Ces autres...

Ces autres qui sont...

Ces autres qui sont...

1992

Il se recommande d’anciennes coutumes aussi violentes que le rire de ceux qui s’embarquent sur des cotres de paille. Sa vie, il l’a aspirée, s’en est étranglée avec des filles aussi rousses que des voyelles déchaussées de leurs bésicles d’or, celles qui ont la couleur du serrement et du bleu de bromothymol. Quand il procède par bonds, pour encore se fortifier de ses divins néants, on pense à un fauve signé d’azur, sans assonance et sans heurt, à un bolide de surdité, à un oiseau visqueux dont les palpitations évoquent les lointains plateaux où d’autres bêtes vont mûrir, mourir, beugler, barrir, pleurer, puis se coucher dans l’herbe, le flanc vers les ponants crépusculaires.

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Elle a les mains et le visage violacés par l’ennui et les hommes bouffeurs de vomissures, bat de son pas pierreux sa chambre. La rumeur dit que son ombre même est une plaque de nuit, que son passé s’enserre sur son front comme sourd le chagrin qu’on déporte sur une civière. J’ai émietté une partie de sa muette sévérité en lui écrivant des lettres lustrées comme des baromètres effrayants, les lui ai remis en mains propres ces blancs déserts raturés de sentences et de stratagèmes afin qu’elle en sourit. Je compris par sa silencieuse âcreté qu’elle eut des passions pour la constance et l’amitié, pour un premier venu aussi dont la seule faculté résidait dans l’ignorance qu’il avait du papier peint. Si elle devait encore illuminer un espace, ce sera celui où j’embrouille des mots, des notes, qu’elle ne lira que lorsque la ville sera mise à sac.


   

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Il a défait les tentures du jour. A quinze ans lorsqu’on se connaît à peine et si bien, les leçons nous échappent, les objets perdent leur temps, et les écrits à leur façon ne sont pas redoutables. Quand il suffit de jeter un mégot au sol, la terre est un dévidoir d’horlogeries savantes et inutiles, on s’enorgueillit dès lors des manières d’homme ; quant aux pages, aux cahiers, aux billets, aux listes qu’on redoute pour leur transparence, rien de plus aisé que de les mettre aux chiottes. Ce n’est pas de l’impropriété à ne vouloir s’attendrir de rien, c’est une impulsion, une incorrection maladive, de celles qui ont des crachats en surface et des angélus dans la poitrine. Cette secrète volonté de dire qu’on est encore un enfant, et que tout ce qui est à saisir, à comprendre, vaut par les passages obligés des chiffres et des rancœurs, il faut bien qu’elle se décille devant les grilles, les soirs où l’ennui est un buvard de patience.

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Elle s’exprime d’une surprenante voix dans les prisunics, a noté sur un calepin brodé de faux argent, qu’elle achèterait un bouquet de fleurs, que ses envolées sur la table seraient des opinions de parfum, secrètes et allurées, quelque chose de difficile à dire et à juger. Elle s’agite, elle fait n’importe quoi, comme si la difficulté d’être lui remontait des poumons à la gorge, puis se nervurait dans ses mains…En deux mots cinglants, elle a précédé la caissière dans son addition, a pris la place d‘une autre dans la file d’attente, quelque façon entre le culot et la résignation.. Comme elle doit replonger en elle, dans cet intérieur où elle se veut et se sent digne, elle serre les dents, crispe sa mâchoire, c’est un sauvetage ridicule, elle le sait, la voilà pourvue d’agacements…

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Il a bouffé, mordu du siècle pour morsurer et agacer nos âmes, sa carrière s’est accaparée le cristal. Depuis qu’il ne parle plus, il habite dans les angles, mais a gardé le caractère de ceux qui ont séché leur langue sous l’épaisseur des méprises. Quand il abandonne ce bout de carton durci sorti de sa poche, c’est un refrain de douleur tombale qui va pourrir con contenu dans les rigoles aux tristesses savoureuses. Comme je ne veux, ni ne peux retenir ce mort qui a ma figure, qui s’enténèbre sous d’obliques soleils, je me dis que dans ses boiseries de larmes il a le même exil que moi pour y faner ses crachats.

