elle a choisi de dormir avec moi, qu'elle  est dans mes dépositions,mes toiles,mes écritures, je la garde comme je vagabonde ,comme si j'avais triomphé de la traversée d'un désert. À cette femme là, je veux dire mon désir de la connaître, de la couvrir, de la découvrir, de l'entendre, de l'attendre, de l'écouter, d'entrer dans son regard comme on entre dans l'astre bleuté d’un ciel qui s'applique à croître, où dans un champ où les insectes déménagent saoulés par l'alliance de la rosée et de la nuit.

Quand les hommes ahanent et respirent trop fort ils entrent dans la légende, cette légende même qui est une halte épineuse que des filles  fatiguées d'être toujours en noce touchent des mains comme on veut abattre un ciel bas, d'un œil morne, et qu'aucun remède n’est disponible à mile lieues alentour. Rien ne vaut plus la peine d'être semé, si le miracle de la récolte n’est qu’un bobard, est encapuchonnée dans la misère du planteur, rien ne vaut plus la peine d’être annoncé qui ne se produira que sur du velours, sur le feutre des salons, là où ont dégueulé tous les hommes grossiers, tant ils ont attesté d'une force qui n'était pas la leur, dans un labeur aussi cinétique qu'une chambrée. Ici je veux dire que je suis fait de crin, de plumes, de cuir, et de pelure, que j’ai la rigueur des bêtes couchées sur le flanc et qui  sont harassées de fatigues, et que je vais saigner sous les caresses d'une femme plus rétinienne, plus reptilienne  qu'elle ne le laisse voir.

L'homme sans passé qui pleurerait devant la mort d'un arbre, qui prierait pour que quelqu'un prenne part à son repas, vienne à sa table les mains vides, qui inviterait jusqu'à une fille muette pour la lutiner, lui faire quelques offrandes, cet homme là n'est pas dans la peine, n'est pas dans la joie, il est tout simplement dans la vie, dans sa vie. Bien qu'il sombre parce qu'il vient d'obscures couches, il offre, il demande parfois aussi, mais ses demandes ne sont plus radicales, il ne fait pas dans le lissage. Sans maladresse ou sans adresse, sans les avis partagés, il est tel un prisonniers défait parce qu'il a mis sur ses genoux un enfant terne et sans devenir, parce qu'il a mis ses genoux à terre, il n'est pas plus agile parce qu'il a été pris en faute, il est en présence d’une force qui ne force à rien , sinon à subsister,  il n'est pas un bagnard tant il s’est empressé de défaire ses chaînes, il est un homme avant tout, parce que ses torrents de silences sont des droitures, sa  chambre est un vaste domaine qui va  du cœur à la main, et jusqu'à ces filles qui ne feront jamais des crises de nerfs dans une nef.

Si je parviens jusqu'au parvis où elle se tient droite, serrée dans une jupe conçue pour son seul corps qui se creusera, se rapportera sous mes mains, je dirais que mon époque et toute en actes et triomphants, que je pourrais être magistral jusqu'à mes organes, que mes congés se feront rarissimes sans elle, parce qu'elle occupera jusqu'à ces heures que ne comprend pas le sablier, qu’elle s’établira  dans ma tête, au plus profond de ma chair. Quand elle tournera les talons pour s'adresser à un autre que moi, je ne serai ni insultant, ni pris d'une petitesse larvée, je ne serai pas plus en retrait que je ne devrais l'être, pas même inqualifiable par mes obsessions à ne pas  la perdre, je m'appliquerai à ma raison qui va de la surface des mots jusqu'à leurs secrètes profondeurs pour les lui dire comme un enfant qui a eu un  zéro à toutes ses géographies, à toutes ses histoires, et qui n'en rajoute pas ,qu’elle est mon départ et mon issue,que je suis dans son  unicité parce j’ aurais corrigé mes erreurs.

Lorsqu'on a dix ans dans l'idéal âge de la craie, que nos plaies témoignent de nos façons d'homme en devenir, que nos griffures sont cette vengeance que les ronces anticipent déjà bien avant l'été, qu'on s'est brisé les os et charclé la chair, qu’on a glissé et fait des voltes sur la neige étincelante et qui sont déjà des crâneries d'adulte qui mettra le pas dans la plus petite ou   la plus grande des sphères de l’existence, on sait dès ces instants que toute la lumière du monde naît dans les yeux des filles, qu’elles  nous prendrons nos jours, nos nuits, que nous nous enroulerons autour de leur cou , que tout ce que nous soupçonnons est  en elles et autour d’elles, posé là par quelque divinité planquée dans le dans le plus petit endroit de leur corps  dont on fait un monde à part, quand on a  dix ans on sait déjà qu'une femme détonnera en nos cerveaux de saurien, de singe déguenillé, d’homme à abattre, qu'elle dormira dans nos vérités, jusqu'à nos viscères, nous voilà une fois encore pressés, empressés, dépêchés d'être un homme dans l'ébriété, l'amour, dans l’urgence d’aller jusqu'à ses propres faillites.

Puisqu'il faut tout éprouver avant d’en connaître la réelle teneur, j'approfondis l'idée d'une femme que la vie a trop offensée, trop oppressée, et qui  sait  que ses périphéries et son centre m'inspirent de généreuses valeurs que je n'atteindrai jamais parce que je suis un homme qui avec toutes les expériences qu'il a eues n'a pas été poussé dans le beau travail, mais dans de sales besognes, dans de sombres entreprises. S’il m’avait  été donné d'être moins arrogant, moins suffisant, je lui présenterais mes incertitudes, mes heures souillées venues en des lieux où l'alcool rend volubile, trop bavard, où l'essentiel de mon existence a été dans la sacralisation  d'une souffrance que je lui faisais ressentir, autant dans la pornographie verbale, que dans les anomalies de toutes mes nostalgies. Je  ne cherche pas l'avantage, je cherche la parole dite comme telle, je ne veux pas qu’elle soit  trop lourde, je cherche à passer, simplement passer.

Nous portons tous en nous certains morts comme une musique reconnaissable à ses savantes rumeurs. Non que cette musique soit vénéneuse ou venimeuse, mais elle progresse en nous comme de suaves serpents parmi les pierres et les ronces entre nos insomnies et nos veilles ; que dire alors  notre impudeur à la porter, à la supporter, en faire une spirale, en faire un empilement de souvenirs qui nous entourent pour des éternités sans motif ; que dire aussi de ses géométries, de ses élans incompressibles,de son adresse viciée en tous nos interstices et qui nous porterait jusqu’à la traîtrise , à l'oubli en somme puisqu'il faut l'appeler par son nom. Bref  les morts s’ils passaient passer  chemin nous rendraient à nous-mêmes, tels que nous sommes, c'est dire des êtres aimés ou haïs qui vont de la sourdine au silence et sans en être exaspérés.

Si tu commençais  par établir tes réelles distances avec le monde, avec ce qui est à venir et qui t'échappe encore parce que tu n'as pas clos tes anciens comptes, je serais à tes yeux quelqu'un en expansion, ne ployant plus, n'exprimant que des reconnaissances, de belles attitudes. Or tu es encore ensommeillée, tu exagères mes entremêlements, l’ancien temps tenu où je fus obscur, où ta face n’auréolait personne, où tu étais attachée à des démonstrations ; je reste aujourd'hui dans ce vague détournement de sens, de matière, d'obscurité et d'alerte aussi, je ne peux pas participer à ces plénitudes que tu sépares  de tes séductions , de tes caduques résolutions, de tes lancinantes inerties, de tes destructions passives, prétexte au peu de liberté que tu me laisses, tout ne s'est pas avéré en toi parce qu'il t'arrive  de n'avoir plus de visage, plus de nom, parce que tu procèdes d'un nouveau passage obligé.

Tout est leurre, tout est dérisoire, tout est desabsolu, tout est nauséeux et  infecté, tout cela parce que je n'ai pas fait l'expérience du satin, des belles étoffes, des parfums qui étourdissent, que chacun me pardonne mes  gauchissements, mes atermoiements ; je ne suis pas totalement éveillé, je suis un homme somnole, qui est quasiment endormi, qui écrit comme on dégobille, dégueule, seul dans les vespasiennes des villes qui se dégradent, se désagrègent, qui cherche à se dégager du monde, mais qui y entre de plain-pied avec ses petits glorioles, ses gels ,ses éjaculations verbales, ses colères antédiluviennes,  parce qu'il sait que l'homme est toujours dans la revanche, dans l'abandon, rien de nourricier ne me parvient, je ne m’exerce plus que dans de petites entités pleines de repentir et de disgrâce sans jamais passer par le réel amour, celui qui me fera face, à qui je ferai allégeance ou signer un pacte  que le temps n'effacera jamais.

C'est une femme limoneuse, crayeuse, ses enfants sont nés violacées, bleuis dans des hivers qui vont de l’un à l'autre sans entrelacs, sans laisser les arbres se réduire dans la pourriture des  tristes ou des  surprenantes  saisons. Son visage donne au voyageur l'idée de s'en approcher puis de repartir aussitôt  pour ne pas se perdre dans ses méandres ; ce n'est pas qu’elle soit emblématique, phénoménale, elle est simplement attractive, c'est-à-dire qu’elle fait de la distance un  rapprochement et du  rapprochement une  liaison. Comme elle aime l'idée du désir qui est d’une grande  pompe, elle peut nous charger d’une noyade tout en devinant que même engloutis nous réapparaîtrons sachant nager, elle rend pas palpable cette sensation, si palpable qu'on dirait que ses reptations de la porte  à la chambre  sont celles d’un saurien qui obtiendra de chacun de nous ce qu’il possède d’original, c'est-à-dire du flamboiement.

Aux mots prononcés quand seule existe l'empreinte d'un corps, quelque chose entre l'ectoplasme et l'esprit le plus plat, je préfère ceux qui transpercent l’âme, nous défont de notre obscurité. J'ai souvent donné  le spectacle d'un homme dont l'identité ne se révélait que dans la rage ou la pornographie, l'ébriété, l'injure ; trivial, bête, idiot, inconséquent, c'est ainsi que je fus. Me suis je satisfait dans ces attitudes, non ,en  était elle accablée, non ,ai-je  sollicité l'image d'une femme limpide, pas davantage, me suis-je serré contre son sein avec l’envie de rompre ma vie, guère plus,je n’ai été qu’entraîné dans des pourpres trop pleins des beaux propos  dans son tiède nécessaire,sa convention, c'est-à-dire sa charge d'inquiétude imperceptible que la raison rendit dangereuse tant elle était camouflée dans les abstinences.

Quand pleine de grâce et d'humeur tendre, l’aimée montre, fait voir ses tourbillons d'autres que moi, ses amusements, ses beaux ouvrages, son visage amical est un, la vigueur qu'elle a prend le parti de mes journées,  il me vient en bouche des mots dits pour elle seule et  qu'elle n'abandonnera pas dans les heures qui suivent. Si mes distractions ressemblent à des assèchements, à des assauts de soldat versé sur la bouteille, je sais que mon monde est plus fragile que son haut ciel, que ma solennité est un objet posé en tous lieux pour qu’elle puisse le comparer à celui d'anciens amants, et qui avaient pris le pli d'être plus fantasques, plus doux, plus aimants, plus téméraires que moi. Bien que sous attentif à ne jamais fuir, à aller de tiédeur en fièvre, j'apprends douloureusement à la distraire, à ne pas être un trop,ni trop  profond, ni trop superficiel, dans un vague moins altéré qu'autrefois, où j'ai été, où il m'arrive encore parfois d'être.

Aux enfances douloureuses, quand la craie sur le tableau des maîtres immenses crissait, je préférais m'étendre dans les hautes herbes où cricrissaient les grillons, s'animaient les lucanes, s’éparpillaient les papillons, et j'y rêvais de quête, de poursuite, de duel, de chaleur aussi, quand dans l'air se suspendait la clarté des printemps et des étés bruyants et que tous les insectes s'affairaient à se suspendre à chaque fleur moins artificiel que mes troubles d’aujourd’hui. Je me serais bien risquer à rester un enfant volubile, fraudeur, lutteur lesté tourbillonnant, je ne réussis advenir qu’un être en réduction, un adulte en fait qui prend le contre-pied de tout ce que font et défont les hommes, jusqu'à vouloir tout rompre tout corrompre dans une éternelle puberté, cette incapacité de culpabilité.

Aux innocents les mains de la plèbe, de la rocaille, les augustes  manière, les dîners  incontournables, incommandables, la dignité corrompue, aux innocents, l'ivresse et l'odeur du thé, du café tiédi. Aux innocents va le benjoin, les longues traversés, la transhumance, c’est cela aussi notre façon de glisser hors de l'existence, sans réelle tristesse, sans envie, sans remord, sans envol, dans les ridicules vêtures de celui qui attend sur un quai une femme que sa mère a dénoncée parce qu'elle se fangeait dans les ruisseaux, marchait pieds nus dans la carrière. Maintenant que tous les tomes de ton intelligence sont des procédés détonatifs, que des diables creusent mon enfer, en usent, foin de tes modes, de tes cathédrales, que me reste-t-il donc à entreprendre follement. Aimer, aimer, découvrir que je suis un rouage en  flottaison, crachant, dégueulant, les poumons encrassés, la peau calleuse, sans poigne, sans réelle poignée à donner ou à saisir, l’heure est à boire dans toutes les coupes basses, jusqu'à  faire que ce comédien impropre traverse, déprécie les planches, en somme tes scènes impropres.

Quand une nuit, une pierre, le sort sont jetés, celui que je suis n'est pas à la hauteur, j'apprends que ma chaude docilité doit se jeter  face contre terre et accusera une autre figure, celle qui ne sait pas s’approcher de mes boyaux. Il en a toujours été ainsi, c’est recroquevillé, rougeaud, immobile, fatigué, veule, épris de mousses et d'herbes qui rendent nonchalants,que je cherche dans un tourbillon d'idées à déballer de caduques attitudes, dans des glorioles, et si j'écris tant et si mal, c'est bien parce que cela m’est nécessaire, épidémique, je le fais  pour me détacher de toi,de  tout ce que j'ai aimé et qu'il faut qu'aujourd'hui je m'envirole , m'environne de quelqu'un d’autre, tout cela sans reproduire mes habituelles attitudes, cette couture sur un mode d'animal qui s'endort sur le flanc et me laisse à une demie distance de mes présomptueux préceptes, sur un surplomb, sur une pente qu'il ne peut remonter, c'est tout autour de ce doute que mon existence s'est construite, elle crépite entre mes songes et les filles nues jetées contre moi, et celles qui ont heurté mes nuits pour ne jamais y parvenir, qui n'ont jamais tenu à ma chevelure , qui ont été fabuleuses de leur balourdise  et dans leur lointain démesuré qui n'était pas pour moi.

Les rats de bronze et d'airain figés comme des bornes ne seront plus  nécessaires pour aller jusqu'à nos plaintes, avons-nous triomphé d’un désastreux dessein, spéculer sur les autres, ou nous sommes-nous simplement débarrassés de l'essence, de l'arsenic, des poisons qui les menaient à nous-mêmes. Il n’est plus  le besoin de dire ce qui n'est plus articulé, ce qui ne sera pas régénéré, ne se gérera plus que  dans leur valse sur l'émail blanc, sur celui de nos idées, de nos salles d'eau, sur nos parquets de feutre, dans nos cuisines, nous coursives où les victuailles sentent la rancœur et qui sont à la  limite de la répugnance. Pour m'assurer que je pense encore à de beaux comportements, comme un homme ayant des civilités, je les regarde une dernière fois avec des yeux de ferraille, touche à leur peau insolite et spécule sur cette matière qui confine à de la soie ou à de l'ébène  que j'aurais volontiers cramoisi pour lui donner l'aspect d'une figure détestable, une géométrie variable, comme celle  de ma propre famille, celle où je travaille et qui  ne m’a jamais reconnu.

Qu'aille aux taiseux les mots des moribonds, de ceux qui ont voulu pour une dernière fois espérer un  rameau d'esprit, une anacoluthe, une litote. Je jette à la face du monde mes idées de crève la faim, mes idées de  bouche bée, clos, en dehors de tout, et n'en pense pas moins ; je préfère, en mon intérieur, toucher à la misère de mes ancêtres,à mes ascendances, à mes descendances, et confier à  une oreille attentive que le monde est un branque vermoulu qui bouscule dans quelque chose qui n’aurait  la santé que  de la fin, que je n'y prendrai pas garde, que ma dernière branlette serait pour elle, pour celle qui m'a imprégné la tête et le corps, avec ses crachats et ses défis, qui a mis dans ses yeux et dans les miens quelque chose de volcanique et que je garderai dans les fossés du cœur. Si un feu devait m'embraser, je préserverais  ce corps, avec son vouloir et son odeur, afin que mes mains s’y crispent encore et me donnent à entrevoir un microcosme que je n'aurais jamais imaginé si je n'avais pas lu dans les livres qu'il en existe  d'autres semblables au mien.

J'entreprends ici de dire que tout ce qui est achevé doit rester net, centré, circonscrit nous empêchant tout jugement erroné, sinistre est minime. Du bon ordre des choses je peux parler en gonflant le torse avec la traîne d'un qui n'a pas torsadé son désarroi,  s'est pas épargné dans l’envie, dans la monotonie qui se la ramène avec sa tristesse, ses rires ou son ignoble omniscience. Il m'arrive encore de croire que la marche du monde s'inscrit dans un manège d'idées, dans les livres que peu liront, et que celui-ci est un parc zoologique ou s’ébattent des animaux dressés pour n'être pas soupçonneux de l'humain. Je vais donc de l'avant comme pour saluer une femme, un ami, quelqu'un qui n'est pas grave, pas agité, pas infatué, qui n'est pas dans le syllogisme, qui n'est pas affecté par le savoir, pour aussitôt me rendre compte que  sous le soleil violet et bleu, comme le sont les ennuis, le devoir, les pensées méprisables, je n'ai pas de place parmi les hommes parce que je les ai interrompus dans leurs fausses paroles, et que ceux qui m'ont en tenu rigueur ,ont été aussi simples et sots que moi et qu'ils n'émergeront nulle part.

Oui tout est figé, et l'air jaunâtre en suspension est projeté dans mes poumons, le soleil éternel voyageur part en excursion, les nuits imaginées bleues sont de vue noire et  mal fagotées, comme celle des filles qui font le ménage à grandes eaux à quatre heures du matin, oui tout est figé, l'amour, ce bel enfant né aveugle qui imagine que le monde a de précieux talents et qu’il tendra l'oreille pour entendre sa mère, ses parents s’enquérir de ses paupières aux moindres mots doux prononcés, oui tout est figé, les poupées de nacres fuselées comme des aéroplanes qu'on aimerait foutre sur les tables de bistrots, qui se déhanchent dans du déséquilibre entre les pistes tournicotantes et les salons cotonneux dans leur corps d'ébène autour d'un pilier de zinc, oui tout est figé, ce qui disparaît et ne réapparaîtra  plus que dans le son extrême d’un enfer de mauvais aloi,dans du  retrait,dans notre incapable inquiétude, nos mornes marées basses de constantes consternantes, oui tout est figé, ce qu'on ramène à soi, qu'il faut bien admettre dans ses errements, ses erreurs, oui tout est figé, surtout ce qu'il me reste à commettre de crime, de prière, de honte, de théâtralité, de nudité ,de nuit et autres extrêmes obscènes pour des anges annonciateurs d'orgie et d'opprobre.

Je laisse mon aimée dans la froideur des annonces académiques et n'obtient comme réponse qu'un sourire narquois, équivoque qui vaut comme un coup d’éperon. Non que mes intentions aient été d'aller dans les grands nouvelles, dans la balance des inconnues, dans la déconvenue en fait, ce qui me porte à sa mesure, c'est ma petitesse, mon écoute irrégulière, déconcertante. En examinant de près l'uniformité de mes propos, je m'aperçois qu'ils sont comme ces équipages qui traînent de lourds filins, comme ces bateliers dont les gestes sont identiques, mornes, immuables. Taiseux par cette nécessité de tout croire corrompu, perdu d'avance, je ne peux plus faire que dans la gestualité d'un imbécile, croyant que tout est dicté, que tout est joué d'avance, courrier coûteux, et que mes souhaits, mes désirs sont un absolutisme qui vont à des déballages impurs et à de piteux rapprochements. Je préfère donc mon vacarme muet à ce vert verbeux qu’on épaissit  outrancièrement et qui s'obscurcit dans la bouche tous les protagonistes rompus aux logorrhées et qui sortent par l’issue de secours.

Les couleurs, les amis, la musique, toutes mes obstinations à imiter sottement l'amour vont de paire avec ce qui est dénué de sens et qui ne va pas à mes  autres contemplations, qui sont d’un cérémonial insipide, ma curiosité de vaniteux n'a pas été éblouissante, je n'ai vu aucune beauté en ébullition, n'ai pas été ravi des richesses qui m’étaient adressées, pas plus que devant la perfection d'un nu qui était là pour me dire « Prends-moi ». Des natures impropres  que sur le plan des toiles et des cahiers j’ai gribouillé, écrabouillé frénétiquement ,je n’ai retenu que les crampes aux poignets, les figures sans force et  sans destinée, les mots aux odeurs putrides,j’ai éparpillé de la couleur là où il ne fallait pas, employé mes propriétés invérifiables pour donner à la page mes gauchissements,j’ai tracé des lignes imparfaites sur des cahiers sans horizontalité, étranglé des poupées environnantes, les ai calcinées, cramoisies, en croyant augmenter mon rayonnement, mais mes façons de torcher toutes ces créatures, c'est-à-dire d'avoir comme arrière-pensée un désastre primitif,élémentaire, m'a fait croire que le monde n’était qu'un filtre qui ne laissait passer que les que les nausées et toutes les impuretés.

La force est silencieuse, elle a de savantes formes dans l'éveil, les silences, les étourderies. La force ne se  défait pas dans l’anémie, n’a pas de bruit, est sans fureur, elle s'élève sans que quiconque s'en aperçoive, elle ne se laisse aller à aucun moment à des inerties existentielles et puériles où chacun ferme les yeux pour ne pas voir l'envers de son décor. La force est tranquille,elle va de la psalmodie à la stance pour être de notre mode,de notre monde, elle ne s'assombrit pas, elle  s’éclabousse clairement sur la scène des étoiles et les met dans les yeux des enfants qui considèrent leur environnement comme un jouet absurde, l'absence de leurs parents comme légitime, la force n'est pas rancunière, ne ramène pas sa fraise, lorsqu’elle est pieds nus, elle calme sa douleur rien qu'en y pensant à demi, elle s'endort en elle-même sur un tapis qui se déteint aussitôt de toutes les couleurs funestes, elle n'est pas lacunaire, n’a pas de hanneton dans les cheveux,ne tourne pas le dos à celui, à celle qui soupire à ses côtés. La force n'est pas un emportement, n'est pas une étude qui va du masque à la montre, qui passe par des lieux sales, mais par des yeux luisants, remarquables, précis ;  la force est simplement ce qui se penche sur nous pour nous relever la tête quand elle est trop lourde, trop chargée de sens crasseux, la force qu'elle soit ronde, carrée, verticale, horizontale, nommée,ou innommable va  toujours sur la piste mais n’y fait pas de tours de  forces.

La nuit coud des poches aux yeux des solitaires, elle clôt les portes, met des ombres sous et sur chaque  visage qui a chaviré dans le sommeil, la nuit puisqu'il faut en parler comme de la nuit, tient dans le souffle d'une endormie, dans la forme d’une femme que l’on  a tenu par la main des heures durant et qui  ne s’en est  pas offensée. Si opportune que soit la nuit, ce n'est pas un bruissement, c'est comme si quelqu’un tirait un rideau pour prendre connaissance d'un corps assoupi et qui va se définir, se découvrir dans une chair ronde avec des rotondes, des ogives, des arcs, des clairs-obscurs apaisants. Lorsque mes yeux s'éteignent à la poudre du temps, ce sont de petites étincelles qui me font ciller les paupières, tressauter , et sur les trottoirs où s’évanouissent des ombres, où trépassent des pas,  plus personne ne va dans la déraison, dans la dérision, la nuit reste savante, avec ses avoirs, avec ses avatars, ses mains  percluses de souvenirs, Je songe que diviser la nuit en créneaux, c’est s'élever pour écouter quelque bête curieuse qui va sortir de son nid, de sa litière,de son fourreau, de son antre, de son alcôve, et peut-être qu'elle voudra broyer ma chair, sans rien craindre du fouet, du pistolet que j'ai à la main et qui me barrera des jours à venir.

Plus encore que de me consacrer à faire, à penser, à peindre, à écrire, à construire et démolir, je veux me recommander d’un véritable cœur, je veux recouvrir mon âme d'un amour exemplaire, par  l'amour à la vie ,pas d’un  amour en villégiature, non pas à la mort issue, sortie d'une certitude,d’une longue solitude, d'un enfer et d'un enfermement, d'une inquiétude, et qui me rendraient à cette haute plénitude qu’ont les hommes lorsqu'ils  disposent de l'air, de l'espace qui leur convient,  de ce qui leur faut. Les jours à venir sont impalpables, cela je le sais, mais combien j'aimerais qu'il concurrencent tous ceux qui se sont clos sur une fausse contemplation, sur mon idéale inertie, je suis rentré dans la corruption de tout, dans le péché, dans le mensonge, et sans réellement les avoir visés. Qu'Éros aussi me darde de ses endroits, à mes endroits précis, et que mon sang afflue à ma  foi fluette, à mon cerveau, à mon bas-ventre, de  mes membres  à mes intestins, et en tous ces lieux qui n’ont jamais été fixés  parce que nulle ne les a regardés attentivement.

Quand nos conditions d'être ne sont pas sérieuses, sans enthousiasme, que nous sommes à la limite du regret, de remords, ce n'est que l'approbation de nos anciens vacillements, de nos vieillissement, de nos  projets mis dans les absolus qui n’ont émergé de nous que dans la fulgurance de nos refus, de nos hurlements. Les fleurs auront beau embaumer  nos maisons, nous aurons beau voir grandir nos enfants, nos parents devenir chenus, nous resterons toujours des êtres présents dans de fausses naissances et qui sont debout avec les entrailles nouées dans cette mélancolie suspensive qui nous sert d'alibi, de méprise, de vanité, et qui a quelque chose de honteux avec ses absences, avec toute sa hauteur fiable. C'est cela aussi notre faculté de vivre mal, cette  autre vacuité, qui  faute d'appels de notre  conscience   dissout tout ce qui est à notre mesure, dans de petites maladies qui sont d’immédiates ignorances. Je crains que même si je me confessais, je ne pourrais qu’admettre que ceci vaut par son honnêteté, et que  j'en fais usage, quand je veux m'abandonner, ou être, tout simplement être.

Ce que tu tais, ce que je tais, ce que nous avons borné en nous et qui jamais ne viendra à nos lèvres nous temps, nous rend langoureux, amer, défait, ou dans une langue réglée et exaspérantes Qui pouvons nous, rien ! Les trois quarts de nos existences sont construites des terrains trop mous, des baissières, de la lie, de la lise, du limon, quand il eut fallu les ériger sur du béton, dans la transparence des journées  où nous rêvions encore de ne pas souffrir d'idéal, car l’idéal est un mensonge que la vie déplace sa guise, vers  des haut-le-cœur, avec des bleus dans les veines, la chair. Ce qui est fait est fait, nous n'y pouvons plus rien, mais nous sommes encore, nous respirons, nous avançons, nous pleurons un peu plus ou un peu moins, nous nous informons tout de même de tout sans que quiconque le sache, c'est cela notre victoire, nous sommes toujours dans la lumière pour des transfigurations, des tragédies qui ne  nous font plus brailler ou rugir.

Aux rêves pierreux, quand toutes les espèces, tous les espaces semblent morts, succèdent des passagers, des passants, des bâtards tellement en vie qu'on voudrait ne pas leur prêter main-forte, ils se divisent d’ailleurs, ils marchent vers le même but que nous, lequel je l'ignore, simplement celui de demeurer ; rien ne les dessèche, ils sont assis, ils sont couchés, sont debout, ils vont de l'avant, ils sont devant et sont derrière, ils se dissolvent en nous et autour de nous. Ils vont chanter ou crier,  ils vont ouvrir, entrouvrir leurs livres saints devant des murs bardés de fer et d'acier par d'anciens ennemis, ils vont évaluer nos parents, gravir des sommets, monter vers les plus hauts des étages, ils vont traverser des gués et des ponts, ce ne sont plus des vaincus, pas plus que des vainqueurs , moi je reste malgré tout amer et solitaire, je n'entrerai pas dans leur cercle, je n'entrerai pas dans leur ostentation, mais dans la résistante lumière qui est également un peu de ma torpeur.

Ce que je considère comme venant de toutes tes profondeurs et fécond, extrême, adroitement lié et continu. Non que je veuille tout savoir, tout découvrir de tes tristesses, de tes exaltations, de tes  souvenirs, je veux par le seul fait d’ être debout parmi les vivants ne pas me séparer de ton existence, de rien de toi. Il serait absurde de croire que je vibre à chacune de nos rencontres, de nos étreintes, de nos nuits, de nos abandons, absurde aussi que j'ai élaboré en toi et étendu en toi une vérité, ou un anéantissement, mais j'ai à ce jour de nombreux et beaux pressentiments, rien  qui ne puisse gâcher ni gâter ces moments où ensemble  sont simples nos existences ,dans quelque chose de vigoureux, de réel et d'équilibré, c'est cela que je fais veux fêter ou rendre fertile, par ma nature même, si intérieure, tant en intérieur qu'elle n’est visible que de toi.