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Elle manque de cran, d’adoration, tire vers l’arrière ses anciennes pudeurs, quand à vingt ans elle perçait de toutes parts,que le vent dans ses cheveux faisait une vertu d’épines…Ses décombres débouchent sur un horizon d’illisibles ampleurs, ses appels restent muets, rien ne s’oppose pourtant à ses orientations, mais pourquoi accrocher des abeilles à ses robes si personne ne les secoue ?Veilleur tardif, je ramasse ce bout d’aile qu’elle a égaré pour en rogner les ligaments. Là je lis qu’elle aussi a tremblé dans les blanches saisons, qu’un homme avait pris goût à ses heures, d’ailleurs elle garde dans sa chambre le portrait d’un acrobate à qui un missile a bousillé la poitrine.

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Il s’est plaint du ventre quand son beau-père l’envoya acheter du pain et des disques bleus panachés dans des îles de pénitence et de rêveries. Sur la route qui l’emmène, blanc comme un étique animal , il répond à un chat rabougri que sa maison est accueillante, que ses mains sont douces et lentes, qu’elles le caresseront, et que chaque jour que Dieu fait bien ou mal, il lui donnera du lait, du sang chaud venu de ses veines pour y blottir ses craintes en costume d’étalage. Ce n’est que quelques jours plus tard, lorsqu’une péritonite lui déchira les flancs, qu’il noua pour un exorcisme sans étiquette, une cordelette autour du cou de l’animal, pour le descendre à la cave par le soupirail, deux douleurs s’obstruèrent dans une mélancolie prise aux éteignoirs d’après la messe. Le minet ne mourut pas, l’enfant fit un long séjour à l’hôpital, dans la poche de son pyjama par-dessus lequel il avait revêtu son pantalon de velours il retrouva un mouchoir mité et la liste des courses à faire.

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Elle a laissé germer sa solitude aux équateurs du sang, comme un pois bleui aux lunaisons de juillet s’enroule autour d’un tuteur. Elle n’a plus faim, plus soif de l’existence, celle où elle décolle des patrons de vieux magazines pour en faire des dissolutions de jupes et des faux cols en géologie de crénelures. Sa couleur préférée a toujours été le violet, si loin, si proche qu’est sa mémoire, elle lui reste cette inconnue aux profondeurs de saignements. L’amour vivant, elle l’attend, elle l’entend, hélas lui n’a pas d’oreilles, ni d’oreillers pour y crocheter ses saisons saintes, ou alors il ne veut pas de ses baisers creusés comme des dérobades. Ses yeux, il faut bien qu’ils quittent la chambre ; alors sous le léger soleil, elle sort en caraco, elle cherche une tentation, quelqu’un qui pourra flotter en elle. Mais ses crevasses et ses blessures sont si salées, si pierreuses qu’elle ne peut que s’adonner au rituel des pleurs à domicile, trop de taches lourdes comme des médailles plombées sont restées en cloques sur sa peau. C’est sur un ticket de bus qu’elle a écrit le nom de celui qu’elle aima et qu’elle hait maintenant.

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Il dit que c’est dans les saisons violentes de l’âme que la fonte du ciel et la sienne sont les plus lourdes ,qu’elles sont d’une nature à préparer le deuil des insupportables jeunesses, que les prières sont des quolibets, les hommages des pincements, les outrage de sévères franchises Comme il n’est plus dans la besogne de devenir, que plus rien ne lui est d’ordre ou capital, si ce n’est l’amour qui lui noue les entrailles, il pense que sa route est une déformation d’oubli, que les arbres qui la bordent seront des prêtres aux anecdotes insolites, que sa maison sera sous le ciel orangé, rocheuse contre les âpres rocailles, un abri pour ses blessures, pour la rancœur qu’il a encore contre ces filles légères qui circulaient dans le luxe de la métaphore et du beau mobilier. Par la fenêtre de sa fourgonnette, il jette la dernière photo de celle qu’il aima prise à Taormine, et qui l’étonnait du plus mauvais amour qui soit.