Qu'ai-je à perdre que je n'ai déjà perdu, des amis, des parents, des rêves, quelque force, une suprématie dans l'immobilisme construit sur toutes les déclinaisons de mon être, non je n’ai plus rien à perdre, c’est pourquoi je me vois comme un homme étendu, déçu, déchu, avec des finalités éprouvées, et que se bat improprement sur chaque scène. Boire, fumer, prier, vomir, dévoyer un curé avec mes compromis, avec toutes les  chimies organiques de mon fonds ordurier, avec  la pharmacopée d’un herboristes perclus de rhumatismes, d'un dieu pénétré de lui-même peut-être, voilà à quoi j’aspire. Les quelques passions qui me viennent sont aussitôt animées du sceau du suicide, il est d'emphase, saugrenu, telle une perte de temps, il a  l'idée de l'étendue, du tourment, de la lassitude, de mes mémoires crasseuses, de mes déboires, il est lié à la perspective d'un devenir mal engagé, et si je veux croire, c'est pour obtenir un peu, un peu de rien, un peu d'amour qui ne me mettra plus dans les épouvantables attitudes.

La vie, il faut la voir sécher, pourrir, se cadavériser  avant d’en connaître l'espace légitime, il faut lui consacrer ses peurs, ses craintes, ses hontes, ses sanies, son effroi, et pour bien se rendre compte combien elle est de dimension, il faut carrément l'oublier. Quiconque n'a pas tressailli à ces idées, ne les a pas devancées, ne les a pas légitimées, qu’il aille se faire foutre, qu’il aille au diable et sans même lui tirer la queue, qu'il s'exaspère dans son éternité. À ma mémoire qui a défait mes façons d’existant, mon monde, mes ratés, j' associe un cerveau inapproprié, tout ceci pour passer inaperçu, seule la musique, la parole, la peinture,  l'amitié l'amour déversé à beaux courants, vont à mes réelles résolutions, invisibles pourtant. C'est pourquoi toutes les matières, de l'air à l’eau en passant par le feu, la poussière, je les considère comme la face inversée de toutes les anomalies qu'engendre ma tête mal pensante.

Lorsque nous nous serons plus dans la gangrène de montrer qui nous sommes, comme paraître, comme devenir,  ce que nous avons été, j'entrerai en communion avec l'homme, dans sa connaissance, partagerai ses craintes, ses allusions, ses illusions, le feu qui le mange, ses douleurs, ses pulsations, tout deviendra mien, je serai cet identique qui ressent de la même façon, la même chose que lui, quelque chose comme rêve,une révélation longtemps dissimulée, comme si tous deux nous touchions la périphérie de la sainteté sans vouloir y rentrer avant d'avoir connu les hautes déceptions. C'est cet esprit que je veux atteindre, entrer dans la plus extrême des tensions et des sensations, c'est en lui que je veux m’ouvrir, pour revenir vers les uns, sur les autres, sur la durée, sur celle qui m'y due, parce que j'ai toujours eu quelque organe pour chanter les êtres et leur humanité.

Je ne sais plus qui ne nous s’est grandi tranquillement en écrivant sur du vélin ses précieux fayotages , ses nuits apaisées, l'anémie de ses désaccords en fourreaux qui attendaient de s'épaissir pour pouvoir plaire, je ne sais qui de nous a marché le long des eaux glauques des marécages, quand les têtards, petits lépreux bouffeurs de glaise glissaient entre nos doigts, je ne sais qui de nous a vu flotter  les voiles défaites des bateaux partis pour prendre de la contenance sur des mers agitées, je ne sais qui de nous s’est assuré des cailles, des perdreaux, des lièvres pris dans les collets, quand l'automne avec sa marmaille rousse se cadrait dans un décor éclairé dans les lisières pour une approche cousue d'or, je ne sais qui de nous fut  la caricature de l'humain, dans celui qu'il est devenu, rocailleux, rosissant aux premiers désirs et qui ne pour ne pas se faire prendre s’est tant étendu , en est devenu aussi fragile que la nuit traversée par tous les rêves qui se sont barrés au matin, je ne sais qui de nous sait quelque chose de l'autre.

Dans les noirs musées aux fondations de marbre, des années sordides se sont écoulées, il y restent encore et pour toujours ces peintres maudits qui se momifient  sous le soleil des lumières blafardes pour nos passions élémentaires d’eux, avec leurs poils de braise, leurs portées de petites dévergondées qui suèrent sur chaque tableau pour mettre des bouts de beauté dans nos yeux sans que quiconque puisse entrer dans le cadre. C'est cela aussi l'âge de la faillite et du crayon, quand les filles besogneuses  d’hier, entre l’orage et l’incendie allaient  par-delà les mots mal fagotés, et s'imaginaient au réveil que rien n'était plus élémentaire que leur corps, pas plus  le vent que la pluie les marées, voire les hommes qui ont mis des couleurs un peu partout, pour des panoramas de brûlots, tout cela élevé contre les illusoires beautés du monde. Bientôt viendra mon silence, impérial comme celui du frère qui sait par avance qu'il est condamné à périr chouriné par l'un des siens, je sais qu'aujourd'hui j'ai la vue ouverte sur ma famille qui n'est pas mon plus haut degré, et où que je sois passé, il arrive toujours un dieu emplumé de neige pour me tout faire répéter jusqu'à la mort.

Dieu s'il avait été poète aurait giclé sur le monde, et toutes les femmes enceintes auraient appris dans les journaux que la parturition leur est interdite. C'est la fin du corps naissant et la fin du corps mort à l'intérieur de nous-mêmes, de celui qui nous divise, nous embrouille divinement, c'est ainsi que les hommes élevés comme des soldats, comme des épouvantails, comme des dégénérés, comme des déroutés de toutes parts ont l'esprit dans la netteté du désespoir. Ah, comme j'aurais  aimé que cela se passât ainsi. Du même auteur il y a des milliers de malfaçons, des arbres avec des troncs d'éléphant, des lézards avec des queues de paon, des filles dans le commerce indécent des loups, des hommes auréolés pour s'offrir leur vie à de fausses saintetés,  et qui prennent la place des autres, il y a  dans les cagibis des monstres butés sans jambe et qui jamais ne pourront en sortir, des livres écrits sur l'eau boueuse des marais, que sais-je encore, oui, qu'il existe des épouses sans empire, sans emprise,dans les petites  tueries de l’existence et qui disent « Chut monsieur j'éteins la lumière »

En fait, je ne gagnais rien à te décevoir avec mes miettes agrémentées de mots  peu réconfortants, que tu considérais comme inhérents à ma nature de faux navigateur, ma nature est de passer inaperçu, de ne prendre aucune décision insincère, de laisser le monde tel qu'il est, illogique et impénétrable, avec ses déclivités, ses équipements pervertis, ses déguisements pressants avec toute la panoplie de quelqu'un qui ne cherche pas à s'y livrer. Je me suis trop fixé en idée de l'amour, mensualités d’affolé, jarretelles, jarretières globes puissants, évocateurs de festons et de beaux capitons ; archange foutu de me branler avec deux doigts, j'ai cru que l’amour était un alcool élémentaire et supplémentaire, or, c'est une capitulation, un écrasement, une parole jamais élucidée,  que l'amour reste ce qu'il est, de la mousseline, de la naphtaline, une idée de ceux qui croient à quelque plénitude, en fait les sentiments ne sont que des autopsies d'eux-mêmes.

Dans la désolation je me couche avec la dévotion d’un qui va à une divinité par le chemin le plus court, je m'endors enroulé comme un chien jaune écrasé par ses excès, et Dieu m'apparaît comme un vétérinaire qui laisse l'épée à des animaux distendus, tout ce qui me sert ici se régénère parfois,mais ne va pas à la terre avec ses fleurs, ses arbres ses insectes, cette terre  avant tout gonflée, sur laquelle on tombe à la ruine  des mains, toutes les mains, celles qui n’ont des activités que dans les extrêmes, celles qui vont aux rampes des ménages bleus, celles qui vont au lessivage du corps, celles de ceux qui rêvent de se mettre à table, celles qui sont là pour festoyer, celles qui sont sans péril, porteuses d'eau, porteuses de cran d'arrêt, ces mains qu'on admet comme adultères, c'est  de ma manière à dire qu’elles sont des bouffeuses de coin de ciel, bref, ces mains, toutes ces mains sont miennes. Cette nuit, j'investis mon lit, morceau de chair blanche, et j'y établis un dialogue avec celle qui est mienne, ce dialogue ne me mène pas loin, il me ramène jusqu'à mes automatismes, ceux d'un humaniste, onaniste, qui a joué à la courte paille et doit se branler avec sa senestre, quand sa vie durant il n’a été que dextre, extrêmement dextre.

Ce sont de gros grains que nous avons semé cette année, gros comme des camées, ils n'ont pas donné, il eût fallu commencer petit, petitement peut-être aurions-nous obtenu quelque chose qui suscite l’appétit, plaît à la vue, pas  dérisoire, peut-être que certains matins, et ceux qui ont suivi, ils auraient dû donner, être à la forme de leur destinée, la forme  qu'ils exigeaient à la renaissance, trèfles, pois, carottes, herbes folles, oui peut-être ? Maintenant que l'été s'élabore comme un tableau qui a ses premières couches, que le gros des larmes est matériel autant qu'un matériau posé sur la toile, que reste-t-il de notre enfance, quand les fruits élémentaires, cuivrés comme des chaussures qu’on cire et qu'on entretient parce qu’elles iront à nos petits frères,à des dimanches souverains,rien,sinon des lieux mal nommés, jachères, resserrements,terrains vagues,vergers défraîchis, que même les vers ne s'y encombrent plus. Me voilà dans la peau d'un adulte incarcéré, dans la peau d'un adulte qui meurt, aimant petitement, et je le dis à juste titre d'ailleurs, que dorénavant je n'écrirai que de méchantes lettres pour les unes et pour les autres, et que j'irai dans les églises pour prier afin que nous  crevions tous.

Lorsque mon aimée reviendra de voyages, elle ne m'embrassera pas, ne distendra pas ses bras pour me retenir, elle aura encore à la bouche cette rhétorique de dentellière, si fine, si effilochée, tout en filigrane, en triangle où se heurte entre les angles et les arêtes un certain nombre d'hypothèses, je serai encore plus petit que je ne le suis habituellement, petit comme sur ses anciennes photos jaunies où j'apparais comme un domestique obligé à sourire aux annonces du photographe. Je hais  ces lampes du souvenir que j’ai allumées et qui m’exaspèrent de me voir comme je suis, dégrossi par l'ennui, parce je n’ai pas réussi à le mettre dans mes désaveux,dans les amours mortes sans doute d'avoir mal été entretenues, par la réalité qui a toujours la tête sur les épaules, qui a bon dos,qui flanche sous mes yeux, par la tricherie qui m'a dévoré rien parce que je voulais voir, savoir, mais voir et savoir quoi, la nudité qui peut être la plus précieuse des données, surtout celle d'une femme qui nous étreint, d'une haute magicienne, ou l'amitié, ce calcul de la veille. J'aimerais tant me mettre en bouche des pastilles colorées et odorantes dormir, dormir, dormir…

Les pions donnent de fausses nouvelles et les maîtres qui s'étaient absentés ont dans la bouche tant de choses à déclarer qui leur manquent de la salive pour éviter les boutures de la parole. Je veux fêter ces donneurs de fausses nouvelles, ces hérauts qui ont une double vie et ne se confessent pas, qui ont déambulé dans les couloirs, dans tous les trous du bout du monde, avec ou sans hésitation et ont fait revivre l'histoire, les biographies, la vie de ce qui tout en étant dans leur état d'homme a contribué à leur éducation de menteurs ; de mes voyages retenus où j'étais pressé, où il y avait quelque urgence à aller d'un point à l'autre pour tout tuer moralement, pour tout saper de ma mémoire, je n'ai aujourd'hui que des fonds plats, des planisphères étroites, linéaires, des tableaux mal évoqués, des images de foire qu'on reçoit en pleine tronche d’enfant,quand le cochon d'Inde a sournoisement tiré votre numéro au sort, oui voilà ce qu'il me reste, des rires gras, des décombres, des scènes impropres à être décrites, et tant de faux jugements sur tout, tous et toutes…

Quand l'aurore n'est pas une flamme qui persiste, reste en bonne phase, l'insensé que je suis explique le monde avec des milliers de mots dénués de sentiment, sans signification, des mots piqués un peu partout et qui sentent le goudron, il en est de même avec l'amour, cet ensommeillé qui sort de moi avec plus visage, plus de frémissement, plus ou moins de beauté. Je dis ici, que je n'ai pas menti, pas triché, pas pavoisé, du moins pas plus que les autres, et que tous mes paris étaient  portés sur la vie, la vie et rien d'autre. Aujourd'hui terrassé par une fatigue légitime, je précise que mes brouilles sont celles que j'ai avec moi seul, que le brouillard vient d’un désastre intérieur,  que les bizarreries de l’existence s'écrivent en lettres dépêchées. Oui j'ai voulu déserter le quotidien pour vivre dans une forme d'étourderie non mesurable. Qu'ai je commis comme mensonges, combien de poisons ai-je rejetés  pour que jamais je ne puisse rejoindre les autres, je l’ignore. Mon aveu est chargé d'inventions, d'interjections, j'ai encore la force d'être un petit peu voyou, un  type brandissant un drapeau, un petit peu voleur de petit chemin,  non personne de mon quotidien, au lendemain de mes chutes, ne me dictera où je dois aboutir, ne me dira où est la vérité, où est la vie, la vie et l'esprit qui s'en déclare…

Dans les épaisseurs diurnes, quand dans le jardin se sont ragaillardis des oiseaux encombrés de pennes et de nuit, je vois que suis encore dans du veuvage, un  reste de tristesse, de salves qui vont retentir,me reculent d’être ; le café a beau se colorer de  brins rouillis, avec le fumet d’une  belle épice recherchée, rien ici ne m’atteint plus, je me sens comme un insecte qui déménage pour se tapir dans une chambrée ou les chiens moussus deviennent verts en bouffant du vermifuge. Alors j'attends, j'attends qu'une femme me salue à sa manière, avec des gestes de secrétaire ou d’effeuilleuse, qu'elle me saoule, qu'elle me donne ou me redonne le goût de mes quinze ans, quand moins affolé ,je transformais toutes les imageries en de brutaux échos, que mon bas-ventre atteignait aux caresses de la double entente, entre la nature parfaite et ses hauts frémissements, qu'elle me procure encore des étourdissements et des chevaux vapeurs , qu’elle me caresse les cheveux comme une crinière d'animal qui s'enroule autour d'un arbre, qu'elle s'abandonne en moi et dans mes rêves. Il y a bien longtemps que mon âge a laissé place à une retraite de costumier, et que les modèles de cette époque sont devenus des putes ovariennes, vulgaires et sans regard sur moi…

Elle a des jambes jusqu'au nombril fuselées comme des ailerons d’un trimaran, pourfendeur de vagues et d’eau trompeuses, comme elle  une odeur de science, j'ai toujours cru qu’elle était du plus beau des flacons, où qu’elle  travaillait chez un luthier. Ce que peut faire naître de divinités, je ne l'ignore pas,et moi qui les ai vues à chaque fois que j'ai cogné contre son corps, je peux dire qu'elles sont immémoriales dans mes rêves qui vont par paire, et si l'on s’y invite, si l'on y ajoute tant soit peu de soi même ,on pourrait couler à pic et se retrouver dans un désert de glace ou dans une machine à tambours. Cela ressemble à un logement coupé du monde, mais un peu plus grand, un peu plus vaste que mes peurs, c’est là que je rencontre d'étranges créatures aux paumes percées, qui me questionnent sur mes langueurs, tout en commettant des gestes obscènes, ils me saisissent par la taille et me renvoient du côté de ma maladie, ou dans une fête foraine, parfois sur une route déserte à trois heures du matin et dont la ville la plus proche est à quelques lieues…

Mes souliers ne sont pas percés, je vais d’un  pas surélevé dans le lent matin sur une route où m'a poussé une querelle dont j'ignore la véritable teneur, je me sens ballotté comme des pièces dans une poche dont je n'ai nul besoin, la musicalité du lieu ne va pas à mes sentiments, la boisson, ma chair et ma caducité se chargent de mes restes. C'est une petite fraîcheur doucereuse comme un refrain que je me mets en tête et qui ne quitte plus des heures durant. Alors je vais dans la marche, elle travaille pour moi, et mon cerveau, vieux rocher violacé par le temps  s’envenime en  ogives de pleurs, il exige que j'atteigne une gare lointaine, que j'y prenne des renseignements, que je me rende dans une ville lointaine, dans la demeure d'un demeuré, et que chacun reconnaîtra parce qu'il garde sa langue à l'endroit il faut. Quand les wagons s'ébrouent, je m'endors ; au réveil mes vérifications témoignent que je suis dans un autre pays où une langue gutturale évoque des leçons apprises au lycée et dont j'ai gardé le secret des sentences, l'obscénité du premier vocabulaire, alors que j'étais ce lointain frontalier et que pour quelques billes je pouvais entrer dans une gravité, une lourdeur sentencieuse, celles de  tous les vicieux qui n'ont pas été caressés par une femme…

Les nuits sont des mémoires vivantes et vacillantes, et j'y veille tel un guetteur avec des guêtres mal nouées que nulle pensée obscène ne parvient à rendre plus obscène encore, je vois ma vie en double, en double de moi, je ne  tiens pourtant à personne, à aucun nulle part qui me supporterait, je n’ai pas attendu que les statues fassent de l'ombre aux statuaires, que les feuilles roussissent à l'automne, que les blessures fassent mal quand ça leur chante, que les femmes dépourvues de biographie fixent de mon existence  qui tient de l'imposture et du roman. Les nuits n’ont pas de titre, elles sont gracieuses ou pas, elles valent aussi par certaines morts, celles que nous évoquons toujours dans l’ébriété et la solitude les plus faibles, dans une moralité de miséricorde et de sentences, ces nuits-là sont aussi miennes, j'y ai du dédain, je m'arroge le droit de m’abhorrent, ceux qui m’injurient, ceux qui m'offensent. Au lever quand le soleil pressé de se faire astre va vers par un dieu plus inconsistant encore que je ne le suis, je garde en bouche le goût de toutes les grossièretés, dans une langue qui est mienne, mais dans ce pays ma charge d'homme reste toujours dans l'apprentissage…

Il y a des femmes avec qui je partagerai mon trois pièces contre une piécette,un baiser bien placé, une caresse ancestrale, d'autres par contre jamais n’y auront leur place, celles qui me boutent hors de ma couche parce que c'est une affaire d'inspiration, d'expiration, celles qui ont conçu le canapé comme un échappatoire, celles qui sont absorbées par des fausses passions, et qui savent  que ce sont de belles infantes mal éduquées, celles qui veulent trop leur pourcentage de jouissance,celles qui se   sont montrées incompétentes et austères dans ce qui se règle et se gère par l'amour. Il est des femmes qui vous abandonnent sur une route déserte, loin, très loin d'une vie pleine, entre la parenthèse et le dîner, et ne se soucient que de leurs propres menstruations, leurs propres démonstrations, à celles-ci je dis, qu’elles me sont  étrangères, intelligentes certes, persuasives, certainement curieuses de moi, mais qu'ont-elles  comme paroles  d’échanges, comme paroles d’usages, si ce n'est bulbaire baratin fait de soubresauts et de mécontentements. Aujourd'hui toutes me sont lointaines, méconnues, mal  reconnues, et plus je m'aperçois que j'ai voulu prendre soin d'elles, plus elles ont été droites, moins elle me faisaient frémir, ogresses dont j'ai connu les courses à l'orage, le vertige du pas posé vers moi, à qui j'ai donné mon âge et ses enseignements, qu’elles restent dans leurs certitudes et leurs désirs, moi dans la peau d'un homme sans valise, sans viatique, et qui ne renonce pas.

Il est encore d'usage dans la contrée d’où je découle , dont  les hommes m’ont éloigné,que des redresseurs de torts mettent une muselière à leur femme quand elle n’atteint pas le bon âge du tâtonnement, qu’elle ne s’enfonce pas dans ses charentaises pour traverser le salon, quand elle a fulminé Dieu sait pour quels détails, il arrive même que certains loups,lorsque l’homme en fait la demande et qui ont  un odorat  développé se jette sur elle pour la déchirer jusqu'aux os, elle sait que de mauvaises attentions ont pénétré dans cerveau de la bête ,qu’elle n’est plus dans un droit qui lui vaut toutes les déclinaisons, dans cette même contrée sont des louves plus puissantes et  plus cruelles, renseignées par un qui s'est étendu parmi elles, et qui voudraient rogner jusqu’à leur moelle. Dans des endroits malsains ou elle m'édite sur le levain et sur d'autres  femmes qui sont griffées jusqu'au sang, elle craint que les fauves ne le surprenne dans leur nudité, alors elle use d’un  dialecte  clair qui dissipera l’animal  en broutant le feuillage des arbres entremêles, j'ai également assisté à une de leurs  débâcles et combien je regrette que dans leurs meutes, elles ne me mettent pas en position d'un qui ne sera pas à la queue leu leu…

Dans les environs de Zaplot, les filles ont des attitudes de limonadière, c'est-à-dire qu'elles pétillent, frétillent, puis se momifient d'un seul coup et son vont pour entrer par trop on ne sait trop quel miracle vers des lieux insolites en marchant sur la tête.  C'est ainsi que le monde s'inverse, que les hommes deviennent moins chauds, les enfants terribles, les parents des emmerdeurs de première, les petites filles moins sages, elles prennent dix piges en une seule journée, je vous laisse deviner le bordel qui figure en tous ces parages. Certaines sont épargnées, elles tapent alors sur le premier fiacre qui passe et vont en ville se convertir à d'autres souverainetés, quant à tout ce qu'elles abandonnent, de leur première nudité jusqu'à la plus petite cuillère, aux amis les plus chers, elles s'en foutent, tout juste si elles chuchotent quelque au revoir. J'en ai vu de toutes ces défaillance du côté de l'entente, d'ailleurs tout y est identique à quelques détails près, les femmes quoiqu'elle ne luttent guère réussissent à s'échapper par je ne sais quelle magie dans d'atroces dédoublements, on dit que c'est parce qu'elles usent d'un bronzage et d’une potion faite justement par les mêmes immobilistes qu’elles, et dont les vertus jusqu'à ce jour les ont rendus appréciables  dans tout ce qu'il y a d'ahurissant et d'écrasant mais que nous devons commettre pour créer de nouveaux lieux artificiels…

Dans les montagnes avec ce qu’elles ont de vague, les Goules sont de retour, et chacun dit à qui l'entendre qu'elles sont plus féroces qu'autrefois, que leurs créateurs ont été empierrés rien qu’en les regardant, que leurs morsures sont bien plus vénéneuses, et qu’en vous mordant vous perdiez votre vie durant tout ce que vous avez fait à l'envers, elles se méfient des vierges, de celles qui ont des ongles rouges, s'en vont aux cérémonies, quant aux autres, à toutes les autres, elles jettent des rocs, des sorts, des huiles bouillantes contre ces mêmes Goules qui dorment peu, et bien qu'elles soient ensommeillées on dit qu'elles font du calcul, de l’algèbre, quelque qu'arithmétique, couchées sur le dos pour bien regarder les étoiles et débattre d'un astre solitaire qui faute de liaison finira par être un singe dans un ciel de vampires. La Goule d'une seule respiration peut engloutir tout un terrier avec ses lièvres, ses hases, ses levrauts, c'est à ce moment-là que beaucoup d'entre nous cafouillent dans une langue qui nous est devenue étrangère, elles, elles s'y adaptent, leur situation quoi qu’ostentatoire est devenue un jeu, un chant des plus honorables. Je vous le répète une nouvelle fois méfiez-vous des Goules aux cheveux blonds, elles  sont  encore en apprentissage de la vie mais sont capables d'engloutir leur propre mer, voire une famille entière et qui se serait la nôtre.

Lorsqu'on donne une offrande en profondeur, en un seul plein de celle qui nous aime, en plein de chants, la pénible besogne avec des contenus extraordinaires nous met dans une tendresse réelle, efficace quoique fugitive, et un silence que nul ne peut définir vient dans les chapelles perdues dans les sous-bois et qui par endroits dévient la lumière lunaire qui a traversé les frondaisons. Mon dernier amour avait ceci de remarquable, qu'elle remarquait tout , l'insignifiance d'une parole, le déplacement de mes appels, les grains trop éparpillés dans la théière, la cuiller qui retenait quelques brouilles d'un café trop épais, mes sens par-dessus tout, la patience, mes aisances, certains jours à couper court à la parole, moi j’ai pris l'habitude depuis mon jeune âge de ne pas protester, c'est cela aussi une habilité et une imbécillité de l'existence, je les ai toujours gardés pour tenter de me puruler sans Dieu  dans mon travail qui demande tant de moments d'incertitude autant que de compréhension, bien que je saisis tous les espaces où je concours à ne  blesser personne, mes mots claquent tels des lanières, et je me perds pour un long temps, pour toujours, un chapelet autour du cou, tel un stakhanoviste trop affecté à des travaux sans subtilité…

J'ai des idées de criminel,mais mon passage à l'acte qui pourrait venir de l'intérieur ne tient pas la route, je reste donc sur les voies de mes pensées fugaces qui s'accomplissent dans les petites rêveries et me rendent service, tout en en ne m’apportant rien de bon, bien sûr tout ceci n'est que la réduction d'une réalité ou j'aurais aimé que l'on me juge sont les meurtres que je n'ai pas commis, ce  qui me retient de chouriner un tel, de descendre cet autre, de me plomber celui ci, ou bien tout simplement la peur, la conscience que tous mes faits et gestes sont déjà de petits crimes, petites cruautés que je commets dans la béatitude d'être en présence d'un temps qui n'en finira pas, c'est aussi mon grand défaut de tout dissoudre en moi, du plus large au plus étroit,du plus ignoble au plus beau, je dis bien tout. Je mourrai donc comme j'ai vécu, impalpable et mou, anthropologiquent, quaternairement, dans des présupposés sans fond que j'ai moi-même élevés, voilà qui est une de mes plus grossières erreurs, voilà pourquoi j'ai de moins en moins de  raison à partager…

Mes mots ne sont pas vieillots, ce sont des moissons, de la treille, du salut, quelques musiques pour te plaire, te serrer, te garder, te conquérir par de différents vocables que ceux qui viennent à mes lèvres, et qui se dissolvent aussitôt prononcés. Si me lire est de l'ordre d’une  colère, d'une mauvaise erre, d’une douleur, qui ne te mènent nulle part, je cesserai de te conduire à mes rêves, mes consciences, à mes vibrations, à cette cinquantaine que j'encaisse  comme un uppercut, celui qu'on balance à un ange déchu et qui voudrait aller jusqu'à Dieu. Mes mots sont des mots, il sont identiques aux tiens, plus délités peut-être, mais ils atteignent des douleurs secrètes discrètes, et que tu ne connais pas. J'ai bien peur qu'au-delà des signes que tu ne vois que comme des fermetés, une audace, une fausse manœuvre,tu veuilles t’en dévider, il ne faut pas qu’il en soit ainsi, à la place de ceux-ci j'aimerais te tracer des lignes, des parallèles, des infinitudes, ma santé passe par ce que je te dis, parce que je t'écris avec les formes multiples de mon vocabulaire insouciant  de vivace, si tu n’en as cure, ce n'est pas  du regret que tu prolongeras en moi, ce sera un  voyage sans retour,  une forme de mort, une forme de retard, je t’étudie depuis longtemps, et plus le temps de ma présence passe,plus  me nourriront  ta connaissance et tes intentions.

J’aimerais que mes mots soient des philtres modifiés, féminins, des nuancier aux couleurs de jardins, comment peux tu  croire qu’ils soient posés pour une autre, comment peux-tu croire que je les néglige ou les métamorphoses sans côtoyer la femme qui me rend fécond, vivant comme en célestes noces, je ne crois pas que ta parole abrège mes réels fondements, celle de notre relation, parce que tu la rends algébrique, instrumentalisée, avec tes airs de crainte et de relégation. Mes mots sont en lieu sûr en toi, je sais qu'ils t'atteignent, je ne crains pas qu'ils aillent à ton silence, ce qui m’importe c’est ce qui les tarit en exigences, sache que depuis que tu as de la vie pour moi, après toutes ces années, après l'enfant qui s'est nourri de toi pour devenir un homme aujourd'hui, tu me rends explicable à tes yeux, réel et accessible, cesse de croire qu'il n'y a pas de cause à effet, je n'ai pas encore eu suffisamment  d’existence, du moins pour le moment, ces mots pourraient t’appartenir, être les tiens, les nôtres, avec des images repêchées dans les plus belles des eaux, dans nos souvenirs, oui je veux que nos ressemblances nous rejoignent je veux qu'il en soit ainsi.