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Elle est d’une ère sale et tourmentée. Bien qu’elle ait rendu sa bouche éblouissante, ordonné ses cheveux, soutenu sa poitrine dans un chiffon poudré, ses cinquante berges, elle les ferait passer par la fenêtre si elle jouait la figure d’une qui se voit immobile, inconfortable…Elle a des talons hauts, ses jambes sont des échelles de soie, qui lèvent encore du désir chez les hommes instinctifs de métier, des paroles aussi et qu’elle entend comme une lettre de rapport. Elle marche en souriant à la rencontre d’un quadragénaire qui vendit de la camelote en Asie, lui tend la main pour lui remettre un numéro de téléphone dont elle se défait aussitôt en le froissant de ses doigts gantés. Peut-être que celui-là a déjà fait le coup du bobard luxueux à d’autres, qu’elle le sait, voilà pourquoi elle se retourne et va vers le jardin public, franchit le muret et non la grille, s’assied sur un banc aux bras de tête d’éléphant, puis regrette de n’avoir pas appelé celui par qui l’amour est déjà arrivé, dans l’obscurité d’une province où il faisait bon ce jour-là d’être une femme de cinquante ans et qui ne doutait pas.

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Il a de vieilles habitudes, de vieilles façons, de vieux amis, ces chers revenants qui ont le même espace, la même pataphysique, celle de la droiture et de l’ennui,des points à compter sur un tapis de billard ou sur une nappe sablée où les jeux de cartes finissent en rodomontades,celles qu’ils tournent dans leur bouche comme un noyau de cerise pour ne pas se foutre une cigarette au bec,tant leurs poumons sont bleutés de disques syphilitiques. Dans ce bistrot où se confondent leurs souvenirs et ceux de leurs pères morts d’avoir rempli leurs veines de poussière, chacun est provisoire et il le sait. Je défroisse la page d’un vieux cahier de brouillon,avec un buvard planqué en plein dans son milieu là où les agrafes étaient encore de tissu,j’y lis des aphorismes,des contes,des poèmes,des romans annoncés comme autant d’abus de sa mémoire,les lettres y sont des plaintes en consommes et voyelles,trémas et guillemets,j’y vois les équations de a solitude,ses parenthèses,ses rebellions. Cher fantôme qui me reliez à la mort autant qu’à moi-même, si vous n’étiez déjà mien, je serais vôtre.

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Elle a quinze ans et n’est plus vierge. Elle a le goût du cidre quand elle embrasse et en des endroits plus chauds qu’une témérité,son esprit est un ressort,ses étoffes des carrés de tissu clair,sa taille irait dans un mouchoir,ses seins tout autant. Elle a déteint sur ses amies, celles qui au cinéma sont sur les sièges du fond et bécotent sitôt que la lumière décline,son poids est un geste,une filature de faim,elle dispute à l’existence son entrain d’aller,de courir,d’être. Sur la page où elle ne se doute pas d’être une énigme et le couteau qui l’aiguise, elle écrit tout en envers pour se relire dans le miroir, c’est ainsi aussi que le sang lui va au cœur pour quelqu’un qui s’est entichée d’elle pour d élégantes vagabonderies. Voici ici ses mots qui tendent ses journées dans les coulisses de sa beauté et de ses orgueils.

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Il va dans le vif de la vie comme on chourine une viande. Au timbre de sa voix,on sait qu’il a vingt ans ,dix de délits et dix de pierres,que sa présence est dorénavant lisse,ordonnée,que le chemin qu’il lui reste à faire sera de cette tiédeur qu’on cache comme une timidité. Il n’a pas pris de hauteur, n’en a pas voulue , ne se grise déjà plus que de petites vibrations,de petits souffles,ceux du peson de sa vie qui vacille du matin au soir,et dont la lame centrale ne dévie ni à gauche ni à droite…Son hasard est un étau d’étourderie,d’effets inespérés quand son assurance se froisse pour de absurdes nécessités,culte du bonjour,de l’au revoir. Sa conduite tendue par tout ce qui l’incline à la boucler l’enchaîne à présent dans la terreur d’être secondaire, d’une deuxième main, celle de la maldonne. Ce qu’il jette au devant de lui est une grimace, un rébus, des cris noirs et aigus, des rafistolages posés sur une feuille que le temps va amoindrir de ses funestes signatures. Ces effeuillures me ramènent à mon drapeau, celui du silence et d’un cœur véreux.