Parlons-en de la rétention des mots, il y en  a qui sont en nous , ceux qu'on planque comme pour faire  profil bas, se détacher du monde, n'en rien garder que l'enivrant vocabulaire, ces tours qui vont par paire et qui parfois sont nauséeux, écœurants et qui n'ont rien de productif, il suffirait de les prononcer pour passer de vie à trépas, perdre son souffle, il y a ceux que nous gardons, que nous renvoyons à notre image, image éprouvée par nous-mêmes et par le train train des ordinaires fétides, pour que nous n’ayons plus à témoigner, il y a ceux qui nous tiennent compagnie une vie durant et auxquels nous ne donnons aucun merci, aucun bienfait, il y a ceux qui nous bigarrent  à l'intérieur pour nous rendre beaux à l'extérieur, voudrais-tu de mon bestiaire de mots, de ceux que je mets dans leur gangue afin qu'il ne sèchent pas aussitôt, qui sortent de leur patois pour se détacher de moi dans une forme d'extase et sans mes renoncements, sans même que j'y pense, il est un bas nylon sur les mots qui ont une audace, réplique à ma respiration, qui sont l’alpha et l’oméga de mes jugements, de mes divertissements ,de mes  déversements aussi, il y a ceux qui sont ravagés sitôt qu'on les émets, nonsensiques , inadéquats, inappropriés, c'est là, dans la perspective de ne pas en user de crainte de me dessécher que je préfère les silences, tu sais cette petite pause  où j'entends vibrer l’air, et peut-être un ange qui me frôle, qui me dit « Reste ce que tu es et tu resteras ».

Dans mon laboratoire tu as ravagé mes artères, mes veines, qu'as-tu commis qui fasse mal courir mon sang dans mes tuyauteries, cette marée qui n'a aucun effet sur la lune, mais sur mes proposions à des moments de douceur ou de folie. Dès tes départs par le matin, lorsque avons mal dormi, il me reste un  vaste crépuscule, cette terre que tu cherches à arroser, mais les puits sont vides, les seaux sont rayés, rouillés, la corde s'est éméchée. Que dire à propos de nos litanies, de nos liturgies, sinon qu'elle nous ressemblent, qu’elles ont du  sang de nous et qu’on caustique pas, mais la sale musique d’être revient toujours avec son vocabulaire qui sied là autant qu'à l'autre, mais pas en première nécessité. Dieu merci, tu vas souvent à mes devantures, et je sais tenir les promesses, nul plus que  moi n'a besoin de m'équiper de toi, autant en  cintres et en candélabres, sans aucune serrure dans le trou, ou de grilles à forcer, sans allumer les mèches des bougies qui embraseraient une église entière. Dieu qui me voit, qui m’ignore, me parle dans une langue ancienne, qui même si elle  me parvient fait que je ne vaux plus que dans une attente, une attache, d’ailleurs je ne trempe plus mes doigts dans le bénitier pour me racheter de mes infortunes, de mon ignorance.

Je fais le poids de tes nuits autour desquelles je rôde en sacristain corrompu, des distances et des madrigaux en tête, de la geste, tu sais ces vieilles rengaine qui  éclataient sur les planches dans une langue d’échafaud, ce qu'on disait en parole qui était comme des foulées, comme des caresses, comme des gants de boxeur sonné et sans accord, je coopère à tes pénombres, je laisse pourtant tous les dragons t’approcher, tu sembles une, environnée d'un drap sans épaisseur, mais ta vigilance est une flopée d'images et de rêves dans lesquels ta peau d'albâtre guide mes mains jusqu'à ta poitrine, je retiens de moi tout ce qui est posthume, par la lucarne je vois des étoiles, je vois la lune  avec ses basses paupières pour approuver mes façons de renégat,rien n'y fait, je me retiens en caresse, je retourne sur le canapé ou le poids de ma nuit  correspond à mon propre outrage ; au matin tu ignores tout de l'étendue de ma veille, l'eau, le pain et le beurre sont sur la table, le café et le thé nous attendent et mes paumes crevassées sont toujours celles un escrimeur qui ne veut pas aller à des duels…

D'Henri Michaux qui usa du peyotl, de la cocaïne, de l'héroïne, de l'opium, j'ai retenu cette phrase « J'ai traversé un enfer en rampant ». Je prends ces mots pour moi, pour  miens simplement pour dire que je me reconnais dans cette façon de donner un poids à mon existence, un poids et des prises, du poison quoi, que pour l'essentiel, mes jours ne sont qu'une nécessité, autre chose aurait pu être généré par l'homme tel que je suis, j'ignore quoi réellement mais je sais que ce n'est pas une solution que de vivre ainsi. Je n'attends rien aujourd'hui que me mettrait dans les dispositions de quelqu'un qui a toute la chance d’aller dans de grandes occasions, la réelle probabilité d'être, de devenir, avec toutes mes anomalies, ne serait qu'une volonté de me résigner dès le premier plan, pour que mes incertitudes m’atteignent de plein fouet, pour qu'elles soient comme ces pierres qu'on jette d'un pont et qui vont rouler jusqu'à l'océan sans que personne ne les pousse. Jamais plus je ne posséderais que du primaire, c'est-à-dire une certaine primauté sur mes, sur les choses monstrueuses, ma cinquantaine qui ne vaut que par mes petites satisfactions, par mes intuitions, par une toute petite connaissance du monde, ne prend pas la forme de te suprématie, je veux oublier que je ne suis qu'un atome, une somme  d'étourderies, de poussières, rien de plus…

J'apprends à considérer la vie comme un enfer équivalent tous les enfers, mon que je doute que j'ai une mission, que je me suis fixé un but, mais tous mes déserts, romances sans parole me conduisent à rendre le rythme de mes jours plus rapide, plus vulgaire, plus insécurisant. Le temps monarque  réconfortant ne me ressemble pas, pas plus qu'il ne  m'environne de ses bras, je  vais vers plus de versatilité, avec des propensions à m'inventer des tristesses que je décline aussitôt en apesanteur d’être, pour me retenir de devenir. Je sais pourtant que tous mes échecs ne m'ont pas égaré dans des réparations et que si je me réveillais avec plus d'objectivité certains matins, me suggérant d’aller de l'avant, je me rendrais bien compte que je ne je cherchais qu'une consolation dans l'écriture et la peinture, les mots redistribués,que ceux que je trouvais dans mon esprit fourvoyé par le peu de profondeur et de vision que j'ai du monde et qui n’est que la somme d’une redistribution de déficit ; j'ai crainte que  toutes les nuances qui vont aux couples ne m’ailent pas, quelque chose est à mes trousses et me réprimande, je ne veux plus patauger dans les mots dits pour moi seul, reste ma seule probité qui en fait est une mécanique de plus. Je ne parlerai pas de toutes mes transfigurations qui me paraissent une forme particulière de mon dédoublement, j'oublie que le jour suivant sera cadré mon visage par une nouvelle femme qui ne me rendra pas plus de crédibilité.

Moi qui ne suis qu'un éclabousseur, un écrabouilleur d’ heures qui méprise le babillage de la pierre, les stances des sous sols, la solennité de l'eau quand elle charrie jusqu'à la mer les travaux des hommes brouillés d'innocence et de pureté,j’ atteste que la glaise de ton âme ne sied pas à mes pédoncules, que de la chaux et du plâtre vont à tes attitudes qui ne sont pas muettes, et à tant vouloir me donner de leçons sur tes contorsions, tes courbures, tes nervures,tes sûretés en forme d’ulcération,pour me trouer l’existence, j'atteste que tout ce qui vient de moi te reste encore à écrire, à malaxer ; mes idées, mes grondements, mes infortunes, tout mon corps qui ne se perdra plus dans le tien, qui n'a été que l'instrument d'un adieu, s’est instruit de chaque chose méprisable en toi,de chaque devoir, de chaque atome, j'atteste aussi que c'est un bénéfice que de n'avoir pas de mariage entre tes mains, et ma matière folle que j'ai toujours négligée, ces ténèbres dont je me suis enduit ne  m’ont pas épuisé, mais  fait de moi un concurrent qui n'en finira pas d'exister, je le dis ici avec mes brouillons qui flamboient, avec mes ovales, mes parties polies, celles qui sont sans aspérité, que je n'ai plus rien à perdre ni à gagner de toi, je ne me plains d'être celui que je suis, sans mention, pas davantage mentionné ,mais toujours insoumis et insomniaque,voilà ma revendication.

Vaincu, perdu, baignant dans des aurores et des crépuscules sans matité, que résonne-t-il encore en moi si ce n'est l'accent élevé d'une vénéneuse enfant jouant de mes enseignements, injure infecte du premier de mes désespoir ? Me voilà chien couchant, abattu, humilié, dans une épidémie de sens où me viennent toutes les rages et les prévisions d'un faux grandir et de grossière indécence. Me porter dans les bras d'une autre ne m’adoucira en rien, elle n’est plus utile qu’à mon veuvage, ne me fera que plus enclin à la haïr,  à détester sa froide beauté et ses égarements, ses façons de mollesse et de noblesse mêlées. Je veux dormir nimbé du plus vulgaire des devenirs et que jusqu'à mon désir d'elle meurt dans des extravagances d’idées.

Maintenant que vous m’êtes contraire, et que toute votre adversité se manifeste dans la plus haute des  disgrâces, vous pouvez vous presser, vous instruire de vos contusions, de vos propres confusions, petite écervelée, ramassée, imprécise, dépendante d’un  sexe trop étroit. Foin de vos définitions, de nos belles occasions, de tout ce qui était salubre et sans soupçon et nous portait vers les belles protections, que dans votre légitimité vous pourrissiez d'une jeunesse qui s'en va, de tant de mensonges si bien dits, de votre mauvais être, oui ,vous qui geigniez peu,qui  pleuriez moins que moi, Dieu  fasse que cela soit ainsi désormais, que dans vos jours aucune main ne se tende, qu'aucun service ne vous vienne, que tout vous porte atteinte, que vous vous activiez dans de grandes solitudes, que vous ne trouviez quiconque pour  vous donner la main, et que de ma rancœur et de mon écœurement vous viennent la même maladie que la mienne.

Je me suis abîmé  dans l'exécrable habileté des mots, de que ceux que maîtrisent les talentueux donneurs de leçons dont l'ordonnance est une santé forcée, une béatitude qui pèse autant que la religion et les despotismes. Je ne veux pas de cet honneur, je ne veux pas de cette grandeur, ce n'est que l’ excrément d’une notabilité obligée, non je ne veux pas, je préfère être malheureux dans ce caractère détestable qui me dévore, me glorifier moi-même ,de mes aises, de mes soûleries, de mes forfanteries, dans cette spécificité qui fait que pourtant je ne veux accorder aucune concession à quiconque, en tout cas pas  à celles qui m’expriment de faux bienfaits, qui amplifient mon vocabulaire pour des filles dormant sur mon canapé et qui ne m'attendent pas, je veux que chacune de mes certitudes soit chassée par une autre, mais toujours rester dans le doute, toujours m'acoquiner avec cette même qui m’aime, me fuit, toujours spéculer sur les accords que j'aurais avec une femme dont  les appels ne sont pas dans le luxe, mais dans l'omission de péchés.

Aux ordres d’un jour nouveau centré de vivre, où la levée de mes peines  s’effectue comme une armée  sortie de sa torpeur, elle apparaît encore, elle est debout dans les ornières, elle s’est chargée de l'identité de cette autre qui dormait assoupie dans son enfance .Vous qui vous nourrîtes aux métaphysique de la crécelle et du tambourin ; vos yeux pèsent une année de colère et de terribles devenirs avec des déguisements entretenus, par tous les partis pris de votre  corps, ces volte-face auxquels je n'étais pas mêlé. J’y vois encore cette assoiffée de moi, j'y vois encore celle qui n’a pas changé ma terreur de respirer en simple retardement, je reste malgré tout immense de peurs, un ami inélégant qui ne cherche pas de remède.

Quand les fauves appesantis  ne s’écrasent plus dans la savane, il est un grand désarroi dans leur monde, parmi ces bêtes, celles qui de nature sont les plus décentes, les plus délicates, peu de sérénité apparaît alors, et leurs déséquilibres font croire à la vacance d'une civilisation originelle, celle de charognards sous-alimentés, de ceux qui ont la faculté de montrer les crocs et se durcissent, se terrant malgré tout. Qui aura donc atteint la faculté de se retrouver une santé pour toucher,  triompher de l’animal qui se tait et qui dort les yeux couverts de gloire sous un arbre effeuillé, nu comme du marbre, dans les herbes où tant d'autres ont besogné, les chacals, les hyènes, les léopards, entre les fourches et les racines qui mangent la terre ?

Dans le jour qui point je m’éveille avec la lucidité de quelqu'un qui rie de ses effacements, je me dis que le monde peut avoir toutes les répliques outrancières qu'il veut, je n'en ai cure, parce que je suis capable d'aller d'errements en divagations, de surplomb en cul de basse fosse, avec ou sans charge, mais dans la disconvenue, la discordance d'une femme qui n'a pas  de contentieux avec son siècle. Même si ma nature est dans la maladresse, parfois la gaucherie, voire la fatuité,  les déséquilibres, je me sens moins infaillible, moins exécrable que ceux qui ont la faculté d'espérer une santé où ils triompheront de tout, même d’eux mêmes, d’un fonds originel. Je ne veux plus m’abîmer dans les affections, les injections, les déjections, les défections, je veux que ma fonction première soit d’aimer, d’aimer encore et c'est cet encore qui constitue un être tout entier et tout en parallèle de toi.

La fin première de mon esprit est de m'accorder aux tiens. C'est parce que j'ai  regardé l'existence comme un forçat que j'y suis entré en adulte dégénéré, vomitif, cramponné à l'idée qu'il était d'un incurable de la  tristesse, du désarroi ; or voici que mon temps s'épaissit, qu'il est un sujet noir, une matière que je pétris, que je broie comme lorsqu'en permission je brisais des verres dans mes ivrogneries, barré pour m’enivrer jusqu'aux étranglements, que mon supérieur payait l'addition sans que quelqu'un ne le lui rappelle . Aujourd'hui je me dois d'être éveillé, de moins de moins en sursis, être debout, vertical, me préserver de ce courbe individu qui traîne encore en moi, je me constitue malgré tout comme une construction agissante et tangible, animé comme un gosse qui plein de fatigues et de fièvres se prolonge malgré tout dans ses étonnements.

Puisqu'il faut que la parole soit de l'ordre du sentiment, que le sentiment soit ardent, que l'ardeur soit démesurée, je veux bien que l'on me discrédite, parce que pour moi le mot est un système qui engendre son propre enfer, ses propres ténèbres,  s'il faut parler pour donner de la beauté à la vie, à une femme, un tableau, une forêt, des boiseries, je veux bien m'y résoudre, mais garder en conscience que cela peut aller jusqu'aux étouffements, jusqu'aux aveuglements, jusqu'à des profondeurs, des abysses où personne ne s'est prononcé, où personne ne s'est prémuni contre les maladies que provoque la lecture d'un glossaire,la lecture d'une construction en chaîne,d’un missel un livre quoi,et qui est  d’un temps qu'on aimerait brûler tant il sert à notre humilité, ou à notre petite expérience qui fait que l'on retombe toujours au même endroit, c'est-à-dire dans son propre corps.

Écrire est un emploi, un emploi à terme, c'est entrer dans cette vérité que le corps émet à chaque fois que le mot n'est pas destiné à tous, qu’il s'économise,s’ accommode d’un rien, d’un tout malséant, ne doit rien à nos parts d’ombre, écrire c’est s'acoquiner avec l'évolution. Dans tous ces extérieurs et dans ces intérieurs où la parole est pathologique, où l'homme explique et s'explique, qu'il est le signataire d’une distance, d'une note, qui ne sont pas les siennes, j'entre en déraison, je me tais et me terre, vivre devient mon indécence et j'en suis l'unique dépositaire. J'ai suffisamment de soliloques pour montrer combien ma pauvreté  est dans le registre de la glu,du mutisme en fait, mais cela n'est pas un subterfuge, une supercherie, et bien que j'ai peur de  ces instants où j'entre furtivement dans la posologie des mots, entre la mort qui s'en dégage,et la vie tout autant, je sais que cela n'a rien de définitif, je suis donc constamment en droit de demander ma propre extraction, pour comprendre comment m'adresser aux hommes, en fait pour me déclarer à moi-même ou tout simplement aller dans l'impunité du verbe.

Avec sa voix basse, grande veilleuse d'anciennes saisons, elle porte gravement la fausse assurance de ces femmes qui répondent à leur infinie tristesse en y plongeant chaque jour davantage, elle se répète chaque aurore en mieux pour des hommes inventifs et sans attention aucune, j’en déduis que ses antiques prières qu'elle ne peut expliquer sont teintées d’étés  impropres et vont à ce que l'on peut corriger tout en étant sur ses gardes. Je ne veux pas entrer dans cette même déception, je veux lui répondre, et me répandre en elle, l'écouter, me laisser emporter par ses mots et ses guérisons, même si sa langueur est d’une froide tyrannie, je veux lui  montrer combien j’ordonne mes afflictions et mes affections dans ce qu'elle jugera digne d'obtenir de moi. Mais que me permettra-t-elle d'occulter de ma vie, cette façon d'être désorienté dans le désarroi, la lourdeur quand j'avance mon pas vers les sens sur lesquels elle s’est obviée,  ou tout simplement mes applications à l'aimer, certainement mal, mais malgré tout l’aimer ?

Ce sont quatre ans de ton existence, ou comment tu en est arrivé à ne plus vouloir te commettre dans mes commentaires que tu me dois. Être demande toujours du recours, du secours, si tu enquêtes sur toutes mes anciennes extrémités, saches que moi je suis dépositaire de tes relents d’infatuation, situés  entre le produit de tes impassibles insatisfactions, et de tes insignifiances,  s'il en a résulté de l’impossibilité à me parler, à me connaître, je n'y suis pour pas grand-chose, et te demande non des statistiques, mais d'advenir, c'est-à-dire de t'adresser à moi sans restriction. L'âge est un cep tordu, il se distend avec le temps,  aujourd'hui j'aimerais que ce temps soit aussi le tien, je n'en suis pas arrivé là pour de nouvelles douleurs, je n'en suis pas arrivé là pour te dire que bien sûr je veillerai encore sur toi, que je serai encore coi, silencieux, blotti dans tes maigres parages, j'en suis arrivé là pour t’entendre, te voir, t'écouter, pour que mon cœur se contracte à ta rencontre et que tu le saches.

Comme tout en moi est en suspension je ne me prémunis pas de ce qui pourrait m'arriver de grave, un départ, une retraite, un abandon, et j’ai conscience que parfois mon mutisme et mon aphasie sont d'une froide obscénité que personne ne comprend, étant trop à distance de chacun, et que chacun cherche dans cette pathologie la forme d'une extravagance, d'outrance, d'une exclamation calculée. Je me dis que tant de choses sont étroites, creuses, sans saveur, inertes, qu'elles ne valent pas la peine qu'on les répertorie, qu’on s’y attache. Je veux d'une parole novatrice, d’une parole détonante, subtile, qui me servirait  à vivre et à survivre, qui me servirait à me dégager de toutes ces impressions qui ne sont que des  rajouts d’existence, des stérilités, des bavardages infinis et sans consistance qui  ne m'ouvrent pas à ton dessein et qui me mettent sur la trace de tes faux inventaires.

Je ne fais plus dans la performance, cette percée dans le mot, mais carrière dans un silence de mauvais aloi. Je redoute que cela te déplaise, mais il y a des durée où j'agis ainsi pour mon propre sauvetage, rien n'y fait, ni ton unicité, ni tes caresses, moins encore ce que tu me donnes, ni ton présent que je conçois comme la forme exagérée d'un moment où tu renâcles à ce que ne t'a pas fourni l'existence, ni de toi qui te méfais sans cesse à mes façons d’aumône. J’ai toujours été dans des épreuves où je me suis  borné pour ne pas m'affecter de cette parole qui tient autant de l'épître que de l’épitaphe. Périlleux est le mot, périlleux le verbe, il faut les désigner sans les compromette, il faut les distinguer, les ajuster, les polir, ce sont des outils précis et précieux, il faut les nommer sans qu'ils soient dépourvus de leur gangue originelle, c'est-à-dire unir deux êtres qui consentent à s'écouter et à se comprendre.

Quant au dernier degré d'être, nous pensons à la mort, la mort n'est pas la mesure de toutes nos explications, de toutes les formes de nos expositions. Toutes les douleurs tangibles réapparaissent, survivant en nous et nous les comprenons soudain, nous comprenons pourquoi nous allons  effriter ses extrémités, et pourquoi nous ne sommes jamais conscients de ce vide que nous  avons bâti autour de nous pour respirer seuls comme de sombres idiots. Voilà  à présent que je voudrais être impétueux, tonitruant, dans une efficience d'orgueil et de vanité, mais je passe inaperçu, suis inavoué, restant dans l'expérience de mes silences laiteux, dans la perfection sans aspérité de me taire. Alors pourquoi mes propos s'étendraient-il au-delà de ma morne sphère, de mon morne ennui ? Ma prière attendrait elle d'aller aux voûtes célestes sans passer par toi, afin que cette ardeur soudaine me mette dans ma réserve, comme si maladroitement  je devinais que nous n’étions nous étions que deux êtres secondaires.

La gangrène de montrer me réduit, me raidit aussi, toutes mes surfaces ont de hautes températures que seule une matière salubre pourrait faire retomber. Dans ce choix d'exister nous avons tous opté pour deux façons d’être, celle de croire, et celle de ne pas croire, se poser sur le chemin des abandons ou celui qui mène à la conscience d'être ce que nous sommes, c'est-à-dire un semblables, sots, ignorants, aimant la pâture, la musique, les filles, les hommes, la joie et toutes les constructions caduques qui sont sans nuance et qui s'épuisent dans  tous les sous multiples. Je suis rentré dans cette vulgarité qui avait quelque chose d'athlétique puisqu'elle me donnait l'air d'un désespéré qui dans l'immédiateté de ses forfaits se détachait en riant sous cape, mon corps est devenu froid, il aurait fallu le rendre petit, plus petit, j'aurais eu moins de fièvre, et plus d'espace où le planquer.

Tu as marché pieds nus dans les champs comme un vieux paysan qui ramenait ses vaches à l’étable, pris le parti des essences, des herbes hautes, tu as traversé dans la joie tout un pays d'offrandes de paix, mangé aux terrasses inondées de soleil, a été à droite, belle, très belle, écrit des lettres à des parents proches et lointains, à tes amis, à ceux que tu aimais, tu étais debout, assise, couchée, flamboyante parfois. Tout ne fut que provisoire, peu après tu plongeais dans un torrent de terreurs et de silences, tu t’es tenue loin de tout et de tous, tu as été attaquée improprement de toutes parts, et tu n'as pas su qui étaient, et d’où venaient des ennemis, il t'aurait fallu deux,trois, quatre vies depuis tes  vingt ans pour additionner tous ces objets regardés et gardés ; c’est en travaillant à te transformer dans les parages d'un lieu à deux anneaux,que tu as compris la distance, d'un pont à un autre toujours un peu plus loin, ta patience n’a débouché que sur des saisons mortes, que sur des versants, des ballasts, comme après des batailles que tu savais perdues d'avance.

Dans tes voyages sur les hauteurs, quand tu voyais le monde épais avec ses velours et ses voluptés, ses fastes, ses nuits étoilées, tu pensais que rien ne s'agiterait  davantage autour de toi, que rien ne coopérerait sur terre ou dans les airs avec les tiens, que tes nuits ne se seraient jamais  les leurs, que tout serait lumineux pour toi seule. Personne ne t'avait encore parlé de tes semblables, de ces énergumènes désobligés  de la littérature, de ces quidams altérés de vérité, de ces affairés  de l'histoire, de ces agités de l'héroïsme, de l'hédonisme, qui ont sur les lèvres violettes  tout ce qui sert à révéler des sornettes   pour mieux  nous mentir. J'ai compris très tôt que m'entortiller auprès des miens ne remplirait pas mon existence, que je n'accomplirai rien qui vaille la peine qu'on le regarde, si je ramenais tout à ma sphère familiale et amicale, ma solitude serait devenue une arithmétique sans chiffre, sans nombre, une arithmétique de mots malsains, maldits, impropres, et si je compte ces ultimes moments où j'ai côtoyé l'homme, j'ai le sentiment d'avoir parcouru un désert et en suis revenu plein de prurits et de démangeaisons.

Ce faisant, comme une enfant sortie du sommeil dans la blancheur d'un matin peu ordinaire, où rien n’est pesant, rien n’est pénible, elle laisse venir à elle les confessions de ma nuit, nul talent ne  m’est venu, pas même celui où dans mes pathétiques souvenirs j’ai été forcé à des labeurs ahurissants, sur la trace d’un oncle secoué et tatoué de toutes parts, et qui me parlait de ses nobles blasons, de ses belles armoiries. Elle, elle a des moments où elle est martelée par le claironnement des hommes qui viennent au clair de lune lui dire qu'elle ira dans de pâteux extérieurs avec de sales venelles, qu’elle sera toujours un pilier accentué pour de belles  constructions, quant à moi je ne veux pas changer mon regard sur sa nature, il faut bien que je l'admette, je m'y suis adjoins comme on s'adjoint à ses rêves une vie de vierge à  l'esprit cynique. Afin que mes mascarades la fassent sortir de sa demeure, de ses souverainetés, je me prête à grossiers onanismes, puis je la vois avec des guipures, des talons hauts,  des échancrures, je suis alors d'une  pornographie desservie par un verbe bien plus outrancier.

Ma raison me ramène toujours à moi, je suis un parvenu qui se force à entrer là ou des paquets d'humains font figure de mobilier, d'objets encombrants, c'est cela aussi se faire violence, mais le cœur n'y est pas, il reste dans la brutalité des choses inaccomplies, des parjures régulés, des injures mal définies, de celles que je n'aurais pas proférées dans du bon être, des coups que je n'ai pas su donner. Ce sont les larmes, toutes tes larmes qui ont amorti ma force, j'ai porté mon cœur dans trop de distance, quand il aurait été bon de trouver le sommeil auprès  d’une femme curée par mes propres feintises, en tous mes terrains, en tous mes terroirs, qui ne m'aurait pas tourné les talons pour un mot mal défini, mal négocié. Voilà encore qu’en mon intérieur tout est faillible, tout est décevant, quelque chose comme de l'eau qui clapote tels des viscères dignes de ce nom. Que je songe à me vêtir  de haillons pour aller dans les attaques est de la légèreté de ceux qui ont toutes leurs pensées en excursion, et qui de  leur balcon jettent du son aux avoinés du destin.

Je reviens toujours à mon passé comme un enfant malade qui restait le visage flanqué contre la vitre et regardait des heures durant la portée de la pluie contenue qui  traversait le ciel pour se faire valoir d'un certain nombre de droits sur la terre, les hommes, la nature. J'avais besoin de drames et de gerçures pour tout dramatiser, tant j'aurais voulu être dans la besogne de ces des questions sur l'ignorance de mon pire, sur la décomposition, la folie de mes parents, l'imbécillité de mes frères, l'anxiété de mes voisins, quand au dernier étage  de créer j’allais dans leurs dégringolades, je regagnais ainsi mon travail d être parmi les hommes auxquels je pensais comme à une mésaventure virtuelle et qui ne me tenait pas de l'avant. J'ai toujours conçu que là-bas,loin, la vieillesse serait douloureuse, inquiétante, pleine de la survivance d’un masochiste écervelé, j'ai beau eu fouiller au fond dans ce moi, juvénile et profond, je n'y ai vu qu'un maladroit avec trop plein de bleus, trop plein de jeûnes, de veuvages, d'étourderies à son compte, et comme il me fallut être vertical, horizontal, vertical à nouveau, je me couchais parmi les mauvaises adresses, je m'y avachissais, j'étais indécis ordurier, je n'allais pas aux ordonnances, ma tête contre la poitrine de cette autre me montre que j'ai été à la plus haute des impostures.

Dans les ergastules bien situées de mon âme, mes prières sont élevées dans l'esthétique d'un désespéré qui voudrait se jeter dans un fleuve en faisant abstraction de l'étiage. Parfois épuisé comme cet homme qui a traversé l’enfer en rampant, je me prosterne  pour me faire croire que Dieu existe, planqué dans les amendements ,les fumisteries ou les latrines de l’existence, et qu'il pourrait moins dégoûtant que moi, quand je suis projeté dans l'irrévocable mot, se prononcer en des senteurs ou des relents de fleurs inanimées, je pourrais alors lui adjoindre ce ressentiment que toutes les filles m'ont donné parce qu'elles ont été fatiguées de  dire un accord qui aurait valu par l'immensité de ses imperfections . Je suis dans une nostalgie maladive, je sais qu'aujourd'hui mon train est  un pas de plus vers mes extrémités, bien plus mesurées certes, mais déplaisantes, avec moins d’espoir, moins d'appointements, moins de contagions, il m'arrive de me demander à quoi me servirait à présent toutes mes anciennes impétuosités, puisque dans mes anémies ou boulimies  je reste un charlatan irisé par l'existence et qui voudrait la traverser en adulte gâté.

Je sens que mon silence me réduit, qu'il me révèle mon monolithisme, que toutes mes carences sont des répliques à des maladifs de l'addition. Bien sûr que je suis en suspens dans des artifices, et que ma volonté est de rester lumineux, bien sûr que ma condition d'homme qui survit est un acte insoutenable, sulfaté, indivisible, parallèle, comme tous les rails qui mènent vers le trône où le crime. Je sais aussi que je serai petit, poussière jaune, jaune comme tous les verdicts, jaune comme toutes les vindictes, jaune comme tous les rires, gras et déplacés, jaune comme les battues forestières où l'on traque un animal bouffi et lourd et qui de soubresauts en soubresauts éclate sous les balles, râle, geint, vomit, et meurt. Je vais  malgré tout me consolider dans une positions d’esthète, dans mes impostures, mais quelqu'un d'autre viendra qui aura des postures appropriées et qui me renverront à des gestes d'assassin.