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Il est en retraite dans ses mensonges, ses anciennes gloires, quand impudique il était la livrée, l’embonpoint, l’encombre aussi de ces filles légères qui défont leur laine aux plus pur des putrides saisons. Il ne sort plus, ne mange plus, ne va lus au balcon voir les coupes réglées des femmes aux vies sanctifiées, remplace ses miroirs par des toiles sales, finies dans la lumière immobile des soirs sans voyage. Ses volets ont été clos, il se referme, il s’enferme entre ses mains pour des pleurs éclatants. Il n’a plus l’œil rond, agrandi aux figures que dessinaient les jambes de nonnes perverses sur les trottoirs des maternités à rendre au domicile des parturientes fatiguées de nouvelles naissances. Il a laissé grandir en lui le faux témoin de son humanité, de son théâtre aux courbatures de stucs et de mollesses. Cette autre rangée de signes témoigne qu’il a encore à faire dans son intérieur, là où il a mis le ciel en traverses,et sa terre à plat pour y battre le tambour d’un nouvel âge.

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Elle s’est corrompue en larmes et boiteries d’un cœur impétueux, en sirotages, en abîmes approximatifs, sans se départir des efforts qui font le carrefour de toutes les existences. C’est une besogneuse, une chercheuse de nuptialité, elle a eu des libertés, des libertinages, des rayons d’impudeur pour de hommes amaigris de voyages imaginaires,des hâtes aussi,des désespoirs calleux. Embourbée aujourd’hui dans une tristesse d’insecte qu’on veut gazer, elle ne s’anime plus que pour de poussiéreuses haltes, des nimbes inconsultées, des ondulations d’orvet indisposé par le soleil. Ce qui lui revient n’est pas encore à son terme,les vieilles douleurs argileuses comme une sombre nourriture lui creuse sa terrestre couche,une béance,un séjour vitreux parmi des morts,l’incalcinable nombre d’insomnies où elle s’étiole dans des périls,ces vilebrequins aux manivelles verrouillées. C’est un cerveau pris dans un bastion d’amertume, un solstice sans œil central, sans quelqu’un qui la regarde, c’est en cela aussi qu’elle est trop lourde d’elle-même.

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Il revient d’un concours hippique, sans hourras, sans étreintes,a pris le parti de la perte,de celle avec laquelle on traite sur un pied d’égalité,comme avec une compagne qui marche contre notre cœur. C’est un indépendant, un rustre, un solitaire qui vieillit en s’éteignant aux choses de l’amour. Il n’a plus de vigueur, sa fatigue est un bouquet d’orties et d’ancolies mêlées,sa clarté vaut ses mensonges autant que l’obscurité où il prend les tangentes pour des crabes aux pinces d’airain. Comme il s’est convenu à des pornographies, des inconvenances, se sont émiettés ses querelles enfantines, ses fables assoupissantes, ce qu’il ne lira plus. Maintenant qu’il sanglote à ses antipodes, il serre sur son cœur des fioles aux acides parfums, des fillettes aussi pleines de redoutables alcools ; l’eau n’en a jamais été plus amère et de demi mesure.