Nos temps seront bientôt dans la flottaison des bannières, des drapeaux, des étendards, des étoffes colorées. Le printemps avec ses rêves nous atteindra en plein cœur, de celui qui nous recouvrira d’un sommeil profond, lourd, immense, comme ces paroles qui nous rendent chevrotants et tremblants. Il y aura alors un jour où nos douleurs se renforceront, la stance  du mauvais hier se retirera au plus bas de nous, pas dans nos ventres, mais dans ces lointains où les membres sont glacés, pour un  renfort moins fort ; chacun de nous entendra  l'autre qui en est suspens dans sa vie, qui passera ou y restera. Pour tous les sursis, les eaux froides, les aurores gelées, les silences qui sont parfois des calamités, ce qui nous affaiblit me repose, me fait interstitiel, mes mots doux, seront de ceux qu’on entend et garde, peu importe ce qui m’auront trahi, qui  m’auront rendu courbatu, fatigué de la lettre, je sortirai alors hors de l'existence, étranger à moi même de toutes parts, bien sûr il y aura quelqu'un de plus haut que moi qui me redonnera le goût de tout reprendre à zéro ou de rester en lévitation dans un corps plus léger que le mien.

Tant de mes actes, tant de mes façons d'aide sont indélicats, comme s'il y avait une immédiate prescription qui m'imposait à être indéfinissable, comme si quelqu'un de plus que moi  haut élargissait jusqu'à mon cerveau, et que chacun de mes atomes était sommé de répondre à cette petite frappe, comme mu de se prononcer sur l'idée, sur une imbécillité, un silence, où seuls les principes datés et sur le retour valent par leur nécessité à être énoncés. Ai-je atteint à la belle fièvre de mes évaporations, à des moments de sincérité, de moments de lucidité,pour dire de mes conformités, non, et si je me décompose à certains moments, c'est bel et bien une volonté de ma part que de vouloir me perdre, de vouloir partir, de m'égarer dans un corps qui n'est pas le mien, puis de me retrouver alors dans l’accord, la confirmation de celui que je suis c'est-à-dire quelqu'un de neuf , de fréquentable, quand il est indicible, inexprimable, indéfendable, et pourtant fréquentable dans cette nostalgie du bout du temps et qui va jusqu'à l'âme, cette matière dont il se pourvoit chaque jour pour durer. J'aimerais aussi que cette voix qui est sienne me parvienne, même si elle paraît indélicate, indécise, douloureuse, il y a en elle le frémissement d'un vaincu, le lancinant bruissement de celui que j'ai été et qui aimerait s'étendre jusqu'à toi sans te blesser, sans  t’offenser, mais tout cela me prédispose à devenir un autre dans tes yeux et dans tes gestes, cela je n’en suis pas capable.

Je peux dire d'elle, elle est la paix, la joie, elle est le mouvement, elle est la rotation  d'un moins sévère que moi, elle  laisse transparaître toute la lumière bue qui vient d'un au dehors lointain, elle est  de réelle distraction, une tournette, une palpable mission, ses questions sont un rituel, ses réponses une réception de tous mes hémisphères, de mes extrémités, de mes pourléchages. Bien que je sois parfois indécent, indécis, inepte, con en certains lieux et en certains endroits, elle cherche d'abord à explorer ,exploiter tout ce qui n'a pas été affecté  et qui vient de moi. Impossible d'avoir les bonnes formules pour la garder, pour ne pas la perdre, la prendre dans mes raies,mes traits, mes peintures, elle est une habilité, une adresse extrême, elle est la vigilance et son contraire, elle n'est pas de celles qui se débinent quand la vérité est désinvolte, non, elle reste là, droite, aboutie, distinguée, c'est cela aussi que j'aime en elle, cette façon de garder tant d'initiative pour elle et pour nous, et en dire plus sur celle là  même qui ne se  prononce qu’à demi voix, à demi-mot ,moi serré, étreint dans  sa tête et contre sa poitrine m’est une façon de malvenu.

Quand les jours s'épaississent, moisissent, et que les appels sont lancés comme la prolongation d'une souteneuse qui va vers  les petits frères des pauvres, les réverbères grondent de lumière froide,  grondent par tout ce qui longe la nuit,les chemins de boue, les chemins de fer, la prolifération des mots, les songes monosyllabiques, les tambours qui pardonnent à la diane ses élévations de jour, tout n’est alors que le déroulement d'une matière embarrassée qui va de saluts en soubresauts et qui se distingue par l'idée que j'en donne d'elle. C'est là que le monde m'apparaît comme une fumisterie, comme la nature d'un incendie qu'on attise et que jamais on ne cherche à éteindre. J'ai pour foi cette intelligence annoncée et amoureuse qui me tire d'un sinistre  de propreté pour me conduire vers un autre brasier, vers une autre déraison, quelque chose de violent qui me pousse à la survie, parfois à l'excitation, dans mes affolements, mes incertitudes,  j’ai l’idée que c'est cela qui me maintient hors de la léthargie et me promet de tout considérer comme écrit sur le ton d'une mauvaise composition, de celle qui veut donner des leçons et que je ne retiendra pas, qui se referme sur ma bâtardise, de celle qui survit à l'horizontalité,qui polémique systématiquement ; je sais que mon doute n’est que le prisme d’une lumière qui vient à s'élever au jour pour le tenir à distance de ce que j'ai de malveillant, de malséant, donc de lucide, je mets mes yeux au ralenti dans l’éclat d'une femme qui cache sa blancheur dans des poudres odorantes et qui ne m'atteignent pas.

Reprendre à zéro le silence chargé de nous arrêter avec ses lampes prostituées, lui foutre sur la gueule l’ équiper d’un culte,des plus hautes des injures, l’encercler, le chiffonner, exagérer sa multitude, oui c'est ainsi que je vais m'y prendre. Trop d'infamie m'a occupé, et de trop près ailleurs, trop de maintenance, trop de patriarcat, trop d'avancées, trop de reculades, du moins c'est ce  que je ne génère en apparence, faudra-t-il que l’augmentant plus tard il en veuille à mon âme ; je veux lui donner une évidence, une position, le regard d'une femme peut-être, du tassement ou simplement une béatitude exagérée comme celle qui baigne tous les orants du chœur et de la nef. Voilà que je ne veux plus douter, et même si les cieux se recouvraient de toutes les pâleurs qu'ont les femmes qui pleurent, de toutes les espoirs qu'on a eus, moi j'attendrai ici avec le sentiment que vont se succéder des années de délices, de délices et d'orgies.

Il m'arrive de devoir mon esthétisme et mon ascétisme à ma misanthropie, ou à un trop plein d'amour que je ne sais pas,que je n'ai pas su donner, et qui est nommé avec la parole, c'est mon corps distinct tout ceci, qui voit ce qu'il faut voir, qui entend ce qu'il faut entendre ,qui me fatigue ,me perd, me borne dans la déraison, l'irresponsabilité, c'est lui aussi qui choisit tous mes passages, ceux qui se fondent dans moi et hors de moi. J'ai trop souvent fait le choix du branle, de m'orienter seul dans un quotidien putride, comme on fait un  réflexe, dans la douleur confortable, légère,  lorsqu'on reste à demeure pour réfléchir sans tapiner avec la mort. Mes ennuis, mes excès sont venus avec l'âge, petit à petit, sortis d'un mystère de la passion, de cette même terre, sortis de cet individu que je croyais définitif tant il était capable d’être immobile des heures durant, ou en apnée de longues minutes pendant son sommeil, dans des maladies et les malaises qui ressemblent à des apprentissages.Plus j'espère et plus je doute, j'abandonne la confesse pour voir tout l'univers blanchir, ignorant qu'il est un miracle de la science, qu'il est une méprise, une décharge, autant que ce stand de tir où vont les ennuyés de la gâchette qui font rougir les filles.

L'animal qui est entré en moi devient insalubre, bien sûr qu'il a mal tourné, bien sûr qu'il cherche à se tapir, bien sûr qu'il fait l'aveugle, bien sûr qu’il hibernera avec ses haillons.  Il est clair que l'arithmétique dans une chair n'est pas pour autant une marge où vont les zéro de nos apprentissages, me voilà en congé dans ma demeure, en noyé dans ma baignoire, en ascétique dans mes esclavages, je me livre à ma première lecture et j'y vois quelqu'un qui est prêt à se délivrer de tous les délices qu'il a connus naguère, de tous les bons mouvements, de ses ondulations qui le mènent invariablement à son domicile aux heures cardinales, pour une femme qui se penche sur lui  et qui  compose avec ses sentiments une histoire n'est pas faite de coups montés.

Sur les scènes dérisoires de l'existence est-il nécessaire de posséder, de détenir quoi que ce soit, j'ai dressé un inventaire pour la millième fois, je ne vois rien qui me commanderait de rester debout, si ce n'est l'amour et l'amitié ; toutes les stratégies de comprendre comment le sang monte à la tête,ceci n'est que d'un faux entretien, il m'arrive lorsque j’ai trop bu, trop abusé, quand je me suis trop arc-bouté sur les comptoirs en ne monnayant aucune idée de partage de croire que la vie est un compte,une somme due, il n’en est rien. Je vis au rythme de cette démonstration, cette part d'humanité justifie que j'ajoute chaque jour à ma foi d'exister un nouveau mécanisme qui me permettra de regarder l'homme comme  l'objet le plus lumineux qui ne cherche pas dans les provisions de la chair à se mettre en ébullition, à se damner pour une tête d'épingle, un nœud papillon, ou une mignonnette. J'apprends, j'apprends encore,  cela tient de la contrefaçon, mais j'apprends et beaucoup devient consistant.

Lorsque enfant je traversais les forêts profondes, les pins, ces grands curés qui prient debout cillaient de leurs épines, les chênes conçus comme des maisons de maître laissaient apparaître leur chair, froissements de plaisir, les fougères coulissaient entre elles, les herbes mêmes blanchissaient pour céder à de célestes attitudes. Combien j'étais serein,  combien j'ai aimé, j'ai testé cet esprit qui me pointait dans l'œil, qui me pointait à vous vouer aujourd’hui, à me dévouer davantage à vous. C'est cela que je fis dans un âge plus avancé, engoncé dans un corps neutre. J'ai prié pour être en des lieux où ma main rejoindrait une autre main, pour ne pas se retirer de ses propres couleurs, bien sur j’ai rosi, rougi, quand les filles, ces saintes se retournaient sur moi pour m'illustrer des mots dont j'ignorais le sens, bien sûr j'écoutais leurs fièvres,j’ai goûté à leurs lèvres, leur salive,à la confluence de leur plaisir, bien sûr je me suis averti et investi du monde, je retiens aujourd'hui que je n'ai  pas été assez curieux du ciel ,des orages,de la terre elle-même, de la mer, et de toutes celles qui aurait pu m'emporter vers un fleuve furieux.

Fugaces sont les instruments de l'amour, il faut les saisir avec droiture et adresse, les parle, les monnayer parcimonieusement, pas non plus les laisser fléchir, ou réfléchir maladroitement sur le sérac de notre âme ; il faut de la constance, du renoncement, un ordre nouveau, quelque chose d'initial venu de bien plus loin que nous-mêmes, précieux, imaginatif, sans précipitation. Si l'amour est un effondrement de chaque jour qui passe comme la vie réelle, à quoi servirait-il, si ce n'est d’être attribué à tous ceux qui ont des avis, de la bifurcation en somme, des envies inexplicables, certaines couleurs de feuilles d'anthracite et de chaux Tout ce qui sert  trop vite à l’amour n'a pas sa place dans mes jugements. J'ai jaugé l'existence comment on jauge les familles, les folies passagères, les psalmodies, les griefs,les beuveries, les nuits agitées, et n'ai rien retenu de mes extrémités que de la cécité, de la vanité, des manques ; je ne cherche pas l'aveu d'une femme, pas plus que je ne le lui donnerai, je n'irai pas à mes amis, à mes anomalies dans les matins furieux, je n'irai pas dans un corps que je manie bien mal comme ceinturé d'un arc ou comme lorsqu'on pose un revolver sur la tempe et dont le chien toujours levé  peut déclencher de l'irréparable.

Les réductions de mon esprit sont arborescentes, ses fonctions sont des frontons sur lesquels se retournent les passeurs, les poseurs et les voyeurs. Je trace je  avec mon sang sur tous les ponts que j'emprunte le signe d'un cerveau végétal ou rien de calme, de serein ne point. Dans ces domaines où j'ai voulu surélever mes idées, rien n’a germé, tout pendouillait, tout me râpait, comme lorsqu'on est emmené au gibet et qu'on tremble. Je suis une erreur matérielle comme le sont tous les hommes, une erreur imputrescible et inadmissible, que la nature a placé dans tous ses états, cette même nature d'ailleurs s'acoquine de toutes nos façons de malaisé, elle nous montre un monde tangible dont la conscience grouillante est pour tous quelque chose de lourd, de sourd, pour le théâtre de nos satisfactions, c'est par le moyen extrême d'entrer dans la grâce, dans l'alexandrin que je veux rester insensible à moi-même, et me conduire comme un animal retors qui sera abattu, qui se couchera sur le flanc parce qu'il s'évertue à  avancer malgré les fusils qui le chargent, qui le visent et qui n'a pas pu,n’a pas voulu se débiner .

M'étant imaginé que je pouvais aller vers une femme avec des mots fomentés comme des exagérations, comme quelque chose de magistral, j’ai su très vite que je faisais fausse route, et que mes productions mentales, puis écrites, n'étaient vouées qu'à de l'érosion. Si je refuse tout, c’est une réponse de mon âme, tout est question d'être, et toutes les réponses sans substance me mènent à la perte, j'écoute aussi de moi cette parole qui n'a pas su trouver sa place dans de hautes considérations, dans des consolations, dans des vides effectifs et dont j’aurai la charge quelques années plus tard. Comment respirer alors, si ce n'est avec un goût insane à mes lèvres, si toutes les senteurs, toutes  les inhalations ne sont  constituées que de relents de  glaise et d'anthracite, de baroque et de baratin? Je sais par contre ce que ces prétentions ont laissé  dans mon sillage, une  avance d'apparat, du grain irrégulier. Celle qui me voit en odeur de sainteté est tout autant desséchée que moi, bref je cherche une paix moyenne, plus ou moins bien entretenue comme un pont de navire qui ne peut aller qu'à l'erre dans des eaux pas  plus profondes que celle d'une rivière et qui a l'opacité d'un miroir et d'une serpillière.

Si je venais à me retrancher dans mes primitives latitudes et attitudes, dans mon quaternaire, j'entrerai dans la confusion, les contusions extrêmes, où toutes les nuances de l'existence sont autour de la couleur jaune, ce jaune que l'esprit passe autant dans les tournesols, que dans les enfers, dans un Van Gogh, un désert, dans l'abstinence. La perdition de toutes ces qualifications s’est  faite dans la confusion la plus aléatoire, et la moins perceptible. Je n'attends pas de l'existence qu’elle me mettre au rebut, qu’elle me pourchasse avec frénésie, avec ses non-sens, d'ici là, je me serais reclassé, je me serais multiplié pour achopper à la foutrerie des hommes, a leurs couteaux, leurs couperets, à la foutaise des corrections, au châtiment, où chaque rage n’est qu’une idéologie. J'ai une logique désespérante, entre les gribouillis et la péroraison, ce que je cherche à apprécier, je le déprécie aussitôt avec mes avachissement, ma bâtardise, ce que je veux élever n'entre pas dans vos légitimes activités, le comble de ma misère c'est de me savoir vivant, survivant de métier, je pense à la mort comme à une mauvaise fille, comme un moyen de ne pas me faire entendre, mais  de me faire comprendre.