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Elle s’est échelonnée sur des bottines à dix balles, chuchote à chaque étage que sa famille est dans la peine, que sa famille la dévore, qu’elle la bouffe, la croque jusqu’à en faire une rumeur dans un désert. La voilà à sa fenêtre, défaillante, sa grâce est une médecine enrichie par les couleurs du voile qu’elle met dans ses cheveux, une mantille anthracite est posée sur ses épaules. Faut-il que des ombres ouvertes comme des intentions d’herbe lui viennent à l’esprit,que des nourritures insanes soient sa littérature et son vocabulaire,doit elle se taire et se terrer,elle l’ignore ?L’amour,ses amours ont été trop souples,trop tendues,trop souples,trop étroites,trop soupesées aussi. Il ne lui reste que de vieilles photographies gainées de fleuves aux ports d’attente, hors d’atteinte sur lesquelles elle se penche, les yeux à demi clos, puis en fait des origamis qui partiront dans le faste des flammes.

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 Il est le vieux loup à la barbe roturière,rouille dans sa pelisse, bien qu’il ait respiré toutes les latitudes et longitudes ignorées des quinquagénaires bouffeurs de proses,de pauses et de pousses venues des arbres morts. Comme il ne rencontre plus que ceux qui sont terreux,enfoncés dans un âge qui s’éclairent de disparitions,il a pris le pli de la petitesse,témoigne de ses monogrammes sur des cahiers qu’il avait en aversion dans son enfance de bleus et de balconnets incendiés par les filles malicieuses. Il y notait déjà le ventre des croupières drapées pour des cérémonies de nuit, qu’il était un enfant épars et éparpillé dans le cirque de ses petites contrebandes, ciseaux, puits, couteaux, cibiches à dix centimes dont il se satisfaisait avec cette défiance qu’il aura plus tard, lorsque planté devant un arbre cardinal, il voudra écrire le nom de son aimée avec des insectes qu’il avait saignés,écrasés,travestis pour un parafe automatique.

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Elle a démantelé ses poreux occiputs, ce qui lui venait en idée, en larmes , en cire, en croûte biseautée et en anacoluthe, comme une pluie d’erreurs en plein visage. C’est une trentenaire atteinte de noble fraternité, de celle qui rend le cadeau caduc, l’offrande à mettre au rebut, la girouette à déplumer. Elle ne franchit le seuil d’aucune porte, les portes donnent sur le tort et la déraison. Sa gorge est restée a belle, douce avalanche, ses lèvres sont encore dans la désinvolture, se plissent en bel oblique. Bien qu’elle ne soit plus la fille chérie pour ses girations, ses rotations, ses coups avec mon ami Dédé, elle s’est grillée dans des archipels par son trop plein d’agitations, c’est ainsi qu’elle s’est dessaisie de ses belles enseignes. J’y pense parfois comme à cette rousse qui dansait dans un bordel d‘Amsterdam en s’enroulant autour de vieillards mal apprêtés, puis descendait sur les avenues se bander en ballets incendiaires, aveuglée par sa transparence et notre bonheur de rire de ses arpèges, de ses chienneries comme autant de pointillés sur la route de nos quarantaines.

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Il est d’une antiquité de mots et de grammaire, ces vieux qu’on chérit parce qu’ils jouent des sonnets que nous comprenons encore. C’est un déverseur d’orages, un alvéolaire de la première heure, un va tôt dans la ville pour y saborder ses souffrances dans les bars à putes aux humbles certitudes et inconforts ; c’est là qu’il s’impulse de strophes et de refrains rudimentaires, qu’il emportera dans sa nuit pour en faire des colliers de larmes et de consentements. Masse jetée au monde du matin, avec ses sombres périphéries, ses prismes adroits, ses pièges absolus, il porte à ses lèvres un café froid, flaque de flotte brune comme les mois d’économies de morts, comme une écume baveuse, inaccoutumée. Mes yeux encore blottis d’enfance l’envisagent tel un homme qui aurait gravi des montagnes, pour en descendre dix ans plus tard avec les tables de la loi et de l’oubli entre ses mains, tables où se seraient tressés des mots, tracés eux-mêmes, et qui diraient notre dette entretenue à son encontre, nous les faussaires jamais déférés devant nos pairs pris dans la phtisie des gestes mensongers et des tendresses appuyées comme le plus cinglant des outrages.