Je pense souvent au suicide non comme l’envie de ne plus exister mais simplement de n'avoir pas été. Je donne toute la mesure  à cette idée, je m'y suis consacré, tout mon présent a été un présent expiatoire, quelque chose entre l’oraison et le pamphlet, la prière et les dégueulis. J'ai prêté attention à tous les chemins qui ne m’ont pas détourné de la conscience et de l'intelligence, c'est-à-dire de cette piètre dualité qu'on chiffonne quand on est sur un prie-dieu, lorsqu’on est corrompu, ombrageux, blotti dans des draps de soie ou de lin. Je n'aurais pas voulu naître d'un réceptacle, mais d'une idée, à travers les fautes et les feux hautains de la grandiloquence, d'où je serai aussitôt ressorti pour me donner signe de vie qu’en de grandes occasions, telle la gêne, l'amour, la fidélité, le parjure, la prière et tout le baratin qui mène aux démangeaisons. Je n'ai pas su faire bon usage de bonnes occupations, ne me suis pas rétabli et établi dès ma naissance, et de cette naissance, j'en suis arrivé là où je suis, c'est-à-dire dans une peau d’homme, un peu parce qu'on a ouvert un passage et qu'on la refermé aussitôt pour être hors de ma portée.

Toutes les douleurs et quelque soit leur teneur me mettent dans la position d'un tireur couché qui abattrait jusqu'à la plus infime, la plus intime, et la plus infâme des bêtes si elle ne  se convulsait sous ses yeux. Ce que mes membres exigent à ce moment-là, c’est du mouvement, des mouvements secs nerveux, saccadés, comme lorsqu'on veut porter une corde à son cou pour qu'elle nous presse où nous étouffe bien avant l’heure que nous nous sommes fixés. Je fais aussi parfois allusion à des paralysies, paralysies suggérées, suggestives, je m'y mens avec adresse, avec la vérité qui va d'une lenteur pressentie à une autre vérité qui veut pas dire son nom. Comme tous mes appuis sont friables, mous, falsifiés, mes fauteuils raccommodés, ma maison sans richesse dans laquelle je vis en reclus, ma raison déraisonnable, je pèse de tout mon poids sur une terre molle qui se dérobe sous mes pieds et je glisse, tourbillonnant sur mon centre comment on vise une cible qu’un mitrailleur attendra. Me tirer dans les pattes équivaudrait presque à un salut, pourtant je reste là, évasif, écrasé, bateleur sans envol, sans environnement, au milieu des bêtes et des gens qui manquent  d'imagination, je pense à présent que j'aurais mieux fait de me dérouter à ce jour.

Lorsque je prononce  le mot « Cinquantaine » j'ai le sentiment que tous les faits de mon existence se sont établis dans la crainte et la confusion d’un enfant qu’on va  discréditer , disqualifier ,qu'on a mis sur la touche  pour qu'il puisse assurément se servir de son limon visqueux qui lui donne des crampes et lui noue les tripes, et que sa vie durant il va trimballer dans ses entrailles teintées de violet et dépréciées au plus profond de lui jusqu'à ce qu'il devienne quelqu'un qui s’ étrangle à force de ne pas vouloir le faire. À toujours vouloir être moyen, à tout toujours subir, faire dans l'impossibilité, dans les états de manque, je me suis étendu dans une cinquantaine où je m'éteins en maladif de la contemplation et qui se voue à des images muettes, j'y vois aussi tout un tertiaire terne, sans animaux fabuleux, et qui meurent faute d'avoir été nourris ou de s'abreuver aux endroits où il faut. J'ai ainsi vécu dans un monde dénivelé, tout en coursives,en goulets d’étranglements, tout en gouffres ; comme je repousse chaque jour la vie sordide devant moi, j'ai dû prendre la force de fuir comme un accidenté perpétuel qui a l'esprit abattu , qui fait dans les activités ridicules, qui s'est démoli, s’est reconstruit, puis s’est démoli à nouveau, tout cela dans la morne  consistance des jours où il est un homme assis, couché, debout, et qui pencherait assurément pour un 'entretien à domicile.

Les grandes douleurs sont dans la netteté, elles sont du domaine de l'image caverneuse, colorisée, unique, irisée, tranchée comme une détonation, comme un bruit de grenade et de foudre, de punition et de nauséeux parfums, elles ont un sens clair, primordial, notable, produisent des secousses, des tremblements, de la fièvre ; et du nombril au cerveau ce sont toutes les naissances et renaissances qui sont remises en cause. Je parle parfois de celui qui m'inspire, m’enclot, m'engloutit,  m'environne et m'étrangle, c'est une forme de néant calme, mesuré, un produit de mon imagination mais réel toutefois avec des frontières et des péages, et qui me conduit occasionnellement à soulever mon front pour tracer d'une seule main un cercle immense d'où j'exclurais tout ce monde que je considère comme un feu qui jamais ne s'éteindra. Dans tous les grouillements de mon esprit il y a pourtant cette femme dont le langage est comme un cadastre clair, elle est maligne, elle est  dans mes compulsions, mes impulsions, j'ai beau voir la vie en dehors de tout, comme un décor dans les murs sont étroits, frêles, je veux encore m’y éclairer fut ce en quelque réduit, quelque ergastule, avec quelques passagères bien orientées.

La langue est une chimère profusionnelle avec un larynx bifide, une gorge mal déployée, elle étrangle le monde, pousse l’échine au plus bas devant elle, et se rehausse quand la bouche aurait dû se prêter à la couture, à la suture. La langue s’étend, elle est fixée, violette, violine, virulente dans nos vies, c'est une magicienne, une veilleuse vacillante qui se démultiplient en tous lieux pour s'ombrager aussitôt de la terreur ou de la lèpre des esprits qu’on  a cru beaux. J'ai beau eu vouloir créer une langue qui m'aurait été propre, sans glorification, je n'ai  commis que des borborygmes, des onomatopées. Maintenant que je suis vertical dans mon quaternaire,  l'immensité du verbe  m’est devenue insignifiante, sotte, vaniteuse, vindicative, incohérente, ordurière, tout mon corps a son cours dans une froide jachère. J'erre entre les herbes charnues, les chardons, les fleurs malodorantes, l'ombre y a pris toute sa part de lumière et de couleur, comme la vie, alors qu’elle aurait dû fourmiller de toutes les matières qu'on éprouve noblement, avec tendresse, respect, avec ce qui nous reste d'enfance lorsque nous pouvions respirer à pleins poumons avec nos auréoles et nos alvéoles toutes en ramifications.

Saurais je un jour pourquoi j’ai été des années durant nauséeux, pris de vertige, orienté vers des terrains vagues pour y vomir mes insanités, poursuivi par une paire d’yeux qui me dardaient comme des flèches empoisonnées, et qui étaient de cette femme qui posait un linge sale sur mon front parce que je ne la voulais pas définitive, parce que je n'étai pas dans ses doublures, dans ses voilures. Serais-je pourquoi si échevelé, tordu, arrogant, cagneux, j'ai voulu peindre l'homme quand il s'est retranché dans ses préhistoires tout grouillant d’ anomalies et de lassitudes pour échouer dans un lit aux contours des géographies de son propre corps dont j'ignorais les manies et les avanies. Saurais-je pourquoi un chien bouffeurs de pierres, de galets, de glus, de flûtes à bec, s'en est pris à ma chair, alors que je lui régurgitais ce que j'avais dans l'estomac. Saurais-je pourquoi mon cœur avec ces évidences muettes et sa ligne de démarcation n'a pas été dans la lutte, dans la liturgie, dans la décence de celle qui était en moi, de celle qui venait avec ses bras ouverts dans mes identités, toujours du plus haut où elle participait à m'arracher à mon désespoir, à ma raison parfois. Je cherche dans la souveraineté, le règne d'une aimée cette lucidité couleur de sang  qui mêlera ma vie à la sienne et pour me faire une juste place dans sa vie.

C'est nu,dépouillé, expression vivante des valeurs terriennes que je veux avancer dans ces jours tristes, inféconds, gras, trop mal répétés, vers cet oratoire où je pourrais faire face contre l'herbe humide pour prier ou vomir. Je ne veux d'aucune lumière, d'aucune clarté, d'aucune phosphorescence, d’aucun feu, d’aucune joie lente et lourde ; j'exige une ombre drue, brute, épaisse, une couleur de ciel d'orage et de noir absolu, une forme de ténèbre en fait. J'entre en une saison où tout est  inutile,  sans valeur, je vais à tâtons dans l'existence comme l'homme le plus maladroit qui s'est déchiré les genoux sur des pies irrégulières et charclé les mains en voulant les saisir. Je n'ai plus de patience, tout m’est excessif, je vais dans l'expression des cercles les plus étroits et que j'ai tracés autour de moi, je ne veux retrouver qu'une toute petite paix, paix de pauvre,paix d’oisif qui tiendrait pas dans ma paume, et que je retoucherai avec des silex trouvés ailleurs, là où il y a de la place pour les fous, c'est-à-dire à la table où les convives sont ivres d'une seule et sale conversation et de mensonges délicats, qui mangent la tête haute sans l'éclairage du bonheur qui est à une trop grande distance.

Que reste-t-il de nos chers disparus, une montre mal calibrée, grouillante de ressorts, de la vaisselle qui a jauni faute d'autre repas, quelques vêtements sales, froissés comme des oiseaux morts d'avoir buté contre les vitraux opaques. Que reste-t il des sortes  de nous qui ont déserté le quotidien pour aller à cette hasardeuse mort dans la tiédeur des actes qui ne vont à personne, une fausse magie lorsqu'on titube sur le trottoir et qu’on dégobille entre deux bitures mondaines, un cadre l'on a été obscène, ascétique, obèse, puis à nouveau obscène, et parfois dangereusement spirituel. Je préfère user le restant de mes jours à passer, et à ne pas faire le moindre bruit, sans qu'aucune nouvelle ne me parvienne, ma passion et d'homme est une obsession sans particularisme, où j'aspire à un vide central, au dénivellement de mes sens qui m'obligeraient à juger le monde tel qu'il est, c'est-à-dire un vaste chiotte, une vespasienne qui exhalent  une odeur d'homme qui crève.

Voici l'héritage qu’on laissera aux corrompus de l’existence, à ceux qui n'auront pas de mémorial, pas de trouble, pas une tombe qu'un quidam fleurira, on leur laissera les ruptures, les abrupts rabaissements lorsqu’ils sont collés contre les murailles qu’il sont prêts à démolir aussitôt, des ponts qu’ils sont également prêts à desceller. Il ne m'appartient pas de m'ouvrir pour quiconque, pas plus que je ne veux céder à la proximité de mes organes, de mes orgasmes, je cherche une loyauté qui me mènera à la confrérie de l'amour, aux amitiés, à celles qui ont le vent en poupe. Je cherche également à ne pas rétrécir mes idées, celles qui vont de la bienséance à l'iconoclastie, je cherche l'universelle envie de tout perdre. Si je me liquéfie, c'est bien parce que j’ai le corps trop vide, le corps trop étroit, il est dans une immense pépie, et que pour le détendre j'ai besoin de joie,de quelqu'un qui se convertirait s'il croyait repousser Dieu hors de ses propres vanités, de ses propres mensonges.

C’est une  magicienne et une musicienne d’eau pour des  moments de pluie, elle est l'appel étincelant de la vie pour une arithmétique violente, sincère, douce, chaude. C'est aussi une vague, une onde qui se construit comme une symphonie de rizières. Partout où elle  passe une vierge apparaît très nettement pour hypothéquer mes petites époques, pleine de moi,de mon ego ; elle  vient à mes soirées où le feu  geint dans une cheminée élégamment élevée. J'ai indiscutablement l'air de quelqu'un qui sort de son sommeil et qui ne veut  adresser la parole à personne sinon à celle qui me rassure sur mes mots d'autrefois, sur ce que j'ai fait dans l'avancée, dans l'aveu, ceux d'un homme que la rancœur n'a pas poussé vers les faux ouvrages, vers ceux qu'on érige pour les écrouler aussitôt, oui c'est cela qu'elle doit comprendre afin que rien ne l'arrête dans le temps qu’elle choisira pour nous.

La porte est close, les enfants dorment dans le sérail où se sont alanguies des filles légèrement vêtues, je n’y reconnais pas celle qui panse ses blessures. Peut-être se cache t-elle sous quelques tentures mordorées, peut-être qu'éboulée de fatigue elle s’est réfugiée dans un lit établi pur elle seule, peut être n’est elle pas parvenu  à m'inonder de lumière, mettre des bougies et des cierges sur la table de chevet. J'exagère toujours toutes mes attentes, comme  si c'était un temps d'acquisition et d'exaspération, un temps d’un autre  temps que le nôtre, un temps sans tempérament, un temps de suspension et d'adieu mal négocié. La musique aussi est un temps, un lieu d'amplification et d'indignité, qui est fait de nos sentiments étroits, les moins appropriés, ceux qui ne sont pas faits pour prier  à l'endroit où nous devrions le faire. J'aimerais jaunir mes réflexions comme pour sévir  sur la bouche des morts, et qui ne se sont jamais penchés sur une femme pour lui murmurer quelques paix enfantines, pour lui susurrer quelques savoureuses proses ou tout simplement lui conjuguer le verbe aimer.

Les idoles sont détaillées comme ces insectes doués de temps qui ont des crises de transmission et ne se contrarient pas. Lorsqu'on les croise, les touche, ce sont de faibles volumes pris dans la masse des équarisseurs de toutes espèces qui se répètent dans une vie exagérée, malodorante, les idoles qu'elles soient d'airain, de fer, de bronze, d’ivoire, d'acier, ont une chair qui a mené de tristes et funestes combats, creusé des lits où personne n'a dormi, elles ont été trop complaisantes, ce sont les hommes qui les ont tondues, torturées, étourdies, détournées, quand il aurait fallu qu'elles entrent dans la colère ou la neurasthénie. Je ne suis jamais allé dans l'exercice de quelque idolâtrie, qui que je sois ce soit  je ne me conduirai jamais autrement que comme un passant sans tuteur, sans tumulte, et qui regarde le monde sans rien y comprendre, qui marche sans compter ses pas, qui écoute et n’entend pas, je veux rester cet acteur muet, un comparse à qui l'on soufflerait ce qu'il doit dire et sans faire aucun commentaire.